Warmania Forum
Le Conte De Noël 2007 - Version imprimable

+- Warmania Forum (https://warmania.com/forum)
+-- Forum : Communauté (https://warmania.com/forum/forumdisplay.php?fid=17)
+--- Forum : Créations personnelles (https://warmania.com/forum/forumdisplay.php?fid=112)
+---- Forum : Récits et Poésies (https://warmania.com/forum/forumdisplay.php?fid=117)
+---- Sujet : Le Conte De Noël 2007 (/showthread.php?tid=4719)



Le Conte De Noël 2007 - Xavier - 30-12-2006


- Miroir, mon beau miroir, suis-je toujours la plus belle ?


Comme chaque jour depuis des années, Blanche-Neige ressentait le besoin obsessionnel de poser cette question dont elle connaissait la réponse qu'elle souhaitait entendre encore et encore. Et comme chaque jour, le miroir magique, hérité de la reine cruelle qui avait autrefois tenté de la faire disparaître, lui renvoyait son propre reflet. Blanche-Neige était et restait la plus belle femme de toute la terre et pourtant elle ressentait, en même temps que la satisfaction teintée d'orgueil qu'elle en retirait, la sourde angoisse qui avait probablement étreint la reine en son temps.


Elle revint à la réalité au doux contact de la main posée sur sa nuque; elle se retourna pour enfouir son visage dans l'épaule consolatrice de Cendrillon.


- Ne consulte plus ce miroir Banche-Neige. Un jour ou l'autre tu le regretteras. Un jour ou l'autre, ta beauté se fanera et il te révélera le visage d'une autre femme. Que feras-tu alors ? Chercheras-tu à la tuer tout comme la reine a cherché à te tuer ? Deviendras-tu le bourreau après avoir été la victime ?


Elle prit le visage de Blanche-Neige dans ses mains. Son visage était très pâle, plus encore qu'à l'accoutumé, sous sa magnifique chevelure de jais. Dans ses yeux noirs d'une profondeur sans pareille, ses pupilles étaient dilatées à l'extrême. Leurs lèvres douces et tièdes se pressèrent dans l'un de ces moments passionnels et fusionnels où elles avaient toutes deux l'impression de ne faire plus qu'une, de s'être pleinement accomplies au-delà de toutes les épreuves qu'elles avaient enduré l'une et l'autre.


Cendrillon aida Blanche-Neige à s'étendre dans l'accueillant fauteuil de velours rouge, retroussa sa manche et serra le garrot de caoutchouc autour de son bras, à quelques centimètres au dessus de l'articulation du coude. Derrière elle, un nain était entré. Cendrillon n'avait jamais compris pourquoi sa compagne s'était entichée de ces détestables gnomes barbus et puants mais il fallait leur reconnaître quelque utilité et qu'ils se montraient serviables – quand on les battait suffisamment. La grotesque créature apportait dans ses bras une boite de bois finement ciselée et délicatement ouvragée que Cendrillon ouvrit avant d'en tirer une longue seringue emplie d'un liquide clair.


Elle ressentit à son tour l'extase quand, après avoir injectée une moitié du précieux mélange dans les veines de Blanche-Neige, elle se fut octroyée l'autre. Elle tomba à terre, le front posée sur les genoux de celle qui, enfin, lui avait donné le véritable amour à un moment de sa vie où elle avait désespéré de jamais le rencontrer. Combien d'accidents de chasse avait-il fallu organiser pour se débarrasser de son prince charmant ? Quatre ? Cinq ? Il s'était montré combatif. Pour celui de Cendrillon, les choses avaient été plus simples : elle aurait du penser plus tôt à la savonnette dans l'escalier.


Son esprit vagabondait à travers les brumes du paradis artificiel qui avait achevé de faire d'elle une femme comblée. Du moins l'avait-elle cru avant de réaliser que le pouvoir appelle le pouvoir et que sa quête était nécessairement sans fin. Les royaumes voisins s'étaient tous inclinés les uns après les autres devant leur suprématie expansionniste; à l'exception de celui, allié depuis les origines, de la Belle aux Bois Dormant qui faisait régner sur ses propres terres une tyrannie arbitraire et sanguinaire et dont les geôles du sinistre palais étaient emplies de prisonniers politiques ou de simples miséreux qui avaient osé, d'une manière ou d'une autre, défier leur despotique maîtresse.


Cendrillon se releva et, d'une démarche mal assurée, revint se placer devant le miroir magique.


- Miroir, mon beau miroir, qui est la plus volontariste ?


D'opaque, le miroir redevint translucide tandis qu'à sa surface, apparaissait le corps frêle d'une créature étrange qui ne devait pas mesurer plus de trente centimètres de haut. Son corps était celui d'une jeune fille superbe aux proportions exquises et à la peau d'un rose délicat; ses mèches d'un blond doré encadraient un visage éclatant de santé au centre duquel brillait deux grands yeux bleus pétillant d'intelligence et brûlant d'une volonté féroce; deux grandes ailes semblables à celles d'un papillon flottaient doucement derrière elle qui ne semblaient pas être rattachées à son dos en aucune façon; Un longue natte de cheveux descendait le long de son reins, se balançant joyeusement sous l'effet d'une onde invisible; ses bras parfaitement dessinées étaient nues, révélant, sur l'épaule gauche un large tatouage rouge vif : un marteau et une faucille croisés qu'entouraient les mots "History is bunk !" Dans chacune de ses mains souples et fermes, elle tenait un pistolet mitrailleur dont le canon portait la mention "made in Israël".


Alors que le miroir s'opacifiait de nouveau, le nom de la créature, un nom que Cendrillon ne connaissait que trop bien, retentit dans son esprit.


Dragée. Dragée et son drapeau, Dragée et son emblème, Dragée et ses troupes de guérilleros prêts à tous les sacrifices pour faire triompher leur idéal dément, Dragée et sa révolution nationale-bolchevique qui ensanglantait la Forêt des Gentils Animaux et déstabilisait le régime corrompu et décadent de Bambi, cet imbécile incapable de mater une rébellion pourtant insignifiante.


- Blanche-Neige, ma chère Blanche-Neige, voilà quel est notre véritable problème.