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Omnia Vinct Machina - KDJE - 07-06-2006


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<b>21. Le chapelet ambrien</b>



Mais Spa le sait, bien qu'il ne devrait que le pressentir, il le sait depuis longtemps.
<i>L'Imperium n'est plus qu'un rite vidé de son Empereur-Dieu !</i>

- "Pourquoi te révéler tout cela, Frère Spa ?" a-t-il interrogé Fitz-Osbern. "Et bien... La caldera est difficile à cacher." lui a évidemment répondu l'apothicaire.

Spa le sait depuis que le privilège du grade et des ultimes exploits des Scythes lui ont permis de quitter l'agonie de son chapitre pour se vouer à la Deathwatch, de choisir d'y cacher sa fin, son combat contre lui-même. <i>Je suis son ange depuis longtemps.</i> accepte-t-il enfin la familiarité avec laquelle l'inquisitrice l'a presque infantilisé .

Et l'Inquisition a accepté le don Spa.

Son carillon l'a extrait de la lune d'Eb.

Fratricide frère Spa.

Par les paroles de Fitz-Osbern, il vient d'entrer dans un monde radicalement différent. Un monde où le Warp n'est pas qu'un sermon brandi au sommet d'une chaire ou les forces invisibles griffant les vaisseaux, un monde où le déconditionnement des fils de l'Empereur entraîne la plus effroyable des vérités. Il le sait plus qu'il ne le pressent. <i>Précognition empathique de psycher ?</i> Tous les humains qu'a croisé sa vie étaient façonnés par cette même fondation, ingrédient de base de l'Humanité depuis plus de temps qu'elle n'a jamais vécu. Or, <i>cette désespérance, ici, est absente !</i>

L'apothicaire des Sand Wolves sait où il veut le mener. Envolant la fine couche de poussière, il tape du talon le sable durci par le manque d'eau, désigne ce sur quoi ils dînent, ont posé leur table, cette base, leurs vies.

- "Au début des temps, ce monde était sans doute un atelier cosmique, une sorte de fabrique stellaire, on y enfantait la galaxie. Sophia Carillon te dirait qu'il y eut tellement de périodes sombres dans la traînée généalogique de la ou des Maisons de Navigateurs qu'il est impossible de savoir quand il fut découvert, combien de temps ces Navigateurs l'ont caché. C'est classique de Sophia, de sa formation, juste pour détourner l'attention de l'essentiel : aucune conscience n'anime l'entremêlement de cette... planète endosolaire à coeur de Warp. Si elle servait jadis d'outil à de grands architectes, si elle n'était pas naturelle, elle l'est devenue. Ambra Prima est inhabitée depuis des milliards de milliards d'années, depuis sa lente dérive depuis le centre galactique jusqu'à ce confin du Halo. Elle est une preuve suffisante. Rien n'y résisterait, surtout pas l'Imperium. Sans doute pour cela l'Empereur y a envoyé mes ancêtres, pour la préserver. Et, crois-moi..."

Spa a choisi d'y croire, sans l'aide du pistolet plasma de Carillon. Il lui fallait juste cracher sa peur, l'empaqueter, la jeter dans le bidon dans lequel avaient brûlé les restes d'Alvare, de Podfila et de Ledus.

"...Les gouffres d'ambre se sont révélés être des formes de portes, de fuites, sans logique. On peut y vivre comme y mourir. Les eldars, qui occupent l'une d'elle, nous ont certifié que ces portes n'avaient rien à voir avec les leurs..."

- "Quels eldars ?!" relève Spa avec stupeur.

Chez les impériaux, ceux des institutions supraplanétaires notamment, même chez les xénophiles de la Deathwatch, Fitz-Osbern sait que collaborer avec la vermine non-humaine leur est toujours plus dure à avaler que de dîner sur une bombe planétaire thermo-nucléaire, tailladée de surcroît par la dimension parallèle et mouvante de ce Warp que personne ne maîtrise. Mélanion avait accueilli cette amertume comme un défi de rhétorique théoricienne, et l'occasion de boire beaucoup de vin. Spa, aujourd'hui assis à la même place que Mélanion, l'accueille à sa manière, comme un guerrier en réfection que l'effondrement de la galaxie finirait par satisfaire, si il ensevelissait également sa faux et surtout ce qu'il lui en tient de manche.

- "Frère Spa, rien que sur cette planète, on compte une soixantaine de ces gouffres tapissés d'ambre, de toutes tailles. Sans aucun doute, là-aussi tu peux me croire, il y en a plus, bien plus. Il s'en cré, s'en ferme quasiment chaque décennie, mécaniquement, au gré des soubresauts erratiques du Joyau. Les plus grands, les plus vieux, furent l'objet d'une garde permanente. Fortifiés, habités, exploités même, ils devinrent les Citadelles. Nous, Wolves, en tenons trois."

Spa assimile d'un hochement respectueux.
<i>Trois sur soixante, et ils semblent maîtres de ce monde...</i>

"Mais au-delà," a continué Fitz-Osbern, "on compte déjà six autres planètes affichant cette anomalie de noyau. Les wolves n'ont jamais quitté ce monde, se sont contenté de le défendre. Ambra Prima meurt, Frère Spa, depuis deux millénaires, le Joyau endosolaire s'y résorbe. Peut-être a-t-il atteint la fin de son voyage, ou peut-être communique-t-il, fait-il partie du chapelet de planètes qui lui ressemblent et que les inquisiteurs nous apprennent de mieux en mieux à déceler ? Nous sommes encore trop peu à nous y consacrer."


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<b>22. Algr rebelle</b>



L'<i>Imprematur</i> sommeille à l'orbite d'ancrage d'Algr-la-blanche. Depuis trois mois que Lore Blackburn y a ramené les rescapés de la lune d'Eb, sa principale source de travail fut de transformer son bureau en un chevalet de peintre. Et le tableau prend forme. Le convoi polysémique de sa croisade, ses réquisitions composites : regroupé et enfin organisées ; son propre réseau d'agents en Orient : amorcé, centralisé, bientôt relayé sur Kar Duniash et peut-être même Maccrage. Contemplant les parois de sa cabine, les parchemins et scans qui en couvrent déjà une bonne partie, Lore admire sa palette comme on félicite son propre reflet. Il en oublierait presque les dizaines de vaisseaux de tous types dont les lumières animent paisiblement les hublots et baies de ses quartiers ouverts sur l'espace. Ces vaisseaux forment son troupeau, concrétisent sa place. L'arrière-plan orangé de Phalage, géante gazeuse dont Algr n'est que la sixième lune, renforce l'alerte que désormais Lore devine incarner dans l'esprit de son gibier encore volatile. Il sut composer avec Talasa Prime, dessiner plus que des contours. Bref, exposer sa présence, comme une explication insuffisante, une armée désaffectée, mais mortelle. Son armée.

Oui, cette toile serait la définition de l'artiste, si sa peinture à peine sèche n'était déjà mouchetée par de méprisables insectes ne cherchant qu'à s'y encoller, y piéger le pinceau pour en gâcher l'assurance et la fixation des couleurs. La situation s'est dégradée sur le monde-chevalier d'Algr. C'est même peu dire.

En tech, les trois millions d'algras nomment cette saison le wetmoon, presque la fin de l'automne, sa mousson. Le 12 des semailles, les arbitrators de Baro ont été bousculés, le chantier de leur fortin dévasté par une émeute violente. Le 17, c'est la chapelle d'étape de <i>ma</i> sororité militante qui a subi la contestation des indigènes. Le 18, des barricades étaient élevées dans les principaux sihns urbains, isolant les camps de toile de <i>mes</i> gardes impériaux. Emeutes. Négociations. Le 22, le sihn-forge, pourtant accepté sur Algr depuis presque douze siècles, s'est ouvert à une foule en armes, brandissant les têtes des technoprêtres qui avaient voulu servir d'intercesseurs entre le sénat algras et <i>mon autorité</i> !

Le 23, toutes les bases arrière de la croisade sont attaquées, le colonel chef des camps égorgé par un parlementaire. Sur tout le continent hors-glaces, les titans chevaliers courent dans les plaines et les vallées, quittent les bahsihns de défense planétaire pour converger vers les grands sihns urbains et Sihnatih, la capitale. On se bat. C'est une guerre, une insurrection. <i>Le bourdonnement d'une mouche !</i> L'astroport de Sihnatih est perdu. Partout, on tire à vue sur les impériaux, <i>mes croisés !</i>

Lore a interdit la riposte orbitale : "on n'écrase pas un bousier en mettant le feu au pré !"

Qu'importe ce qu'en pense le sénéchal Rudd, qui vient de lancer ses marines en frappe directe sur le Principio Imperator Sihn, quartier général de la défense du territoire, véritable ville fortifiée dans la ville de Sihnatih, la léthalité d'une armée se forge dans le sang, souvent même le sien.

Exposer par l'exemple.

Toutes les unités militaires terrestres de la croisade ont trouvé leur creuset, ordonne Lore Blackburn. Il ajoute, même s'il n'en pense pas un mot :

- "Ceci n'est pas un exercice !"

Dans le crâne de son titan-chevalier, Uthir Fashbhetirn Mahssen Sihn d'Algr distingue enfin les faubourgs de Sihnatih, derrière eux l'imposante muraille énergétique de Pi-Sihn, la cité gouvernementale. Le Princeps a mené son bipode depuis la banquise océanique. Son escorte se déploie sur deux lignes, pénètre par les ruelles déjà ruisselantes de pluie que borde, dans chaque maison sur pilotis, une population qui l'ovationne. Ce soir, dans le palais de ses pères, il fera peindre les cinq bagues blanches sur le canon de son titan paladin, pour les cinq chimères et les prétentieux qui ont commis l'erreur de croiser son chemin, d'heurter l'ordre de l'Algrknight, son père.

La mousson est une douche fraîche, oxydée de carbonates, et drue. Uthir, parce que c'est son monde, sait qu'elle va oindre le continent hors-glaces, amollir sa surface et muer son sol en boue sur plus d'un mètre de profondeur, pendant quatre mois.
<i>Ici, les tombes n'ont pas besoin d'être creusées !</i> promet-il à ceux qui l'ignorent encore.

Et ils sont nombreux, à s'empresser de débarquer sur Algr-la-blanche.


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<b>23. Gens Irredente</b>



Le croiseur rapide a rejoint la route de l'<i>Irredente</i> et du <i>Fatalitas</i>, le vaisseau-espion. Avec la faible escorte des Cobra, toute la puissance spatiale Predarchangels est là, dans ces six navires en blindscape que rattrape l'<i>'Irredente Fili</i>. La flottille, écrin puissant de l'Orbe Bronze, est insérée dans un convoi, longe les ultimes éclats de l'Astronomican. Par sauts de frôlement, ils reviennent du sud-est galactique, de cette Faille de Perdros qu'ont appris à craindre les Navigateurs des Maisons de l'Orbe Obscure comme les "coolies", les libres-capitaines ralliés à la mission clandestine la plus irrévérencieusement ordonnée par l'Infirme dans ce dernier demi-siècle. Et contempler ici les quatre vaisseaux lourds, leur aéropage d'escorteurs, prouve la réussite de ce transfert insolite, qui vaudrait le peloton en application de l'ordonnance 666 de l'Adeptus Mechanicus n'importe où dans l'Imperium. Un croiseur de classe Il'Fannor et deux de classe Lar'shi ouvrent la marche, tandis qu'un Gal'leath trône entre les sillages des coques de bronze.
<i>s'il découvre un jour ceci, Lore Blackburn va se régaler !</i> soupèse Ian-Alec.

L'échange astropathique dure peu. Le temps d'actualiser les banques de cristaux de données du croiseur rapide de l'inquisiteur-maître de l'Ordo Malleus, de l'informer que l'Infirme n'est pas à bord de l'<i>Irredente</i>, d'annoncer l'absence d'obstacle au retour de Perdros. Pensif sous sa chape de bure, Ian-Alec-le-Ténébreux abandonne bien vite ces pictogrammes sur l'écran du longscan. La véritable cargaison de ce convoi clandestin est déjà loin devant sa route, quatre à cinq fois plus loin, emportée par les coolies bondés mais plus rapides. Des milliers de tau, de toutes castes, dans des dizaines de cargos humains. Ils voguent vers Ambra-Septime.
<i>Faire flèche de tous bois.</i>

Comme le chapelet ambrien, la galaxie n'est qu'une horloge. Un compte à rebours.

L'<i>Irredente Fili</i> saute vers une faille possible. Le Warp ralentira son temps de bord. Peut-être même le vaisseau parviendra-t-il là-bas avant ces mercenaires achetés au prix de la première enclave tau des mondes d'ambre.


- "Je me méfie de ces éthérés comme de la peste de Nurgle !"

A bord de l'astéroïde greffé d'une base, indécelable dans la myriade de roches errantes qui constitue la Grande Ceinture des Tessons du système Ambra Solis, l'Infirme accueille dans son cabinet le pacha de l'<i>Irredente Fili</i>, propose un fauteuil à son mentor. Le bois massif du siège craquète sous le poids de l'armure Terminator pour lequel il a été prévu. Ian-Alec-le-Ténébreux salue d'un lever de bure, privilège rarissime, le Seigneur-Inquisiteur Juan-Erik, kan-duk d'Ambra-Prima et Premier de l'Orbe Bronze ; mais l'Infirme a déjà vu maintes fois ce qu'il demeure du visage de l'Urne et n'y prend plus garde.

"...Evidemment. Comment ne pas s'en méfier." plonge Juan-Erik dans le faisceau permanent des conjectures, jamais apaisées, qui l'ont élu plus qu'imposé arbitre du destin oriental.

Avec un hochement dubitatif rappelant son opinion sur ce jeu dangereux du convoi dont il est le seul, avec l'Infirme, à partager la substance, Ian-Alec pose la lourdeur de son scaphandre dreadnought, sans doute aussi tout ce qu'il renferme. L'éclat de chitine qu'il jette sur la table pue encore le tyranide mort.

- "Charmant terrier dont il ne reste plus qu'anneau de graviers autour d'Eb Majoris..." murmure sa gorge asséchée.

Juan-Erik a ôté les gants de cette armure terminator qu'il ne quitte jamais, lui non plus. Les deux hommes sont de la même expérience, brûlent sous le fer du même Tisonnier. Le kan-duk regroupe les stylets, rassemble les parchemins devant lui. La peine d'offrir de quoi se restaurer ou se désaltérer, Ian-Alec l'en a dispensé depuis longtemps, avec même un sourire qui en disait long sur l'acceptation de son état. Mais il y a encore quelques baguenaudes qui le font rire :

- "Arêtes odoriférentes des longs-sharks pestini, nervurées aux tabacs de Praïm IV, roulées dans un fragment de la déclaration d'indépendance de Justinus d'Ogolnate. Le coffret est devant toi."

- "Merci." apprécie Ian-Alec en saisissant un cigare dont l'os spongieux a séché autour des fibres végétales. <i>Justinus d'Ogolnate...</i> lance-t-il vers l'esprit déjà complice de la réminiscence amusée.

- <i>Oui, la lune d'Eb ne va pas nous laisser semblables souvenirs.</i> reprend Juan-Erik. "Où est-il ?"

- "Dans la mémoire visuelle récente d'un capitaine des Scythes of the Emperor."

- "Spa. J'ai lu. Un bon élément, comme la Deathwatch peut en sublimer. Tu es sûre de l'exospection menée par Carillon ?" désigne-t-il un des rouleaux qui couvrent le bureau.

- "Plus sûr d'elle que du frère-capitaine."

- "Ian, tu me l'as dit assez souvent : tu ne seras jamais certain que c'est bien ta fille."

- "Mes souvenirs d'Avnore III ne sont pas à fumer, Boiteux, toi et moi on ne se connaissait pas encore. Ni à fumer, ni à partager. Pas de test génétique possible, donc je ne saurais jamais, tu ne sauras jamais, elle ne saura jamais. Sa mère, seule, pourrait le confier à l'Empereur. Et l'Exilé ne m'a rien dit. Sophia ne s'est pas trompée."

- "Tu as fait prendre bien des risques à l'<i>Irredente Fili</i>."

L'Urne souffle une bouffée bleutée dans la pénombre du cabinet, dédoublant la saveur boisée d'un parfum de plage cuite.

- "Mais maintenant nous savons."

Croisant les doigts sur ces rapports maintenant révalués de moindre importance, Juan-Erik plonge à nouveau son regard dans les conséquences encore invisibles de ce qu'ils redoutent tous deux :

- "Echo fidèle de l'ombre qui s'éclaire pour se cacher. Si près de nous. C'est régurgitant."

- "Le Magos a la ruse de son maître. Sophia n'a fait que confirmer. Le protocole de Woence, je l'ai perçu, sans translation. Interdit depuis quatre mille ans... Woence..."

Juan-Erik console d'un roulement de lèvres sur ses dents.

- "Ils n'ont pas oublié. Mars n'oublie rien."

Ian-Alec appuie cette constatation d'un baisser de front presque funèbre :

- "Donc, je l'ai vu moi-aussi, quand nous avons plongé vers la mine d'adamantium de cette lune d'Eb ?"

- "Oui, le <i>Tullianum</i>, affairé à extrader l'Indécelé. Si près de nous."

- "Certes, il est maintenant plus difficile à atteindre, mais toujours atteignable."

- "Ian, c'est pour ceux qui désormais l'entourent que je crains."



> Aller plus loin avec le post :

Hologramme préparatoire au Tryptique des Gemellions, miniature représentant le Seigneur-Inquisiteur Juan-Erik. Reposoir d'art profane de la Basilique sous-marine de la Contemporalité, Talasa Prime. Sculpture sur coraux, auteur Collectif monastique des pénitents, dat.estim.meso-M41.

> Extraction des archives du Concile <i>alpha Tau/Dalmuertus : cécité ou sécession ?</i>, organisé par l'Ordo Xenos de Talasa Prime en 996M41, peu avant la date officielle LiA [lost in action] du Inq-Lord J-Erik, auteur de ce propos : "Qu'importeraient les demandes de Mars aux soeurs du dialogus et à nos xeno-analistes si ma théorie ne tenait qu'en une phrase : le symbole stylisé qui identifie les Tau ressemble fichtrement à un scarabée !"


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<b>24. Noire est l'illumination du temple</b>



Mokhc n'écoute plus. L'escorteur de classe Gladius leur colle au train, et la dernière manoeuvre, osée, du <i>Comrade</i>, un trois-quart looping défreiné babord, ne l'a pas arraché à la mire du navire émettant la livrée Black Templar : le <i>Blanca Crux</i> a couplé sa trajectoire avec une rétroaction suffisante pour se réinsérer dans l'angle de poupe.

Car, même après contrordre, le bousier n'a pas de pré enflammable.

Pour le maigre prix de quelques villages calcinés, les premiers bombardements orbitaux en frontières de banquise d'Algr n'ont que renforcé l'inondation continentale qui a envasée, sans prélude et dans l'humiliation, les troupes au sol du Seigneur-Inquisiteur de l'Ordo Hereticus. <i>La pyorrhée protège la pourriture !</i> Lore Blackburn a donc changé de plan, déchaîné sa flotte disparate du mouillage chevalier. Elle chasse maintenant sur cent-quatre-vingt années-lumière de rayon. Des duels comme celui que vit le <i>Comrade</i>, bien des cargos rebelles à l'ordre de réquisition en font depuis le butin. L'astropathe en a le front rougi.
<i>Recrutement large. Objection inutiles. Duels sans espoir de fuite.</i>

Au règne de la sommation répond la défiance et l'intérêt contradictoire.

Les témoins du bouclier flambent une nouvelle fois dans la pénombre d'alerte de la passerelle, tirent un peu plus les traits du libre-capitaine Mokhc. Son poing blanchi et crispé sur le rouleau de licence obtenue à grand peine, autrement dit à grands frais, sur Kar Duniach, l'imagination manoeuvrière du Pacha commence à se tarir. Même le navigateur le sent.

- "'faut les désaligner ! Trouver une rupture de saut !" se motive Mokhc.

- "Ils vont nous détruire." avance le lexmecanicus en cherchant appui dans le regard de Sophia.

- "Ils auraient déjà pu le faire trois fois." a déjà jaugé l'inquisitrice. "Mokhc, c'est une réquisition impériale, appliquée à un libre-cargo sous licence impériale. Vous pouviez tenter, vous ne pouvez pas perdre à ce jeu."
<i>Je ferais ce que je peux.</i> s'efforce-t-elle de rappeler dans le ton de sa voix, la persuasion de ses yeux.

- "La passagère a raison." s'ajoute le nouveau second du <i>Comrade</i>.

Sophia remercie Marquis d'un hochement grave, mais reconnaissant. Il n'a rien dit jusqu'à présent, malgré la confiance acquise auprès du pacha depuis quatre mois que Mokhc a rouvert une route solvable, déjà routinière et teintée d'extras, comme ce branque non-agréé qui profitait de l'interlicence. Les torpilles si rares du <i>Comrade</i> lui ont fait rétrocéder l'exclusivité de la ligne. Apprenant l'escarmouche, Sophia s'était mise à rêver d'un deuxième taxi, mais Mokhc avait préféré couler l'usurpateur et conserver son équipage raffermi de ses nouvelles recrues.

- "Morcelées soient les glaires de l'Empereur !" abandonne Mokhc en jetant le parchemin alourdi de sceaux. "Barre à vingt, moteurs en panne ! On va tous mourir pauvres !!" quitte-t-il, furieux, la passerelle.


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<b>25. Wetmoon</b>



A la surface d'Algr, prises subitement dans la gangue, les drop-zones en périphérie des villes ont vu s'enfoncer Leman Russ et chimères parfois jusqu'aux tourelles, figeant des poches de permissionnaires, de réparation et d'alterproduction, désormais sur la défensive et irrégulièrement bombardées, piétinées, par les titans-chevaliers.

Ceux des sihns usent de raids, ne craignent pas cette pluie entêtante qui masque tout, pourrit tout, et d'abord le moral.

Dans les avancées urbaines, ce fut pire. Le cauchemar revint à tomber des pilotis, le mot d'ordre à les incendier, rompre par le feu toitures et planchers. Les arbitrators de Baro avaient lancé la mode. En quelques jours, les îlots inflammables prirent autant d'importance que les bonbonnes de prometheum qui pouvaient les ravir à cette excécrable pluie de mousson. La moindre masure devint l'enjeu d'escalades improbables, chaque escalier la frontière d'un front dispersé, ingérable, déjà perdu pour l'état-major du XXXXIIIème Alavir, relent du régiment de la Garde Impériale du même nom.

Ce régiment, réquisitionné par Blackburn sur son propre charnier lors de la contre-offensive, ratée, des Factions Romurhéennes, est à nouveau accusé de n'avoir pu sortir les frères d'épée de la cité gouvernementale. Pi-Sihn s'est refermée sur les commandos d'assaut Black Templars, acculés à défendre les drop-pods qui ont percé les toits ornementés des cathédrales administratives. Des cadavres d'anges de l'Empereur pendent depuis sur les murailles extérieures, baissent les binoculaires des impériaux. Une demi-compagnie. Rudd est hors de lui, fait agrapher et pendre une relique de plomb sous sa lèvre inférieure ; seule la rage qui lui fait serrer les dents et soulever cette chair lui permet désormais de parler distinctement.

Des unités relevées de l'autorité de l'Adeptus Terra comme ce XXXXIIIèle alavir, il y en avait plus d'une demi-douzaine, jetés d'orbite sur Algr-la-blanche comme on assaisonne une crème glacée trop aigre. Après vingt jours de répression officielle des évènements, il n'y a plus de celles-là que les Ier, IInd et IIIème Blackburning Crusader, réorganisation là-aussi officielle recouvrant cependant des centaines de poignées de combattants groupés autour d'une radio, d'un char, d'un immeuble isolé, d'une cave sèche ou d'un réseau de trous dans un sol plus pierreux qu'ailleurs. L'opérationnalité de ces nouvelles unités n'est qu'administrative. Les rats, gras, sont plus faciles à ravitailler.

Terrible automne que ce wetmoon sur Algr. Seuls les land speeders et les marines d'assaut Black Templars surent y maintenir un soupçon de pression assaillante, concentrée sur les centrales pluviales gavant d'énergie les boucliers urbains qui protègent les sihns majeurs de tout bombardement. Mais les turbines isolées ou détruites par ces escouades d'élite n'ont pas suffi à desserrer l'étau qu'Algr impose à ses visiteurs inopportuns. Tous les autres croisés, presque un quart de million d'hommes, ne purent qu'y perdre leur santé ou y défendre leur vie, leurs armes, leurs convictions.

Et la pluie cessa.

Déchenillées ou pas, les chimères sont attelées aux Leman Russ plus puissants, seule manière de préserver à la fois le carburant et, pour les unes comme pour les autres, une traction de secours en cas d'ornière trop profonde, de terrain trop glissant, de crevasses, de fossés. La pluie qui a miné les terres, les vents en masquent maintenant les pièges plus rapidement qu'une nuit qui tombe. La vague de froid qui débute l'hiver a la fulgurance et l'efficacité d'une bonbonne brisée d'oxygène liquide. La glace brûle ce qu'elle touche, fixe, éteint. Au nord de Sihnatih, on rapporte que les hommes meurent en pissant, pris par le vent, leur cadavre tenu debout par la demi-arche de leur urine glacée. Dans les sihns des grandes plaines, les équipages de chars font brûler les uniformes, parfois les morts eux-mêmes, sous les canons et les moteurs, de peur que les affuts se fendent, les obus se déforment dans le canon. Forêts et haies gorgées d'eau deviennent autant de herses grenadantes où les troncs éclatent, échardant ceux qui s'y blottissent. Les gourdes pleines se lacèrent, celles à moitié vides ne sont plus que des poids à la ceinture. L'haleine est un péril. Ceux qui ont la chance de posséder des lunettes les emplissent d'huile. On se bat pour une couverture, une place près du lance-flammes. Des milliers de messages s'élèvent vers la flotte en orbite.

Lore Blackburn y a profité du wetmoon pour ordonner à ses astropathes d'assièger les archives de Kar Duniash. Le peu qu'il a ainsi pu apprendre sur les différentes invasions orks que le monde-chevalier a repoussé oriente maintenant sa stratégie. La raréfaction, progressivement rapportée, des titans-chevaliers la présage nantie d'une bonne analyse de départ. Les algras comptent sur la guerre d'usure que le climat mène à leur place.

- "Il est temps de réchauffer l'hiver vorace qui protège le palais des rebelles !" ordonne-t-il à Rudd.

Et le sénéchal n'attend que cela pour venger ses frères d'épée. Hiérarchiquement purgés, au début des pluies, des alaviriens qui se sont laissés surprendre, les Ier et IIIème Blackburning Crusaders sont les enclumes de son marteau, leurs QG les relais maintenant rompus à son style instinctif. Au-delà du militairement concevable, tancés par la radio et surtout par les vols à basse altitude de leur modeste, mais précis, support aérien, les groupes de clochards impériaux, méconnaissables sous les haillons dont ils se couvrent, secouent leur agonie dans une avance concentrique vers Sihnatih. Lore a défié les commissaires que la sueur ne gèle que si l'on s'arrête. Le sénéchal de l'Astartes a même détaché quelques uns de ses marines auprès des unités les plus importantes de la contre-offensive. Predators et rhinos font les voitures-balais derrière les colonnes transies de froid, de faim, et d'une hargne renaissante à laquelle même les colonels les moins impétueux se rallient.


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<b>26. Vers Irae</b>



Spa est capitaine. Ses hôtes lui ont conservé ce grade. Dans le land speeder d'aéroportage qui l'emmène des Voutes Blanches vers la chaîne équatoriale, il alterne sa quiétude entre l'observation du paysage (propice à digérer la journée et la demi-nuit qu'il vient de passer au pied de la caldera) et les discussions régulières qu'il partage avec les trois autres marines assis comme lui sur la plate-forme centrale de l'antigrav. Souvent, le copilote abandonne son multifuseur, se retourne en s'agenouillant sur son siège, surplombe ainsi Spa, plaisante et anime lui-aussi la conversation. Le désert reste si paisible, si vide, si vierge ; immense ; infini.

Vu du ciel, le land speeder de couleur sable n'est qu'un point d'ombre sur ces Terres de l'Aube, une trainée de poussière qui se déplace et aussitôt retombe.

Carillon a abandonné "ses anges" à peine le soir tombé. Spa a surpris un baiser complice séparant le kan-earl et l'inquisitrice. Fraternité d'armes sans doute. L'apothicaire a regardé la belle rousse rejoindre l'aire d'envol du Thunderhawk, avec toutefois l'émotion retenue d'un dernier adieu.

- "Je ne sais jamais si je vais la revoir." confia-t-il à Spa, lequel se suffisait alors d'encaisser le laminage mental dont elle et lui l'ont percuté, attaqué, semé. <i>Un remède de destrier, auquel seuls survivent ceux dont on vient d'honorer la mort.</i> Eclairée par le brasero funèbre, la sainte avait eu un reflet de démone en pensant ceci vers lui.

Fitz' avait pourtant continué à malmener la vision globale qui avait construit la vie de Spa, anonyme élu parmi les Scythes of the Emperor. La nuit, profonde, noire, du Halo galactique, ici seulement éclairée par cet autre halo : la crête des vagues solaires bouillonnant dans le cratère planétaire d'Ambra Prima, la Caldera, le <i>Chaudron</i>. Pas une étoile dans le ciel. Plus un son sur le désert soulevé. La couronne des ténèbres insondés.

"Les tyranides n'ont du voir que le Joyau lorsqu'ils ont achevé de franchir l'inter-galactique." avait ainsi commenté le kan-earl.
<i>Je suis au plus loin du Halo, à l'extrémité de la galaxie !</i>
<i>A la terminaison du monde.</i>

Sur la plate-forme du landspeeder, les trois marines en armure sable sont aussi des miraculés de Pater Nostra. Ils achèvent la (courte) convalescence des surhumains, retournent dans leurs unités. L'un, au teint bis, flatte le col d'un loup, au pelage bleu sombre comme la première nuit ambrienne que Spa a vécu, quitté, accepté. Parfois, le loup coure près de la trainée du land speeder, y joue. Animal musculeux, rapide, puissant. Puis l'antigrav tourne autour de lui, le défiant d'y bondir. Ce qu'il fait, épuisé, s'allongeant ensuite sur l'une des jambes d'un guerrier pour bientôt y ronfler sous les sourires bienveillants des marines.

Ses compagnons ne s'attardent pas sur leurs origines. L'armure incolore du Scythe, au moins deux l'ont vécu. Ils ont son rappel dans le regard. Spa n'en saura pas plus. Les "Sand Wolves", apprend-t-il, interdisent l'hémisphère ensoleillée d'Ambra Prima depuis au moins 6000 ans, plus sans doute. "Assez longtemps pour s'en sentir propriétaires." plaisante le plus agé. Les Sand Wolves sont les maîtres de cette planète. C'est un peuple, multiple, confédéré par les clans, les kan, leurs grades, traditions, faits et tous les mystères qu'il convient encore à Spa de découvrir. Le clan est une famille autant qu'un style, un domaine autant qu'une fonction. Les clans grossissent depuis quelques siècles, depuis l'arrivée des inquisiteurs. Meutes nomades ou sédentaires, le mouvement des clans dans les déserts, s'il semble erratique à ceux qui l'affrontent, est juste perpétuel.

Juste irrigué par la guerre millénariste qui a projeté les terriens contre une galaxie. "La mort est la supérorité manifeste de la vie" ; ce psaume était aimé par le frère-chapelain des Scythes of the Emperor.

Reconnue de loin, l'escouade motocycliste attend le land speeder. L'un des compagnons de transit de Spa en saute pour rejoindre un side-car, s'asseoir sur le dossier derrière le servant du bolter lourd, saluer et assitôt partir. Rendez-vous fixés au milieu de nulle part. L'antigrav reprend son vol. Quelques heures, et un second marine rejoint de même une autre unité, un autre clan : caravane blindée d'une dizaine de chars, aux flancs chargés d'havresacs et de bidons comme si toute étape lui était à jamais interdite.

Les cavaliers space marines qui poursuivent soudain le land speeder au passage d'une dune, Spa faillit même les prendre pour des ennemis, avant que le troisième marine rigolard et le copilote ne l'informent de son erreur en sautant, dès l'antigrav rattrapé par l'escadron, sur de lourds chevaux, caparaçonnés de céramite, jarrets bioniques, fontes bondissantes derrière leurs selles aux pommeau hauts. Plaçant la longue poignée de son épée Nemesis sous l'aisselle, l'un des terrifiants cavaliers, hirsute, au visage mangé par une écharpe de lin ensablée, en tend la lame vers un point de l'horizon et ainsi désigne au pilote une tempête proche. Pas un mot n'est échangé.

Quittant la plate-forme pour servir le multifuseur aux côtés du pilote, Spa lit l'admiration que ce dernier voue aux cavaliers Sand Wolves, "un clan de psychers mineurs" informe le pilote, comme pour modérer le prestige de l'apparent corps d'élite.
<i>Quel clan m'attend ainsi à la croisée d'une brise et d'une coulée de sable, d'une dune et de son ombre ?</i>

L'antigrav reprend sa tournée. Le crépuscule d'Ambra-Solis, l'astre céleste des mondes ambriens, désigne à nouveau l'aube perpétuelle du Joyau, le soleil intérieur, loin, très loin derrière la trainée de propulsion du land speeder. Devant les deux marines, bientôt miroite l'une des mers océanes à la base de cette Ceinture montagneuse équatoriale, désormais écrasante aux yeux de Spa. Elle bague la planète.


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<b>27. Seconde bataille de Sihnatih</b>



Dans la vieille ville fortifiée de Pi-Sihn où il a replié la plupart de ses titans, le princeps Uthir Fashbhetirn Mahssen Sihn d'Algr devine la manoeuvre incroyable à laquelle son adversaire soumet ses troupes. Brandissant les rapports venus de tous les avants-postes et positions de la capitale, il confie à l'Algrknight, son père :

- "Comme si l'hiver n'existait pas, ils viennent à nous, tous, tous ceux qui peuvent encore se traîner. Il nous les envoie, sans distinction de tactique ou d'ordre. Masse contre masse, corps contre murs, feu contre glace. C'est l'ordalie, la leur autant que la nôtre. Qui est ce Blackburn ?!"

Uthir sait que l'incroyable a une logique. Calfeutrés dans leurs sihns, ses compatriotes n'ont aucune volonté offensive, font confiance au mercenariat héréditaire et la position centrale de la forteresse squat d'ehc'Ouanohn, sihn agraire des fermiers abhumains et de leurs gyrocoptères, épandeurs de culture en temps de paix, frelons enragés en temps de guerre. Force farouchement gardée en réserve, l'ultime riposte dont les sagas chevalières vantent depuis des lustres les extraordinaires succès passés. Ces sihns de province ne sont pas des épines dans le pied des croisés, mais les témoins inactifs que l'hiver d'Algr replie sur eux-mêmes.

En quatre jours, le cordon impérial qui ceint Sihnatih a drainé tout ce qui s'agrippait aux plaines, s'accrochait aux villages et villes secondaires. L'encerclement est parcouru d'une vaste colère. Réchappés des mois de bourrasques, d'inondations, de famine et de raids indigènes, les Croisés de Blackburn veulent en finir, parier leurs vies contre ce monde qui les refuse, ce demi-million d'algras qui croient leur capitale inexpugnable. L'aube s'embrase d'une même irradiation de tirs enfermant dans un cercle de feu les faubourgs de Sihnatih, couchant bientôt masures, maisons et immeubles, brisant leurs pilotis, extirpant leurs habitants par le souffle, la brûlure, les éclats.

Araser l'ennemi, tel est le mot d'ordre. En quelques heures, le feu roulant et continu disloque les défenses extérieures, sature d'évacués les portes de la vieille ville. Les assiégeants n'avancent pas, dilapident obus et roquettes contre tout ce qui dépasse du sol. Les habitations qui s'écroulent crèvent les égouts par lesquels le contrôle de niveau offrait aux assiégés des voies gelées mais souterraines, où les traineaux refluent maintenant eux-aussi vers Pi-Sihn, la cité intérieure de Sihnatih. Défendre ces tunnels, c'est attirer le tir des bazookas, suffoquer d'être enterré vivant. Quelques marines Black Templars y tentent même leur chance avant que les assiégés condamnent d'eux-mêmes ces travées souterraines vers le coeur de leur cité.

Derrière le front circulaire, la valse des thunderhawks exorbite des tonnes de munitions, vide les arsenaux de la flotte. La puissance de feu impériale est telle que la durée de vie des quelques titans-chevaliers lancés en interposition dégringole de quart d'heure en quart d'heure, temps du réglage d'artillerie et de la concentration antichar.

Au crépuscule de cette première journée de la Seconde Bataille de Sihnatih, la capitale a perdu 70% de sa neuville, mais les assiégeants sont maintenant si proches des murailles intéreures que leur rideau de feu ne suffit plus à devancer la progression, et n'altère pas la protection énergétique des remparts intérieurs. Qu'il soit direct ou en cloche, le tir des contre-batteries chevalières stoppe l'assaut.

- "Y aura-t-il donc un répit pour la nuit ?" Uthir interroge-t-il son père.

La mine de l'Algrknight est sombre. Il y a déjà plusieurs heures qu'il sait que la forteresse squat de Ouanohn a été investie.

Le rugissement du thunderhawk, audible par tous les antagonistes, glace particulièrement le colonel Curela Govanierg, du IIIème Blackburning Crusader, tandis qu'un des trains d'atterrissage explose en emportant la tourelle d'un leman russ. Lancé en rase-motte, l'appareil se déchire contre les portes principales de la vieille ville, dans la déflagration simultanée de sa cargaison d'explosifs. Le Sénéchal Rudd, lui, remercie déjà Rogal Dorn que son brûlot ait ainsi atteint sa cible. Si l'un des vantaux n'est qu'enfoncé, l'autre tremble sur ses gonds brisés et évente l'intense fumée dans sa chute brutale. Les cris de joie des assaillants accompagne la ruée des predators anti-titans, des chimères et des escouades d'assaut dans la brèche que des écroulements secondaires ne cessent d'élargir.

"Leur sang les a forgé, leur sang que vous avez fait couler et qu'ils viennent reprendre à même vos veines..." écrit Lore Blackburn dans l'ultimatum qu'il sait désormais crédible, et sans autre réponse possible que celle qu'il attend de l'algrknight.


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<b>28. F-S 707.tp</b>



Comme il s'est efforcé de le faire depuis que l'officier de l'équipe d'abordage Black Templar lui en a dogmatiquement collé une, Mokhc garde son juron pour lui, constate en silence ce qu'affichent les écrans du shortscan, que dévoilent les baies déblindées de la passerelle : à nouveau, le vaisseau-forge de la lune d'Eb sert de port orbital et, aux approches réticentes des cargos dont il en reconnait certain, force est de constater que les space marines de Blackburn ont fait bonne moisson. La chasse est finie. Le F-S 707.tp, indicatif du 707ème vaisseau-forge lancé par Triplex Phall, ne trône plus au-dessus de la lune d'Eb mais au milieu d'une flotte de guerre, ancrée sur un monde blanchâtre qu'éclaire l'immensité gazeuse et orangée de Phalage.

La planète que survole l'ancrage a jauni, tandis que la mousson fonçait ses nuages. Algr, lui en a-t-on appris la dénomination.

Mokhc observe le vaisseau-forge comme une malédiction, un cauchemar grandissant que le réveil n'a pas chassé. Il confirme ce qu'il a appris il y a une heure, ce que sa qualité, maintenant insensée, de "libre-capitaine-réquisitionné" lui a permis d'entendre, serré entre les autres pachas réunis dans l'entre-câles du gigantesque croiseur <i>Imprematur</i>. La plupart de ces officiers marchands ont déjà été "évacués" d'urgence du deep-port 1 de la lune d'Eb. Une haie de porteur de bolters a ici moins suffi à les abasourdir qu'à immédiatement les faire taire.

Debout au milieu d'une tribune improvisée, le "sénéchal" de ces géants en armure noire, Rudd, leur a expliqué pourquoi ils allaient s'absenter de leurs routes sous licence, distribuer leurs cargaisons, subordonner leurs navires et sans doute risquer leurs vies. Il leur a raconté, sans même un regard pour l'inquisiteur à la peau noire assis près de lui et que ce discours semblait ennuyer, comment un peuple vassal de l'Imperium s'est rebellé contre l'autorité légale d'un seigneur-inquisiteur, et surtout contre la mise en repos de troupes vaillantes, troupes qui ont payé un lourd prix pour la défense de tous les impériaux de l'Imperium. Ce sacrifice n'a pas été de même consenti par les algras. La nature de leur solidarité n'a pas été aussi librement offerte que par les capitaines aujourd'hui rassemblés (!) et il convient que Algr, le nom de ce monde, soit <i>Damnatio Memoriae</i>, officiellement effacé des registres territoriaux de l'Imperium ; le nom, et sa population.

- "Chacune des cales de vos navires devront être aménagées pour abriter un contingent de prisonniers civils." a conclu le sénéchal.

Evacuer un monde ! Le vider de <i>tous</i> ses habitants !

Abandonnant la silhouette du F-S 707, Mokhc étrangle l'expression acide d'une honte sincère.
<i>Ce seigneur-inquisiteur à peau noire est comme tous ceux que j'ai servi, mais pas comme elle. Pas comme elle. Sophia, pourrez-vous me pardonner ?</i>


Dans le transbordeur qui l'emmène du vaisseau-forge vers l'<i>Imprematur</i>, l'ingénieur-magos-techno-prêtre s'abandonne encore à l'euphorie qui récompense le plus grand moment de sa carrière. L'irruption de ces marines de la Deathwatch, la bêtise transigeante de Quebjatio, auraient certes pu l'en priver. Mais l'Omnimessie est d'une nature plus féconde que le destin mal-fagotté de libre-arbitre dont la plupart des humains déguisent leurs actions. Tous ceux qui l'ont commandé l'ont prouvé : "le <i>Tullianum</i> prépare les lauriers, son capitaine s'en saisit." <i>Même à 38 kilomètres de profondeur, même au plus noir de la lune d'Eb !</i>

Elle a saisi ses lauriers, elle, magos impérieux de l'Adeptus Mechanicus, maîtresse du Tullianum, impétrante de l'Indécelé, et profanatrice victorieuse du Protocole interdit de Woence. Elle, que les Plus Grands de Mars honoreront bientôt du titre de Meilleure d'entre nous. Elle, que les xénos eldars surnomment la Fille de l'Yngir.
<i>Les imbéciles !</i>

Elle a fait tirer sur l'équipe d'extermination après s'être jouée d'elle comme de tous les autres : orks, tyranides, technogarde, prêtres, espions, inquisiteurs... Dans cette lune d'Eb, elle s'est donnée le temps nécessaire pour conclure. Les eldars restaient sans doute à venir. <i>Trop tard, petits xénos, trop tard.</i>

Tant d'efforts, pour exciser par le Warp la pyramide de son tombeau lunaire, opérer la translation théoriquement promise par Woence. Malgré les marines, malgré l'imminence d'un exterminatus possible, elle n'avait pas voulu fuir par le telport 38. <i>Détenir la barre du Tullianum interdit l'échec !</i>

La gravité artificielle du vaisseau-forge suspendue, même la zone de recueil vidée de son atmosphère résiduelle. Pas de risques inutiles. La nécropole pyramidale était réapparue, à peine décentrée sur l'axe prévu. Elle avait pris sa place, un peu plus imparfaitement que prévu, repoussé les troisième et quatrième ponts babord, débordé de la grande cale aménagée pour elle, écrasé les installations de raffinage qui s'y trouvaient encore et qui en masquaient le véritable usage. Rien de visible par un observateur extérieur au vaisseau-forge. Rien de vraiment imprévu arraché ou laissé au Warp, quelques corps, quelques âmes. Des millions de tonnes. La distance réelle paraissait courte, ce qui ne voulait rien dire à travers le Warp. Des millions de tonnes, des millénaires de secrets, des siècles ou des secondes. La pyramide était maintenant au centre d'un vaisseau-forge, au coeur d'une flotte de guerre impériale. Elle était ressortie de la pyramide pour apprendre d'Estrede Col Caudine, son Promis, l'arrivée de la croisade venant les sauver du piège d'Eb. <i>Ce Blackburn ! Il suffit d'une piste à suivre pour attirer les chiens.</i>

C'est lui vers lequel l'emmène le transbordeur.
<i>Petit seigneur-inquisiteur, comme je vais te récompenser pour ta ponctualité d'instrument, comme je saurais te plaire.</i>


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<b>29. Ce qu'entoure la Marque</b>



Lore Blackburn vérifie à nouveau les lanières parcourues d'acide qui entravent les membres de Sophia, l'adossent au mur craquelé de rouille du cabinet de service.

Quand Marquis lui a amené l'inquisitrice, Lore l'a tout de suite reconnue : beauté à la crinière rousse tranchant parmi les profils surranés de la salle basse de Talasa Prime.
<i>Carillon, la créature de l'Urne !</i>

Marquis s'est révélé lors de l'abordage des Black Templars. S'il ignorait qui était Carillon, il a bien retenu sa leçon : les scellés de l'Ordo sont, en Orient, des ennemis potentiels, ou des alliés à valider. Signe de sa crédulité ou consciente de son rang dès qu'elle serait en présence de Blackburn, elle l'avait même suivi sans résistance, à peine encadrée de deux marines, l'un à distance, l'autre le bolter contre sa nuque.

C'était mal connaître Marquis.

Détourner un libre-cargo n'avait rien d'un crime majeur, s'opposer à la réquisition que son maître avait ordonné l'agaçait à peine, mais ce que détestait l'acolyte se résumait dans le refus de son gibier de parler des détournements d'armes, d'hommes, de vaisseaux, tandis que tout en Sophia transpirait sa participation probable au complot oriental que Blackburn était venu éradiquer. Par surprise, tandis qu'elle se présentait à Blackburn, Marquis l'avait immobilisée bras dans le dos, agenouillée, ordonnée qu'on la pende par les mains à une grille de renouvellement d'air.

Il aurait voulu arriver devant son maître avec plus qu'une suspicion.

Il aurait sans doute voulu qu'elle couche avec lui sur le <i>Comrade</i>, plus d'une fois, et pas juste une seule, celle avant qu'on vous tue comme un second remplaçable si jamais on laisse repartir l'escouade d'abordage dans la soumission feinte de la réquisition retardée par principe, mais enfin acceptée.

- "Il faisait noir, mais j'ai les doigts sensibles." avait-il confié à Lore tandis qu'il dégrafait violemment la longue soutane presque jusqu'aux genoux, démasquait de leur laine les seins et le ventre.

Pendue par les mains, l'inquisitrice avait eut le regard furieux mais pitoyable de l'impuissance, la résolution de ne rien dire, cette résolution que Lore blackburn connaissait bien pour s'en reconnaître lui-même capable. Et ce n'était pas la comédie surjouée de Marquis, reprenant de la distance pour mieux désign...

De sa botte gauche, elle avait fait crochet derrière la nuque de l'acolyte, tandis que son talon droit était venu frapper le menton avec assez de puissance musculaire pour en dévertébrer le crâne. Le corps de Marquis était tombé comme une quille, échappant à peine à la frappe mentale de Blackburn prenant de court la propre préparation psychique de Carillon.

Elle ne tardera pas à sortir de l'inconscience.

Satisfait des liens qui le préserve maintenant d'une semblable imprudence, satisfait de la meilleure discrétion qu'apporte le cabinet de rangement, Lore renvoit les deux serfs vers son bureau, vers le poids inerte de Marquis, le reste de sa suite en attente, bloquant une éventuelle immixtion précoce. Il admire sa prisonnière, l'affaissement de son corps qui commence à lui marquer les épaules, les cheveux qui couvre à moitié son visage. Il cherche, devine, approche un tabouret comme on s'apprête à l'auscultation. Se ravise après un dernier coup d'oeil aux paupières closes de l'inquisitrice. Rappelle les serfs, auxquels il confie à chacun un pistolet laser qu'il leur ordonne de braquer chacun sur une tempe après les avoir placé sur chaque flanc de la captive.
<i>Tu ne seras pas assez rapide, ma jeune seigneur de Talasa Prime.</i>

Lore ferme la porte du cabinet sur les acolytes, lexmecanicus, calculatorlogis, dont quelques uns sans doute feraient de la peau pâle un paysage à explorer couché.

Il se rassoit, déboutonne précautionneusement le caleçon d'homme qui protège encore à sa vue ce que Marquis l'a pressenti de constater par lui-même.

Plantée dans le duvet pubien, la marque de Slaanesh crispe son visage d'une déception presque écoeurée.

- "Pitié pour le démon qui s'attarde dans le royaume des hommes..." psalmodie à cette vue l'un des serfs, le borgne à l'autre oeil bionique, un ancien scout sans doute, confié par Rudd pour le service de son hôte. "...Pitié pour le temps qu'il arrache, Père-Empereur, à la prière et notre dévotion."

Comme prostré par sa découverte, Lore blackburn ne relève pas le menton, laisse son crâne d'ébène luire sous le néon. Il tend les mains vers les deux serfs, réclame ainsi leurs armes.

- "Je veux la tuer moi-même, je veux effacer sa vie de mon regard ! Je veux qu'elle crève !" hurle le seigneur-inquisiteur en se levant furieux, pistolets aux poings.

Les cervelets fondent aussi vite que les lasers les traversent, amenant au sol les deux témoins avec moins de bruit que le retard inaudible du sifflement de l'air. De la botte, Lore blackburn invalide l'option d'une mémoire incorporée dans l'oeil bionique de l'ancien scout.

Ouvrant les yeux, Sophia observe l'inquisiteur reboutonner le caleçon, ragrapher assez la soutane pour rouvrir la porte.

- "Je pourrais me rhabiller moi-même, sans plus de heurt que de réclamation, parole de talasane." murmure-t-elle.

- "Pour moi," soutient Blackburn, "ce que vous êtes vaut sans doute plus que trois morts, mais certainement moins que quatre."

- "Seigneur !" les 'interrompt du bureau un des acolytes. "Le magos est là !"


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<b>30. Parricide</b>



Dans le cockpit cranien de son titan, irrémédiablement entravé par l'effondrement d'un mur sur l'une de ses jambes, Uthir Fashbhetirn Mahssen Sihn d'Algr a attendu la mort, tandis que les tirs dont il fut la cible ont lentement privé le titan paladin de ses armes, de sa résistance. Le blindé andromorphe s'affaisse maintenant, ploie sous son propre poids. Maintenu par les sangles de son siège de princeps, Uthir les laisse lui cisailler le ventre et les épaules. Ses pieds comme ses bras pendent vers ce sol qu'à travers la vitre maculée il observe depuis des heures maintenant, autant gagné par le froid qu'ankylosé par l'attente. La défaite l'a vidé de ses forces. Son père, l'Algrknight, s'est rendu, a livré le monde-chevalier à un nouveau futur, un autre avenir.

Les humains qui s'approchent font partie de ceux qui ont brûlé Pi-Sihn, exécuté d'innombrables défenseurs, concaténé la résistance avec une brutalité inouie. Uthir demandait encore à son titan tandis que les premières colonnes de prisonniers quittaient la vieille ville, que les lances des pompiers étaient détournées des incendies pour nettoyer les armures de Black Templars agenouillés, mains jointes sur leurs épées. Uthir attend la mort. Que ce soit un techno-prêtre qui la lui apporte ne l'étonne pas. Ceux que son père a fait tuer au début de l'invasion ont bien vite été remplacés par ces messages venus d'orbite. Uthir a suivi leurs conseils, pris plus de précaution. Sans doute cela n'a pas suffi. Il est bientôt midi, l'heure fixée par l'ultimatum de ce seigneur-inquisiteur qui s'est emparé d'Algr-la-blanche sans même distinguer sa caste de géants. Uthir entend plus qu'il ne voit les soldat escalader son titan, organiser la désincarcération de son pilote. Sous la face du titan, le techno-prêtre inspecte le cadavre mécanique, danse nerveuse d'une robe rouge.


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<b>31. Augusta Drix</b>



Lore Blackburn a refermé la porte du cabinet sur l'inquisitrice baillonnée, prié sa suite de le laisser seul avec ce haut magos du Culte de la Machine, capitaine du vaisseau-forge, allié potentiel. S'il ne l'avait attendu assis pour bien affirmer l'étiquette hiérarchique que la réquisition impose, il aurait dû s'asseoir.

Augusta Drix. Une femme !

Le lourd manteau rouge, que les mains posées sur les hanches maintiennent ouvert, offre le corps nu du magos au regard de Lore Blackburn. Chez cette prêtresse de l'Omni-Messie, la pudeur serait contraire à la fierté. Même la haute et large ceinture de satin rouge, tombant en pagne éloigné devant ses jambes, la rend plus nue au regard de l'inquisiteur. Le sein gauche n'est que métal, le galbe riveté soutenant un faisceau de fils colorés rejoignant la carotide. L'épaule nourrit un bras vraisemblablement bionique que confirme à l'emmanchure une main griffée d'acier. De la clavicule, le métal irrigue le profil, poursuit le surplomb de la machoire, élargit l'oeil d'un oeilleton murmurant d'anciennes paupières. De la cage thoracique naît un corset de flexibles, s'enfonçant sous la ceinture sur deux aines artificielles où s'articule l'adventice génital, triangle bombé et ciselé de symboles qu'encadre le grillage irrégulier d'un damier rintercalant chair au niveau des cuisses. Avant-bras et main droite, mollet et pied gauche copient l'ossature humaine, leur métal poli la douceur d'une peau ocre. Prothèses à l'éclat terne, moins brillantes que le cuir noir de la botte droite. A la place du nombril brille une bille habitée d'une lueur verdâtre, fluorescente, qui renforce le teint cuivré de la peau alentour et sous laquelle s'irise d'invisibles liaisons stomacales. La magos a conservé des cheveux, d'un gris plus argenté que ses cicatrices dédiées au Dieu-Machine, longs sur la nuque et coiffés en mèches sages autour du visage. Tournant le dos au seigneur-inquisiteur, elle laisse tomber le manteau le long de ses bras puis de ses jambes pour se diriger vers le mur couvert de scans et de parchemins. Lore découvre le fessier d'origine, ferme, à peine envahi par le remplacement du rein gauche. Le cordon qui noue ses cheveux sous les côtes balance autour d'une prise vertébrale. Bien des techno-prêtres si lourdement greffés abandonnent leur substrat charnel à une agonie libidineuse. Sans doute son interlocutrice demeure-t-elle d'une nature athlétique. Seules les rides de son cou trahissent la réjuv' complémentaire.

- "Vous ne portez jamais d'arme ?" croit bon de sanctionner Lore Blackburn en guise d'introduction à l'entretien.

Ramenant le sommet de ses mains sur ses fesses, la maîtresse du vaisseau-forge les fait crisser l'une contre l'autre.

- "En aurais-je jamais besoin, Seigneur-Inquisiteur ? Un esprit-de-la-Machine gère la température de mon écrin de chair, un autre métisse mon sang. Mes nerfs ne peuvent être distingués des capillaires sous-cutanés qui électrifient mes muscles. Un bolt ou un laser, qui éviterait mon alliance avec le métal pour la fragilité de ma chair, n'entrainerait qu'une étape de plus vers mon offrande finale. Je suis destinée à m'unir par le métal, Seigneur-Inquisiteur, et je ne crains pas les sodomites." raccorde-t-elle au regard en caressant des doigts insensibles, mais aux ongles lumineux, la sècheresse encodée d'un parchemin cloué au mur.

- "Rares sont les femmes à s'élever dans le Culte de la Machine."

- "Oui, rares sont les mères sacrifiant à la maternité patriarcale de notre dieu de Mars. Nos dieux sont des hommes, Seigneur-Inquisiteur, vous avez remarqué : l'Empereur, l'Omni-Messie. Point de femme dans ce panthéon si restreint."

- "La femme enfante les guerriers, voilà son rôle !"

Le rappel du Credo n'injure pas la Magos. Elle s'en montre consciente.

- "Alors, laissez-moi enfanter les vôtres." se retourne-t-elle vers Blackburn. "Vous m'avez privé de ma mine d'adamantium, Seigneur-Inquisiteur, mais préservé de ces xénos qui en voulaient à mon vaisseau-forge. Je vous dois donc quelque chose."

- "Vous ne me devez rien." ignore Blackburn en n'invitant pas la technoprêtresse à s'asseoir face à lui. "J'ai appliqué l'Exterminatus à un monde impie qui ne servait plus l'Empereur. Je vous ai réquisitionné pour avoir perdu cette lune et ses ressources !"

- "Vous avez appliqué les ordres de Talasa Prime pour vous servir, vous." se campe-t-elle, à nouveau les mains sur ses hanches.

- "Blasphème !" menace-t-il de se lever.

La magos le devance, vient le toiser par-dessus le bureau.

- "Cessez votre théatre, Blackburn. Le fracas de votre approche en Orient a averti tous ceux qui voulaient l'être. Vous recherchez hérésie, collusion et désertion, mais vos menaces ne sont que des coups aveugles, pas les sentences régulatrices d'une reprise en main. Vous n'en avez pas les moyens."

- "Je les aurais bientôt." se radosse-t-il au fauteuil, ramenant l'observation du seul mamelon mobile à celle d'un objet curieux.

- "En punissant ce monde-chevalier ?" note-t-elle l'observation faussement clinique. "En asservissant le peu que vous allez y laisser debout ?!"

- "Suffit, femme !" souhaite-t-il la fixer du regard.

- "Je vous donnerais les moyens nécessaires." s'assied-t-elle calmement devant le bureau, croisant les jambes dans une pose d'attente lasse.

Assénant de l'autre côté du tablier, Lore Blackburn disconvient de la manoeuvre, se lève.

- "J'ai privilège à cela, Magos. J'ai autorité, lex imperialis !"

Presque négligemment, comme si le sujet leur était lointain et conceptuel, Augusta Drix conserve un ton bas.

- "Votre autorité ne tient qu'à votre vie, à l'influence dont vous la carénez."

- "M'annonceriez-vous votre tentative d'assassinat ?" sourit Blackburn, portant ostensiblement la main à l'étui de son pistolet-bolter.

Le regard qu'il retrouve brille de malice.

- "Ne venez-vous de me reprocher d'être désarmée ?"

- "Vous pourriez être une arme." déboutonne-t-il le rabat de cuir protégeant la crosse du pistolet. "Vous abandonner à l'un de ces esprits-de-la-machine dont vous vous êtes truffée les entrailles. Donnez-moi prétexte et j..."

- "L'arme que je puis être," l'interrompt-elle, "ce sont les titans-chevaliers d'Algr livrés à votre service, à votre croisade. La bénédiction de l'Omni-Messie quant au rattachement de mon vaisseau-forge à votre flotte. Et peut-être plus encore si vous accordez votre justice à la mienne, Seigneur-Inquisiteur."

Lore Blackburn accorde au silence de veiller sur sa réflexion. La proposition de cette édile insolite mérite de la jauger sans précipitation. <i>raffréter les titans rebelles !</i>

Constatant l'intérêt enfin révélé, la magos se lève, lui tourne le dos à nouveau, va poser ses mains d'acier contre l'acier du mur tapissé de parchemins.

"Signifiez-moi si je dois vous craindre ou pas, Seigneur-Inquisiteur."


Omnia Vinct Machina - KDJE - 08-06-2006

(NB: <i>Le Corps...</i> & <i>Colère ceinte</i> également dispos en pdf)



Omnia Vinct Machina - Gandahar - 26-06-2006


Ce type est fantastique, je dis. Comment peut-on écrire des trucs pareils ?


Je n'ai pas encore terminé de lire, car je veux en comprendre chaque phrase et chaque mot.


C'est un régal intellectuel et créatif.