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Omnia Vinct Machina - KDJE - 28-02-2006


Une dramaturgie en 20 actes, issue du répertoire trop souvent boudé des cabarets du Bas-Duniash. Pourtant, chez Dame Luccia où cette prose fut longtemps affichée tous les jeudis, la patronne, affectueuse comme peuvent l'être les ruminantes dont elle avait le poids (pour qui savent cependant en être le lait plus qu'en trayer les larmes), on offrait les consommations dès l'acte 15ème, et la volupté des charmes pour ceux qui parvenaient jusqu'au final. Ceux-là seuls pouvaient alors dire, et cela suffisait à en pénétrer l'exploit : "la Grosse Lulu, j'y étais."




KDJE



Omnia Vinct Machina - KDJE - 28-02-2006


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<b>1. Frère Spa</b>



A trois mètres, presque à lui faire face. En lui adressant son regard vitré, son casque enfoncé à la tempe, l'Iron Hands ouvre le torse dans un cri rauque lancé sur ondes courtes, renverse la nuque déjà brisée de Frère Alvare.
<i>Alvare...!</i>

Spa serre convulsivement les dents, ressent la brûlure de la bile mélangée au sang : elle déborde ses lèvres tuméfiées, s'écoule dans son casque au revêtement fendu. <i>Brandir haut ce qui terrasse le lâche !</i>, invite le chapelain. Spa lève le bras ; brandir les muscles lacérés, grainelés de céramite, de son bras moins inerte que l'autre. Envoyer l'ordre, mobiliser le nerf, l'envoyer si loin, aux doigts d'osselets entourant la crosse.

Réprimer la douleur (ce dernier sacre qui ne peut être tue). Etre sa propre répression.

Appuyer de l'index.

Venger.

Dans la coursive glacée, où roulent et flottent les cristaux opaques et vermillons, les débris, les douilles, la rafale éclaire de ses traits fusants les tréfonds perdus de l'âme de l'Iron Hands. Plié sur son meurtre, chaque bolt est une ruade saturant son exo-défense, vrillant, creusant, de l'épaule au poumon. Explosions lentes, placards de blanc que réinvestissent aussitôt les ténèbres de la coursive Fides B, de la frégate de classe Sword, envoyée au piège pour la sauvegarde des égarés. Les yeux de Spa papillonnent sous ces éclairs et la sueur acide qui envahit les parements intérieurs de son casque. Autour de sa cuisse, son armure recherche la carapace noire. Par l'artère de sa cuisse s'égoutte la vie de Spa. Les gants rougies de l'Iron Hands abandonne le torse éventré et le viseur de son oeil droit clignote vers Spa d'un bleu plus perçant. <i>Qui es-tu, derrière ce casque ?</i>
<i>Moi, Spa, j'aimerais tant savoir qui tu es.</i>
<i>Et pourquoi les éclairs de ton gantelets s'éteignent, maintenant.</i>

L'onde de choc poursuit la vague électro-magnétique, sans ménagement pour ce qu'elles rencontrent. Comme Spa, l'Iron Hands est soudain déporté, plaqué, par une gravité fugitive et aussitôt enfuie. Frère Spa voudrait réorienter sa vue, retrouver prise et équilibre avant que sa propre inertie le tue, le livre. Le compteur du bolter vire au rouge, s'éteint, se rallume. Là-bas, derrière Spa, on ravage la coursive. La trainée poussièreuse, percée de braises métalliques, le confirme, l'enveloppe.

Passée cette brûme indifférente, l'Iron Hands se réoriente lui-aussi gauchement, avise son épaulière écorchée. Il cherche l'épée, sa longue épée à pointe courbe. Les doigts de Spa sont trop loin maintenant, comme si ses nerfs les fuyaient pour remonter pl...

- "Défiltres !" lui transmet le fratricide, maintenant tout entier tendu vers un point derrière Spa.


Omnia Vinct Machina - KDJE - 28-02-2006


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<b>2. L'urne et sa bure</b>



- "L'interception n'était pas programmée ?"

- "Ce qui ne peut être dit ne peut être programmé, Seigneur-Inquisiteur Blackburn", rappelle vivement le plus jeune de ses pairs.

Lore Blackburn sait user de sa haute taille, et sous sa peau d'ébène transpire l'ouvragé et sa haine des thoriens. Il connait ces basses voutes à clairvoies striant meurtrières d'ombre et de lumière sur ces capuches comparables à tant d'autres, sinon à toute assemblée protégeant ce qui par elle tissée définit autant la toile que ce qu'elle lie. Mais toutes les flammes ne brûlent pas au même feu sans se disputer ce qui se consume.

- J'ai rencontré les fils de Guilliman. Je sais, par eux, qu'un sixième de leurs forces est aujourd'hui dispersée en vos missions, Mes Seigneurs. Je sais que les aiglons de Maccrage ne sont pas les seuls. Vous désarmez les terres pour envoyer au loin ceux qu...

- "Nous connaissons tes intentions, Lore..."

Talasa Prime n'est que l'âtre protégeant la cendre vive, et celle-ci vient de se révéler plus vite que l'éclat énergétique d'une sentence. Lore Blackburn avise l'Urne de bronze, sans doute le plus vieil inquisiteur de cette forteresse orientale, de la plus orientale des forteresses de leur mère à tous, la Sainte Inquisition. Lore Blackburn scrute l'époux de leur Mère.

Et le silence se fait lorsque du haut de la rotonde à degrés celui-ci se lève, écarte les pans de son manteau d'humilité comme pour s'introduire dans l'atmosphère lourde, libère son visage de sa capuche de piété comme pour en éclaircir la suspicieuse pénombre. L'armure dreadnought la plus agée de l'Ultima Segmentum, la plus meurtrie par les siècles de conquête et de veille, la plus emplie, plus qu'aucune autre, des secrets de ces Marches Orientales. Et Lore Blackburn n'appuie maintenant son salut que parce qu'il ne peut le tempérer.
<i>Ian-Alec-le-Ténébreux, ici !</i> Même pour Lore, de quoi tressaillir.

Ian-Alec-le-Ténébreux. Coin enfoncé dans l'évolution de l'Ordo, connu jusqu'à Titan sans jamais avoir quitté la citadelle la plus éloignée de Terra depuis qu'il y fut affecté. Murmure que sa voix. Margelle étranglée que sa bouche. De ces hommes dont le moindre son est un ordre, dont les silences sont pires, les absences dénouements et la biographie à jamais scellée par la confiance de l'Empereur.

Lore s'attendait à incarner l'Ordo Hereticus dans ce fieff de l'Ordo Xenos, à défendre son époque, sa réforme.

Mais Ian-Alec-le-Ténébreux...

Il se découvre de sa célèbre bure couronnant l'artefact, l'armure-relique, la cloison ciselée de l'initié. L'aîné de l'Ordo Malleus en ce sub-segmentum sauvage lui adresse son visage parcheminé comme autant de voies menant à la certitude thorienne des Libérés. Terres de l'entre-deux mondes, que la frontière de l'Astronomican, "où on se règle seul, comme un lumignon jeté par un phare retenu". On dit tant de choses sur les arpenteurs du Halo.

"...Tu es venu ici avec plus d'un demi-million d'hommes. Ta marche fut longue, depuis Terra. Tu en a amassé, des âmes réquisitionnées pour ta seule traque, pour les regrouper enfin sur le monde-chevalier d'Algr, à quelques encablures d'ici. Oui, nous savons tout cela."

- "Je ne m'attendais pas à bon accueil, Seigneur".

- "Et pourtant tu le reçois, Lore."



Aller plus loin avec le post :

> "Scan-souvenir de la mission d'infiltration de la secte des Whiteskins" (impression sous cadre du scan référencé, bureau du Seigneur-Inquisiteur Lore Blackburn sur le croiseur <i>Imprematur</i>. Source de l'archive inconnue).

> Ex-voto figurant "l'Urne" (Seigneur-Inquisiteur Ian-Alec, Ordo Malleus), retrouvé dans le squelette calciné d'un acolyte de l'Inquisition, Berdix IV (Ult.Segm), 962M41.


Omnia Vinct Machina - KDJE - 28-02-2006


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<b>3. Pater Nostra</b>



Spa ne maintenait pas seul son rythme cardiaque, cela, il le sentait, le recevait de son expérience, de sa complicité ancienne, quasi fusionnelle, avec la carapace noire. L'appareil lui renouvelait le sang. Derrière le crépuscule verdâtre de ses paupières, les ombres respiraient, manipulaient. La peau de Spa s'éveille, rameute vers son cerveau les effleurements, les balayages d'une soufflerie tiède, ici, un courant plus froid ; le sifflet presqu'inaudible d'au moins deux prothèses de respiration. Sécheresse de l'air ambiant. Humidité condensée là où son dos, ses mollets, ses talons, s'appuient sur le métal réfrigéré d'une table de recueil bactérien. Son armure énergétique lui manque comme l'eau du bain dans une baignoire. En ouvrant mentalement les yeux, il perçoit à la fois les fumerolles de vapeur d'eau aspirées vers le plafond et l'absence artificielle de signaux de douleur en provenance de son corps.

Spa pense alors à Thorcyra, et à Sy'L'Kell. Et ceci lui déplait comme un spasme, une nausée, le frisson nerveux de l'interdit.

- "Carillon ?", interroge proche de lui un murmure préoccupé, une voix d'homme ou de machine, caverneuse.

- "Réminiscences", répond, plus claire, plus clinique, une voix de femme. "Ses effacements sont de barre trois, qui encapsulent selon nidiet-code a.H.O. Je suis. Ils se remodulent."

- "Vous auriez pu..."

- "J'applique les ordres, Pater. Il n'est plus jeune et ces capsules furent baclées." adoucit-elle.

Sleeping gap.

L'ordre émerge, longe les rives de sa conscience. Spa s'en assure maintenant. Il doit ouvrir les yeux. <i>Je dois...ouvrir...les...yeux. Mais pas avant de... Nécessaire de...</i>

Frère Spa hurle.

- "Réveil en cours. Oxygénisation rapide." observe le ton détaché d'une autre femme.

Sous les paupières de Frère Spa, les flammes rongent, cuisent la céramite, jusqu'à la craqueler. Spa se sent bouillir tandis qu'il s'engouffre dans les propres stries de ses griffes, embrasse les giclées acides par elles libérées, versées ; bouffées de vapeur fuyant ses mollets, débordant ses genoux. Brûlures du métal que lui signalent le sommet de ses paumes. L'enveloppe des bolts portée au rouge. Panique. Déchirer, déchirer encore. Percer le feu qui aveugle. Ignorer l'explosion du chargeur sur ses gantelets, la chute, le poids rouvrant la cage thoracique, l'écrasant, le noyant.

Spa ouvre les yeux. Comme deux brandons blancs et glacés qui les lui font refermer. Spa les rouvre. Doucement.

Près de lui, le sarcophage du dreadnought est blanc, dans une salle blanche, et se pare d'un crâne doré corrodé par les ages. Plus que le Vénérable, le crâne est un signe pour Spa, pour les réflexes de Spa.
<i>Humain. Humains.</i>

Les réflexes se désarment.

Levés soudainement de sous le menton de Spa, de fins instruments chirurgicaux se replient dans les gaines de poings du dreadnought. Dans un gémissement pneumatique, le sarcophage automobile recule lourdement de la table. Plus que la meurtrière de son regard, la voix sépulcrale du dreadnought s'adresse à celui qui s'éveille.

- "L'Empereur t'a aimé saignant, il t'aimera à point, Frère." gronde le sourire enfermé de Pater Nostra.

Spa entend pouffer discrètement tout autour de lui. Une soeur hospitalière approche son buste au-dessus de son visage, le visage à demi masqué par un voile stérile.

- "N'essayez même pas." plisse-t-elle les yeux dans une souffrance partag...

Sourire a été une erreur. Sourire demande une peau et une chair paisible autour des muscles du visage.

Une cascade rousse fait soudain face à l'hospitalière, que ses deux mains gantées ramènent bien vite derrière la nuque, ne laissant que deux yeux verts suivre, curieux, la danse rapide et embrumée des iris de Spa.

- "Oui, Frère Spa, quelqu'un a eu votre peau", informe la jeune femme d'un rictus. "Et ce quelqu'un est sans doute vous : rituel étrange que d'éventrer un carnifex et d'y découper ses boyaux comme un tunnelier. Rituel étrange, mais épilatoire."

Son regard rivé en un froncement d'interrogation prudent, Spa expire, prend garde de garder joues et machoire immobiles.

- "Je sais, Frère Spa. Quelques minutes encore", confirme-t-elle auprès de la soeur, "quelques minutes encore, et plus aucun conditionnement ne réprimera votre douleur."

Elle semble vouloir l'apaiser.

Mais Spa écarquille les yeux dans une terreur annoncée, instinctive.

- "Chuut..." ordonne-t-elle à ses yeux comme à ses pensées, "Je suis l'Inquisitrice Carillon ; et vous êtes sur l'une des terminaisons du monde."


Omnia Vinct Machina - KDJE - 28-02-2006


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<b>4.Par toutes les lames</b>



Bien des portes permettent de sortir de la salle basse, car bien des voies se croisent sur Talasa Prime. Ignorant les équipes en treillis orange, serviteurs décérébrés ramassant les pantins aux yeux de sang, l'inquisitrice Carillon enjambe les cadavres des îlotes qui ont protégé l'assemblée par leur abominable interdiction psychique. Dans la rotonde ceinturant la salle basse, derrière les regards abîmés de réflexion des inquisiteurs, les esprits se décloîtrent.

- <i>Par toutes les lames, et les vagues, et les pluies qui frappent cette forteresse, pour qui se prend-t-il ?!</i>

- <i> Pax, Sophia. Par ton prénom, je requiert autre chose de mon élève. Blackburn n'est que la crête, la première vague. Il n'a pas menti, mais il sait n'être que l'entraînement du rouage. Il sait que ce qu'il déplace derrière lui est lent et lourd. L'Age du Duk s'éteint, et le nôtre aussi.</i>

- <i>Où allez-vous ?</i>

- <i>Sertir le démon, une dernière fois.</i>

- <i> Quels sont mes ordres ?</i>

- <i> Continues, Sophia. Nous manquons d'hommes, nous manquons de guerriers. Blackburn arrive trop tôt, ou trop tard. Et nous ne pouvons délaisser Ambra Septime...</i>

Un reflux acide fait déglutir Carillon, mais aussitôt la honte survient et ordonne. Elle se mord les lèvres.

- <i> Tu y as fait plus que tu dois, Sophia, n'y pense plus, plus jamais. L'Infirme sait quoi faire. Laisses d'autres traiter cela.</i>

Dans la mémoire de ses pores, là, de la gorge au surplomb du sein gauche, le chiffonnement sifflant de sa peau s'estompe, la cicatrice noirâtre rosit. Le souvenir s'en va, retourne dans la galerie des cauchemars. Sophia sait que l'Urne lit tout cela, que sa plaie est une offrande involontaire au pâtre des suppliciés.

- <i> Mais vous dîtes que nous manquons d'hommes !</i>

- <i> Nous manquons désespérément d'hommes, comme tu le sais trop bien. Kraken nous a saigné et Septime poursuit l'hémorragie. Va, Sophia, renforce nos rangs, puis, quand tu gagneras les Terres de l'Aube, informe le Duk que l'île s'est échouée."</i>

Sophia a trébuché car pourquoi chercherait-elle appui contre le mur ? L'albâtre veiné accueille son front tandis que de part et d'autre elle pose ses mains, comme en prière, en retrait de ce couloir où le reflux des seigneurs et hauts-acolytes vide la salle basse du défi lancé par Blackburn.

Une page de l'histoire de Talasa Prime a été tournée. Qui a débusqué ce terme, qui a vu dans l'Ordo Xénos fustigé par un marteau pédant et son aigle bicéphale ricaneur autre chose qu'une cérémonie décharnée, coutûmière, à peine empreinte des chamailleries ésotériques de la Guerre Secrète et si ancienne des Inquisitions ? Sophia se retourne et s'adosse au mur, saluant ceux qui passent, quittent en silence la salle basse dans le remous de leurs pensées. Pendant qu'il pense vers elle, il pense vers d'autres. L'Urne est le seul à savoir faire cela, cloisonner l'entre-foule des meilleurs psychers de l'Imperium. <i>Vers qui pense-t-il ?</i>

En se dirigeant vers le choeur d'opération de la Deathwatch, Sophia Carillon sait que cette question n'aura jamais de réponse. La seconde plus jeune des seigneurs, basse par le grade, haute par la beauté, n'est qu'un secret qui se fortifie dans une forteresse de secrets. L'un ne va pas sans l'autre.



Aller plus loin avec le post :

> Cristal de données (pré-Age des Luttes) extrait du dossier généalogique JA88566M4183371195, archeolibrarium de Titan, seal-access 118-124 (le rapport génétique confirme la conservation des traits physiques de l'aspirante Sophia Carillon avec son ancêtre).


Omnia Vinct Machina - KDJE - 28-02-2006


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<b>5. Sous le sable</b>



Avec déférence, les deux hospitalières l'aident à se redresser. La nudité des vétérans n'a plus le même sens dans l'Astartes. La chair n'y est que le terreau, l'engrais, le tronc accueillant les boutures. Dans le reflet de la vitre sans tain qui barre la longue salle opératoire, Spa compte ses nouvelles parts de lui-même. L'un de ses bras en écharpe. L'autre n'est plus, remplacé par un bionique fonctionnel. L'articulation, le faisceau innervant, la boursouflure des muscles pneumatiques ou motorisés, esquissent plus que ne dessinent ce qui lie désormais son avant-bras et sa main à ce relent d'épaule. Un frisson parcoure la mémoire de Spa. Il contemple le bionique, paume et griffes ouvertes en corolle. <i>La main d'Alvare !</i> Le bionique de son frère de bataille, oui, il le reconnaît. Comment ne pas le reconnaître ? <i>Alvare...|/i] voudrait-il l'appeler, l'entendre près de l'Empereur. Spa ferme les yeux. Replace le cauchemar dans le poids du réel. Puis reprend son inspection de lui-même. Anneau surcutané sous le genou. La cuisse, pour moitié, a disparu. Elle est vide, curetée des tissus qu'immédiatement, le plasma aride a nécrosé. Maintenant palpite en son souvenir le servomuscle et la tubulure doublée sous la gaine translucide en feuille de plastacier ; la carapace noire, avec le temps, reviendra en tapisser l'intérieur. L'os a été raboté, dentelé, connecté. De son corps qu'il inspecte, peu de zones sans plaies ni rigoles à peine sèches. Spa sait que les rééquilibres sont installés, que les poids seront contenus, balancés, par l'automate caché sous sa prise neurocervicale. De la plus haute vertèbre au sommet du crâne, un pilier de douleur marque cependant sa dette et la vie se fait payer. Ses nerfs s'épanchent, son oeil pleure.

Il est vivant.

Les soeurs attendent. Soulever un fils d'Empereur haut de deux mètres et lourd comme quatre d'entre elles n'est pas de leur ressort, ni de leur droit. Les marines sont hauts comme les colonnes du temple. S'ils tombent ou se couchent, c'est qu'ils sont morts. Il est temps de se lever.
Les conditionnements ?

Je suis toujours le sanctuaire de mon père et Dieu.
</i>

Spa s'étonne de freiner un baillement, de sa crainte.


La douleur est nouvelle, enfantine, là où les plumes de l'ange devraient la feutrer.


Maintenant loin sur sa gauche, le dreadnought apothicaire achève de descendre la pente qui mène à son sépulcre. L'inquisitrice à chevelure rousse converse avec lui, sans bouger les lèvres, ses yeux verts, sévères, fixés sur sa meurtrière, entachés d'un respect dépourvu. Puis elle se recule. Les vantaux vont se refermer sur le Vénérable. Au fond de cette crypte, des ombilicaux s'animent, cherchent à replacer leurs têtes pour draîner vers le mort-vivant les suites de son décès retardé. Mécaniquement, Spa note le loup stylisé, un relief de bronze sur l'épaule du sarcophage. Un vieux signe.


Adressant un regard confiant à Spa, la belle rousse ordonne l'ouverture du sas qui préserve la salle stérile. Elle est très belle, comme une sainte.



Dès sa sortie du sas, Carillon n'est pas surprise de découvrir l'apothicaire en armure sable. Casque corvus sous le bras, visage buriné mais embelli d'une barbiche et de moustaches d'un roux éclatant. Il sent la silice et la peinture de ses bottes est écaillée. D'un geste gouailleur, Carillon s'élève sur la pointe des pieds, passe le bras entre épaulière et médipack pour aller ébouriffer la nuque du maître des lieux, égrénant quelques grains encore tièdes.


- "Il pleut encore des plages, et tu t'y es douché cheveux au vent ?"


- "Je sais que les réacteurs de ton thunderhawk ont fait du ciment lors de ton arrivée hier. Désolé."


- "Pas la peine : couloir des tempêtes. Dommage de faire tout ce chemin pour se ficher dans une dune, c'est tout, et perdre ainsi la moitié de ce qu'on ramène."


- "Les voies de l'Empereur sont agaçantes. Qui est-il ?" désigne Fitz-Osbern à travers la vitre qui les masque au marine.


- "Frère-Capitaine Spa, chapitre Scythes of the Emperor. Affecté aux équipes d'extermination Deathwatch de Talasa Prime après que Kraken ait rayé les Scythes des tableaux d'inspection. Une soixantaine de missions, à résultats mesurables. Puis la jungle souterraine de la lune d'Eb. Récupéré il y a cent-soixante-seize heures. Son équipe a été officiellement déclarée perdita, ce qui n'est qu'à moitié faux : il est le seul survivant de sa décade. Des autres, à peine de quoi refaire trois armures complètes."


- "Il est à moi ?".


- "Pas vraiment : Irae, mais tu assures la transition."


- "Combien de temps ?"


- "Quatre jours."


- "Je hais les inquisiteurs qui nous gouvernent."


- "Puisqu'à son opposé, l'amour rejoint la haine, c'est en effet digne d'un thorien, mon ange."




Aller plus loin avec le post :


> d'après la
Statue commémorative du kan-earl apothicaire Fitz-Osbern (prénom inconnu) du chapitre Sand Wolves (assertion non-référencée, recolorisation hypothétique), galerie du sub-palatin, montagnes dunaires des Voutes Blanches, caldera centrale de l'hélio-continent (hémisphère solaire) d'Ambra-Prima (Ult.Segm.post-Astr : Halo).



Omnia Vinct Machina - KDJE - 28-02-2006


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<b>6. Le feu noir</b>



En contrariant la servilité paisible des officiers de docks, Lore Blackburn goûtait sa satisfaction. Talasa Prime, si elle n'en montrait peu, trahissait cependant déjà l'écoute de sa venue, la répercution d'ordres discrets. Peut-être des cristaux de données seraient-ils ballés des archives aux puits de broyage, peut-être des missions seraient-elles détournées, des mesures renforcées, des vols rappelés, ou au contraire la dispersion viderait subrepticement la forteresse de ceux qui se reconnaitraient désormais épiés, menacés, mais il était sûr d'une chose : le cordon ombilical venait d'être coupé, les précautions n'avaient pas suffi. Et il était le ciseau de cette rupture, celui qui, en se démasquant, en affrontant l'adversaire à visage découvert, signale qu'il n'est que le dernier pion à se déplacer, la signature de l'Ordo Hereticus au bas d'un positionnement accompli qui peut maintenant être révélé. Cela, ils l'avaient tous compris. Même l'Urne.

Inutile de rencontrer ceux qui oeuvraient comme lui, dans la forteresse. Suspicion est suffisante. La crainte, c'est l'ordre. Et l'ordre revenait par le sceau frappé du marteau du seigneur-inquisiteur Lore Blackburn de Terra.

Gagnant l'aire assignée à la navette orbitale, il se remémore les images enregistrées par le servo-crâne, ces marines en armure bronze à l'aigle thoracique et l'épaulière frappés du i trois fois barré, ces unités inconnues, jamais référencées. Ils revoyaient clairement ces images parasitées, ces... exécutions.

Il avait su, alors, ce que l'Empereur attendait de lui. Il avait su convaincre, avec la facilité qu'accompagne la foi. Oui, ce qui n'existe pas ne peut être programmé. L'inexistence se débusque, comme l'absence de rapport, les disparitions de matériel, les navires perdus, les régiments disloqués, l'organisation détruite des fuites et des défaites. Depuis combien de temps ? Depuis combien de temps emmurait-on les disparus dans l'éloignement de l'Orient ?
<i>Je suis sorti de la salle basse. J'y suis entré et j'en suis sorti. Ils ont respecté le protocole. Les seigneurs des confins, si souvent maîtres avant l'Empereur dans ces provinces reculées. Comme si la Grande Dévoreuse suffisait à alléger les chaînes. Ils ont respecté le protocole, les sceaux de Titan et de Terra, regroupé tous ceux qui pouvaient être là. Ils m'ont mesuré, à l'aune de leurs mystères. Et je suis sorti de leur salle basse, de cette fosse à venins. Ils n'ont osé me mordre.</i>

L'Aquila attend sur le tarmac. Devant le cockpit, le navigateur-mitrailleur observe celui qui lui a appliqué le Droit de Réquisition, il y a 26 mois, sur Dallos Segmentum Solar. Il observe le grand inquisiteur et sa peau lisse et noire, déjà un peu gêné par sa présence, l'expression permanente de son dédain. "Il ne considère que ceux qu'il ne réquisitionne pas", l'a rapidement jugé la troupe.
<i>Et encore</i>, complète pour lui-même le navmit, <i>j'ai vu personne qui valait mieux pour lui que son putain de piaf !</i>

Lorsqu'il n'est pas sur son épaule ou son poing, l'aigle cybernétique ne quitte jamais de vue l'inquisiteur Lore Blackburn. Ses deux têtes constamment en veille, il crie ou se fait discret, vrombit lorsqu'il remonte les coursives de l'<i>Imprematur</i>, aime doublement picorer les cheveux et les bottes. C'est un paravent psychique, une preuve des mystères qui séparent les mutants autorisés du reste de l'Humanité. Les hommes, bien que penser cela si près du psycher glace le navmit, surnomment cet aigle "suce-deux-fois".

Lore s'approche, son plastron doré réverbèrent les éclats électriques des générateurs de compression du haut-dock. La navmit se demande une fois de plus comment on vide sa pensée, tente d'essuyer discrètement de sa manche la lèvre qu'il vient de mordre au sang.

- "Seigneur Blackburn, un message du <i>Deus Imprematur</i>. Cryptage psychique à encodage mécanique."

Lore déloge le cylindre à anneaux crénelés de son étui molletier.

Les sifflements rageurs. Saisir son arme ?

Non, observer.

De la lourde porte de cale d'un thunderhawk, les cages sont glissées dans le crissement du métal contre le métal. Ce qui s'agite et se cogne derrière les barreaux a la taille d'un fauve, les six pattes d'un insecte. Enfoncer l'ampoule dans le cylindre, sans rainurer le prisme. Le mitrailleur chuchote dans son interphone, adresse son effroi au pilote interloqué : "des termagants !"
<i>Ainsi c'est cela, cela dont ils ont si peur. Des bêtes !</i> constate Blackburn en découvrant le gibier et ceux qui les port...

Les quatre space marines qui empoignent les deux cages ont l'épaulière d'argent de la Deathwatch, et celle de droite porte l'emblème de leur chapitre : une serre sur fond blanc. Le symbole, ailé, de l'Inquisition décore leur plastron de plastacier. Leur armure n'est pas noire, mais recouverte d'un bronze assombri par la patine. Et Lore se souvient de ces images.

Observer.

Observer par les six yeux de l'aigle et du maître.

Le thunderhawk (bronze, lui-aussi !) porte l'affectation, l'identification de sa base d'opération. <i>Je perce le coeur du serpent !</i> Lore la contemple, caractères à la paleur fanée par les multiples entrées en atmosphère. Pas de numéro ni d'insigne. Un mot. Le simple mot de son abhoration : <i>Irredente Fili</i>.

Croiseur de classe Armageddon <i>Irredente</i>. Lore Blackburn connait sa silhouette par coeur, ses dérives d'ailes caractéristiques aux canons élancés qui font du vieux Lunar recomposé un trident vu de la quille ou des mats.
<i>La classe Armageddon n'a pas de baie d'envol.</i> contredit sa mémoire. Ôter le cache souple qui protège le mors. Placer le cylindre entre les dents. L'encodage, déverrouillé, libèrera le message tel un flash. Jaillissement du rêve d'une réalité passée. Au delà de la réquisition des corps, Lore s'est attaché leurs âmes. Il sait ses troupes et équipages fidèles, ses acolytes efficaces, les commissaires et officiers confiants dans sa croisade. Tous ont la foi éprouvée. Tous savent ce que cherche Blackburn. Il a su les convaincre, par son seul exemple.

Convaincre. Lore aime la fin de ce mot.

L'équipe d'extermination s'éloigne avec ses proies encagées. Lore ferme les yeux. La libération sera rapide, unique.

Un crâne. Un crâne posé sur des ténèbres si noires qu'il semble flotter, immobile, dans un rien profond. Ce qui l'éclaire est indiscernable. Lore, mentalement, interroge ce regard vide, percé d'ombre, ces os durcis de, par la vie d'un humain. A l'intérieur du crâne commence à luire une faible chaleur, qui dessine d'ombre les dents usées, s'enfle, dore les orbites occulaires et le circonflexe nasal, en marque les contours. Grâce à cette lueur diffuse, Blackburn aperçoit la singularité de ce crâne ; le sommet a été évidé, comme une tonsure morbide. Une étoile brille maintenant à l'intérieur du crâne, trop lointaine pour en aveugler la reconstitution mentale sur laquelle Lore se concentre, trop lointaine pour que le crâne ait une nuque. Des flammes, non, des éruptions solaires débordent maintenant de la tonsure. Un soleil s'abrite dans un crâne humain.
<i>Un soleil s'abrite dans un crâne humain.</i>

L'implosion sourde signale que l'ampoule s'est brisée, le message s'est consumé. Lore vide le cylindre des débris cristallins quand un bruit connu secoue sa réflexion silencieuse.

A quelques mètres de lui, son aigle bicéphale git, tordu, rompu par sa chute.


Omnia Vinct Machina - KDJE - 28-02-2006


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<b>7. Au bord du puits</b>



Avant de le congédier du bloc opératoire avec un respect appuyé, l'une des soeurs hospitalière lui a remis une sorte de toge. Elle a aussi rabaissé son voile stérile, dégagé ses cheveux gris de sa coiffe huilée comme sa blouse. <i>Afin que le sang ne s'y accroche pas</i>. Spa a contemplé la vieillesse de ses traits, malgré ses yeux rieurs et sa silhouette de jeune fille. Pas un mot, mais le sourire des lèvres et du regard. Une vie sauvée. Une satisfaction simple.

Se lever, pour Spa, a valu toutes les blessures.

Se lever fut une prière. L'Empereur l'a accordé.

Spa s'est penché sur les femmes déjà au nettoyage de la table et au rangement de la salle, a failli s'en détourner puis a cru déchirer ses joues d'un merci. Elles se sont penchées, humbles, radressant du regard le remerciement au sépulcre fermé de Pater Nostra.

Le couloir, creusé dans la roche, fait immédiatement du bloc qu'il longe une strate excavée, sans toutefois de dédain pour la virginité minérale du boyau. Dans une démarche lente, Spa respire la roche, la poussière séchée dans les entailles de ce souterrain, le sol damé par des millions de pas, ou l'absence de vent, de pluie. Il décèle une froideur humide, mais ses sens viennent de renaître, peinent à se dégager des multiples douleurs dont son corps abreuve son esprit.
<i>Comme si j'en avais été privé durant toute une vie !</i>.

La tête est vivante mais semble posée sur une écharpe de lin, dans le calice du colleret. L'apothicaire en armure sable l'attend, observe ses pieds nus, leurs hématomes, aux orteils bagués de métal ou pansés de gaz.

Il tend l'avant-bras et Spa y croise mécaniquement son poignet en réponse au salut de l'Astartes.

- "Courage et honneur, Frère Spa..."

Spa s'interroge sur son manque de défiance.

- "...Je suis le kan-earl apothicaire Fitz-Osbern, je laisse mon bras dans ta main."

Autour du poignet de l'apothicaire, la main bionique de Spa est demeuré ouverte.
<i>Je la crois serrée et elle ne répond pas. Alvare, tu dors ? Quelle est cette douleur morte quand tant d'autres hurlent en moi ?</i> Sa propre indifférence surprend Spa.

Spa craint aussi le puits maintenant empli de sa mémoire. L'inquisitrice l'a sondé, décloisonné, livré à ses souvenirs. Il le sait. Il en a peur. On n'assiste pas à la destruction de son chapitre sans louer les techmarines, les apothicaires et les chapelains pour vous ôter les souvenirs les plus sâles de tout cela. "Ils ne connaîtront pas la peur, car nous l'enfermerons au fond d'eux-mêmes, jusqu'à ce qu'ils oublient sa rencontre et les coups qu'elle sait porter. Béni soit l'argile constamment redevenu vierge, car il sera déchaîné."

Frère-chapelain retourne la bouche du lance-flamme contre sa machoire, écrase la gachette de son pouce. <i>J'ai vu tout cela.</i> J'ai vu les flammes monter vers le genestealer qui lui agrippait les épaules et cherchait à lui arracher la tête. <i>J'ai vu le feu fondre ces deux-là !</i>

J'ai vu la marée de ces crocs implacables. <i>J'ai vu la fin du possible et je l'ai acceptée.</i>
<i>J'ai vu Alvare mourir.</i> actualise-t-il le lent décompte des Scythes of the Emperor.

"Nous tirons la corde. La Mort est d'un côté, avec son équipe, et nous de l'autre." Frère-Chapelain aimait à motiver par cette image, qu'il complétait par des cris d'oiseau assez comiques, les cris de la Peur que la Mort envoie pour réduire le nombre de marines.

Au propre comme au figuré, l'inquisitrice interrompt ses pensées :

- "Les Scythes ne vous ont pas élu capitaine parce que vos fûtes l'un des derniers..." surgit Carillon que la haute stature de l'apothicaire masquait."...mais ici la peur est une arme, une arme complète, qu'il faut connaître."

- "Où... est-ce... ici ?" Spa articule-t-il, crispé par l'effroyable douleur de ses muscles faciaux.

- "L'ichor d'un de ces tyranides a rongé le système respiratoire de ton casque. Plusieurs secrétions acides ont dévoré ton visage, Frère, mais Pater Nostra en a vu d'autres. Et tu n'es pas si laid."
<i>Je respire. Les odeurs me parviennent.</i>
<i>Et si tu préfère poursuivre ainsi, je relaterais tes propos à Fitz-Osbern</i>

Spa fixe l'émeraude des yeux attentifs de Carillon.

- "Fitz, le Frère-Capitaine Spa est télépathe. Un leg latent des progénoïdes de Thorcyra."
<i>N'est-ce pas pour cela que l'Inquisition nous a jeté dans les griffes de Kraken ?!</i>

- "Et il apprend vite. Il vient déjà de comprendre qu'il y a au moins deux Inquisitions."

- "C'est en effet précieux de comprendre cela, ici." se moque Fitz-Osbern.
<i>Moi-aussi, je vous salue.</i> relaie Carillon.


Omnia Vinct Machina - KDJE - 28-02-2006


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<b>8. Vers la lune d'Eb</b>



De Talasa Prime, l'Aquila l'a ramené vers les baies de lancement, puis, sous la protection de l'espace pacifié de Maccrage, le fragile escorteur transformé en porte-nefs a bondi dans le Warp jusqu'à l'orbite de rassemblement où l'<i>Imprematur</i> veille sur le troupeau spatial de sa croisade. Dans le vaste bureau attenant à sa cabine, Lore balaie des doigts le plumage inerte de son familier. D'après les rapports, l'installation au sol de sa base arrière et les rotations des permissionnaires n'enthousiasment pas la modeste population d'Algr. Les chevaliers rechignent devant cette invasion imposée dont les réquisitions de vivres et de matériels se font désormais à la pointe des bayonnettes. L'état d'urgence a été décrété. Plusieurs plaintes pour viols, agressions. Lore n'a cure de tout cela. Détails. Il lit : "Le colonel Vanodurden a délégué le corps d'arbitrators réchappé de Baro."
<i>Sur ce monde-frontière qui n'a jamais connu l'Adeptus Arbites, très bien !</i>

Lore félicite son chef militaire d'une note : "Notre présence n'est sans doute que temporaire, mais faîtes comprendre à ces gens que le service de l'Empereur ne l'est pas."

L'<i>Imprematur</i> geint, dans sa lutte avec le Warp.

Dès qu'il a regagné le navire, Lore a informé, ordonné, détaché de sa flotte un escorteur. Il ne suffira pas. Il arrivera trop tard, trop tard pour pister l'<i>Irredente Fili</i> et ses marines en armure bronze dès leur départ de l'orbite talasane : <i>un croiseur rapide de la Deathwatch, réaffecté LRES ; le fils de l'Irredente !</i>
<i>Mais on ne sait jamais.</i>

Le choeur d'astropathes et la Maison des Navigateurs de la Tour de Transit de la forteresse, eux, ont oeuvré sans délai, ont agi envers Lore comme n'importe quel service d'appui à un inquisiteur de passage, en mission et nanti des bons sceaux. <i>Ils m'abandonnent à ma proie</i>. Au venin, le contre-venin. "Les inquisiteurs meurent, l'Inquisition reste". Lore connaît la loi intérieure, la rectitude de Titan ; et le jeu des factions, leur cycle d'influence. Ce qui attend Talasa Prime ne le concerne plus. Il a joué son rôle, et dans l'attente du suivant, l'entracte lui revient.

Le rouleau ressemble à tant d'autres. Longue liste d'intermédiaires, de rajouts documentaires, folie spatio-temporelle de la centralisation impériale, malgré la célérité plus vive de son bras chéri, l'Inquisition. Et tout en bas, les faits. Cette mission sur la lune d'Eb, sans lien direct avec l'interception ratée du <i>Tullianum</i>, cette énième mission contre l'une des furies orphelines mais féroces de Kraken. Enième équipe d'extermination, stratégie du compte-scalpels. Sacrifice.

Mais sacrifices utiles.
<i>Je sais qu'il y a un lien !</i>

La lune d'Eb n'est pas rien, en tous cas pas ce qu'elle semble être photographiée de son orbite, bille d'agathe qui aurait perdu ici et là de son vernis. Sous l'atmosphère fine et les cratères verdâtres, c'est un gruyère, une mine abandonnée depuis des éons par une race inconnue et sans épitaphe, dont l'Adeptus Mechanicus exploite les insolents filons d'adamantium lorsque les tyranides qui s'y sont réfugiés lui en laisse le temps. Obstinés sont les technoprêtres : quatre exfiltrations d'urgence. A chaque fois, des milliers de serviteurs perdus.

A l'intérieur des méandres souterrains sévit une formidable jungle, filandreuse, dont chaque tunnel semble n'être qu'une branche nourrissant ses propres végétaux parasites. Pas un animal indigène dans la lune d'Eb, pas un insecte. La jungle a régné seule durant des millions d'années. Peut-être est-ce elle qui a contraint les premiers mineurs à abandonner leurs mines. Ou est-ce elle, les mineurs, argumente l'Ordo Xenos dans une réserve polie.

Le problème d'Eb n'est pas les tyranides, mais bien les orks. Lore n'est pas friand de xénologie, les xénos, quels qu'ils soient, ne sont que les obstacles naturels à la domination inévitable de l'Imperium sur la galaxie, obstacles que n'importe quel citoyen peut reconnaître et abattre. Les xénos sont sans commune mesure avec l'hérésie qui trahit, et retarde, cette légitimité du règne humain que seul l'Empereur peut conduire. Combattre l'hérésie demande d'être plus qu'un citoyen.

Depuis un demi-siècle, les rapports précisent l'équilibre de la lune d'Eb. La jungle se reconstitue aussi vite que ne la consomment les organismes tyranides qui s'y sont enchassés. Les orks exploitent eux-aussi l'adamantium, avec une armée d'esclaves et de gretchins qu'ils ont apporté avec eux et qui se renouvèle depuis. Les orks forment un royaume, depuis qu'ils ont perdu leurs vaisseaux en chassant vers les grottes et les failles ceux, collés à la surface, des tyranides. Le conflit s'est enterré. Pour les orks, si indifférents au passé comme à l'avenir, la lune d'Eb est leur rok, puisqu'ils y sont, y vivent. Une attitude que confirme régulièrement l'Adeptus Mechanicus, y compris par le biais d'assassins réorientant la "politik" des peaux-vertes, mais aussi par la contractation usuelle. Les orks extraient pour les technoprêtres. Un pragmatisme que Lore ne peut s'empêcher de juger blasphématoire, <i>une dépendance abjecte !</i>

Dans l'une des formidables entailles contrariant la perfection sphérique de la lune, le périmètre de la technogarde s'enfonce à presque trente-huit kilomètres de profondeur, autour d'un puits principal étagé d'astroports puis, sous les faîtes des cavernes croisant les racines, de zones de téléportation. Ni les tyranides ni les orks n'ont plus d'installations en surface, ni sans doute la mémoire d'où elle se trouve. Avec la jungle, ils se dévorent dans les galeries d'humus au mieux phosporescent, tour à tour proies et chasseurs, dans un cycle infini qui n'a encore connu d'autre tendance qu'un jeu de pompe poussant une offensive ici et un retrait là. Parfois, d'un des navires en orbite du modeste blocus impérial, on voit quelques cratères s'illuminer soudainement d'une clarté fugitive, signalant la mort commune de quelques centaines de milliers de xénos dans une jungle souterraine brutalement embrasée par un lunaire coup de grisou. La pression continue qu'exercent entre eux les xénos n'a rien d'un répit pour les adeptes et serviteurs de l'Omnimessie, accrochés par les ongles au coeur d'une sauvagerie qui menace de les broyer à chaque extension de l'exploitation.
<i>Eb sera la suite du chemin.</i> se promet Blackburn.


Le chemin demande tant à ravaler.

- "Pour qui croit à la salubrité de l'Astronomican, l'Orient reste un dissimulateur parfait. Les aveugles n'y prendraient garde, ils sont hélas nombreux, refuseraient que ces ponctions parmi le sommet de l'élite, pour ne causer que de celles qui vous concernent, servent un autre maître que la mort, normée, assurant la survie de l'Empereur et des rouages de notre Imperium."

- "Je comprends votre enquête..." a reconnu le Maître de la Maisonnée, par lequel le Commandeur Calgar, absent, s'est fait représenter. "...mais, Seigneur-Inquisiteur Blackburn, notre chapitre n'a pas à interférer, ni même à porter crédit ou discrédit, à des missions organisées, et pas coordonnées, j'insiste, par Talasa Prime. Le taux de perte de ces missions est à la hauteur de l'expérience qu'elles permettent d'acquérir, ou confirmer. Que ce taux ait, d'après vos rapports d'étapes, grimpé en flèche au fur et à mesure de votre traversée de l'Ultima Segmentum, comment dire..."
<i>Oui, ne dis rien. Poursuis là où je t'emmène.</i>

"...Cette économie du risque, toute militaire, est celle des space marines depuis que l'Empereur nous a enfanté."

Le Maître avait appuyé sur le nous.

Lore avait entretenu de sa queste cet ancien pressenti à la commanderie du chapitre, champion devastator devenu porteur d'une Hache de Prandium, que ses frères (et le dégoût que lui inspira la commission d'enquête sur la colonie Beta/54, aima-t-il à préciser) révéraient à la droite de Calgar. Lore fixait la droiture au-delà du mensonge, quand le maître space marine désignait autour de lui la Forteresse d'Hera comme seul fournisseur permanent du bras armé de l'Ordo Xenos. Et uniquement cela.

- "Nous, Ultramarines, vous vous en êtes inquiété, offrons au moins trois doigts de chaque gant puissant par lequel frappe Talasa Prime. Notre honneur et notre foi, parce qu'elles sont pures, ordonnent cette générosité. Pour tous les frères de bataille admis sous l'épaulière d'argent de la Deathwatch, l'oméga inversé qui lui fait pendant est un exemple, et le sera toujours. Pourquoi voulez-vous qu'il en soit autrement ? Pourquoi chercher l'hérésie là où elle ne peut naître ?"

- "Les rapports me font simplement conclure à une surconstatation des pertes isolées, au mépris des actions collectives du chapitre. Elles corroborent bien d'autres défections parmi bien d'autres ressources impériales, sur une zone très étendue."

Un feu de joues trahissait la fureur contenue du Maître de la Maisonnée.

- "Seigneur-Inquisiteur, mes aînés ont raccompagné maintes fois les seuls traîtres qui soient vers l'Oeil fangeux autour duquel vous avez visiblement bâti votre carrière, et je peux vous emmener céans contempler le sang demeuré glacé dans les calottes polaires de Maccrage. Pénétrez-vous de cette différence dans la norme, mortelle, dont vous tentez d'émousser l'immaculée magnificence. Je vais moi-même aux pôles tous les ans remercier ceux qui m'ont conservé l'honneur de poursuivre ici la fonction sacrée qui me fait vivre. Je ne veux pas d'une seconde giclée de ce sang sur ce monde. Nous ne le permettrons pas. Et je n'ai cure de la paranoïa qui mine votre ordre ! Méfiez-vous de qui vous voulez, mais pas des plus glorieux guerriers de l'Imperium ! Regardez par cette fenêtre. Là-bas, derrière la lumière du jour, est la course de Talasa Prime dans la Mer des Etoiles. Croyez m'en, on ne complote pas si près d'Hera !"

- "Donnez m'en la preuve." défia Lore avec un rictus de déception. "Car si je vais dans les cathédrales d'Ultramar, qu'y trouverais-je mieux adoré : l'Empereur, ou son treizième fils Roboute Guilliman ?"

Mentalement, le Maître Ultramarine maudit l'Ordo Hereticus et le changement que ne stoppaient les siècles.

- "Je sais constamment où sont tous mes frères."

- "Vous le savez approximativement. L'Ordo Xenos organise et ne coordonne pas, vous l'avez relevé vous-même."

- "Je sais, suffisamment, où sont tous ceux qui portent les armes et les lumières de mon chapître."

Assis sous le discours de son hôte, Lore afficha une moue dubitative, presque moqueuse.

- "Tenez," parvint le Maître, "l'Adeptus Mechanicus a requis une nouvelle fois des équipes d'extermination sur la lune d'Eb. Ce n'est pas loin. Là, dans cette lune, dix space marines des chapitres Ultramarine, Iron Hands et Scythes of the Emperor, regroupés sous l'épaulière de la Deathwatch, plongent peut-être en ce moment même au plus profond de la zone lunaire impériale afin de libérer un magos technoprêtre, sa suite et son équipage, gagnés par une poussée offensive de l'ennemi. Allez y chercher la preuve par vous-même. Je sais, moi, qu'elle ne prouvera rien d'autre que mes dires, qu'un de mes frères vous y accueillera."

- "Je pourrais les attendre ici, puisqu'ils ont votre certitude de revenir."

Le maître Ultramarine empoigna son pistolet-bolter et y enficha un chargeur. Bras tendu, il posa la bouche de l'arme sur le front chauve de son contradicteur.

- "S'ils ne reviennent pas, je peux vous amener où les attendre." menaça-t-il d'une voix calme. "Les aveugles n'y prendraient garde, peut-être parce qu'ils ont autre chose à faire que de regarder mourir les autres. Entretien terminé, Seigneur-Inquisiteur Blackburn. Passez au scriptorium prendre votre homologuation, puis saluez pour moi ceux qui tolèrent votre inutilité."



Aller plus loin avec le post :
<b>Baro</b> : condamné pour incartades, rapines et sévices anti-Ministorum, le gouverneur planétaire a révélé un appétit puissant pour le démon et livré les deux ruches mésosphériques de Baro à la guerre civile. Répression et rétablissement de l'autorité impériale par la croisade Rudd (chapitre Black Templar, Sénéchal Evin Rudd). "L'apparence baclée des diverses enclaves d'évacuation ne doit pas masquer l'extrême efficacité du bombardement bactériologique final" précise le rapport définitif du seigneur-inquisiteur Blackburn, louée soit son intervention en qualité d'Adepte Superviseur. Demande de sanctification du pontife de Baro en cours de traitement par les services écclésiarchiques d'Ophélia VII.
<b>LRES</b> : Long Range Extermination Ship, nda. Selon la terminologie talasane, désigne les missions Deathwatch et/ou Exterminatus au-delà de l'Astronomican, dans le Halo.
<b>Tullianum</b> : vaisseau-forge ou vaisseau noir de classe Retaliator lancé en M33, encore immatriculé au quartier général de la Flotte du Segmentum Solar malgré trois statuts perdita confirmés (et deux autres plausibles). Soupçonné d'avoir servi de base d'opération mobile de l'Officio Assassinorum durant l'Apostasie. Destruction mentionnée par l'Avoué de l'Inquisition à la séance des <i>quaestiones perpetuae</i> du Haut Conseil des Seigneurs de Terra (calendes M37) en réponse à une interrogation du Grand Connétable de la Garde Impériale. Identification du <i>Tullianum</i> relayée dans le rapport d'avarie du libre-cargo <i>Spoon of Assborngonde</i> faisant partie du convoi off-clause vers Eb Majoris, le 5 avril 004M42 ; retrait de plainte déposée par Triplex Phall à l'encontre du croiseur <i>Irredente</i> (tribunal des chartes et des affaires spatiales, Duniash).


Omnia Vinct Machina - KDJE - 28-02-2006


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<b>9. La renaissance</b>



La pente hélicoïdale mène de l'antichambre du sépulcre à l'apothecarion. Spa a toujours savouré à sa mesure cet endroit de transition médicale, récompense du combat mené jusqu'à en perdre conscience. Commun à toutes les présences de l'Astartes, troisième de la trinité monastique avec l'arsenal et la chapelle, Spa qui y revient debout, malgré chaque pas et leur douleur tangible, est accueilli attentivement par un peuple voué à la coercition de la perte. Comme Spa ressent de même les siens à l'oeuvre, organe de Larraman et rein oolitique réchafaudent les anges de la mort dans une demi-douzaine de caissons stériles, parfois ouverts, où... lisent des frères, sans doute en pénitence. Saluts discrets d'égaux demeurés dans l'honneur et la force de vivre. Sur quelques litières, parmi la trentaine disponible, d'autres blessés, y compris des femmes, n'ont pas la taille requise. Cette mixité des guerriers, comprenant peut-être des civils, choque l'habitude de Spa par ce gaspillage de ressources. <i>Le front est proche.</i> Beaucoup de soeurs hospitalières s'activent dans un silence préservé. Un autre médic, jeune, que sa stature anormale seule distingue comme space marine, anime l'atmosphère paisible de ses prescriptions chuchotées à un haut-serf à la barbe fournie. Une lumière caniculaire tombe de puits à miroirs et complète l'agréable fraicheur de ce temple de la vie, aux murs taillés dans la roche. Installation ancienne, encombrée. Engoncée dans une alcôve, une fontaine bruisse d'une eau trouble. Un grillage de caoutchouc assourdit les pas. Spa se souvient de la lune d'Eb, de la coursive B du <i>Fides</i>. Spa repousse ce qu'il ne veut accepter. Le présent, seul le présent compte. <i>Par le pénis enroué de l'Empereur, où suis-je ?!</i> aimerait-il contredire oralement sa discipline. Traversant à moitié l'apothecarion, sans prêter garde à ses éventuels réactions, Fitz-Osbern et Carillon emmène Spa vers une autre pente, de moellons grossiers naphtés et posées contre un mur. Le trio s'y élève, se penche sous le plafond plus bas, progresse longtemps.

Une galerie sombre de roche ocre, stratifiée de calcaire, de granit et de sédiments noirs fossilisés, apparaît comme le but de leur montée.

- "Médicalement, tu es sauvé." introduit soudainement Fitz-Osbern d'un sourire de moustache. La porte qu'il ouvre un peu plus loin est lourde, étroite et blindée. Elle protège une caverne bien plus vaste que l'apothecarion. Martèlement et lime électrique agressent Spa autant que la puanteur des graisses d'armes et des huiles figées. Peu de techs oeuvrent toutefois dans l'arsenal. Armes de toutes sortes rangées telles des livres sur des rayonnages d'acier segmentant la vaste voute. Etablis de maintenance, silhouettes trapues d'un rhino et de deux razorbacks encerclées de caisses, bidons, machines-outils. Les blindés sont peints de couleur sable et frappés d'une simple tête de loup noire et d'un lettrage d'identification blanc. Des filets de camouflage désertique trainent un peu partout. Cartouches de zitron empilées [munition défoliante adaptable aux lance-flammes, nda]. Fitz-Osbern hèle l'un des humains affairés sur le plus loin des blindés. Celui qu'il désigne en retour est un vieux subhumain, squat, au visage fermé, la barbe maquillée de graisses. Il jette à Fitz-Osbern un disque tordu que le kan-earl réceptionne à la volée. L'apothicaire le tend à Spa.

- "Tu lui dois la vie."

Le disque crénelé est partagé verticalement en son diamètre, de couleurs comme de symboles. Os et métal, blanc et noir. Spa remercie d'un signe de tête.

Excentré, le techmarine au torse nu les reçoit d'un regard curieux au dessus de lunettes polyoptiques à laser de filetage. Attablé, il semble dîner d'un cadavre déjà fort entamé, démembré et à la croute délaissée. L'état de ces pièces d'armures énergétiques atterre les deux marines, Fitz-Osbern se navrant toutefois d'une grimace plus blasée.

Intuitivement, Spa entend que la sienne fut également amenée ainsi, avec lui dedans. Que ce sont peut-être des parties de la sienne.

Le techmarine se lève, déséquilibre un tas de ferraille dans une caisse à munitions derrière lui. Spa comprend mal qu'il ait pu conserver son pantalon d'armure sans le secours du moteur dorsal. En contournant la table vers le trio, mollets et pieds bioniques du techmarine crissent de quelques légers désajustements de rotules.

- "On dirait que les cordonniers sont les plus mal chaussés, Artificier Mélanion." se moque gentiment Carillon que ce couinement mécanique agace aussi.

Le techmarine toise Sophia, dont le sommet du crâne ne dépasse pas le milieu de la poitrine de son interlocuteur, et la salue d'un revers de poing allant frapper le coeur. Les cheveux roux s'animent de ce frôlement.

- "Si j'avais le temps, Inquisitrice."

Spa aurait aimé sourire et il le fait intérieurement. "Les contingences séparent les organes de l'Imperium et souvent ceux-ci s'en illusionnent", aimait à répéter le frère-chapelain. Remettre à sa place, et face à ses dépendances, même un inquisiteur (surtout un inquisiteur), voilà bien l'Astartes telle que l'ont pratiqué Thorcyra et les siens. <i>Je ne suis plus sur Eb, mais je suis dans l'Imperium</i>, se rassure Spa.

Amusé par l'échange, Fitz-Osbern désigne ce que présente le techmarine. Ce dernier l'offre à Spa.

- "Je n'ai pu retrouver le talent de celui qui a réalisé cette combinaison, la rétractabilité des griffes, mais son savoir était connu, sur Mars."

La signature logotypée du techmarine Vogb, des Scythes of the Emperor, est presque effacée sur le débris du gantelet à griffes éclair, où saille encore l'ancrage du lance-bolt et de son faisceau servoneural.

Spa tend sa nouvelle main bionique, réceptionne gauchement le souvenir dans la paume désespérément ouverte.

- "Pater Nostra n'a pas supprimé le switch ?" s'étonne le techmarine à la vue de cette rigidité.

Spa, malgré l'ignorance du terme rituel, dénie de la tête. La connaissance des boutûres font des techmarines les jardiniers des guerriers, dont ils récompensent la sève plus surement qu'un sceau de pureté fixé par le chapelain. Spa apprécie le respect de ces prêtres, initiés sur Mars, leur savante eucharistie envers les mystères de l'animation du métal et son alliance avec la chair. Comme tous les space marines, Spa prient ce qui est venu combler et poursuivre son corps, et plus encore, ce qui le recouvre, le protège et le sauve. Son âme en a besoin et ce besoin doit être remercié, respecté. Spa doit tant à la piété et au respect prudent des techm...

- "Porcelaine de switch de capote en grès !" jure nerveusement le techmarine en accompagnant le coup de son maillet de bois sous la paume bionique. Parmi les multiples articulations de la main artificielle, dans l'envol de l'artefact vogbien, un débris s'échappe d'entre deux tendons tordus, anime d'un cliquetis de tension relachée la prothèse à présent libérée. "...pourtant pas compliqué." maugré le techmarine en retournant à sa table.

Devant l'effarement de Spa, Fitz-Osbern croit bon de commenter.

- "C'est un schismatique. Son incurable râlerie l'y prédestinait."

Derrière l'humour du chef, Spa ressent la gêne volontairement masquée devant le juron, l'attitude insensée du techmarine. <i>Un schisme, parmi les élus du Culte de la Machine ?!</i> Un frisson solidaire glace l'échine de Spa. "L'interdépendance est un équilibre de pouvoir." rappelait souvent Vogb en refusant les félicitations de ses frères, qu'il équipait.

- "Mélanion...?" requiert le kan-earl.

- "Elle est prête, dans l'entre-sol 2."

Dans un geste fraternel, Fitz-Osbern remercie le techmarine d'une tape sur l'épaule.

- "Remerciez plutôt mon nodule cataleptique, cette création d'un enfant de putain !"

- "A vous revoir, Gros Mél'." salue l'inquisitrice.

- "Allez-vous faire empaler, vous et vos deux-qui-zitron." se ferme le techmarine en se réattablant à son assemblage.

Dans le vaste et bruyant ascenseur, lui-aussi éclairé naturellement d'une solarité diffuse, échappée de quelques pièges à lumière cachés dans la roche des murs, <i>Ne connait-on pas la nuit sur ce monde ? Pas d'ampoules, pas de torches...</i>, prévu pour descendre les blindés dans l'arsenal, Carillon prépare l'explication devant le regard de Spa ; le marine est à l'évidence plongé dans d'insolites pensées.

- "Le techmarine Mélanion me reproche de lui donner du travail."

- "Et il n'est pas le seul." pique Fitz-Osbern avec un demi-sourire. "Frère-Spa, tu vas retrouver une armure. Elle t'est nécessaire, là où nous allons."



Aller plus loin avec le post :
<b>Palomi Vogb</b>, techmarine [991M40 - 921M41], chapitre Scythes of the Emperor, KIA. Tué au combat lorsque le lance-bolt qui remplaçait l'un de ses yeux s'enraya, le techmarine Vogb marqua de son empreinte plusieurs générations de Scythes, qui firent perdurer son souvenir par de nombreuses citations passées depuis dans les Pensées du jour du chapitre. Parmi celles-là : "N'est Dieu celui qui relève d'imperfection."