SpoilerLe tant décrié Kylo Ren est à mon sens le personnage le plus intéressant et le plus original de la totalité de la saga avec cette particularité qu'il est enclin à la lumière mais qu'il recherche le côté obscur, alors que la lutte de tous les Jedis est justement de résister à ce côté obscur. Une lutte qui n'est pas sans me rappeler, étrangement, le récent "JoJo's Rabbit", un excellent film où un petit garçon se convainc qu'il est un nazi (alors qu'en fait c'est juste un petit garçon, c'est un résumé très "bâtard"). La dualité avec Rey est géniale et à son habitude, JJ Abraham déconstruit le mythe avant de le reconstruire. Il donne de la profondeur à la série. Là où George Lucas te martelait qu'il y a les gentils d'un côté et les méchants de l'autre (rappelons que Lucas c'est le 1, 2, 3 et 4 ... pas le 5 et le 6), là où on te bassinait avec les "Siths" comme face opposée des "Jedis" ; ici on te rappelle qu'ils ne sont pas deux faces opposées d'une pièce, mais belle et bien qu'ils sont la même pièce. Le plus important c'est pas tes actions, mais les raisons qui motivent tes actions.

Tuer quelqu'un ? C'est mal si c'est une motivation égoïste, amenant le pouvoir, quelle que soit la raison pour vouloir obtenir ce pouvoir (même si c'est pour sauver ses amis). Si c'est motivé par la peur et l'abdication devant cette peur. Si c'est pour conforter un héritage, une motivation paresseuse. Si Rey tue l'empereur parce qu'elle se résigne à son destin, à son héritage ou à son sang, si c'est par facilité ; alors elle bascule du côté obscur
Tuer quelqu'un ? Ce n'est pas mal si c'est un combat dénué de peur, de colère, de haine ou de ressentiments ; si c'est une lutte contre le mal absolu. Si Rey tue l'empereur, non pas en acceptant son pouvoir qu'il souhaite lui léguer, mais en le repoussant (symbolique des 2 sabres lasers croisés et du fait qu'elle vainc l'Empereur sans le frapper, juste en renvoyant vers lui ses attaques), alors elle ne bascule pas du côté obscur. En abandonnant sa peur, et on pourrait dire même en effectuant l'ultime sacrifice, dénué de tout désir égoïste, peu importe ce qui lui arrive et peu importe ce quu arrive à ses amis, juste en faisant ce qui doit être fait, alors elle reste dans la lumière. C'est ça être un jedi.
Et alors qu'elle n'arrivait pas à contacter l'esprit des Jedis passés parce qu'elle tentait de les invoquer (par la puissance donc), l'ensemble des Jedis passés viennent la soutenir quand elle se résout à l'abnégation et à l'humilité. Ils la poussent et l'aide quand elle s'accepte comme Jedis, quand elle devient réellement un Jedi. Quand elle accepte d'être qui elle est, afin de pouvoir choisir qui elle sera (fin du film ou elle "choisit" son destin en choisissant son nom).

La symbolique de Rey qui "tue" Kylo Ren et qui libère Ben Solo faisait un peu "grosse ficelle". Mais ça n'en reste pas moins intéressant, et ça offre une grille de lecture pas si compliquée pour le grand public (car Star Wars doit rester cette saga grand public bien loin des délires élitistes d'une frange de fan hardcore).

Certains s'offusquent du retour de l'Empereur, j'ai envie de dire "meh". Sa raison d'être semble évidente, il est un avatar du mal qui n'a aucun intérêt en tant que méchant, ce n'est pas son rôle. Le méchant à vaincre pour les héros se trouvent en eux-mêmes. C'est un hommage vibrant à la première trilogie et la preuve que les scénaristes aiment et ont compris cette dernière. Je pense qu'ils ont choisi l'Empereur parce que son ascendance sur Rey rend plus logique la dualité dans la Force qu'elle représente avec Ben Solo et plus cohérent son combat contre le poids du passé.

D'ailleurs en terme d'image de la femme c'est intéressant de noter qu'elle porte sur le dos deux types de poids : Le poids de la tradition, du sang, de l'obligation familiale ainsi que l'image écrasante de la soumission au père (incarné par l'Empereur ici). Mais en même temps elle porte le poids de la "modernité" en tant que Jedi, réussir et s'affirmer, assumer ce qu'elle est et le démontrer aux yeux de tous. Ne pas faiblir, ne pas faillir et porter en même temps le poids de la "famille" ... J'ai du mal à ne pas y voir une symbolique de la "charge mentale" qui pèse sur les femmes, ou à minima de ce déchirement constant entre l'exigence de réussite professionnelle mais aussi l'image traditionnelle de la mère de famille ... la "bonne" mère de famille.

Il y a pleins, énormément de choses à dire sur cette postlogie que j'apprécie énormément. Le 8 était aussi un pur bijou en terme de messages profond sur la nature de l'Homme au travers de l'image du Jedi et de son combat pour/contre le côté obscur/lumineux. Mais il me faudrait un bouquin pour tout analyser.

Je n'évoquerais même pas la photographie du film qui est somptueuse et renvoie la prélogie aux oubliettes par l'inventivité des plans, des champs-contrechamps et de l'utilisation de la lumière ... qui ne sont pas sans rappeler le travail de Kershner sur le 5.

Ouép, j'aime cette postlogie qui est une grande saga à la fois divertissante et porteuse d'un tas de message intéressant pour peu qu'on y regarde avec un peu d'intérêt.

Et j'irai pas lire la critique d'un gars dont le fond de commerce est de défoncer les films, tous les films. Ou si je vais la lire, c'est avec du recul hein ... Son but c'est d'oublier la suspension consentie d'incrédulité pour défoncer des films, même quand ils sont unanimement considéré comme bon