Aux Postes de Combat - Politique

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-         Je clôturerai donc cet exposé en vous indiquant que mes services estiment à 72% la probabilité de voir le Protectorat déclencher les hostilités contre nous dans l’année.  La prévision monte à 87% dans les trois ans à venir.  A cinq ans, c’est une quasi-certitude pour mes analystes.

Le Colonel Roberts, chef d’état-major du Renseignement de la Spatiale observa un long silence et ses yeux firent le tour de salle.  Le gouvernement de la Fédération des Systèmes Unis (FSU) était représenté par son Président, trois ministres et cinq ambassadeurs permanents.  Les amiraux Thursley, Nelson et Berings, les trois plus hauts dirigeants de la Flotte Spatiale hochèrent gravement la tête mais étaient naturellement moins surpris que les politiciens.  Les rapports de terrain allaient tous dans le même sens depuis trop longtemps et un affrontement avec le Protectorat était inéluctable.  Ils auraient toutefois espéré avoir plus de temps pour préparer leurs hommes à ces événements.

-         Etes-vous sûrs de ces estimations, colonel ? le Protectorat s’est souvent montré belliqueux, nous le savons tous mais pourquoi s’en prendrait-il à nous aujourd’hui ?  Nos navires sont plus puissants que les leurs et ils pourraient se laisser tenter par une cible plus… accessible. 

L’ambassadeur permanent DeSantos affichait un visage presque souriant et semblait convaincu du bien fondé de son opinion.

-         Monsieur l’ambassadeur, les chiffres sont malheureusement exacts et même assez optimistes lui répondit l’amiral Berings, dirigeant du Renseignement Spatial. le Protectorat va nous attaquer sous peu et nous ne sommes pas prêts.  Vous avez raison de dire que nos navires et nos équipages sont supérieurs aux leurs.  Mais ils en ont deux fois plus que nous !  Notre technologie et le courage de nos hommes ne suffiront pas.  A ce stade, notre meilleure chance reste le traité avec la Ligue d’Eos qui pourrait contraindre le Protectorat à revoir ses plans.  Où en sont les négociations à ce sujet, monsieur le ministre ?
 
Edouard Champlain, ministre de la Diplomatie et du Commerce prit la parole avec un léger tremblement dans la voix.  La Ligue n’était pas son option favorite et chacun ici le savait.
 
-         Elles progressent, amiral, elles progressent.  Vous savez tous à quel point la Ligue est une construction politique fragile.  Chaque planète membre revendique la préséance sur les autres et bien qu’ils soient finalement tous plus ou moins dépendants d’Athéna et de Lacédone pour l’aspect militaire des choses, ils ne se l’avoueront jamais.  Négocier avec une structure aussi peu unie est une réelle difficulté pour nous et il nous faut pratiquement convaincre sénateur par sénateur pour obtenir quelques résultats.  Et il n’est pas rare qu’un sénateur nous demande exactement le contraire de ce que l’un de ses collègues nous a demandé la veille.  C’est un sac de nœud messieurs et je doute que nous obtenions une réponse favorable à court terme.  Trop de planètes de la Ligue craignent de voir le Protectorat tourner son attention vers elles.  Je crois sincèrement que nos efforts diplomatiques avec le Protectorat ont plus de chance de succès.
 
-         Avez-vous écouté le colonel, monsieur le ministre ? 

Berings faisait de gros efforts pour se contenir mais il ne trouvait guère d’excuse à la naïveté de  Champlain .
 
-         Le Protectorat de la Paix Universelle n’est pas un gros toutou que l’on peut apprivoiser, monsieur le ministre.  C’est un énorme loup sauvage, vicieux et affamé.  Au mieux, peut-être pourrez-vous nous gagner un peu de temps mais la voie diplomatique est sans issue !

Sa voix grondait sourdement à la fin de son intervention et le Président se sentit obligé d’intervenir.
 
-         Amiral, surveillez vos propos !  Votre avis nous est précieux mais la Spatiale n’a pas à décider de la politique diplomatique de ce gouvernement.  Monsieur Champlain travaille avec mon soutien depuis les premières heures des négociations avec le Protectorat et je crois comme lui que la voie diplomatique n’est jamais sans issue.  Enfin bon sang, le tableau n’est pas aussi sombre que vous le décrivez.  Le Tribun n’est pas un homme que l’on aime avoir à sa table, je vous l’accorde mais il est bien plus raisonnable que vous semblez le croire.

Berings allait répondre mais Thursley, premier amiral de la Spatiale posa sa main sur celle de son collègue et ami en signe d’apaisement.  Il prit la parole et chacun perçu un mélange d’angoisse et de détermination dans ses propos.

-         Monsieur le président, messieurs les ministres et ambassadeurs.  Je ne vous ai jamais caché mes doutes concernant la bonne volonté du Protectorat.  Leur situation économique et sociale est intrinsèquement liée à leur expansion.  Chaque système qu’ils ont conquis durant le dernier siècle est aujourd’hui un état-client qui lui est désormais politiquement, économiquement et militairement subordonné.  Le Tribun et le Sénat ont ainsi tous les avantages d’un véritable Empire Stellaire sans devoir en assurer la gestion quotidienne locale.   Sous couvert de « pacifier l’espace », ils ont aujourd’hui pris le contrôle de plus de cinquante systèmes.  Cinquante-trois systèmes très précisément messieurs et la FSU n'en compte que 21 !  La Ligue en compte 17 et ses flottes regroupées forment un tonnage comparable au notre.  Même en unissant leurs forces aux nôtres, le Protectorat garderait l’avantage du nombre, surtout au niveau des vaisseaux de lignes et des galions.  Soyez conscients messieurs que tout conflit qui nous opposerait à la Ligue menacerait gravement la pérennité de la Fédération.

Le Président Woodrow fut étonné du ton dur qu’avait pris le premier officier de la Fédération.  Il conservait encore un espoir sincère d’aboutir à une solution pacifique avec le Protectorat et de toute façon, il n’y avait pas d’autres voies.  Thursley et Berings l’ont dit eux-mêmes, la Fédération n’est pas  prête et ne peut affronter le Protectorat.  Il était temps de clôturer cette séance avant que l'air de la pièce devienne irrespirable.

-         Très bien messieurs, nous avons entendu les avis de chacun ainsi que l’intéressant exposé du Colonel Roberts.  Nous ferons part de ceci au Congrés de la Fédération dés la prochaine session.  D’ici là, monsieur Champlain poursuivra ses efforts tant auprès de la Ligue que du Protectorat afin de parvenir à un accord maintenant le statu quo actuel.  Je vous remercie.

Le visage fermé, les amiraux sortirent ensemble de la salle de réunion et prirent le même élévateur.

Berings fut le premier à prendre la parole.

- Nous allons droit à la catastrophe Edward.

- Je sais Joseph, je sais.  mais que pouvons-nous désormais y faire à part préparer au mieux nos hommes ?

Edward Thursley, premier Amiral de la Fédération des Systèmes Unis ne trouva aucun autre mot pour réconforter son collègue et ami de quarante ans.

- Tous les hommes feront leur devoir, monsieur, se permit l'Amiral Nelson, commandant de la première Flotte.   

- Je n'en ai jamais douté Arthur.  Mais cela suffira-t-il ?
(Modification du message : 10-07-2018, 23:01 par Alias.)

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Aux Postes de Combat - Politique - par Alias - 10-07-2018, 16:00

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