L'antispecisme est il un humanisme?

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C'est douloureux, le genou ? LOL
Tu tombes plutôt mal, parce qu'autant abattre un animal (ou un anti-speciste) pour le manger, ça ne me pose pas de souci de principe, autant détruire un arbre (et plus largement une plante) sans raison me donne toujours une impression de gâchis révoltante.
Et que je partage la vision d'Hallé quand il dit que planter des arbres c'est le meilleur moyen de se sentir heureux.

Je n'ai pas vu le doc, mais j'ai eu l'occasion d'écouter plusieurs entretien avec Francis Hallé, donc je connais la teneur de ses propos.

Si je ne me trompe pas, il défend l'idée d'une reconstitution de forêt primaire chez nous. En gros, l'idée est de créer une grande réserve forestière et de ne plus y mettre les pieds pour les siècles à venir. (Encore que de mémoire, il ouvrait la porte à une sorte de tourisme piéton contemplatif.)

Pour ceux qui l'ignorent, il est l'un des scientifiques derrière le projet de radeau des cimes. Qui a permis d'énormes progrès avec une méthode non invasive.

Il est aussi à l'origine d'un système d'identification des arbres en fonction de leur architecture.

Bref, c'est un sacré bonhomme.

Et je suis heureux de voir que tu es capable d'alimenter intelligemment le débat que tu semblais attendre.

Cyrus, en fait, en terme d'écosystème, une forêt primaire, c'est incommensurablement plus riche qu'une forêt exploitée. En fait, on ne devrait même pas utiliser le même mot. Le seul point commun, c'est la présence d'arbres.
Donc il ne peut pas y avoir d'exploitation dans une forêt primaire (a l'exception, peut-être, des quelques peuples autochtones qui y vivent, mais je ne pense pas que vivre en forêt primaire soit comparable à l'exploiter).

[Edit: modification de certains passages pouvant paraître un peu trop rugueux envers DV8 à la relecture, ce qui n'était pas le but]
(Modification du message : 30-05-2020, 21:32 par Boulicomtois.)
(30-05-2020, 20:07)Boulicomtois a écrit : Cyrus, en fait, en terme d'écosystème, une forêt primaire, c'est incommensurablement plus riche qu'une forêt exploitée. En fait, on ne devrait même pas utiliser le même mot. Le seul point commun, c'est la présence d'arbres.
Donc il ne peut pas y avoir d'exploitation dans une forêt primaire (a l'exception, peut-être, des quelques peuples autochtones qui y vivent, mais je ne pense pas que vivre en forêt primaire soit comparable à l'exploiter).

J'ai bien compris. Et, sans surprise, je suis d'accord avec toi. Je ne dis pas qu'il faut exploiter les forêts primaires. Je ne défends pas non plus l’exploitation industrielle de la forêt. Ne te méprends pas sur mon propos, ça ne tiendrait qu'à moi, je foutrais la paix aux bestioles et aux gros arbres, hein.... Ce que j'avance c'est simplement l'idée que certains veulent exploiter la forêt (au sens large, celles plantées pour ça et les autres sont là depuis bien longtemps). Bon, très bien (ou pas...), on peut être d'accord ou pas. N'empêche que pour l'instant c'est autorisé d'exploiter la forêt (c'est moche mais c'est comme ça). Je préfère une table en bois qu'une faite de plastoque... Du coup, c'est un moindre mal que d'avoir des gens qui cherchent à l'exploiter pas trop stupidement cette forêt (au sens large) surtout dans les forêts assez "riches"d'un point de vue écologique par exemple plutôt que de complètement les massacrer. Je ne dis rien d'autre.

Dans l'absolu, de nouveau, je suis d'accord avec toi que certaines forêts (Amazonie, Congo, Bornéo) devraient être à l'abri de toute présence humaine (ou presque) pour les préserver. Et ta remarque sur les différents noms à donner est pas bête. On dit forêt mais ça ne permet pas de distinguer la forêt de pins des Landes, création humaine pour être exploitée, certaines forêts de feuillus de notre pays et l'Amazonie. Ce sont trois réalités différentes.
(Modification du message : 30-05-2020, 21:42 par Cyrus33.)
Du point de vue de l'espèce humaine, oui, c'est certain, il vaut mieux une forêt exploitée durablement qu'une déforestation définitive.

Mais du point de vue de la forêt primaire, en fait, ça ne fait aucune différence. Que tu exploites le truc intelligemment, que tu en fasses un champs de soja ogm, ou un parking de supermarché, c'est pareil : la forêt primaire n'existe plus.

Et là, on parle d'un truc qui dépasse l'échelle humaine. Un cycle forestier (c'est à dire passer d'une zone dégagée, d'une trouée, à une population stable) chez nous, c'est déjà plus de 500 ans. Sous les tropiques, cette durée est considérablement rallongée, parce que les espèces vivent plus longtemps.
Donc même pour avoir une forêt secondaire mature (repousse sans intervention humaine), il faut attendre au moins 600, 700 ans. Et encore, ça c'est pour atteindre la maturité... Si tu veux une vraie forêt primaire, tu peux rajouter un paquet de siècles.

Autant dire qu'exploitation raisonnée ou pas, une fois que la main de l'homme à mis le pied dans une forêt primaire, elle est perdue pour l'espèce humaine.
(30-05-2020, 22:29)Boulicomtois a écrit : Du point de vue de l'espèce humaine, oui, c'est certain, il vaut mieux une forêt exploitée durablement qu'une déforestation définitive.

Voilà, sous l'angle de l'exploitation, c'est le moins pire...

(30-05-2020, 22:29)Boulicomtois a écrit : Autant dire qu'exploitation raisonnée ou pas, une fois que la main de l'homme à mis le pied dans une forêt primaire, elle est perdue pour l'espèce humaine.

On est d'accord là-dessus aussi, d'un point de vue écologique (sais pas si le mot convient, mais faute de mieux...), il faudrait que les forêts soient des sanctuaires. Pour faire simple...
Mais comme dit Le Chat, pas sûr que la plupart des gens s'en soucie de la forêt. S'ils ne peuvent pas aller s'y promener... et puis bon, beaucoup vont se dire (j'en fais partie peut-être à tord) que vaut mieux une table en bois d'une forêt "durable" qu'une table en plastique. C'est complexe de vouloir à la fois des forêts sanctuarisées et d'autres "utiles" pour le bois qu'elles peuvent fournir. Si on n'utilise plus de bois, quels matériaux privilégier ? Honnêtement, j'ai pas la réponse, c'est un domaine que je ne connais pas.
(Modification du message : 30-05-2020, 22:45 par Cyrus33.)
Citation :Mais du point de vue de la forêt primaire, en fait, ça ne fait aucune différence. Que tu exploites le truc intelligemment, que tu en fasses un champs de soja ogm, ou un parking de supermarché, c'est pareil : la forêt primaire n'existe plus.

Je suis totalement d'accord avec toi... précision importante avant la suite.

Ceci dit j'apporterai quand même la nuance suivante: cette idée de "forêt primaire" est une construction culturelle et humaine. Il y a 12 000 l'entièreté de l'Europe à part quelques coins en Espagne, en Italie et en France du Sud ouest était recouverte de steppes et de toundras, des milieux très ouverts, et tout le nord d'une ligne approximative entre Londres et Prague était sous un énorme inlandis de glace (ainsi que le massif central, et les glaciers du Mont Blanc sont arrivés jusqu'à Lyon...). Il n'y avait par ci par là que quelques taïgas et forêts boréales dans les basses terres.

Les "forêts primaires" ne le sont donc pas à l'échelle géologique, loin de là.

Et nous faisons partie de tout ça. Les animaux, les plantes, affectent leur milieu, immensément même dans les forêts primaires et autres milieux "naturels", mais un équilibre entre eux s'établit. Les indiens d'Amazonie chassent, construisent des huttes (voir de véritables maisons longues assez balaises), tracent des sentiers, font des arcs, des pirogues....etc. Mais ils vivent en équilibre avec leur milieu, avec lui plutôt que contre. donc si, on peut avoir des forêts primaires sans forcément les mettre sous cloche. Suffit de pas se comporter comme des porcs...

Le problème est plus d'ordre philosophique pour moi. Quand je dis que dans 10 000 ans, y aura certainement des forêts primaires partout, j'y crois sincèrement. 10 000 ans c'est un peu court... Mettons, un million d'années. Même si l'humanité survit jusque là, d'une manière ou d'une autre, elle ne sera plus l'humanité. Les temps géologiques nous dépassent, nous ne fonctionnons pas à cette échelle, mais le monde du vivant, lui, si. 1 million d'années d'ailleurs, ce n'est pas rien, mais c'est franchement pas grand chose à l'échelle géologique.

C'est un problème de rapport au monde, à ce qui nous entoure, et au-delà, par effet dominos, de vivre ensemble qui se pose. Tant qu'on vivra dans l'avidité et la prédation pour tout ce qui nous entoure. Tant qu'on fera tourner toutes nos sociétés autour d'un développement à outrance qui ne recule devant aucun moyen (tolkien a dit (dans une de ses lettres à un de ses fils je crois " ce n'est pas parce qu'on peut faire quelque chose qu'il faut nécessairement le faire") pour exploiter son environnement, le détruisant au passage. Tant qu'on aura pas compris que "payer ses factures" et "faire fructifier son capital" et globalement que la satisfaction immédiate de tous nos plaisirs et envies, même les plus futiles et éphémères, ça nous fait plus de mal que de bien (sur le long terme et de façon globale), ça ne suffit pas à vivre bien, je pense qu'on restera dans un monde injuste, prédateur (y compris entre nous), compétitif avec tout ce que ça implique d'aliénant et de cruel, en gros où il est difficile de bien vivre, et où nos enfants vivront plus mal que nous (avec des hauts et des bas). Bref, c'est pour nous, nos conditions de vie, que ces questions sont importantes.

Pour simplifier et résumer, et ça colle bien avec le débat, c'est scier la branche sur laquelle on est assis.
(Modification du message : 31-05-2020, 01:17 par Egill.)
Un truc qui va être vraiment critique pour la déforestation, ça va être la viabilité de l'agriculture. On commence à avoir pas mal de problème avec le phosphate, le pétrole on va finir par en voir le bout, la surface utile et encore productive se réduit, etc. ... il ne faudrait plus grand chose pour que l'agriculture ne nécessite plus de déforestation.

Au niveau condition de vie c'est compliqué. Le vrai poumon, c'est l'océan avec le phytoplancton. On le matraque aussi, mais l'Amazonie, c'est "secondaire" (avec de gros guillemets). La perte d'une forêt, c'est surtout une destabilisation des climats locaux, la désertification qui fait encore perdre en terre arable, et conséquence des problèmes de pollution, de barage qui saute ou de coulées de boue. C'est pas vital pour l'humanité dans son ensemble, mais c'est terrible pour les gens vivants à côté. Nous on dispose des moyens pour que ça soit chiant mais pas trop. Après, c'est sans compter les saloperies qui dorment dans le permafrost russe. Si il y a une maladie un peu coquine, ça pourrait vraiment mettre des baffes à tout le monde, genre peste noire mais en pire. Le Covid pourrait même s'avérer être important pour l'avenir, en ayant sensibilisé les gens et en ayant déjà eu un exercice taille réelle d'une gestion épidémique au niveau mondial.

Ce qui me fait plus peur, c'est le risque que les épisodes à la 2010 arrivent de plus en plus souvent. La flambé du blé russe avait catapulté les prix de manière stratosphérique, ça à mis des tas de pays en développement sur la paille. Le jour où on en aura deux comme ça et la même année, plantez des patates et serrez les fesses.
@"Egill" : oui, c'est certain, même si le cycle des arbres est beaucoup plus lent que notre cycle humain, ce n'est pas non plus le temps géologique.
C'est pour ça que j'ai précisé qu'une forêt primaire détruite était perdue à l'échelle de notre espèce (note civilisation serait plus juste).
Après notre passage ici bas, et même si nous provoquons la prochaine crise géologique, tout repartira. Comme à chaque crise géologique.

Après, la notion de forêt primaire a beau être une construction intellectuelle humaine, elle recouvre une réalité tangible.

@ Swompy: concernant la forêt amazonienne, je n'y crois pas une seule seconde : entre la valeur du bois (en tant que matériau), et la fertilité du sol pendant les 2 ou 3 années suite à défrichement, il n'y a aucune chance que la déforestation ralentisse.
(31-05-2020, 12:55)Boulicomtois a écrit : C'est pour ça que j'ai précisé qu'une forêt primaire détruite était perdue à l'échelle de notre espèce (note civilisation serait plus juste).

Alors, sans méchanceté, ni volonté d'attaque, je précise. C'est un vrai questionnement et comme sur le Net, ça peut facilement partir en quéquette sans que ce soit la volonté de celui qui poste, je prends des précautions Wink (smiley tout ça).

Tu dis "la forêt serait perdue" pour les Hommes / notre civilisation. Perdue dans le sens où on considère que la forêt, c'est notre propriété et quelle a une utilité ? Alors que le reste de tes propos et de ceux d'Egill laissent plutôt penser qu'au contraire, vous estimez que certaines "choses" ne peuvent être revendiquées par l'Homme (la Nature au sens large je vais dire par simplicité). Ou alors, d'un point de vue "écolo-philosophique", tu penses que l'Humanité a un devoir de protection de la biodiversité ? Ou, enfin !, plus simplement, c'est juste, on a cramé une forêt, à notre échelle humaine, on en reverra pas d'autres comme ça, tant pis pour nos gueules d'Humains, la forêt repartira toute seule comme une grande dans 100, 100, 5000 ou 10 000 ans ?
L'Homme a-t-il une responsabilité par rapport au développement forestier (si on pousse dans un sens le raisonnement cynique au maximum, on pourrait dire "on va à la catastrophe, coupons les arbres, de toute façon, ça changera rien au final, on va crever et les forêts repartiront de plus belle !) ?
Bref, par rapport à tout ça, quel(s) (différents) statut(s) accordez-vous à la forêt ? Quelles doivent / peuvent être les interactions avec l'Homme ?
Je répète que c'est pas une attaque, c'est de vraies questions car ce sujet des rapports Homme / forêt (tout comme Homme / Océan, encore plus même) m'intéresse et c'est toujours bine d'avoir des avis éclairés. Du coup, Egill, peut répondre aussi Tongue
(Modification du message : 31-05-2020, 14:06 par Cyrus33.)
La dernière proposition : une fois cramée, jamais nous (a l'échelle de la civilisation) ne pourrons revoir la même forêt primaire.

Ce qui pose des soucis d'un point de vue moral (destruction irréversible, ce qui n'est par exemple pas le cas si j'arrache une haie: en quelques dizaines d'années, je peux recréer ce qui a été détruit).

Mais ça pose aussi des soucis en terme de développement (découvrir un nouveau médicament sur la base d'un principe actif végétal me semble plus grand facteur de développement que des tonnes de bois exportés), et en terme sanitaire, la réduction des espaces naturels favorisant l'émergence de maladies.

Pour moi, l'homme doit comprendre que l'environnement ce n'est pas des ressources mises à sa disposition pour qu'ils les utilisent selon son bon vouloir, mais qu'il fait partie intégrante de son environnement.

Ceci dit, en action concrète, en plus de la possibilité de créer de vastes réserves (et pas un maillage de minuscules zones comme actuellement), il y a une solution toute simple :
Reconnaître la souveraineté des peuples autochtones sur les territoires qu'ils occupent avec succès depuis bien longtemps.

L'IPBES avait rendu un rapport à ce sujet: les peuples autochtones protègent 80% de la biodiversité mondiale.
(31-05-2020, 15:15)Boulicomtois a écrit : Ceci dit, en action concrète, en plus de la possibilité de créer de vastes réserves (et pas un maillage de minuscules zones comme actuellement), il y a une solution toute simple :
Reconnaître la souveraineté des peuples autochtones sur les territoires qu'ils occupent avec succès depuis bien longtemps.

L'IPBES avait rendu un rapport à ce sujet: les peuples autochtones protègent 80% de la biodiversité mondiale.

Mouais, c'est malheureusement pas gagné... quand on voit la manière dont Bolsonaro et sa mafia traitent les Indiens d'Amazonie... ou les violences (directes ou indirectes) commisses en Indonésie à l'encontre des Mentawaï. Entre autres cas, je suppose...
(Modification du message : 31-05-2020, 17:07 par Cyrus33.)