La Voie Révélée

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Bonjour,


J'ai terminé mon troisième récit Eldar/Arlequin et je le soumets à votre appréciation.


Il s'agit d'une sorte de suite aux deux premières nouvelles que j'ai écrites : <i>Le Vaisseau-Monde</i> et <i>Le Grand Echiquier</i>.


Les deux récits décrivent les situations et les personnages qui ont amené à l'histoire présente.


Il s'agit d'un récit assez long comme je les aime, mettant en scène mes Eldars préférés.


Tout mettre dans un seul message est un choix personnel et ça rend l'impression sur papier plus simple.


L'inspiration est le background V2/V1.


<b>Edit du 15/04/2008 : </b>J'ai recopié mes précédentes nouvelles directement sur le forum de Warmania dans les liens ci-dessus.

(Modification du message : 15-04-2008, 15:18 par Gandahar.)

<i>Note : les signets (*) font référence au récit : « Le Vaisseau-Monde » du même auteur.</i>


les signets (**) font référence au récit : « Le Grand Echiquier» du même auteur.




<b>La voie Révélée</b>

<b>Chapitre I : La Prophétie</b>


<b>- La vision du Prophète -</b>


Denaïr, le Prophète de l’Ombre somnolait. Toutefois, il n’y a guère de véritable repos pour ceux qui possèdent le don de vision. Le futur. Toujours observer le futur et ses milliers de possibilités. Ecarter les chemins improbables et ceux qui se perdent dans l’infini. Remonter jusqu’au présent et explorer chaque voie une à une jusqu’à trouver une issue permettant d’améliorer les conditions de la civilisation Eldar et d’atteindre le but ultime : retrouver la gloire d’antan et redevenir les maîtres de la galaxie.


Les Prophètes de l’Ombre, guides spirituels des Arlequins, saltimbanques et guerriers accomplis, mémoires vivantes de la mythologie des héros des temps anciens et conteurs de l’avènement tragique de <i>La Chute</i>, n’échappent pas non plus à la recherche du Graal, du salut de toute une civilisation en train de mourir.


A bord de l’<i>Ynnead</i>, vaisseau spatial Arlequin traversant <i>La Toile</i> depuis des milliers d’années, Denaïr ne pouvait que somnoler, sa conscience en perpétuelle quête du meilleur chemin à suivre, au moins pour survivre.


Il y a mille ans, Miran était une planète insouciante où il faisait bon vivre.


Il y a mille ans, Miran subit l’attaque d’un bio-vaisseau de reconnaissance Tyranide(*). L’agression fut repoussée, mais la planète ne s’en remit jamais. Souillées jusqu’au plus profond de leurs terres, les plaines fertiles terraformées furent abandonnées dans le vide de l’espace, les forêts infectées par les spores étrangères furent rasées, les rares eaux encore pures furent récupérées et isolées des fleuves et mers intérieures qui n’étaient plus que des bouillons de cultures.


Il y a mille ans, Miran dût redevenir ce qu’il était à l’origine, un vaisseau-monde errant dans la bordure extérieure de la galaxie, cherchant son salut dans la fuite et l’isolement.


Dans mille ans, Miran sera rejoint par la flotte-ruche dont le bio-vaisseau rencontré jadis n’était qu’un éclaireur.


Dans mille ans, Miran sera détruite, l’ADN de ses habitant assimilé, ses pierres esprits perdues et l’essence de Kaelha Mensha Khaine rejoindra le Warp où l’attend le dieu dévoreur d’âmes, la grande ennemie Slaanesh.


Denaïr, spectateur impuissant de l’insoutenable spectacle, remonte le temps jusqu’au présent pour découvrir les événements à l’origine de cette tragédie. Malheureusement, le temps va beaucoup trop vite pour capter les détails qui permettent de prendre les décisions exates. Seules les grandes lignes sont accessibles à la vision du prophète.


« Miran va bientôt croiser un vaisseau spatial à la dérive. C’est un vaisseau marchand utilisé par les Mon-Keighs, ceux qui se donnent le nom d’« humains ». Un vaisseau abandonné par une autre civilisation est une aubaine apportant pléthore d’informations, de technologies et de denrées rares ou inconnues. Miran y enverra une flottille de scouts en reconnaissance. »


« Sept ans après, un appel psychique très puissant sera lancé depuis le vaisseau-monde vers l’extérieur de la galaxie. Qui ? Quel Eldar pourrait vouloir la perte de tout un vaisseau-Monde ? »


« Dans l’immensité de l’univers, une chose recevra l’appel. Une chose froide, immense et prédatrice tournera son attention vers la source du signal. La Flotte Ruche s’éveillera et remontera la piste du signal. Implacable, elle gardera son cap jusqu’au bout, tel un cobra ayant détecté sa proie. La Flotte-Ruche arrivera sur Miran dans moins d’un millier d’années.


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<b>- Souvenirs douloureux - </b>


Denaïr comprend alors pourquoi Miran a été attaquée il y a mille ans par un vaisseau tyranide isolé : il n’était qu’un éclaireur parmi d’innombrables drones envoyés en reconnaissance. Sondant la galaxie avec des moyens limités dans le but d’en repérer les sources de nourritures, Miran s’est trouvé sur sa route vagabonde. Normalement, le bio-vaisseau aurait dû se contenter d’envoyer quelques organismes tyranides commencer à transformer la planète, puis serait repartit ou aurait été détruit par d’éventuelles défenses indigènes, laissant les genestealers infecter quelques autochtones. Ils auraient procréés des générations d’hybrides pour préparer l’invasion de la Flotte-Ruche.


Mais sentant la puissante psychée Eldar, la <i>Reine Norne</i> qu’on appelle aussi « <i>esprit de la ruche</i> » aura compris qu’il lui faudrait des dizaines de milliers d’années pour que l’infection de quelques individus produise une descendance hybride suffisante pour infiltrer tout le système de défense avant d’envoyer le signal d’attaque à la Flotte.


Estimant les faibles défenses supposées de ce monde paisible, l’esprit de la ruche aura préféré ordonner une invasion immédiate. Cela qui aurait permis à l’éclaireur de se reconstituer quelques réserves et continuer sa route à la recherche d’une nourriture plus abondante.


Mais la planète était loin d’être sans défenses et les Eldars réveillèrent le Vaisseau-Monde qui dormait en son sein. A la fin de la bataille, la terraformation du vaisseau était entièrement dévastée : la faune et la flore avaient quasiment disparus, l’équilibre biologique rompu ne permettait plus de maintenir l’atmosphère artificielle. Le vaisseau-monde avait été ramené à la vie, les dômes en cristal ont été redéployés au-dessus des vallons autrefois fertiles et remplis d’air recyclé, les terres naguères cultivées furent évacuées dans l’espace et remplacées par des serres de cultures hydroponiques, les montagnes s’ouvrirent et laissèrent place aux fûts des canons lasers. La croûte terrestre en moëlle spectrale fut enfin éjectée dans l’espace pour libérer la structure du vaisseau. Les avirons et les ailes solaires furent déployés, puis vint l’heure de la mise à feu et du départ définitif.


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<b>- Départ - </b>


Pour ce qui restait du peuple de Miran, soit à peine le dixième de sa population d’origine, le départ de l’orbite du soleil fut un déchirement aussi douloureux que la perte des proches. Leurs vies se résumeraient désormais en une lente, très lente reconstruction dans la noirceur et le froid de l’espace interstellaire. La chaleur de leur cœur s’amenuisait au fur et à mesure qu’ils s’éloignaient du soleil. La merveilleuse beauté de l’espace qu’ils découvraient pour la première fois leur permettait de mesurer combien ils étaient ignorants des innombrables dangers de l’univers.


La vie finit par se réorganiser, d’abord sous la régence d’un vieil homme du nom de Maleth que tout le monde aimait et admirait depuis qu’il prit part à la défense de Miran à bord d’un Titan Fantôme (*), puis Prince Lofyr reprit la direction du Vaisseau-Monde lorsqu’il revint de sa formation de Grand-Prophète. Les Eldars de Miran apprirent à communiquer avec les autres Vaisseaux-Mondes, découvrirent l’existence de la Toile et remirent en service les portes de la Toile se trouvant à bord. Enfin, les temples <i>Aspects</i> reprirent vie et plusieurs Exarques envoyés par les autres vaisseaux-mondes vinrent éduquer les jeunes gens aspirant à défendre leur vaisseau en suivant la voie du <i>guerrier Aspect</i>.


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<b>Chapitre II : Rencontre avec l’inconnu</b>


Denaïr a jadis aidé le père du Prince Lofyr à Terraformer le vaisseau-monde Miran (*), à le transformer en une planète habitable. Il a aussi fait basculer l’issu de la bataille contre les Tyranides grâce à l’intervention de ses danseurs-guerriers à un moment crucial. C’est lui encore, qui a recueilli le très jeune Prince Lofyr à l’issu du combat, Prince qui suivait déjà l’enseignement de son père dans la voie de l’Archonte et à qui Denaïr a fait franchir les étapes de la voie du Grand-Prophète.


Lorsqu’une vision s’impose brutalement à un prophète, c’est que les éléments sont en places pour rendre ce futur possible. Face au danger révélé, Denaïr décide de faire intervenir une fois de plus ses troupes les plus efficaces et les plus discrètes.


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<b>- Vaisseau à la dérive -</b>


Denaïr calcule la trajectoire de Miran et détermine sa position sur les trois prochaines années. Avec ses <i>Archontes</i>, il scrute le futur le long du parcours et finit par ressentir une anomalie. Il s’agit d’une difficulté à déterminer l’avenir précisément dans une zone, comme si celle-ci était plongée dans une sorte « d’ombre prophétique ». Il ressent la présence du transporteur Mon-Keigh plus qu’il ne le voit et il a du mal à se concentrer sur son image. Pour découvrir la source du problème, il décide d’envoyer une troupe de guerriers sur place dans les prochains jours.


Cette fois, il envoie l’Archonte Kar’gan diriger l’équipe, lui-même essaiera de forcer le blocus de l’ombre Warp pour déterminer la source du danger. Kar’gan a l’habitude de choisir son commando parmi les danseurs et les choristes ayant des affinités deux à deux. Cela lui assure que chaque membre portera une attention particulière à son compagnon et restera au maximum de sa vigilance pendant toute l’opération. Cette méthode s’est déjà avérée très efficace par le passé.


La troupe comprendra notamment le jeune Tyrion et son amant Tekkan, leur inséparable ami Amn’uil et son fameux lance-toile avec Sirka, sa compagne « officielle » et les jumeaux Sibor et Bora dont la réputation de gourmandise n’a égale que leur adresse au combat à l’épée ou à la hache. Leur gloutonnerie les forçant tous deux à un entraînement plus intensif que leurs camarades, le frère et la sœur travaillent toujours de concert, chacun anticipant les mouvements de l’autre. Quatre autres danseurs et choristes formeront le reste du commando. Kar’gan s’équipe d’une énorme griffe éclair en prévision d’éventuels sas ou paroi à défoncer pour progresser dans l’épave.


La navette des Arlequins traverse rapidement la Toile et arrive bientôt à proximité de l’anomalie Warp lorsque le vaisseau Mon-Keigh apparaît sur les radars. L’énorme cargo dérive lentement dans l’espace, apparemment vide de toute vie. Il ressemble à une immense colonne vertébrale dont les côtes emprisonnent d’énormes containers, répartis de part et d’autre de la zone d’habitation centrale. Sous le pont de commandement à l’avant de l’appareil se trouve un bouclier équipé de canons qui ont bien servis, mais qui n’ont pas fait le poids face à une attaque de flanc. Ne s’agissant pas d’un engin de guerre, l’armement est surtout là pour dissuader les pirates qui préfèrent généralement des proies plus faciles.


Le commando est maintenant tout près du cargo et s’apprête à l’accoster. L’ombre Warp est bien perceptible et perturbe les facultés psychiques de l’Archonte. Avec appréhension, la troupe commence l’exploration de la carcasse. La paroi semble avoir fondu depuis l’extérieur en de nombreux endroits et de profondes déchirures témoignent d’un affrontement direct et sauvage. La troupe s’engage en apesanteur dans les coursives froides et obscures. Le silence des lieux est si oppressant que personne n’ose le troubler, de peur de réveiller quelque bête endormie.


Enfin ils découvrent un sas intact et décident de s’y introduire. Heureusement, la technologie humaine est semblable d’un bout à l’autre de la galaxie, ce qui facilite grandement la progression des Arlequins assez familiarisés avec ce genre de vaisseau, vu le nombre de flottes marchandes arraisonnés par leurs pirates.


Un voyant rouge s’est mis à luire dès que la porte extérieure du sas a été ouverte, indiquant que le vaisseau a conservé quelques réserves d’énergie. Tant mieux, cela signifie qu’ils ont des chances de marcher à l’intérieur sous apesanteur, et pourquoi pas, respirer de l’air. Le sas se referme sans bruit. Une sorte de brume vaporeuse qui s’engouffre indique aux guerriers qu’il se remplit effectivement d’air et au bout de quelques secondes, la lumière passe à un vert fixe. Kar’gan manœuvre la porte intérieure et la troupe se faufile dans la pénombre.


Dans les profondeurs du vaisseau, tout est curieusement intact et par endroits la réapparition de la pesanteur surprend les visiteurs dans leur progression. A chaque nouvelle coursive, ils s’attendent à des témoignages de batailles, mais rien. Tout est propre, rangé, abandonné sur place. Cependant, la perturbation Warp se ressent maintenant par toute l’équipe et mets les explorateurs assez mal à l’aise. Au bout d’une heure d’inspection prudente dans les niveaux vitaux, Ka’rgan décide de rendre visite aux soutes blindées du Cargo, histoire de voir si quelques denrées Mon-Keigh ne pourrait pas être récupérée par son groupe. Sur le chemin, il se rend compte que l’air ambiant se réchauffe peu à peu.


Une fois arrivé devant l’immense couloir donnant sur les soutes, chacune pouvant accueillir une flottille de chasseurs au grand complet, Kar’gan réalise l’immensité du cargo et de leur tâche. Il n’oublie pas son objectif qui est de rechercher l’origine de l’anomalie Warp et divise sa troupe en équipes de deux.


Le chef de troupe se dirige vers des soutes qui contiennent des minerais bruts. La belle Sirka s’émerveille devant des étoffes et des tissus venant de mondes lointains, tandis qu’Amn’uil examine d’un œil expert des équipements à la technologie inconnue, se demandant à chaque fois quelles en seraient les usages probables, prévus ou détournés... Kar’gan reste perplexe en tombant nez à nez avec des sortes de grands coffres métalliques munis de sièges, dont les parois sont incrustées de mauvais cristal et montés sur des choses cylindriques à la fois souples et fermes au toucher. S’il en avait déjà entendu parler, il n’avait jamais vu de véhicule terrestre tout-terrain, les Eldars préférant les véhicules anti-grav planant au-dessus du sol.


Tyrion pénètre dans une soute contenant des vivres cryogénisées ou traitées avec d’autres procédés de très longue conservation. Au détour d’une montagne de caisses, il tombe devant des récipients remplis de liquides aux couleurs tellement improbables qu’il en reste béat d’admiration quelques minutes. Tekkan aperçoit dans la soute d’à côté plusieurs centaines de sacs suspendus au plafond, tels des morceaux de viandes attendant la fumaison. Il est rapidement rejoint par Sibor et Bora, toujours curieux de saveurs exotiques. Peu à peu, Bora sent une odeur subtile dans l’air, sitôt relevée par Sibor. Une odeur dans un vaisseau spatial abandonné est généralement signe de danger. Ils se mettent instinctivement dos à dos et dégainent haches et épées. Dans un coulissement feutré, la porte du sas se referme sur les trois jeunes gens que la montée d’adrénaline fait sursauter.


Dans la soute d’à côté, Tyrion se maudit de s’être ainsi laissé séparer de son compagnon, puis l’inquiétude prenant le dessus, il interpelle le chef de troupe. « Maestro ! … »


Revenant dans le couloir, Kar’gan étudie la porte et le système d’ouverture qui était apparemment inactif et aperçoit quelques fils arrachés et dénudés. « Ce n’est qu’un court-circuit, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Amn’uil, peux-tu t’occuper de ça ? » Amn’uil étudie le circuit endommagé et décide de le remplacer par celui de la porte d’à côté, restée ouverte.


Dans la soute, Tekkan, Sibor et Bora entendent les paroles étouffées d’Amn’uil et se détendent un peu. Pour l’instant, il n’y a rien de grave, si ce n’est cette odeur nauséabonde grandissante. Ils décident de jeter un œil aux sacs suspendus, dont l’apparence fait penser à de la toile rêche et grossière. Bora ouvre le premier sac, réprime un haut-le-coeur et recule devant la vision d’horreur : un mon-keigh y est suspendu par les poignets, la cage thoracique ouverte, les côtes écartées, l’intérieur du corps a été vidé de son contenu. Elle se détourne pour soulever son masque et laisser passer sa nausée, puis parvient à se reprendre. Derrière elle, Sibor et Tekkan reculent en grimaçant. C’est alors qu’il bondit...


Le genestealer, surgit hors du sac qui lui servait de garde-manger et saute à la gorge de Bora qui a à peine le temps de réagir. Dans une gerbe de sang, sa tête décapitée est projetée en l’air avant de retomber sur le sol. L’alien regarde les deux hommes en émettant un sifflement de défit. La mort de sa sœur jumelle paralyse Sibor qui ne peut rien faire d’autre que regarder le tyranide sauter sur son camarade. Tekkan a le réflexe de se protéger avec son gantelet énergétique et assomme temporairement le monstre. Mais un deuxième sac bouge, des griffes déchirent la toile avec un « zip » glaçant le sang et c’est un deuxième genestealer qui saute cette fois sur Sibor, griffes et pinces chitineuses en avant. Sibor pare machinalement avec son épée, mais la mort de sa sœur lui ôte toute envie de combattre. Le monstre à six membres n’a aucune peine à l’éventrer, lui qui n’était qu’en combinaison moulante face à des pinces capables d’éventrer un tank. Tekkan sort son pistolet à shurikens et tire sur l’assaillant protégé par une carapace dure comme de l’acier. Mais le premier monstre retrouve ses esprits et saute sur lui à son tour. Tekkan est à terre et le genestealer pèse sur lui de tout son poids. La force combinée des deux monstres immobilise Tekkan et il se retrouve entièrement à leur merci. Le genestealer monté sur lui retire son masque avec un geste d’une étonnante précision, puis il plonge son regard dans les yeux de Tekkan dont l’esprit n’est plus qu’affolement à l’état pur. Hypnotisé par le monstre, son esprit s’apaise peu à peu, les battements de son cœur ralentissent, l’esprit de la ruche qui guide le genestealer s’insinue dans son esprit afin que la destinée tyranide s’accomplisse.


Tekkan ouvre inconsciemment la bouche et permet au genestealer d’enfoncer sa langue reptilienne dotée d’un ovipositeur dans la gorge offerte. Les deux aliens semblent bien trop préoccupés pour porter la moindre attention aux coups répétés donnés avec force dans la porte blindée de la soute. Celle-ci finit bientôt par céder…


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Alors qu’Amn’uil regarde comment remplacer le boîtier de commande, il entend soudain Bora pousser un cri de dégoût. Les Arlequins présents se raidissent et portent leur attention sur la soute où sont enfermés leurs camarades, écoutant avec attention ce qui se passe à l’intérieur. Des exclamations nauséeuses, puis des bruits de combats, des hurlements, des os brisés, des tirs de shurikens, puis plus rien. Rien d’autre qu’un silence mortel de mauvais augure. Muni de sa griffe éclair, Kar’gan enfonce la porte. Malheureusement, elle est blindée à l’épreuve des pillards et il doit s’y prendre à plusieurs reprises avant de dégager un espace suffisant pour que ses guerriers puisse passer.


Devant le spectacle irréel qui s’offre à leurs yeux l’Archonte ordonne presque par instinct « TYRION, GARDE NOS ARRIERES ! ». Obligeant le jeune homme à se retourner, Kar’gan cherche lui à éviter un choc émotionnel pouvant mettre leur mission en péril : Bora décapitée, Sibor éventré et deux monstres à trois paires de membres tenant Tekkan à leur merci dans un baiser obscène. Lorsque le corps du violeur est pris de spasmes, les Arlequins tirent dans le tas, hormis Tyrion qui, malgré l’ordre reçu, est pétrifié d’horreur de voir son amant être ainsi forcé par cette chose. Toutes les armes tirent sur les aliens, puis Kar’gan plante sa griffe éclair dans la tête de celui qui souille l’intimité de Tekkan. Les deux assaillants morts, Kar’gan repousse les genestealers du pied et se penche sur Tekkan pour voir s’il vit encore. Son regard est étrangement fixe, mais son corps est souple et sa respiration régulière.


L’âme de Bora a été sauvée par sa pierre-esprit lorsqu’elle est passée de vie à trépas. Sa pierre émet maintenant une douce lueur palpitante. Elle sera intégrée au réseau d’infinité de l’<i>Ynnead</i> où elle poursuivra éternellement son existence parmis ses ancêtres. Grâce à sa pierre, l’âme de Bora aura toujours un moyen de communiquer avec les vivants. Puis vient le tour de Sibor, mais horreur, sa pierre-esprit a été fendue pendant le combat ! La pierre n’a pas pu empêcher son esprit de rejoindre le Warp où l’attendait <i>Le Buveur d’âme</i>. L’esprit de Sibor, son côté joyeux et bon-vivant est perdu à jamais. Les guerriers restant ne peuvent s’empêcher de ressentir le vide, le manque dans leur cœur de cet esprit espiègle et chaleureux qui les égayait souvent, les réconfortait parfois, les soutenait toujours. Pour un Eldar dont l’esprit reste conscient après la mort, c’est la pire fin qu’il puisse connaître.


Tandis que les corps des camarades tombés sont emportés avec honneur et gravité, le chef de mission observe l’ensemble des sacs et décide de détruire le vaisseau étranger avec tout ce qu’il contient, le prix à payer étant déjà bien trop exorbitant. Des bombes à fusion sont placées dans tout le bâtiment. Les sas sont fermés et condamnés, la mise à feu est programmée.


Kar’gan rejoint son vaisseau avec le reste de la troupe, le blessé et les deux cadavres, puis s’éloigne à bonne distance avant de déclencher l’explosion des bombes. Le cargo piégé disparaît dans une multitude d’explosions thermiques. Tekkan toujours en état de choc, est conduit en salle de réanimation et ne réagit pas aux stimuli sensoriels. L’état de Tyrion est à peine meilleur que celui de son compagnon.


De retour sur l’<i>Ynnead</i>, Kar’gan et décrit l’incident à Denaïr. Cependant, il n’avait jamais rencontré de telles créatures auparavant et il ne juge pas utile de rapporter le baiser du genestealer sur l’un de ses guerriers. Ayant personnellement succombé à des expériences bien plus audacieuses, il juge cet acte d’une perversité gratuite et peu originale, sans rapport avec la mission. Quelle qu’ait été la source de l’ombre Warp, elle a maintenant disparue avec la destruction vaisseau Mon-Keigh. Le danger est éliminé et la vie des Eldars peut reprendre son cours normal.


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<b>Chapitre III : Le voleur de gènes</b>


La graine est plantée.


La graine a germé.





Dans l’estomac du jeune Eldar, l’œuf du genestealer remplit son œuvre : il a analysé la séquence ADN de son hôte, s’y est adapté pour ne pas être rejeté et s’est accroché à la paroi stomacale jusqu’à fusionner avec elle. Pernicieusement, chaque seconde qui passe voit de plus en plus de cellules de l’hôte parasitées sous l’action de l’ADN étranger, rendant son corps plus fort, mais surtout rendant son esprit réceptif aux émotions de la <i>Reine Norne</i>. Elle y distille ses besoins bestiaux et imperceptiblement, modifie la personnalité de l’Arlequin non préparé à se battre contre l’ennemi intérieur.


Si un Mon-Keigh avait été infecté, sa tâche aurait été de se reproduire le plus possible, avoir une descendance suffisante pour prendre le contrôle des défenses stratégiques et préparer la planète à l’invasion finale par la flotte-ruche. Mais ce qui prend plusieurs dizaines, voire quelques centaines d’années avec une population humaine, peut prendre plusieurs dizaines de milliers d’années chez des Eldars. La Flotte-Ruche ne peut pas attendre aussi longtemps et même l’une d’entre elles a déjà été décimée par le passé, la Reine Norne préfère l’affrontement direct dans cette situation. Les gènes récoltés compenseront largement ses pertes, si énormes soient-elles.


Le plan est assez simple mais sera délicat à réussir. Il n’y a plus qu’à le mettre à exécution.


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<b>- Pulsions - </b>


Tekkan était plus qu’un amant pour Tyrion, il était son protecteur, sa forteresse, sa confiance. Tyrion s’abandonnait totalement à sa virilité brutale. A chaque moment d’intimité, il abandonnait le masque du guerrier pour redevenir le jeune homme doux et sensible qu’il est toujours resté.


Tekkan est en catalepsie depuis vingt-et-un jours lorsqu’il montre enfin ses premiers signes d’éveil. Tyrion est resté près de lui chaque jour, a dormi au pied de son lit chaque nuit et son angoisse de ne jamais le revoir lui sourire se dissipe enfin. Après plusieurs jours d’observations, il apparaît que Tekkan est au meilleur de sa forme alors qu’il était presque mort à peine quelques jours plus tôt. Il est même devenu bien plus vigoureux qu’auparavant. Cependant son caractère brut, taciturne et volage ne s’est pas amélioré pour autant et c’est de plus en plus souvent que Tyrion doit laisser sa place à d’autres partenaires dans le lit de son amant. L’exubérante Sirka elle-même ne cesse de vanter les hautes performances du « convalescent ». Les premiers temps, Tekkan voyait Sirka en compagnie d’Amn’uil qui a toujours des nouveautés à tester, puis il voulait la voir seule. D’ailleurs, il les veut toutes pour lui seul, ce qui ne manque pas d’exaspérer son entourage masculin. Au fil des semaines, Tekkan finit par dire à Tyrion qu’il ne veut plus le voir, qu’il est devenu insignifiant et que dorénavant son désir d’avoir des enfants est la seule chose qui compte à ses yeux. Puis vient le jour où il prend Tyrion à part, le regarde droit dans les yeux et il lui dit que si TOUS les Eldars faisaient comme lui, leur civilisation serait autre chose qu’une lente agonie.


C’en est trop pour Tyrion. Les images de son passé ressurgissent dans sa mémoire, il se sent une fois de plus humilié et trahis. Lui qui aurait sacrifié sa vie et son âme immortelle d’Eldar pour son compagnon, se fait jeter comme un malpropre. Ce jour-là, il en est même à regretter d’avoir survécu jadis à sa planète natale et s’enferme, une fois de plus, dans un mutisme qui durera plusieurs mois.


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<b>Chapitre IV : La mission</b>


Prince Lofyr, Grand-Prophète du vaisseau-monde Miran et Denaïr, Prophète de l’Ombre de la troupe d’Arlequins « <i>Les Larmes de Sang </i>» sont amis depuis toujours et restent en contact étroit. Denaïr donne périodiquement des nouvelles de son protégé au Prince Lofyr. Ce qu’il lui apprend cette fois-ci l’émeut profondément. Les talents de danseur et de guerrier de Tyrion étant reconnus de tous, Lofyr propose à Denaïr, la mission la plus dangereuse et la plus importante qui soit pour un Eldar. Cette mission lui permettrait de vivre de nouvelles expériences et pourquoi pas, de trouver une nouvelle voie : <i>Miran</i> a un besoin vital de nouvelles pierres-esprits pour sa propre existance…


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<b>- Préparation -</b>


Les pierres-esprits sont cruciales pour les Eldars : la psychée de ce peuple est si forte que leur esprit survit à la mort physique. Il fut un temps où les âmes des morts rejoignaient le Warp en attendant de se réincarner dans les bébés à naître, mais depuis <i>La Chute</i>, ils sont pourchassés par le dieu androgyne des plaisirs : Slaanesh. Sa faim ne connaît aucune limite, surtout lorsqu’il s’agit de consumer l’âme d’un Eldar. Les pierres-esprits permettent à leurs âmes de s’y réfugier en cas de décès, échappant ainsi à l’avidité du dieu chaotique.


Jadis, la planète Miran a perdu quatre-ving dix pourcent de sa population et les survivants manquent cruellement de pierres-esprits pour ses enfants. Les pierres des disparus sont maintenant connectées au réseau d’infinité du vaisseau-monde et les âmes des morts continuent à exister à l’intérieur du réseau psychique. Certains d’entre eux aident volontiers les vivants à prendre des décisions cruciales, à transmettre le savoir des anciens ou à simplement discuter de la vie de tous les jours. Ils sont la mémoire de leur civilisation, la préservation de leur culture. Les plus combatifs réintègrent leur pierre qui est ensuite insérée dans un engin de guerre comme un Garde ou un Seigneur Fantôme, un véhicule de soutien, un transport, voire un majestueux Titan pour assister l’équipage vivant. Il paraîtrait même que des pierres-esprits suffisamment nombreuses pourraient diriger un vaisseau-monde tout entier !


Denaïr s’attendait depuis longtemps à cette requête et ne connaît que trop toute la difficulté de cette mission. Elle exige l’envoi de la troupe la plus experte et la plus discrète possible. Les gisements de pierres-esprit se trouvent au beau milieu des anciens mondes Eldars, devenus mondes-démons pour la plupart, au cœur de cette anomalie galactique qu’est l’Œil de la Terreur. L’univers matériel s’y mélange à l’univers chaotique du Warp et le risque de corruption par le chaos y est maximum. Il reste peu d’endroits où les gisements de pierres brutes non corrompues sont encore accessibles. Les Arlequins connaissent l’emplacement des mines exploitables et ils sont les seuls à être suffisamment discrets pour pouvoir y aller.


Malgré les compétences de ses Arlequins, Denaïr en personne dirigera cette mission. Sur la recommandation du Prince Lofyr, Tyrion l’accompagnera et pour la première fois ce sera sans Tekkan. Celui-ci a préféré rester auprès de Sirka qui ne se sent pas bien en ce moment. Pour cette mission, le Prophète de l’Ombre a requis l’aide d’un Solitaire. Ce personnage est l’un des rares Eldars vivants à avoir rencontré le Dieu Moqueur en personne et à y avoir survécu. De cette rencontre, il a gagné l’illumination et la connaissance de la nature même du chaos. En retour, il a reçu la promesse d’être soustrait de Slaanesh par le Dieu Moqueur s’il venait à mourir. C’est la raison pour laquelle les Solitaires sont les seuls Eldars à ne pas porter de pierre-esprit. De peur d’attirer l’attention de Slaanesh aussi sur eux, aucun Eldar n’adresse la parole à un Solitaire. Seuls quelques dignitaires peuvent le faire et encore, selon un protocole très précis.


Le Grand Arlequin Shan’muir, expert dans l’art des soins d’urgences, accompagnera aussi la troupe. La particularité de Shan’muir est de disposer d’un projecteur holographique psycho-sensitif agissant comme une grenade cauchemar : il est capable de montrer à chaque spectateur, les images de ses fantasmes ou de ses peurs les plus intimes. A ce sujet, personne n’a osé critiquer une représentation dirigée par Shan’muir car personne ne sait vraiment jusqu’à quel point le Grand Arlequin contrôle son équipement. La vraie question est de savoir s’il peut obtenir des informations intimes sur les gens avec son appareil, ce qu’il a toujours nié bien sûr…


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<b>- Le Styx -</b>


Toutes les entrées sur la Toile proches de l’œil de la Terreur ont été détruites, soit par le cataclysme qui a créé l’œil, soit volontairement par les Eldars eux-mêmes pour éviter toute intrusion démoniaque. Cependant, les Arlequins ont un secret très bien gardé. Ils sont les seuls à connaître la position exacte d’un vaisseau-monde qui était trop proche de l’épicentre pour échapper au choc psychique de <i>La Chute</i>, mais suffisamment loin tout de même pour ne pas avoir été matériellement détruit. Ce vaisseau que les Eldars des comptent parmi les pertes, erre toujours en bordure de l’Œil tel un vaisseau fantôme. Aucune présence vivante n’est recensée à bord depuis dix mille ans.


Les Arlequins qui sont les protecteurs de la Toile, s’étaient fait un devoir de condamner toutes les issues menant vers l’Œil de la Terreur et grande fut leur surprise quand ils découvrirent que la porte de ce vaisseau était intacte. Plus grande encore fut leur tristesse de constater que toute vie à bord était éteinte. Heureusement, la plupart des passagers portaient déjà une pierre-esprit et les Arlequins entreprirent leur connexion une à une avec le réseau d’infinité du vaisseau. Ainsi fut-il le premier – et le seul – vaisseau-monde à n’être dirigé que par les âmes des morts, du citoyen le plus inoffensif au guerrier le plus expérimenté, sans oublier les chanteurs de mœlle spectrale pour sa maintenance et les prophètes de toutes catégories pour le diriger.


De par la présence de puissants psykers, le vaisseau s’est entouré d’un bouclier psychique, une zone d’ombre Warp maintenue en permanence. Un psyker étranger qui sonderait cette zone serait pris de nausées et passerait son chemin. Un convoi spatial qui croiserait sa route ne verrait que le reflet des étoiles, alors que les ondes radar se contenteraient de contourner le bouclier sans générer d’écho révélateur. La lueur des étoiles et la forte luminosité de l’Œil de la Terreur suffisent à alimenter ses voiles solaires en énergie, ses moteurs étant éteints depuis une éternité.


La présence de ce vaisseau à cet endroit est une aubaine incroyable pour les Eldars, car c’est précisément dans cette zone de la galaxie que se trouvent les gisements de pierres brutes. Et les besoins des vivants peuvent aussi être utiles aux morts. Les prophètes qui dirigent ce vaisseau n’ont qu’un seul besoin et monnayent le droit de passage pour chaque mission de récolte des précieuses pierres. Ce vaisseau-monde dont on a oublié le nom depuis longtemps a été rebaptisé « <i>Le Styx</i> » en hommage à une ancienne mythologie liée au passage vers le monde des morts.


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<b>- Le prix du passage -</b>


La troupe est prête et embarque dans le transport anti-grav de type Venom attribué à cette mission. Denaïr active la porte de la Toile à bord de l’Ynnead qui s’ouvre sur un tunnel de lumière ondoyante traversant le Warp. Les sensations que l’on ressent en empruntant ce passage sont indescriptibles. Lorsqu’on franchit la porte, on passe de l’univers matériel à un univers où même le temps s’écoule à une vitesse différente. L’impression est comparable au vertuge que l’on ressent parfois à la fin d’un rêve. En empruntant les tunnels du Warp, vous voyez au-delà des parois des choses qui bougent, des visages qui apparaissent comme derrière un drap de lumière et des mains tendues essayant vainement de traverser la paroi pour vous attraper. Il faut avoir une très grande confiance dans la technologie Warp des Eldars pour faire une telle traversée, mais les Arlequins habitent la Toile en permanence. Ils la connaissent aussi bien que les coursives de leurs propres vaisseaux.


Le Venom décolle et franchit la Porte à faible allure. En quelques heures, le transport se retrouve à destination, vers la sécurité relative que procure l’univers matériel. Ayant passé la porte du Styx, le Venom se pose dans un hangar plongé dans l’obscurité. Pas un bruit ne vient troubler la tranquillité des lieux. Cependant, une voix vient résonner dans l’esprit de chacun : « BIENVENUE A BORD DU STYX, PAYEZ VOTRE PASSAGE ET REJOIGNEZ VOTRE TRANSPORT. VOTRE DESTINATION EST LA ZONE XI-523. ATTENTION, DANGER NIVEAU DELTA. L’AIDE QUE VOUS AVEZ SOLLICITEE EST DEJA SUR PLACE ».


Depuis le sommet du hangar, un rayon de lumière vient illuminer un point à un mètre devant la troupe. Dans un bruit feutré, un tube translucide monte du sol avec un emplacement que tous les Eldars connaissent dès leur naissance : un terminal de connexion au réseau d’infinité. Solennellement, Denaïr y dépose une pierre-esprit et Tyrion découvre l’infâme marché entre les âmes du Styx et les Eldars vivants : le prix du passage est l’esprit d’un défunt !


« Oui Tyrion » dit Denaïr, alors qu’il n’avait prononcé aucune parole. « Le seul besoin d’un vaisseau fantôme, c’est un apport en nouvelles personnalités qui acceptent de quitter leur monde natal, leurs ancêtres et leurs amis afin de venir enrichir les connaissances et la culture des gens d’ici. Le Styx est unique dans son genre et son histoire est riche de dix milles années d’existence. Il est le seul vaisseau capable de synthétiser les connaissances de tous les vaisseaux-mondes qui croisent dans la galaxie. Depuis la disparition de Sibor, Bora ne veut plus rester à bord de l’<i>Ynnead</i> où elle aurait été en deuil pour l’éternité. » Le prophète ne peut continuer son explication car ses yeux se remplissent de larmes et sa voix se noue dans sa gorge. Finalement, il ne peut prononcer que ces quelques mots : « Adieux, petite sœur… ».


A l’extrémité du hangar, une porte monumentale s’ouvre lourdement, laissant entrer la faible lueur des étoiles sur la plateforme de lancement. Le mouvement lent donne le temps à la troupe d’admirer le spectacle, puis une lumière intense finit par inonder les lieux. Ils appréhendent alors pleinement toute l’horreur du lieu où ils se trouvent : la périphérie de l’Œil de la Terreur. Tyrion qui a dansé et joué le scénario apocalyptique de la Chute des centaines de fois sur scène, a l’impression d’entendre les cris des milliards de citoyens qui sont mort en quelques minutes lors de la catastrophe. C’est comme s’il prenait brutalement conscience de l’ampleur du désastre qui a jadis touché son peuple. Il vit ces instants comme une illumination personnelle. Entre le tableau cauchemardesque qu’il voit au-dehors et l’idée d’un vaisseau habité uniquement par des millions de personnes décédées, son niveau de conscience sur la vie et la mort prend une dimension spirituelle extraordinaire. Ici, dans ce vaisseau, les leçons qu’il a apprises avec désinvolture pendant son enfance prennent tout leur sens avec amertume : on cherche souvent l’ennemi bien plus loin qu’il n’est en réalité. Mais si près de l’Œil de la Terreur, l’ombre Warp et l’anomalie visuelle générées par les prophètes du Styx doivent être considérées comme une aberration chaotique ‘normale’ dans ce lieu qui défie déjà les lois de la physique.


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<b>- Les pierres-esprits -</b>


Le Solitaire suit son chemin toujours seul.


Le Solitaire poursuit ses propres objectifs, sa lucidité est entière et sa vie est totalement dévouée au Dieu Moqueur.


Denaïr, Shan’muir et la troupe s’envolent vers la destination choisie par les prophètes du Styx. Un danger de niveau Delta signifie des problèmes liés à l’intellect, ce qui n’est guère surprenant dans cet endroit regorgeant de mondes chaotiques où espace réel et Warp se mêlent et s’emmêlent jusqu’à ne plus différencier la fantasmagorie de la réalité. « Quand nous serons à terre, ne croyez rien de que vous verrez, sentirez ou toucherez. Méfiez-vous même de vos propres pensées ! Si vous tombez dans le piège du chaos, vous ne récolterez que le doute, la suspicion, la folie et la mort. »


Une fois sur place, le groupe découvre la zone XI-523 qui est une zone de terres arides tout en étant en partie immergées, comme si la terre et l’eau se repoussaient l’un l’autre. Les gisements de pierres que cherchent les Eldars se trouvent à l’intérieur d’un volcan éteint. Il fait jour, mais le ciel est d’un noir profond et laisse voir trois lunes de grosseurs et de couleurs différentes. Si la lumière de l’astre éclaire suffisamment le paysage ou quoi que ce soit d’autre, il ne suffit pas à réchauffer l’air ambiant qui est désespérément glacial. Le paysage est lugubre : la troupe arrive près des ruines d’une ancienne cité de cristal, aujourd’hui totalement ravagée, corrompue, recouverte de végétation tantôt luxuriante, tantôt desséchée. Mais les feuilles vertes sont mortes depuis longtemps et les morceaux de bois sec réagissent au toucher. De légères volutes de poussières spongieuses s’élèvent dans l’air dans les traces que laissent les pas des danseurs-guerriers dans la terre craquelée. L’un des hommes perçoit un mouvement vif au cœur des fourrés.


La troupe se déploie en éventail et essaye de prendre l’intrus à revers et découvrent… une boule de poils affamée et terrorisée, d’une merveilleuse couleur blanc-bleu-argentée et possédant de grands yeux jaunes. Un Gyrinx ! L’animal de compagnie préféré des Eldars, un félin gracieux très répandu sur les Mondes Exodites ! Certains les croient capables d’amplifier les capacités psychiques déjà très développées des prophètes. L’animal sur la défensive siffle, crache, montre griffes et crocs. Mais Tyrion a une idée. Il sort une barre sucrée de son pack et la lance devant félin apeuré. Shan-Muir utilise son projecteur holographique et faia apparaître une femelle Gyrinx parmi le groupe, espérant que l’animal débusqué soit un mâle. Il l’a fait avancer vers la nourriture. Elle la renifle, puis en grignote un morceau. Denaïr entame une chanson apaisante et l’animal sauvage finit par se calmer, voyant que personne ne lui veut de mal. Sa faim étant maintenant plus forte que sa peur, il s’avance prudemment et accepte la nourriture offerte. Tyrion tend une main ouverte vers l’animal et attends que le félin s’avance à son tour, sente son odeur, puis lèche un de ses doigt en guise de reconnaissance. L’œil amusé, Denaïr observe ce qui est probablement le début d’une amitié entre Tyrion et le Gyrinx.


Après une longue marche vers le volcan, la troupe remarque une dizaine de termitières alentours et les hommes ne sont pas très rassurés. L’un d’entre eux se met à rire en observant la tête de ses camarades. Il s’avance en tirant son épée et donne de grands coups dans l’un des monticules de terre. Ce geste désinvolte n’est pas du goût des autres, mais le mal est fait et il est trop tard pour regretter : des nuées d’insectes volants en colère s’échappent des cheminées environnantes et fondent sur le groupe. D’habitude, Denaïr invoque une zone d’ombre pour masquer sa troupe à la vue des prédateurs, mais les insectes n’en ont cure et provoquent des piqûres fort douloureuses. Tyrion, l’esprit de plus en plus vif hurle un ordre qui l’étonne lui-même : « BRANCHEZ VOS CEINTURES, SORTEZ LES LANCE-FLAMMES ! ». Denaïr prend aussitôt le relais « ET PROTEGEZ VOS YEUX » : le prophète transforme la zone d’ombre en zone de lumière intense et aveugle les insectes, puis les guerriers équipés de lance-flammes utilisent leur ceinture anti-gravité pour sauter à plusieurs mètres de hauteur et arroser les nuées d’insectes de liquide enflammé. En quelques minutes, l’attaque prend fin dans une atroce odeur d’insectes grillés. Pendant que Shan’muir s’occupe de soigner les blessés, le nouveau compagnon de Tyrion se fait un devoir de se régaler du festin grillé gracieusement offert.


« Bon. La bonne nouvelle est que tout le monde est sauf. «


« La mauvaise nouvelle est qu’il nous faut maintenant redoubler de prudence, il se peut que nous soyons repérés… »


Au pied de leur objectif, un artefact scintillant de la taille d’une porte de hangar se dresse sur leur chemin. Denaïr sort un synthétiseur vocal et entonne un chant ancien. L’artefact vibre, s’illumine et se met en fonction. C’est un portail Warp qui permet d’entrer directement dans la mine, à l’intérieur du volcan. Voilà comment les pierres-esprits de ce monde sont toujours accessibles et ont été épargnées du chaos environnant. Les Arlequins franchissent le passage et se retrouvent dans un tunnel au cœur de la montagne. A l’intérieur, les pierres brutes multicolores se dressent magnifiquement sur plusieurs mètres de hauteur, profitant de la moindre lueur émise par les nouveaux venus pour briller de mille feux. Chaque membre du groupe prend autant de pierres qu’il peut en porter. Avec ce chargement, ils auront de quoi confectionner des milliers de pierres-esprits.


De retour vers l’extérieur, une petite fille les attend devant le portail, une friandise aux lèvres. Elle a les yeux en amandes, ses cheveux sont aussi foncés que sa peau est pâle et ses oreilles légèrement pointues se dressent fièrement vers le ciel. Elle demande au premier homme qui apparaît : « Qu’est-ce que tu fais là Monsieur ? » Instinctivement, l’homme porte la main à son pistolet. « Tu ne vas pas me faire de mal ? ». Alors que chaque membre de l’expédition arrive un à un, ils se figent, incrédules et sortent les armes de poing, inquiets. Ce n’est pas seulement la vue inopportune de cette gamine qui les inquiète, c’est surtout de voir une centaine de jeunes filles toutes semblables, sortir de nulle part. Elles se mettent à murmurer à l’unisson une phrase lancinante qui résonne et s’amplifie de plus en plus dans leur tête « Tu ne vas pas me faire de mal… TU NE VAS PAS ME FAIRE DE MAL… ». La voix submerge les sens, empêche les Arlequins de réfléchir et d’agir. Les guerriers les moins endurants mettent déjà un genou à terre et se protègent les oreilles comme ils le peuvent. Lorsque le premier sang coule sur la joue d’un Arlequin dont les tympans viennent de crever, Tyrion, grimaçant de douleur, dégaine instinctivement son arme et tire dans le tas. Mais il n’atteint que le vide. L’illusion sur laquelle il vient de tirer s’efface au moment même où son esprit comprend qu’elle n’existe pas. Mais la voix bien réelle, s’amplifie encore et encore. Les premiers évanouissements se produisent, puis plus rien…


Les larmes aux yeux, les membres de l’expédition relèvent la tête pour voir le corps sans vie d’une chose qui tenait plus de la méduse que de la petite fille aux traits si caractéristiques de leur peuple. Le Solitaire se tient à côté du cadavre et déclare : « C’est un flagelleur mental. Il était trop concentré sur vous pour sentir ma présence. Dépêchez-vous et Filez ! ». Ces mots font l’effet d’une gifle pour Tyrion. Un Solitaire ! Un Solitaire vient de leur parler en dehors de tout protocole et pour leur dire une chose insignifiante ! Plus surprenant encore sont la réaction de Denaïr et de Shan’muir. Au lieu de se mettre en route le plus vite possible, ils décident de s’asseoir et discutent de la conduite à tenir. Shan’muir en oublie même de soigner les blessés. Le Gyrinx de Tyrion essaye de réconforter le prophète et se couche à ses pieds. Le Prophète de l’ombre prends sa tête entre ses mains et demande à son officier :


« Pourquoi les prophètes du Styx ne nous ont pas prévenu de la présence d’un flagelleur ici ?


Pourquoi nous ont-ils envoyés précisément là où nous étions attendus ?


Comment le flagelleur mental savait qu’on serait là ?


N’est-il pas étrange que le Styx n’ait jamais été découvert si près de nos ennemis ?


Le Styx aurait-il un accord secret avec un culte du chaos pour leur livrer des âmes innocentes ?


Que fait-on maintenant ? »


Plus il se pose de questions, moins il a de réponses. La pensée du prophète est comme brouillée, son don de prescience obscurcit. De longues et précieuses minutes se perdent ainsi en vaines interrogations…


Tyrion n’en revient pas ! Un membre de l’équipe oublie toute notion de discrétion au risque de faire échouer leur mission, un Solitaire qui leur adresse la parole en dehors de tout protocole et maintenant les deux meneurs de la troupe qui gémissent comme des enfants perdus !


Regardant ses camarades, le jeune homme sent que le chaos s’empare peut à peut de chacun d’eux, semant doute et confusion. Mais pas lui ! Il ne sait pas pourquoi, mais le chaos n’a aucune prise sur lui. S’il est le seul à rester lucide, alors il va décider et agir à la place des autres. Pour commencer, il doit prendre le commandement de l’opération.


Il doit d’abord s’assurer de la coopération du Prophète de l’Ombre et du Grand Arlequin. Le reste de la troupe devrait alors suivre sans histoire. Ne voyant pas comment faire sans se battre, il décide d’assommer son guide spirituel en espérant que l’officier en second le suivra sans résistance. Malheureusement, le Gyrinx devance ses intentions. Il ne compte pas le laisser faire et l’agresse sauvagement. Tout en essayant de le griffer et de le mordre, le Gyrinx se transforme et se met à grossir jusqu’à prendre les proportions d’une bête de somme. D’ailleurs, des cornes commencer à lui pousser de chaque côté de la tête.


Bien qu’interloqués par l’intervention de Tyrion, les autres membres du groupe l’aident à repousser le félin devenu difforme et obèse. La diversion de la contre-attaque permet à Tyrion de se dégager des griffes de l’animal, mais personne n’arrive vraiment à le blesser. Il semble comme enveloppé d’une aura qui le protège des blessures. Son pelage est devenu brun et sa gueule prend une apparence bovidée grotesque. Ce n’est que lorsqu’il se dresse sur ses pattes arrières et pousse un beuglement étourdissant que les Arlequins prennent conscience de la possession démoniaque. Sur ce monde chaotique, un Gardien des Secrets, héraut de Slaanesh, est en train de posséder le corps du malheureux Gyrinx et les Eldars en sont horrifiés. Tous, sauf un, le Solitaire. Shan’muir le remarque et enclenche aussitôt son projecteur holographique sur le guerrier imperturbable.


Utilisant son appareil à pleine puissance, chaque membre de l’assistance voit se concrétiser son cauchemar le plus effrayant, sa phobie la plus terrifiante. Tyrion revoit les monstres qui ont ravagé sa planète natale et voit son amant Tekkan dans une relation d’amour obscène avec l’un d’eux. Denaïr revoit le moment où il a enlevé l’armure d’Exarque de Dame Lileath, seconde mère du Prince Lofyr alors qu’elle était mourante. L’armure avait totalement absorbée la peau de l’Exarque Banshee, mais là, les chairs restent collées aux plaques de moëlle spectrale et il l’entend hurler sa souffrance. Shan’muir, également affecté par la projection, voit les millions d’habitants de cette planète hurler à la mort et se précipiter dans tous les sens dans l’espoir futile de trouver un refuge, alors que l’ouverture de l’Œil de la Terreur ravage ce monde. Lui, le guérisseur, voit impuissant toute une population mourir en quelques secondes. Chaque Eldar présent gémit et crie en vivant ses terreurs les plus intimes.


Mais le premier spectateur est le démon chaotique qui voit subitement son ennemi juré se dresser contre lui : un Buveur de Sang, héraut du dieu Khorne. Le Gardien des Secrets laisse tomber d’un coup les insignifiants Eldars, renâcle et se prépare à charger son nouvel adversaire. De son côté, le Buveur de Sang, monstre bestial ailé, tout de cuir rouge vêtu et armé d’une hache effroyable, lance sa charge et un combat titanesque s’engage. Le Buveur de Sang lève sa hache et l’abat à la verticale. Malgré une parade facile, le coup provoque une entaille profonde dans le torse du Gardien des Secrets. Ivre de colère, celui-ci beugle et referme ses pinces sur le cou de son adversaire pour le décapiter et tranche… le vide. Le Solitaire qui avait synchronisé son épée avec le coup de hache de l’illusion, pointe maintenant l’orifice de son <i>Baiser d’Arlequin</i> dans la plaie ouverte et tire. Un filament de l’épaisseur d’une molécule se déroule en quelques secondes dans le corps physique de l’hôte du démon, réduisant les chairs en pulpe informe. Le Démon, aveuglé par la rage et trompé par l’image du Buveur de Sang, perd de précieuses secondes à comprendre la supercherie. Lorsqu’il donne un violent coup de sabot, le Solitaire est déjà loin alors que les entrailles liquéfiées de son support physique se répandent sur le sol.


Le combat est fini et pour la deuxième et dernière fois, le Solitaire s’exprime en regardant Denaïr droit dans les yeux. « Une armée chaotique arrive. FUYEZ ! MAINTENANT ! ». Voyant que le chef de troupe ne réagit toujours pas, il sort un neuro-disrupteur et tire une décharge de faible puissance. Hébété, le prophète se met à fixer le sol intensément. Il n’est même plus capable de ravaler la salive qui coule en mince filet de sa bouche entrouverte. Shan’muir décide qu’il vaut mieux obéir que subir le même sort et ordonne l’évacuation immédiate, sans oublier le précieux chargement.


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<b>Chapitre V : Retour chez soi</b>


De retour sur l’<i>Ynnead</i>, Denaïr et sa troupe sont mis au repos plusieurs mois afin de se remettre du choc émotionnel, mais aussi pour que chacun reprenne confiance en lui-même et soit purifié de son exposition directe au chaos. Par ailleurs, Denaïr mettra plus longtemps encore à se remettre du tir de neuro-disrupteur.


Sachant qu’il a lui-même failli, Shan’muir a pardonné le comportement étrange de Tyrion. D’ailleurs ils ont tous failli dans cette mission bien que l’objectif ait été atteint. Ils ont rapporté de quoi façonner plusieurs milliers de pierres-esprits, mais le gisement ne pourra plus être utilisé avant des siècles, et seulement si les adorateurs du Chaos ne le trouvent pas d’ici là. Par bonheur, la montagne derrière le portail Warp n’est qu’un leurre et si le gisement se trouve bien au cœur d’un volcan, celui-ci se trouve sur l’une des lunes gravitant autour de la planète. On n’est jamais trop prudent…


De son côté, Tyrion a mûri. Son esprit de jeune adulte s’est façonné d’une manière étrange et il a pris beaucoup d’assurance, voire de l’orgueil. Mais son arrogance nouvelle d’avoir participé à la « mission de l’impossible » et d’avoir ramener le précieux minerai s’accompagne du désespoir inconsolable d’avoir voulu porter la main sur celui qu’il chérit comme son père. Comme toutes les bêtises qu’un enfant regrette quand il est grand, Tyrion ne se pardonnera jamais de s’être rebellé contre son mentor. Il se pensait plus fort que le chaos. Il pensait que tous les Arlequins étaient plus fort que le chaos. Il va devoir vivre avec cet échec et aura beaucoup de mal dorénavant à soutenir le regard du prophète. Mais il est maintenant temps pour lui de retrouver son cher Tekkan. Ca fait plusieurs mois qu’ils ne se sont pas vus et après les échos de cette mission exceptionnelle, il sera certainement ravi de le voir. Par-dessus tout, il saura facilement comment lui faire oublier ses mauvaises pensées…


Mais c’est à peine si son compagnon remarque sa présence. « Tekkan, tu as changé ! Ta peau, ton regard, tes gestes, je ne te reconnais plus ! » « C’est la joie d’être père et trois fois encore ! Cette joie transforme un homme de façon stupéfiante, crois-moi ! ». Tekkan regarde Tyrion avec un sourire carnassier. Ce dernier prend peur, mais plus de la folie qu’il lit dans ses yeux que de l’apparence de ses dents qui sont devenues pointues. Des souvenirs d’humiliations et de viols depuis longtemps oubliés (**) refont surface et Tyrion court se réfugier dans son appartement, sous le rire hystérique et inquiétant de son ex-amant.


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<b>- Contamination -</b>


Deux ans plus tard, Sirka est sur le point d’accoucher. Pour une Eldar, ce temps de gestation est prodigieusement court, mais l’enfant mâle parait robuste et Tekkan qui va avoir son premier fils en est très fier. Il attend depuis trois heures devant la salle d’accouchement. Il a entendu Sirka gémir et haleter en plein travail, accompagnée des encouragements des sages-femmes. Elle a crié, mais plus aucun son ne franchit la porte depuis une demi-heure et il s’impatiente. Que se passe-t-il ? Pourquoi le tient-on dans l’ignorance ?


Un médecin finit par le voir et lui demande d’être courageux : « Nous avons un problème ». Le sang de Tekkan ne fait qu’un tour. Imaginant le pire pour l’enfant ou sa mère, il se précipite à l’intérieur de la pièce et observe sa compagne. Les yeux clos, elle est étendue paisiblement sur son lit.


« Ne vous en faites pas pour elle, elle est sous sédatifs. Quand elle a vu le bébé apparaître, elle est devenue hystérique et nous avons dû l’endormir.


Que s’est-il passé ?


C’est l’enfant. Il n’est pas normal… »


Cherchant son fils des yeux, Tekkan l’aperçoit dans une bulle d’isolement. « Il va très bien. Je vais l’élever moi-même et m’en occuper comme il se doit. » Les médecins et les sages-femmes se regardent indécis. Comment peut-il trouver normal, un bébé qui a une tête deux fois plus grosse que la normale, une peau violacée, une langue reptilienne et un troisième bras qui pousse sur l’épaule gauche ? Mais personne ne peut contester sa décision de garder l’enfant, toute vie Eldar est bien trop précieuse pour être abandonnée. Au pire, la chirurgie plastique aura raison des imperfections de ce corps quand il aura atteint l’âge adulte. En attendant, Sirka devra être séparée de son enfant. Il lui faudra accepter la difformité de son fils avant d’être autorisée à le revoir.


Dans les mois qui suivent, deux autres femmes mettent au monde des enfants difformes, si bien que des voix s’élèvent contre une contamination chaotique par l’équipe revenue de la mission dans l’Œil de la Terreur. L’<i>Ynnead</i> est mis en quarantaine et pour la sécurité de la Toile, il est décidé d’en sortir toute personne ayant approché les membres de l’expédition. Miran a accepté de les recevoir à bord, ainsi que les enfants contaminés et leurs mères afin d’éviter tout risque de contagion : il vaut mieux risquer l’existence d’un seul vaisseau-monde plutôt que La Toile dans son ensemble. Dans le doute et la suspicion, le jeu de runes personnelles de Denaïr lui est retiré. Spontanément, Tekkan se propose d’élever seul ses trois enfants de façon à ce qu’ils ne ressentent pas le rejet de leurs mères, ni celui des autres adultes. Lui, saura leur donner l’amour qu’elles n’ont pas la force d’avoir.


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<b>Chapitre VI : L’appel</b>


Cela fait cinq ans maintenant que Tekkan élève seul ses enfants, dans un appartement spécialement préparé pour eux bien à l’écart du reste de la communauté. Les enfants ne sont jamais sortis et Tekkan à l’air d’être heureux en leur compagnie. Il est vrai aussi qu’il est devenu beaucoup plus secret qu’auparavant et que la paternité à l’air de jouer sensiblement sur son mental et son physique. Il ne reçoit plus personne et refuse que quiconque entre chez lui. Personne ne les as vu depuis des mois. D’autres enfants sont nés depuis, tout à fait normaux cette fois. Les examens sur Denaïr, Shan’muir, Tyrion et les autres membres n’ayant montré aucune altération physique ou psychique, ils sont libérés de leur isolement et le prophète peut enfin récupérer ses runes de divination. Cependant, une question demeure toujours : qu’est-ce qui a provoqué la mutation de ces enfants ?


A bord du Miran, Denaïr partage ses doutes avec le Grand-Prophète Lofyr et se plonge avec lui dans l’exploration du passé. C’est en pleine méditation qu’une alarme retentit dans leurs esprits : un signal psychique d’une puissance phénoménale est émis en continu vers l’extérieur du bâtiment. La première pensée de l’Arlequin est qu’un traître envoie un signal vers l’œil de la Terreur. Mais non. Le signal est envoyé dans une toute autre direction, vers un endroit apparemment vide de toute vie, vers un endroit en-dehors de la galaxie elle-même. Denaïr blêmit en repensant à ses premières visions : nous avons détournés les événements prévus, mais nous n’avons fait que déplacer le problème !


Pour ne pas inquiéter la population, Denaïr rassemble discrètement sa troupe et rejoint la zone d’où émane le signal et se retrouve… devant les appartements de Tekkan. Forçant la porte, ils découvrent un Tekkan affreusement muté, les yeux clos, entouré de ses « enfants » qui n’ont plus rien d’Eldars. Doucement, il ouvre ses yeux devenus reptiliens et sourit, montrant des dents devenues des crocs et une langue vipérine ne lui permettant plus d’articuler correctement les mots. Ses enfants se resserrent autour de lui comme pour lui offrir un bouclier vivant. Souriant à l’assemblée écœurée, il parvient à grand peine à prononcer ces quelques mots : « Csss’est ttttrrop ttttarrd. Vvvous ssserrez ssson ppprochain rrepppaaas ! ».


Sans rien demander à personne, Tyrion dégaine son <i>Baiser d’Arlequin</i>, abat froidement son ancien compagnon avec sa progéniture, puis s’enfuit dans les coursives du vaisseau.


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<b>Chapitre VII : La voie de la damnation</b>


Le mal est fait. L’appel est envoyé et sera certainement reçu un jour ou l’autre. Miran est perdu si on ne fait rien.


Que ce soit à bord du <i>Miran</i> ou chez les Arlequins, la vie de Tyrion ne signifie plus rien désormais. Il a dû tuer le seul amour de sa vie. Il ne peux plus vivre à bord de Miran depuis son adolescence (**) et ne veut plus rester chez les Arlequins. Le souvenir du prophète Lofyr alors qu’il n’était encore qu’un jeune Prince sur la planète Miran lui vient alors à l’esprit. Il revoit l’acte héroïque de sa mère d’adoption, Dame Lileath redevenue une Exarque Banshee, peu avant qu’elle ne tombe au combat (*). C’est par ce genre de courage que son peuple survit depuis dix milles ans. A moins que ce ne soit le courage du désespoir. De toute façon, sa décision est prise.


D’un ton froid et déterminé, Tyrion demande audience auprès du Grand-Prophète Lofyr. Devant le trône majestueux du prophète souverain, Tyrion s’exclame :


« Vous savez pourquoi je suis ici.


Oui, mon enfant.


Vous savez depuis longtemps que cela arriverait.


Je le sais depuis toujours. C’est mon destin.


Alors finissons-en. »


D’un geste théâtral, celui qui est toujours <i>Prince Lofy</i>r commande l’ouverture d’une vitrine au centre de la salle du trône. Sous une lumière cristalline est exposée une armure argentée extraordinairement ouvragée. C’est une armure d’Exarque Banshee, recouverte d’une dizaine de pierres-esprits multicolores. Une armure dont la dernière propriétaire était la seconde mère du Prince Lofyr, la bien-aimée Dame Lileath. Tyrion avance solennellement, se dévêt entièrement, puis recouvre sa peau nue des plaques ancestrales. Chaque partie de l’armure s’ajuste d’elle-même pour épouser la forme de son corps parfait. Jetant un dernier regard au monde qui l’entoure, Tyrion fixe le casque, ce qui a pour effet de le connecter avec les anciens Exarques et de fondre sa personnalité avec les leurs. Une part de sa conscience fait connaissance avec l’esprit de Dame Lileath, qui attendait elle aussi son successeur. Fusionnant avec tous les esprits présents, Tyrion s’aperçoit qu’il n’est pas le premier homme à porter cette armure. Cela le rassure et il se sent vraiment bien pour la première fois depuis longtemps. Il se sent enfin… libéré.


Une fois l’armure revêtue, le Grand-Prophète Lofyr s’avance et lui demande : « Comment vo
(Modification du message : 22-04-2008, 20:05 par Gandahar.)

L'haleine est longue, mais c'est elle que le scout apporte en récit. Fermez vos mains sur votre bouche, respirez, respirez plus vite, vos yeux se ferment, vous n'écoutez que ce souffle, il panique, ou il comprend, scande parfois, se retourne, feint puis s'apprête. Ce souffle va bouger le corps qu'il habite, il est déjà là, puis ici. Il mitraille l'espace de sauts atemporels, car l'haleine se mêle mais ne reste jamais longtemps. Elle suit aux commissures, liée en permanence à celui qui est son mouvement. Le mouvement est pour nous rapide ; il est eldar.


<i>La Voie Révélée</i>, voici les souffles rassemblés d'un eldar qui se raconte. Un récit eldar conté par un eldar, telle est la réussite gandaharienne. Pourquoi s'est-il confié à un humain, le lecteur a le choix du comment : raccourcis des minutes d'interrogatoire, fautes de frappe du traducteur malhabile, transcription mentale d'une psyché face à une autre, étrangère, ou simple manipulation désabusée au coin d'un feu, bivouac, cheminée ou sur une grille de soute interdisant la rivière des turbines d'un cargo finalement presque apatride ?


Pour le mon-kheig, les noms voltigent, sans alléger la densité de ces xénos rongés par l'idéal immortel. Le récit avance. Aux rappels pédagogiques de ses doutes (quand la planète hurle) se soustraie alors l'halètement ethnologique de la trilogie. Oui, les eldars sont androgynes, ont les bonds émotifs d'un enfant, la fragilité de l'insecte et sa toile pour seule et véritable survie. Aussi la toile résume.


Aussi la toile préfère.


Et alors la toile surprend.


L'isolement, l'ignorance, la folie de l'orgueil condensent l'audace comme l'armure d'Alkimeth Na'Sun condense l'impossible fin.


C'est la malédiction de l'Eldar dès qu'on emprunte sa Voie.


Et la bénédiction des humains qui ont moins que Lofir à attendre ;)