ça Marche Comme Une Hotline

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Rac'O se morigénais. Comment avait-elle pu être assez bête pour penser que la squatette pourrait lui être utile à quoi que ce soit?


Téléopératice de cryptage, certes, mais une abhumaine sur une planète aussi paumée que Portmeirion, donc en charge du cryptage des données de petits clients minables de cette planète quasi recluse de l'amas.


Aucune donnée importante qui ne passe par là et en tout cas, aucune qui ne concerne directement Schind. Rien à tirer de cette piste. Trente quatre heures de voyage aller-retour pour changer de continent, mille neuf cent onze crédits de billets d'hooverboot, tout ça pour une piste morte... Génial.


********


"...ientôt la suite du fameux Wizard of Terra, probablement dans les deux mois standards. Du moins si les astromancienologues ne se sont pas encore trompés dans l'interprétation de la conjonction des pl..."


L'holotévé ânonnait ses stupidités en boucle mais Ana n'y prêtait plus attention, elle avait reçu un nouveau rapport intéressant.


Faire équiper tous les membres potentiellement douteux de Schind de micros sous couvert de visite médicale, ça avait été une sacré idée. Voilà maintenant qu'une squatette de Khandle en poste dans un trou de l'amas causait avec une tau...


Il faudrait la faire éliminer, comme ce gars d'Aber Ia qui avait été questionné par des gens bizarres sur les denrées transportées par une barge Schind. Evidement, tout ça pouvait n'être que de bêtes rivaleries ou des criminels quelconques, mais dans le doute, ça coute moins cher de recruter que d'éponger les pertes dues à un conflit avec une firme squat.


Miss Van Schlachten Tag griffonna rapidement quelques calculs sur son pad puis envoya une dépêche au service opé du projet "Solution". Il fallait envoyer un contingent standard XIII sur Portmeirion.


le squat


et hop

(Modification du message : 16-03-2006, 02:01 par la queue en airain.)

Stone repoussa l'écran translucide sur le bureau. Les informations qu'il affichait l'instant d'avant avaient disparues.


Quelles premières conclusions tirer de tout cela ? Schind avait déjà commis une première faute qui tenait de l'amateurisme : 63ème paragraphe alinéa 38. Ah ! Painkiller en aurait hurlé de rire. Ce genre d'erreur était impensable avec la Genocide, comme avec n'importe quelle autre entreprise de consulting militaire squat, doté d'une expérience solide. D'ailleurs impliquer la société dans deux contrats directement opposés serait entré immédiatement en contradiction avec les articles 1) ne jamais causer la mort d'un squat ; et 2) ne jamais causer de torts aux intérêts de la forteresse Khandle et de ses ressortissants, de sa charte éthique. Charte éthique qui prévalait sur toute clause de contrat particulier.


Stone était cependant trop avisé pour en déduire hâtivement l'incapacité de Schind à être une nuisance à terme. Von Ofen admettait de lui-même sa situation de faiblesse actuelle mais allait s'employer à y remédier. On pouvait en être certain. En tous les cas, rien ne pressait de se côté là ; il y aurait tout le temps d'y revenir une fois les affaires courantes gérées.


L'affaire courante prioritaire, justement, était l'hypothèse selon laquelle cette mission sur Negromundheim était un piège organisé par la Schind. Qui pouvait avoir servi de relai là-bas ? Le Consortium ? Peu probable. La Genocide était l'un de leur fournisseur les plus fiables. Les neosovs ? Ils se fichaient comme d'un guigne des querelles extérieures à Negromundheim. Les doms de Veh-Deh-Merd eux-mêmes ? Comment la Schind serait-elle entrée en contact avec eux ?


Pourtant Stone doutait.


La troisième question était celle de cette tau qui cherchait visiblement à entrer en contact avec Painkiller. Stone pressa un bouton. Une voix laconique monta du communicateur.


"Labo."


"Bonjour Armurier. Avez-vous lu les rapports du service renseignements ?"


"Mes respects docteur. Oui, je les ai lus. Mes conclusions sont probablement les mêmes que les votres. Je pense à particulier à cette tau : si elle veut nous confier un contrat visant la Schind, ce peut être un prétexte pour écraser une menace future dans l'oeuf sans risquer de sanction commerciale de la part de la guilde des marchands. Dans tous les cas, il vaut mieux qu'elle ne rencontre pas Jimini lui-même."


"Il est tellement xénophobe qu'il lui démolira la colonne vertébrale avant qu'elle ait le temps de placer un mot, je suis d'accord. Nous verrons cela plus tard. C'est pour Jimini que je m'inquiète justement."


Il y eut un rire à l'autre bout du communicateur.


"Je me suis fait pas mal d'ennemis quand j'étais jeune. A tel point que j'avais deux solutions : prendre une bonne assurance-vie et devenir l'ami du docteur Jimini Painkiller. La deuxième solution coûtait moins cher." Le ton redevint soudain sérieux. "C'est surtout pour nos employés que je m'inquiète."


"Je me rends à l'astroport. Demandez la préparation du Thrusting Matilda pour mon arrivée."


"Quel plan de vol dois-je indiquer ?"


"Negromundheim bien sûr. Je pars immédiatement pour Negromundheim".


---


La référence bidon du jour est une chanson de Tom Waits, à demain pour une nouvelle référence bidon du jour.

(Modification du message : 17-03-2006, 18:30 par Xavier.)

Jimini Painkiller prit le courrier que lui tendait le directeur de la communication.


- "Geoffrey... Rail-Dunce ?"


Le dir'com' opina d'un air navré.


Jimini posa la lettre de condoléance sur les trois autres et se saisit de la suivante, aussitôt tendue.


"Paul... Rail-Dunce."


La sixième lettre retrouva enfin les cinq autres devant le président de la Genocide Inc. Interloqué, Jimini Painkiller observa son collaborateur, lequel expliqua enfin :


- "Vieille famille de cheminots. Tous récemment morts en opérations. Cependant, il y a un septième Rail-Dunce. Jack."


- "Vous voulez qu'on sauve le soldat Rail-Dunce parce que ses six frères sont morts ?!" s'emporta Jimini. "La charte est éthique, mais..."


Le dir'com' tempéra la réaction imprévisible de la plus célèbre brute du consulting militaire galactique.


- "Jack Rail-Dunce bosse au département Marketing, opérations promotionnelles et relations medias. C'est lui "A la poursuite du doc ork rouge"..."


Jimini Painkiller se souvenait de ce succès de librairie, panégérique de la maîtrise d'oeuvre sous-marine de la Genocide Inc. contre ces klans qu'avait inspiré Orkimèdes.


"...Ses relations avec la com' interne m'interdisent de ne pas publier la mort de ses frères dans le journal interne, sauf que les représentants des fratries au C.E. ne vont pas forcément apprécier. Or, on vote le quota salarié des chèques-vacances lundi prochain. Une photo de vous et de Jack dans le journal interne..."


- "Et s'il en profite pour me demander un truc, une augmentation...?"


- "Jimini..." s'autorisa le dir'com', "vous savez bien que depuis la destruction de notre village-vacance sur Ichar IV, les salariés sont devenus plus..."


La concierge baissa les yeux sur Josepha Rail-Dunce. Les XIII avaient fait dans la dentelle : plus de trous que de chair dessinaient maintenant le corps de la squate. Traînant le cadavre sur le tapis, la vieille humaine pensait déjà aux efforts qu'allait lui coûter le nettoyage du plancher, le sang avait coagulé dans les rainures, les éclats fait sauter le vernis. Dégorgé d'une plaie maintenant sèche par le déplacement malhabile de la défunte, le tintement d'un objet métallique courut sur le bois usé.


<i>Un micro !</i>


Repensant avec délice au gigolo de la haute que le billet glissé par la tau lui avait permis de s'offrir, la concierge laissa là Josepha Rail-Dunce et s'empressa de descendre, comme promis, vers la cahute de l'astropathe public en bas de la rue.


Epongeant la sueur de son front, Jack Rail-Dunce hissa la cantine dans la cabine exigüe du wagon d'habitation qui lui servait de demeure. Verrouillant la porte, il décadenaça celle qu'il avait clandestinement amené à bord. Rac'O soupira un grand coup en laissant papillonner ses yeux sur le mobilier frustre et les affiches têtues habillant la modeste cabine. Régulièrement, la course cahotique et sans doute trop rapide du train blindé menaçait de cogner la tau contre un mur ou un coin de meuble.


- "Alors, vous avez réfléchi ?" devança-t-elle.


- "Mademoiselle Rac'O..." se remit à geindre le squat aux moustaches gominées et à la barbe tressée d'anneaux pastels, "...mon boulot, à la Genocide, c'est de dessiner les logos sur les douilles des opérations signées, pas de tirer sur les gens !"


- "Mais, vos frères..."


- "Mes frères pétaient à table et claquaient tout en vinasse. Deux me devaient à ce titre de l'argent. Ils n'avaient aucun goût pour la mode et me faisaient honte, si vous voulez tout savoir. Josepha n'était pas comme eux, Josepha me comprenait..."


- "Donc, vous mordiller, ça ne vous intéresse pas ?"


Le squat la contempla d'un air outré.


- "Mademoiselle Rac'O, comme je vous l'ai dit, vous fûtes l'amie de ma soeur sur Portmeirion, votre apart' est détruit, soit, pour cela je vous héberge, mais je préfère vous dire tout de suite que ma virginité ira à celu... celle qui partagera un peu mieux mes goûts pour la dignité dûe à soi-même : vous êtes vêtue de manière affreuse ! Et regardez moi ces cheveux, c'est..."


- "Jack..." Rac'O se laissa-t-elle retresser "...Josepha m'a indiqué que vous pouviez rencontrer Jimini Painkiller..."


- "Jimini !" lacha Jack sur un ton effrayé et plus aigu qu'il ne l'aurait souhaité. "Hmrpff, c'est le patron, ici, vous savez, à peine s'il regarde comment on est habillé. D'ailleurs vous verriez comment certains de ses collaborateurs sont attifés, carrément old fashion, moi, je serais à la direction, je... Enfin... J'ai fait une photo avec lui, récemment, enfin, le dir'com' a fait un montage, pour le journal interne. Jimini est parti pour Negromundheim. J'avais choisi une chemise damassée en laine de kroot, vous auriez vu la photogénie de l'étoff..."


- "Jack..."


- "Hmm ? Oui, pardon, c'est Josepha qui me l'envoyait, avant empaillement. c'est très dur à trouver, vous sav..."


- "Jack !! Je me fiche de savoir si vous épouillez des kroots pour vous tisser des pulls ! Ce que je veux, c'est rencontrer un dirigeant de la Genocide. Vous pouvez m'arranger ça ?"


Le squat se caressa le nombril, dont l'épilement sans faille trahissait un nettoyage de peau récent mis en valeur par un débardeur court.


- "Euh, non. On se voit surtout pendant les holomeetings et... 'fin, même hors boulot, je prends des cours de harpe, vous savez, eux vont plutôt dans les séminaires d'anatomie ork..."


Rageuse, Rac'O repoussa le cadet des Rail-Dunce en maudissant la mère qui l'avait ainsi élevé.


"...Par contre, je sais qu'ils prennent des stagiaires en ce moment à l'armurerie de la Genocide. Peut-être qu'ainsi, à l'occasion d'une démo..."


Bien que le train blindé dans lequel la Genocide avait installé une partie de ses services d'appui commercial appartint à la Kandle, soumettant pour cela son personnel aux devoirs militaires de rigueur, Jack Rail-Dunce avait prêté son treillis réglementaire sans l'ombre d'un remord, avec même un sourire gourmand destiné au toubib du train qui devait l'en dispenser depuis des années. Oh, bien sûr, sur le corps de Rac'O, fuselé par des muscles entretenus et des attraits autrefois tout professionnels, l'uniforme du squat se résumait à un short et un bolero. Mais les squats ont les mains larges et ce détail dissimulait la confusion. Jack s'était également montré doué en couture et retouches de coupe. La casquette avait fait le reste. Elle s'était même permise de fumer lors de l'entretien de recrutement, et de contredire "vous allez m'arrêtez pour fumage ?" dans un joli croisé-recroisé de jambes qui n'avait pas laissé indifférent.


Ployant presque sous le poids de la mitrailleuse à ions, le velours bleu de sa peau maculé par la graisse jaunâtre des conducteurs isolants, la tasse de café mordue entre les dents et les photocopies sous le bras, Rac'O savoura tout de même les sifflets des plantons de la Genocide et les gestes potaches dont ils accompagnaient son passage du labo vers l'armurerie. Dommage pour Josepha. Un instant, elle avait cru pouvoir l'employer comme remplaçante de la maîtresse de Von Ofen, rentabiliser ainsi le prix qu'avaient coûté ces informations (presque aussi cher que le billet aller-retour transcontinental !). La Schind avait été plus rapide. Utiliser Jack plutôt que sa soeur dans ce rôle ? Von Ofen n'en était peut-être pas à ce point là. La fiabilité de Jack non plus.


Non, Rac'O ne pouvait compter que sur elle-même, comme d'habitude. Dans un combat, quand on est contre quelqu'un, il faut s'en approcher, être tout contre. C'était sa devise, depuis l'éthéré, ce qui l'avait isolée dans la Caste de Feu, mais libérée vers l'Amas. Appâter la Schind, avoir quelque chose à monnayer. Etre tout contre. Monnayer, mais quoi ? Malgré le poids de l'arme expérimentale, Rac'O accentua le déhanchement séducteur de ses fesses à l'adresse des sentinelles et de leurs commentaires déjà presque inaudibles. Ana Van Schlachten Tag. Le prénom de cette vipère lui faisait penser à quelque chose, mais à quoi ?


Accélérant encore le pas, Rac'O imagina que la Mort faisait de même, courait bientôt vers Von Ofen et sa Schind maudite !


<i>Vous aurez un avenir !</i> adressa-t-elle mentalement à ses futurs drones-scies. <i>Je vous le promet !</i>

(Modification du message : 21-03-2006, 14:33 par KDJE.)

Pat Mac Goohan, lieutenant dans les FASS, en mission sur Portmeirion.


'Tain, soixante sturmtruppens des Forces d'Assaut Spéciales de la Schind pour sept squats et une tau, zavaient pas fais dans la dentelle les patrons ce coup-ci.


Les squats étaient déjà morts d'après le compte rendu qu'il avait reçu, faut dire que squats où pas, bourrés et endormis, ils n'avaient pas une chance.


Restait plus qu'à attendre que la tau sorte de chez elle, dix hommes pour flinguer une tau... elle non plus n'avait pas une chance, tout le bloc était couvert, ils avaient sa signature olfactive pour la traquer, c'était fini pour cette tau.


Du moins, sauf imprévu :


"- Lieutenant? Nous avons une communication cryptée pour vous, elle vient du directoire. Je vous la passe."


'Tain? Quoi ça? Une com' privée d'un des patrons du cartel, rien de moins. Décidement, cette mission devenait de plus en plus radicale. Le visage de l'âme damnée de Von Ofen apparut sur l'holocom', la belle miss Ana.


"- Lieutenant? La tau est-elle morte?


- Non madame. Nous suivons la procédre à la lettre, nous attendons qu'elle sorte de son conap', qu'elle soit à découvert. Elle n'aura aucune chance. Nous l'avons mise sur écoute, elle vient d'apprendre le destin de ses complices, elle ne devrait pas tarder à fuir.


- Parfait. Sauf que les ordres changent. La tau doit survivre.


- On annule, madame?


- Non, je crois savoir que vous êtes équipé de munitions 111DG?


- On la marque alors?


- Oui, et vous détruisez son appartement pour lui faire peur. Branchez le chargeur sur votre com', je transmet la trace psy.


Terminé."


Une 111DG, rien que ça, pensa pat en connectant le chargeur si spécial. Eh bein, Si cette mission c'est pas de l'overkill, je suis un kroot.


Une munition spéciale inspirée de recherches volées au contre empire d'après les rumeurs. Les gens d'au delà de l'halo n'avaient pas su tirer parti de leur découverte, "munitions trop chere à produire" disaient-ils. N'empèche que les chercheurs de la Schind avaient réussi à en tirer quelque chose, eux.


En fait, le principe est simple, une bête capsule de composés presque innofensifs mais qui, mélés à l'hémoglobine tau font un tit *boum* marrant.


Le tout couplé à un senseur psy réglé sur une fréquence particulière qui ne libérait pas les composantes avant la présence d'une certaine personne : le truc parfait pour assassiner un gars, on fait peter un de ses amis en sa présence.


Bon, c'est pas tout ça, l'holotransfert est fini, ya du boulot. Mac Goohan changea son chargeur, donna de nouvelles instructions et se mit en chasse. Son nouveau but : épingler la tiote tauette dans sa fuite de son appartement dévasté.


D'un coup, son appartement explosa dans une nuée de boules de feu, une série de détonation de munitions explosives au phosphore, parfait. Et joli dans le petit matin.


Là, la poute s'enfuyait à toutes jambes, erf, la pauvre croyait s'être échappée : *paf* la mini aiguille dans l'épaule.


Mission accomplie.


***********************


Von Ofen raccrocha en souriant. "Madame", son brouilleur d'apparence l'amusait toujours autant.


Les squats découvriraient probablement l'explosif et la traiteraient commeu ne terroriste. De toute façon, un gars comme jimini survivrait sans doute à cette tentative, surtout s'il était un psy potentiel comme les rapports l'indiquait; la tau exploserait trop loin.


Mais bon, le contre empire en ferait les frais si tout se passait bien. Et dans le pire des cas, il n'aurait plus qu'à livrer Ana aux squats, il avait soigneusement contrefait son passé pour lui donner une raison de se venger de Painkiller, du moins, tout le monde le croirait.


Et la tau, elle, n'y survivrait dans aucun des cas.


le squat


les sturm ne ratent jamais leur cible

(Modification du message : 21-03-2006, 15:28 par la queue en airain.)

Dans la cage de verre ignifugée du labo de la Genocide Inc., la douche anti-NBC venait de les tremper tous trois : le commis effrayé qui avait apporté le colis au service Commandes diverses, l'artificier exprimant sa colère agacée à une demi-heure de la pointeuse, et la stagiaire tau récemment embauchée en remplacement du congé maternité de l'assistante Magdalena Ironspoon, dont la seule compétence réelle (à part de renouveler la population de la Kandle) était d'être le meilleur nez de la Genocide, capable même de repérer un explosif chimique noyé dans le parement en plomb d'une fausse canette de bière triple X.


En reflet sur la verrière du casque de l'artificier, le compte à rebours égrenait la promesse rapide de la (possible) bombe artisanale. Du moins, d'après le service Recoupement.


Le colis avait en effet été livré en <paiement anticipé, pour clause de non-réalisation>. Comme si le client savait que la Génocide ne pourrait pas honorer le contrat. "Encore un chômeur qui veut se faire embaucher en épatant son futur employeur !" avait pesté l'artificier, ou une fausse alerte, histoire de secouer la torpeur de cette fin de journée, avait griffonné la sécurité sur le bon de transfert interdépartements. Rac'O s'injuriait en silence d'avoir été devant la porte de la cage à ce moment-là, de s'être laissée pousser dedans par ces rats de labo qui se méfiaient apparemment autant du colis que du commis, mais avec le sourire des bizuteurs. Le principe de précaution. On sentait bien que Negromundheim avait vidé l'étage de direction, qu'Ironspoon servait d'amusette quand elle ne reniflait pas. Cela sentait le zèle un peu trop feint, aller finir sans surprise, s'ils voulaient n'y passer la nuit, par un streap-tease en règle des trois encagés : tout le service s'agglutinait derrière les vitres blindés. Visiblement, ça commençait même à rassembler des gars d'autres départements.


- "C't'une liste !" extirpa précautionneusement l'artificier de la petite caisse en bois que cachait l'emballage cartonné.


Enroulé autour du tympan d'une cloche.


Une petite cloche, une clochette.


Le compte à rebours avait illuminé la dorure dès le premier tintement, dès que le tympan avait été libéré de cette... liste. Mais l'artificier ne s'en était pas inquiété. Le rebours à 9 chiffres et une lettre était inversé : 1, 2, 3... Il n'aurait pas de fin.


Le parchemin s'imbiba aussitôt, mais les caractères, visiblement gravés au pyrostylet, tinrent bon sous la douche. "On dirait un mode opératoire, j'suis sûr que c'est un mode opératoire."


<i>Ben voyons, la bonne blague !</i> pensait déjà Rac'O, dont l'aspect treillis mouillé semblait ravir l'assistance derrière les vitres.


Poussant le commis qui pleurnichait, Rac'O jeta un coup d'oeil par dessus l'épaule de l'artificier sur le document. Des noms. Plein de noms. Le premier sur la liste était... Von Ofen !


<i>Cueillie comme un kroot en plein vol, ce n'est pas une blague !</i>


<i>Ni même un bizutage !</i>


Le même destin : au bon endroit, au bon moment.


Rac'O interrogea la caméra qui filmait toute opération de désamorçage dès verrouillage de la cage, comme si l'opérateur distant pouvait l'informer de quoi que ce soit à travers l'oeil noir de l'objectif. Pour que cette liste de Schind leurre ainsi l'artificier, ce ne pouvait seulement être que des noms.


- "Pousses-toi !" intima Rac'O en plantant son coude dans la jugulaire du commis, avec pour effet immédiat de l'effondrer dans un cri de doul...


Affichant 21.03.006M41, l'explosion de la cloche fracassa les vitres blindés et découpa l'artificier en deux profils distincts, ce qui protéga Rac'O. Elle vit néanmoins son propre bras s'envoler, arraché à l'épaule, distordu dans une bulle floutant l'air comme s'il enclenchait dans son échappée acrobatique sa propre combustion spontanée. Rac'O contempla l'ancienne paillasse de désamorçage s'éloigner à toute vitesse, tandis que le reste de son corps était projeté contre deux spectateurs déjà trépanés.


Les jappements joyeux de Scheisse, son berger mordian, complétaient la récompense de cette journée. En se caressant dans sa baignoire, Ana Van Schlachten Tag observa le bateau qu'elle venait de plier à partir du scan 2D piraté il y a quelques heures dans le bureau de Von Ofen.


- "Hmmm, je vais t'apprendre à brouiller ton apparence avec la mienne." commença-t-elle à gémir. Bien qu'elle se demanda pourquoi Von Ofen désirait la sacrifier ainsi.


<i>Kartoffen auf zeit...</i> le qualifia-t-elle avec un sourire carnassier.


Qu'importait. Painkiller savait sans doute maintenant pour qui devait sonner le glas.


Rouvrant les yeux, elle éclaboussa son chien et s'alanguit à nouveau sous la caresse de la mousse parfumée du bain. Son rêve venait, toujours le même. Ses paupières se baissèrent. Toujours le même rêve : 99 ballons dérivant dans le ciel, 99 zeppelins et elle, Ana, qui leur ordonnait.


Rac'O s'éveilla brutalement. Son premier réflexe fut de tater son bras gauche. L'impression laissée par son étrange cauchemar avait été si forte que dans la confusion du réveil, elle avait ressenti le besoin de vérifier que sa douleur avait bien été fictive.


"Où est-ce que je vais chercher tout ça ?" grommela-t-elle en se rendormant.


Avant d'empoigner le drone comme les enfants humains rattrapent au vol les couvercles de poubelles, Rac'O s'inquiéta de consacrer quelques secondes à vérifier que ce n'était pas l'un de ses prototypes de drones-scies.


Mais non, c'était juste <i>son</i> drone, le plus vieux, son fidèle.


Décidemment, depuis ce matin, une partie de son esprit ne voulait pas se réveiller.


Précautionneusement, elle extirpa la pile-mémoire du coffret de protection serti dans le ventre du disque antigrav, la transféra dans le lecteur à trépied, qu'elle posa sur son lit. Répondant à ses commandes vocales, le lecteur remonta jusqu...


Les squats qui portaient son corps et le déposaient dans son lit...


A nouveau, elle se tata le bras gauche.


<i>Pourquoi savais-je que c'était le gauche ?!</i> s'angoissa-t-elle soudain. <i>Et quel jour sommes-nous ?!</i>


La porte du Dragon d'Or, agressée par un tambourinement furieux, fit fuir cette question.


Précédée par le drone, elle dévala l'escalier en enfilant une tunique.


<i>Reconstruction biomoléculaire ?? La Genocide en a-t-elle les moyens ?</i>


<i>Une chose est sûre : quelqu'un veut m'éloigner de la poudrière, éviter l'explosion entre la Schind et la Genocide.</i>


Le visiteur, matinal, est un habitué.


Comme d'habitude, une pouffiasse l'accompagne. Tous deux veulent apparemment faire du Dragon d'Or leur after.


- "Dame Rac'O, avez-vous encore des menus vapeur ?" murmure le noctambule.


Elle va répondre mais, en s'asseyant, l'épaule dénudée de la pouffiasse attire imparablement son attention.


Un tatouage.


Une tête de kroot blanc.


<i>Suis le kroot blanc.</i> semble rémerger de son rêve !


- "Oh lala lala lalaaa..." semble-t-elle répondre enfin au visiteur.


Mais Rac'O les laisse s'asseoir.


L'humaine qui accompagne l'habitué a les cheveux crêpés, noués par une bande de gaz rose. Elle porte un corsaire noir, sur lequel flotte un tutu rose. Une quinzaine de chaînes balancent leurs quolifichets sur sa poitrine. Une quinzaine de bracelets fins habillent chacun de ses poignets. Tapotant le plancher de ses bottines à talons, elle chantonne "Lac Euvir Jean", l'un de ces chants de travail de la fabrique de pantalons en coton du lac Euvir. C'est une ouvrière, passée hôtesse le temps du jour de congé. Une plume rose pend à ses oreilles. Si elle ne le lui précise pas, Rac'O est sûre qu'elle boira le bol de sauce des rouleaux de printemps.


Le visiteur lui non plus ne tranche pas dans la population trimeuse de North Town. C'est un métis, mais le côté squat l'a emporté. Peter Deux-Coups-Bertine, qu'il s'appelle. Un noceur, costume rayé et épingle sur la cravate dont seule la pointe fourchue dépasse de sous sa barbe entretenue. Il dit toujours à qui pourrait l'entendre "L'important..." mais Rac'O ne l'a jamais entendu finir. "On sait, on sait." le coupent toujours celle ou celles qui l'accompagnent. Derrière cette allure de maquereau dilapidant l'outil de travail à son propre débit, Bertine a tout du flic ripoux, attirant le respect par le principe de précaution dont il habite l'atmosphère. Il sort parfois une montre à gousset de la poche de son gilet, d'où balance une curieuse médaille au milieu de la chaînette. Rac'O a vu des humains blémir devant ce geste. Etait-ce parce que Peter signifiait ainsi que l'heure était venue, ou pour cette médaille dorée en forme de i trois fois barré dont Rac'O ignore le sens ? Les règles non-dites de North Town conseillent aux honnêtes commerçants de ne pas poser de questions sur les clients, leurs activités et les cris qui peuvent survenir sur les perrons des échoppes. Rac'O est une honnête commerçante. Elle le serait demeurée si la Schind n'avait pas mis la clé sous les portes calcinées de l'Ecaille du Dragon et du Dragon Céleste.


Pinçant la pate flasque mais farcie dans le panier-vapeur, avec des baguettes (un usage rice-mug que Rac'O avait conservé dans ses restaurants et que Peter appréciait d'enseigner à ses compagnes de l'aube. Il résumait cela par 'tricoter la nouille'), l'élégante voix du dandy squat s'adressa à la tau sur le ton badin de la conversation d'aristocrates, au contenu inutile mais à la forme recherchée :


- "Dame Rac'O, vous souvenez-vous de ce kroot, Bec-Jaune, qui avait mangé une de mes compagnes afin, le pensait-il, de favoriser son changement de sexe et d'entamer ainsi une carrière dans la mode, comme mannequin ?"


L'ex-sha'ui retrouva instinctivement ses réflexes de guerrière, lorsque l'expérience vous dit qu'un danger s'approche à grande vitesse et pourrait bien vous toucher <i>vous</i>. Elle se souvenait en effet de ce kroot, immigré bien avant elle dans l'Amas, embauché au Dragon Céleste bien avant qu'elle en ravisse la propriété aux rice-mug. Ce foutu kroot !


Il s'était renommé Marilyn, portait la veste de soie brodée de dragons, aux pans tombant jusqu'aux jambes. La rumeur disait que l'ex-propriétaire du Céleste lui avait offert sa fille pour le goûter, en échange de deux secrets que son employé avait percé. Travesti, homo et bientôt transexuel. Bec-Jaune ! Oui, elle se souvenait de ce kroot. Suivant l'enseignement de l'éthéré, Rac'O avait même élaboré une chanson mnémotechnique pour s'en souvenir à tout jamais, prévenir les dangers du dédoublement de personnalité. Beaucoup, à North Town, n'étaient pas en effet ce qu'ils semblaient être et Rac'O devait son intégration dans l'Amas à ce souvenir régulièrement répété. Peter Deux-coups-Bertine par exemple. Pour venger la tricoteuse que Jaune avait becqueté, il avait taillé en biseau des buches de carbone dense et inventé ainsi le suppositoire à kroot. Bec-Jaune, le goulot de la bouteille d'alcool encore coincé au fond de la gorge, avait brûlé longtemps dans la rue, tant et si bien brûlé que les gamins des impasses avaient surnommé la ruelle de terre battue qui avait recueilli ses cendres "Chicken Wings Avenue".


<i>Marilyn peint sa bouche, elle pense à Jaune. Jaune. Deux secrets taire, en mini-stères, elle fredonne une chanson. Elle est triste, il est gay...</i>


- Oui, M'sieur Bertine, je me souviens de ce loufiat."


Le squat précieux sourit.


- "Parfois, l'apparence est trompeuse : on pense passer une bonne soirée dans un endroit où l'on danse, où l'on boit un peu et où les filles vous promettent d'occuper l'attente du prochain crépuscule, et puis on apprend des évènements qui vous font oublier tout cela : le nombre des établissements fréquentables s'amenuise dans North Town. J'en... parlais encore il y a peu avec Ana Van Schlachten Tag et..."


- "Vous fréquentez Ana Van Schlachten Tag !" se méprisa aussitôt Rac'O pour son imprudence.


- "Dame Rac'O, l'important..."


- "On sait, on sait..." le coupa, lassée, l'ouvrière du lac Euvir, avec un ton, pensa Rac'O, <i>qui irait mieux aux officiers du contre-renseignement qu'à une pétasse des bas-fonds.</i> "...Venons-en aux faits, Peter" ajouta le tutu rose à celui qui n'était pas son maquereau.


Le squat tempéra d'un tapotement sur la main de sa compagne, attirant le regard de Rac'O vers l'index de l'humaine, la rougeur bombée de sa pliure, comme marquée par la gachette.


- "Comment va votre bras, Dame Rac'O ?" interrogea-t-il.

(Modification du message : 03-04-2006, 10:34 par KDJE.)

Une main dans une poche de son veston gris, Stone remplit une nouvelle fois le lourd verre. les yeux perdus dans le lointain, au dela de baie vitrée blindée, il tournait le dos au docteur Painkiller. Les glaçons flottant à la surface du scotch pure malt faisaient doucement gling-gling en heurtant les parois de cristal alors que Stone le remuait d'un geste nonchalant. Il finit par se retourner et lança d'une voix grave.


- Jimini. Un de nos collaborateur veut ta peau.


- QUI ?


- L'agent 025-X-987-T-4.


- L'ordure !