Retour Sur Negromundheim

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Vingt-huit minutes.


Vingt-huit millénaires d'attente.


Après une course frénétique qui les avait amenés très près du bunker bien plus vite que prévu – sans doute là l'œuvre des dominators qui les dirigeaient et qui contrôlaient les pulsions stupides de ces répugnants cloportes - l'armée grise des mutants s'était immobilisée subitement. A la distance où ils se trouvaient, on pouvaient percevoir à l'œil nu leur agitation grotesque, la lumière morbide brillant dans leurs yeux jaunes, leur insupportable baragouin fait de "gnaaaah !", de "gneuuh !" et de "je vé faire cramé la cébé paske je sui tro un gooool !" compulsifs.


Painkiller gardait un œil sur la horde qu'il devinait prête à bondir sur le bunker d'un instant à l'autre. L'autre sur l'écran de contrôle. Les mutants ne lui faisaient pas peur. Ce qu'il craignait, c'était la montagne de poussière et de fumée qui avançait au milieu de la masse grise et qui, elle, poursuivait sa route, écrasant ses propres troupes sous son avance. Il devinait la nature de ce qu'elle cachait.


Le haut-parleur grésillant émit un simple bip.


"Au monte-charge."


Les squats se précipitèrent au niveau inférieur du bunker au commandement de leur chef. Painkiller resta seul à l'étage de contrôle. Il tenait à admirer le spectacle : l'Express entrait en gare.


Un sifflement lourd. Une tornade d'éclairs bleus qui zébraient les rails d'acier. Un odeur d'ozone alors que se dissipait le bouclier de plasma qui protégeait le nez du train des frottements de l'air. La machine massive ralentit puis s'arrêta. Elle était en piteux état. Toute sa surface était recouverte de graffitis grossiers, œuvre pitoyable des monstres mutants et décérébrés. Les inscriptions vengeresse s'étalaient : "Nick lé vré zoms !" ; "Negromundeim au mutant !!!!" ; "Neuf-troi vainkra !" ; "lé mutan enkul Niou Eldon !!" Et pourtant quelle splendeur ! Le train semblait vivant. La hideur de la non-pensée des ignobles créatures n'était parvenue qu'à masquer partiellement la magnificence de l'Express. La machine restait l'incarnation de la puissance, du labeur en même temps que celle du génie de ses constructeurs aujourd'hui oublié dans cette époque de médiocrité. Pendant des siècles, elle avait servi ses maîtres sans le moindre incident. Laissée à l'abandon deux siècles durant, elle était restée intacte, fidèle à elle-même et à sa mission, prête à la reprendre à tout instant. Rien n'avait entamé l'ardeur que l'on devinait brûler dans son cœur de métal. Elle était un emblème, une icône, un géant d'acier que des insectes minables et mesquins n'avaient su que salir faute de pouvoir la détruire ou la pervertir.


Les portes latérales du train s'ouvrirent en même temps que celle du bunker. L'énorme pince du monte-charge souleva le caisson dans lequel les squats s'étaient entassés pour le déposer en douceur et avec une précision micrométrique à l'intérieur. Puis la pince se retira. Les squats bondirent et redescendirent du train, armes en mains. Painkiller arrivait à son tour. La porte de la locomotive se déverouilla automatiquement à son approche et il monta dans la cabine. Tout y semblait parfaitement fonctionnel. Il effleura l'écran de contrôle ; un message y apparut : Séquence de situation d'urgence achevée. Contrôles d'usage : en cours. Temps estimé : quatre minutes. Contrôle de charge : OK. Contrôle de destination : OK. Contrôle… Painkiller cessa de lire. Quatre minutes. Il redescendit de la locomotive pour constater ce qu'il avait déjà deviné : Dans un hurlement abominable repris par des milliers de gorges, les mutants fondaient sur eux comme une gigantesque vague de fond grise prête à les engloutir.


Il alluma un cigare, tendit la main, demandant une arme. On lui passa une EP-7.


"C'est moche de mourir pour quatre minutes de trop. Mais j'ai vu des façons plus moches de mourir. Au tas les mecs."


Il dépassa l'avant du train, quittant la protection de la masse d'acier et se plaça seul face à la horde. Braqua son arme et pressa la détente. Ses compagnons le rejoignirent immédiatement et l'air fut soudain déchiré par le hurlement des munitions d'uranium appauvri et le souffle rauque des roquettes à fragmentations dont l'explosion au milieu de la horde déchiquetaient les corps des zombies. Mais cette fois, la horde ne reculerait pas. Ne s'arrêterait même pas. Les psycho-brouilleurs hurlèrent leur alerte et chacun les activa. De nombreux dominators se dissimulaient dans les rangs ennemis.


Trois minutes. Trop tard. La horde, un instant ralentie, semblait prendre son élan pour l'assaut final.


"Besoin d'un coup de main camarade ?"


Plus fort que les ululements à glacer le sang de l'armée grisâtre et le bruit du torrent de feu délivré par les mercenaires, plus fort que le bruit de leurs pales en rotation, un bruit épouvantable empli soudainement l'atmosphère, vomi par les haut-parleurs gigantesques fixés sous les ailes des trente gyrocoptères qui étaient apparus dans le ciel au dessus d'eux.


<i>I got to have a shot</i>


of what you got is oh so sweet.


You got to make it hot,


like a boomerang I need a repeat,


Gimme all your lovin', all hugs and kisses too !


Gimme all your lovin', don't let up until we're through !


Une véritable pluie de douilles s'abattit sur les casques des mercenaires dans un concert de joyeux tintements quand les soixante canons d'assaut multitubes entrèrent en action. Terrorisés par la volume et l'aspect trop civilisé à leur goût de la musique qui brisait leurs restes de tympans, fauchés rang par rang par le déluge de métal qui s'abattait sur eux, un vent de panique souffla sur les mutants que les dominators ne parvenaient pas à contenir malgré la puissance de leur champ de dominance psychique. Dans les communicateurs des squats, la voix calme du docteur Stone se faisait entendre entre les mâchonnements de son cigare.


"Alpha Un et Deux, sur le flanc gauche. Gamma Deux vous êtes trop bas. Beta Trois en couverture. Alpha Trois quand j'ai dit feu à volonté j'ai pas dit de gâcher les cartouches, venez pas vous plaindre au prochain conseil d'administration que les caisses du comité d'entreprise sont vides. Comment ça va Jimini ? Aucune perte là en bas ? Beta Quatre vous êtes trop bas. Alpha Trois attention !"


"Qu'est-ce que tu fous ici Stone ?"


"La mission était un piège. On s'est fait embobiné et le département de vérification n'y a vu que du feu. Il y a quelqu'un qui veut ta peau et qui est prêt à payer cher pour l'avoir. Dites Alpha Trois, vous le faites exprès ?"


Une minute. Les gyrocoptères ne pourraient jamais se poser et embarquer tout le monde. Une fois au sol, ils seraient sans défense. L'Express restait la seule chance de salut.


"Tout le monde remonte dans le train," fit Painkiller dans son communicateur. Les squats s'exécutèrent immédiatement en bon ordre, cessant le tir pour se retirer progressivement à l'abri derrière la barrière d'acier. Le flot de munitions vomi par les canons d'assaut des gyrocoptères lui, ne se tarissait pas, maintenant la horde à bonne distance. Painkiller sauta dans la locomotive. Immédiatement une explosion titanesque la fit trembler, causant un choc si violent dans toute la structure du train que le médecin tomba à la renverse. Il se releva et redescendit une nouvelle fois à l'extérieur d'un bond, courut vers l'arrière. Le dernier wagon avait été renversé et un trou béant ornait son flanc. Huit mercenaires étaient couchés sur le sol parmi les débris de métal tordus et fumants. Painkiller activa son automedipack, se pencha sur eux l'un après l'autre.


"On a un problème Jimini."


"Tu as des réflexions intelligentes en réserve ? Imbécile !"


Une nouvelle explosion suivit immédiatement l'échange de politesse. Cette fois une pluie de débris incandescents tomba du ciel dans une gracieuse colonne de flammes. Un des gyrocoptères venait d'être abattu.


"Décroche Stone ! Fichez tous le camp d'ici ! Vous n'avez aucune chance contre ça ! L'escadron décroche immédiatement !"


"On décroche," fit Stone en écho. Le pilote du gyrcoptère à ses côté le regarda avec inquiétude.


"On ne va pas les abandonner ?"


"Painkiller dit qu'on décroche, on exécute gamin !"


Un seul des mercenaires blessés dans la première explosion était encore en vie. Une seule en fait. C'était Frydja. Painkiller planta dans son bras la seringue sortie du medipack, lui injectant des nanobiomètres qui transmirent immédiatement les résultats de leurs analyses.


"Je ne sens rien docteur."


La voix de la jeune fille était faible.


"Tu as des vertèbres cassées."


"Je vais mourir Docteur ?"


"Oui, tu vas mourir."


Sa tête roula sur le côté. Painkiller se redressa. Au même instant le train partait dans de nouvelles décharges d'éclairs bleus qui animaient ses rails, s'arrachant dans un affreux grincement de métal aux restes immobilisés du wagon de queue et emmenant les survivants désormais en sécurité vers le Nord. Les gyrocoptères étaient déjà loin. Et Painkiller fut seul.


Seul face à quelques milliers de mutants qui s'étaient soudain immobilisés, définitivement tétanisés par la terreur que leur inspirait l'incarnation de la mort sortie tout droit de l'enfer qui s'était révélée alors que le nuage de fumée et de poussière qui l'avait entourée jusque là achevait de se dissiper. Painkiller ramassa une mitrailleuse EP-7 et la plaça en bandoulière. Il fit de même avec un fusil à pompe. Enfin il attrapa un lance-roquettes Themis et s'assura qu'il disposait d'une bonne réserve de munitions.


Le démon de cinq mètres de haut qui lui faisait face, à deux cent mètres de lui avait un corps humanoïde mais un tête qui ressemblait au croisement entre celles d'un chien, d'un taureau et d'un humain. Sa chair brune laissait apparaître ses viscères rougeoyants au niveau de l'abdomen. Sa jambe droite se terminait par un sabot de bouc mais sa jambe gauche était faite d'acier poli.


D'une impulsion mentale, Painkiller lança une commande au medipack. Son pouls accéléra sous la décharge de frenzon modifié. Levant son lance-roquettes, il fit feu. Le missile frappa le cyberdémon en pleine poitrine. Quand le nuage de fumée laissé par l'impact se fut dissipé, le médecin ne fut guère surpris de constater qu'il n'avait laissé qu'une légère brûlure sur le torse de l'abomination. En réponse celle-ci braqua son propre lance-missile aux dimensions monumentales qu'il tenait d'une seule caricature de main et fit feu à son tour. Painkiller couru plongea au sol. Le missile explosa à dix mètres de lui, soulevant un geyser de poussière et de cendre. Il se releva, fit feu à nouveau, lâchant quatre missiles coup sur coup puis reprit sa course en zig-zag, esquivant, courant, bondissant au sol, pour éviter les missiles vomis par le monstre. Se releva. Tira cinq missiles. Tous atteignirent leur but mais rien ne semblait pouvoir entamer la carcasse du démon.


Depuis la cabine de pilotage du gyrocoptère de tête, Stone regardait l'écran de contrôle avec inquiétude. Les informations qu'il y voyait défiler étaient transmises par le medipack de son ami. Ce qui lui causait du souci n'était pas tant les suites de contusions et commotions légères qu'il diagnostiquait que les "soins" qu'il administrait à son psychopathe de patient. Les injections de frenzon succédaient aux injections d'endorphine de synthèse qui succédaient aux injections d'une variété effarante d'autres drogues destinées à réguler et modifier tous ses paramètres biologiques pour le transformer progressivement en machine à tuer insensible à la douleur, dépourvue de tout instinct de survie et au risque de dégrader définitivement l'était de son système nerveux.


"Je peux tout reconstruire sauf ton cerveau idiot," murmura Stone.


"Vous avez dit quelque chose Docteur ?" demanda le pilote.


"Rien. Il sait ce qu'il fait ; enfin je crois. J'espère." Il ajouta dans le communicateur : " Stoppez et maintenez un vol stationnaire. On retournera le chercher quand ce sera fini."


Painkiller esquiva un nouveau tir, plongea, se releva mécaniquement ajusta, fit feu. Il ne ressentait plus aucune fatigue. Il ne ressentait pour ainsi dire plus rien. Chacun de ses mouvement était devenu un automatisme. La croix de visée verte dessinée sur sa rétine cybernétique clignotait dans son champ de vision en se figeant sur le cyberdémon ; les impulsions électriques de son cerveau étaient régulées par la biopuce implantée dans nuque avant d'être transmise à son bras qui se mouvait comme celui d'un robot avec une précision parfaite. Il pressait la détente. Deux roquettes Themis frappèrent son adversaire à la tête sans que celui-ci ne laisse échapper plus qu'un beuglement de douleur. Painkiller reprit sa course, surveillant les mouvements du monstre. Un missile fonçait sur lui ; il changeait brutalement de direction, accélérait, plongeait au sol, se relevait, ajustait, faisait feu, reprenait sa course. Et tira sa dernière roquette.


Il jeta l'arme et dans le même geste fit glisser la mitrailleuse lourde sous son bras. En pressant la détente, il réalisa confusément que sa botte gauche était inondée de sang. Il trébucha quand il tenta de reprendre sa course pour éviter le missile suivant, comprit qu'un éclat de métal lui avait probablement brisé la jambe et que les tranquillisants injectés par l'automedipack lui en avait masqué l'information nerveuse. Il commanda machinalement l'injection d'une nouvelle dose d'endorphine et se releva pour reprendre le tir. Et brûla sa dernière cartouche. Jetant une nouvelle fois son arme, il attrapa le fusil à pompe, l'arma et se jeta sur le démon.


Il esquiva un dernier missile qui passa en sifflant au dessus de sa tête. Pressa la détente, réarma, pressa la détente. La troisième balle de fusil sonna le glas du combat en même temps que celle du combattant alors qu'était soudainement atteinte la limite des dommages que l'incarnation infernale pouvait endurer sans broncher. Le monstre sembla soudain se désagréger avant de se désintégrer dans une immonde explosion de sang et de viscères, retournant à l'Abysse dont il était issu et ne laissant derrière lui que la colonne de métal poli qu'avait été sa jambe.


***


Quand Painkiller se réveilla, il était allongé sur une couchette qu'il reconnut. Il était à bord du vaisseau spatial qui les avait amenés lui et ses combattants sur Negromundheim. Il se redressa immédiatement, grimaçant sous la douleur. Stone était à côté de lui.


"Tu as la rotule en petits morceaux. Je ne pourrai pas l'opérer. Il va falloir la reconstruire."


Painkiller haussa les épaules.


"On a récupéré tous les corps ?"


"Oui."


"Tu t'occuperas des dossiers d'indemnisation des familles."


"Oui."


Partout dans la galaxie, des mercenaires squats combattent et meurent. Non pour de l'argent mais pour entretenir une force de combat efficace et opérationnelle en permanence. Pour que leurs camarades survivants acquièrent l'expérience du combat nécessaire à la défense de leur propre race, de leurs propres planète quand le besoin en apparaît. Ainsi justifiait-on le mercenariat. Peut-être cela était-il fondé, songea Stone. Painkiller, lui, ne se posait sûrement pas la question. Painkiller ne se posait jamais de question.


Stone revint dans la coursive. Passant devant une autre chambre, il entendit quelques-uns de ses soldats, heureux de goûter la fin de leur mission, la promesse de leur prime, la chance d'être simplement encore en vie, entonner le vieux chant des mercenaires de la confrérie Khandle.


<i>I am the one who can fade the heat,</i>


The one they all say just cant be beat.


Ill shoot it to you straight and look you in the eye.


So gimme just a minute and Ill tell you why


I'm a rough boy


I'm a rough boy.

Si l'humour etait un dieu du chaos, tu serais sont prince démon !J'adore c'est tout simplement incorect, immonde, violent, brutal, gore, tout cela sans jamais heurter notre sensibilitée, juste en nous faisant nous tordre de rire, il n'y a aucun tabou, mais ce n'est pas de la rebellion brutale et stupide à la "agneugneu la cébé" c'est un affranchissement par apport au regles stupides et reductrices qui regissent le monde de l'ecriture, pour atteindre un idéal de liberté artistique ou l'on dit ce que l'on veut, autant d'insultes que l'on veut et jamais par simple gout de la grossiertée. C'EST ENORME BRAVO A TOI !

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