4ok : des crânes, du lisse ou les deux ?

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(04-08-2022, 18:19)Ratus Norvegicus a écrit : Peut-être qu'en 2022, GW va avoir une sortie à la Monolith expliquant qu'elle se passera avec joie des clients qui ne partagent pas les valeurs de l'entreprise Tongue ?

Ben en fait ils le disent déjà dans leur communiqué de l'année dernière:

“We believe in and support a community united by shared values of mutual kindness and respect. Our fantasy settings are grim and dark, but that is not a reflection of who we are or how we feel the real world should be. We will never accept nor condone any form of prejudice, hatred, or abuse in our company, or in the Warhammer hobby.” 
If you come to a Games Workshop event or store and behave to the contrary, including wearing the symbols of real-world hate groups, you will be asked to leave. We won’t let you participate. We don’t want your money. We don’t want you in the Warhammer community.


Et celle là faut quand même bien la noter... GW qui dit qu'il ne veut pas de "nos" sous, c'est un peu comme un nain qui te fait une "aaaaargh... réduction" (si quelqu'un a la ref...)!

Citation :Je pense qu'ils sont parfaitement au courant de la récupération de leur licence par certains groupuscules et que cela les préoccupe profondément.

Ce que moi je trouve consternant, c'est qu'il faut aujourd'hui se démener pour expliciter l'évidence.

Parce qu'en plus, le fait que l'univers soit pris au 1er degré, ça occulte le fait qu'il n'est pas seulement une critique de certaines idéologies extrêmes, mais qu'il possède un caractère particulièrement subversif en associant des éléments de la culture populaire "courante", """""normale""""" à cette satire du totalitarisme moderno-industriel (pour taper large). Très proche, comme il est souvent rappelé, de la démarche de Starship Troopers et dans une moindre mesure d'une série comme The Boys 
Révéler

Il est question dans ces démarches du fait qu'en substance, ces idéologies ne sont pas tellement extérieures aux sociétés occidentales modernes  (en particulier celles qui ne jurent que par un système éthique particulier alors que dans les fait à l'échelle globale, elles font tout le contraire) mais qu'elles en sont une radicalité extrême (et donc que lesdites sociétés occidentales modernes portent en elles ces idéologies par essence, en potentiel)...

Dans Starship Troopers, la société dépeinte est manifestement fasciste, militariste et belliqueuse, mais affiche tous les clichés du soap opéra, et à dessein. Dans The Boys... ben voir mon spoiler ci-dessus, en se rappelant que le super héros "de base" incarne quand même des valeurs positives et héroïque pour la civilisation occidentale (plus spécifiquement les EU dans ce cas).

Et là on se retrouve à dénoncer les récupérations 1er degré, qui sont quand même le fruit d'un manque de réflexion et de recul (traduction: faut être quand même un peu con pour avoir cette lecture 1er degré (que 40K fait l'apologie du fascisme) quand on connait ne serait-ce qu'un tout petit peu l'univers. D'ailleurs mon anglais ne me permet pas d'en avoir la certitude, mais il me semble qu'une certaine consternation (en mode "putain mais c'est quand même évident...") ressort du ton adopté dans le communiqué de GW. Et au fond, ces récupérations sont quand même assez minoritaires (mais ça prend de l'ampleur, cf les clichés page précédente)). 

Et on passe une bonne partie du sous texte à la poubelle une fois de plus en "extériorisant" un peu plus ces idéologies dont il est question. Ne serait-ce que parce que leurs mécanismes ne sont pas bien saisis et repérés (l'étaient-ils d'avantage il y a 30 ans?), le côté subversif n'apparaissant que lorsque l'on se rend compte de l'association pop culture et "fascisme". Encore faut-il déceler les deux. M'enfin y a pourtant des choses explicites, mais bon, allez comprendre...
(Modification du message : 10-08-2022, 18:10 par Egill.)
+1 Egill.

Le côté potache était bien plus patent dans les premières éditions (notamment en V2), notamment parce qu'ils ne se prenaient pas du tout au sérieux pour choisir les noms des protagonistes (cf. le premier inquisiteur présenté ^^) et puis on trouvait quelques piques assez méchantes dans le corps de texte (je me souviens de passages dans Rogue Trader qui taclent assez méchamment certains aspects sociétaux de l'Angleterre d'alors).

Tout ça s'est estompé assez brutalement avec la V3, du moins dans mes souvenirs. Plus trop d'anecdotes rigolotes ou de passage tellement outrancier qu'en les prenant au premier degré, ils auraient été ridicules. Ce fut aussi l'arrivée du catalogue pics et crânes.

Citation :Starship troopers
C'est évident mais tu devrais préciser que tu parles du film de Verhoeven, une grosse satire bien potache Wink . Parce que le bouquin de Heinlein qui a inspiré le film est lui très premier degré (militariste à bloc, anti-coco et pro-peine de mort, entre autres).
D'ailleurs, à l'époque, beaucoup de gens ont totalement pris le film...au premier degré. Alors que, bon sang, même les pré-ados que nous étions avaient bien compris que la Fédération c'était vraiment une société merdique, que les Bugs ne faisaient probablement que se défendre et que les protagonistes étaient vraiment neuneus ^^.
Tieng, dans les tucs à considérer aussi sur l'appropriation du message : ça se voit moyennement par cheux nous mais déjà un peu mais chez les barbares d'outre-atlantique, le second degré, la parodie, c'est des trucs qui semble de plus en plus méconsidérés. On a le woke qui est un exemple évident mais globalement, que ça soit dans l'image envoyée en général ou dans les échanges que je peux avoir avec ces gens là, je trouve que ça se sent : faut plus faire ce genre de choses. 
Une parodie évidente -que même les mecs reconnaissent comme telle, ils ont compris qu'il fallait pas le prendre au pied de la lettre- est de suite montée en épingle parce que c'est "cringe" ou "problematic". Tout ce qui peut vaguement dépasser est renfoncé au marteau. Ce qui fait au final le jeu des mecs en face qui se victimisent (c'est assez amusant de voir les gars couine au sexisme pour des propos féministes ou au racismes pour un jeu centré sur l'Afrique).

De fait, un message parodique comme 4ok sera possiblement mis au ban parce que "si on l'écrit c'est qu'on le pense au moins un peu" ou "c'est pas bien ça blesse les gens victimes de vraies dictatures" et finalement jeté tout cuit dans la mouille des franges évoquées qui récupèrent le message au premier degré et les mécontents de cette absence de nuances.

le squat
ou pas, allez savoir ce qu'il se passe dans la tête des gens
(11-08-2022, 22:15)la queue en airain a écrit : Une parodie évidente -que même les mecs reconnaissent comme telle, ils ont compris qu'il fallait pas le prendre au pied de la lettre- est de suite montée en épingle parce que c'est "cringe" ou "problematic". Tout ce qui peut vaguement dépasser est renfoncé au marteau.

Outre Altantique, ils ont leurs propres boulets à traiter, avec un ségrégationnisme plus marqué que chez nous, ou en tous cas qui se voit plus.

On pourrait certainement trouver des contre exemples, mais la satire, l'ironie, c'est moins dans leur culture. D'ailleurs Verhoeven a été systématiquement incompris dans sa démarche (qui se retrouve plus ou moins dans tous ses films). Il a même du revenir en Europe pour faire ce qu'il voulait après s'être fait méchamment ostracisé après Showgirls. On voit que ça existe quand même avec des trucs comme The boys, mais c'est rare (et The Boys, c'est pas méga subtil: ça raille, ça ironise, mais de façon très frontale, bien plus que 40K où on te prend pas par la main).

Mais sinon je pense que tu touches là au fond du problème. La société est devenu très premier degré (et pas qu'outre Altantique dont on n'est qu'une "rétro colonie"). Très normative aussi. On est plus dans le punk d'il y a 30 ans. On a recrée un espèce de conformisme artificiel. Et même quand on se veut critique, subversif, on recrée quelque chose de très normatif. C'est aussi ce que j'ai constaté en fréquentant vaguement certains milieux "alternatifs".

Le soucis c'est que cette approche fait l'économie du recul et de la réflexion, et rendent les choses très superficielles. Elle ne s'embarrasse pas de l'infinie complexité du monde et des phénomènes qui le constituent... et est donc complètement à côté de la plaque, quand bien même elles défendraient des causes que l'on peut juger "justes". Le "Wokisme", je me méfie de ce vocable qui sert aux réactionnaires de tous poils à loger dans une petite case tous les discours qui visent à introduire plus de tolérance et d'égalité dans les mentalités (même si les abus sont réels et navrants). Mais il est pas le seul. Beaucoup de termes, surtout à l'heure d'Internet et de cette façon d'échanger lapidaire, qui a fait du dialogue de sourd et de la punchline le moyen d'échanger par défaut, servent à faire des petites cases qui permettent l'économie de la nuance et de la réflexion, justement.

Pour moi il n'y a pas de différence fondamentale, au niveau du mode de pensée, entre les gens qui se paluchent sur l'Imperium parce qu'ils fantasment le triomphe de la force et de l'autorité, et ceux qui font les vierges effarouchées en prétendant que c'est une apologie réelle du fascisme. Dans les deux cas, c'est le niveau 0 de l'analyse et de la réflexion. C'est juste la base idéologique qui diffère.

Il me semble que tout ceci est symptomatique du triomphe de l'individu roi. Chacun a sa "vérité intérieure" qu'il étend au monde dans son ensemble et qui vaut autant sinon mieux que n'importe laquelle, sur tous les sujets, tel un dogme. Le savoir (où ce qu'on imagine l'être) individuel a pris le pas sur le savoir collectif qui se nourrit des expériences des uns et des autres (et sur l'expérience acquise au cours du temps). La remise en question de l'individu est le sacrilège. Donc la nuance est rejetée sans autre forme de procès.

Je pense notamment à certaines "thèses" sur l'apparition d'un nouveau système de croyances dans le monde post moderne, qui a remplacé les anciens systèmes religieux et spirituels. J'ai lu récemment un article sur "l'individuo globalisme" et il y a largement matière à réflexion sur tout ça.