Et si on se parlait? (bouteille à la mer on sait jamais)

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A Alias
ce que tu écris entre en raisonnance avec la méthode Pikas que l'on a mise en place dans mon établissement. On ne cherche pas à punir (dans le droit français en dessous de 13 ans les harceleurs risquent peu de choses) mais à créer de l'empathie chez les harceleurs envers les victimes.
Franchement tout dépend du harceleur.
Au niveau de la justice il y a des projets en ce sens : La justice restaurative
La vie semble avoir décidé de me faire expérimenter personnellement ce que j'écrivais hier.

Ce matin, dans ma ville, à quelques rues de chez moi, une voiture a foncé dans un regroupement de plus de 150 personnes rassemblées du fait des activités du carnaval, traditionnelles dans notre région.

6 morts, 10 personnes en risque vital, de nombreux blessés et une population sous le choc.

Suis-je plus ému par cela que par l'Ukraine ? Je dois bien avouer que oui, çà n'a rien de rationnel mais des collègues de mon épouse et leur enfant sont parmi les victimes. Ce sont des gens que j'ai croisé, toutes les victimes sont de la même ville que moi et ma fille devait aller au carnaval quelques heures plus tard avec ses amies.

Donc oui, même si objectivement la situation en Ukraine est bien pire, émotionnellement, le drame de ce matin me bouscule encore plus. C'est humain, même en sachant la mécanique derrière ce phénomène, on ne peut pas la contrôler.
(Modification du message : 20-03-2022, 16:20 par Alias.)
Je suis désolé Alias vraiment, tu as tout mon soutien dans cette horrible épreuve.
Citation :Suis-je plus ému par cela que par l'Ukraine ? Je dois bien avouer que oui, çà n'a rien de rationnel mais des collègues de mon épouse et leur enfant sont parmi les victimes. Ce sont des gens que j'ai croisé, toutes les victimes sont de la même ville que moi et ma fille devait aller au carnaval quelques heures plus tard avec ses amies.

Nan mais quand ça touche des proches, ou même ne serait-ce que des gens que l'on connait simplement, ça paraît évident qu'il y ait une différence d'émotivité. C'est le contraire qui deviendrait même un peu bizarre.

Si on devait être touché de la même manière par ce qui arrive à nos proches ou connaissances et ce qui arrive à 7 milliards de terriens, ça serait juste impossible de vivre. Même sans guerres, même sans injustices.

Pis une vie est une vie. C'est pas parce qu'il y a des milliers de morts là bas qu'une mort ici n'est pas tragique.

Courage. On sait ce qui s'est passé exactement? (accident? Attentat?)

Il me vient tout de même à peine ce message écrit une réflexion. Si la distance géographique et culturelle met une barrière à l'émotivité face à la souffrance d'autrui, il y a tout de même des contre exemples qui me viennent en tête.

Les indiens d'Amérique par exemple. Je m'étais intéressé de près au sujet, et franchement c'est un des passages de l'Histoire que j'ai étudié qui m'a le plus déprimé. Et j'ai l'impression que je suis loin d'être le seul. C'est quelque chose qui revient souvent dans nos cultures aujourd'hui. Fascination pour une culture différente de chasseurs cueilleurs vus comme des primitifs qui auraient par conséquent conservé une "pureté" virginale? C'est pourtant le cas de tas d'autres cultures "premières" dans le monde qui ont été broyées par l'occidentalisation et la modernité mais qui ne succitent pas une telle émotion. Par exemple le cas des aborigènes d'Australie.

Pourquoi les indiens d'Amérique dans ce cas? Simplement parce qu'ils sont sureprésentés, à travers les Western et la culture américaine qui nous imprègne par rapport à beaucoup d'autres cultures? Doit y avoir de ça parce que très peu de gens s'émeuvent du sort des indiens d'Amérique du Sud, dont la destruction des cultures et des modes de vie se déroule encore aujourd'hui, ou des indiens du Canada, où il y a encore aujourd'hui une quasi ségrégation entre eux et les canadiens d'origine européenne.

Parce que sinon, tous les critères que tu évoquais sont réunis: éloignement géographique, éloignement culturel et même civilisationnel énorme, pas la même physiologie, modes de vie radicalement différents...etc.
(Modification du message : 20-03-2022, 19:20 par Egill.)
Bon courage a toi dans ces moments difficiles.
(Modification du message : 20-03-2022, 19:18 par Marduck.)
Merci à tous. Je ne suis pas touché directement mais mon épouse est assommée par les nouvelles qui sont tombées au fil de la journée, le groupe touché comptant nombre de ses collègues travaillant comme elle pour la ville.

Pour la cause, l'attentat semble exclu par les autorités à ce stade. Les faits ont eu lieu dans un cadre particulier qu'il n'est pas simple de comprendre quand on ne connait pas le folklore local. Chez nous lors du carnaval, les gilles (portant costume et offrant des oranges au public) partent de chez eux très tôt le matin et se regroupent en différents point convenus. Ils sont accompagnés de musiciens qui jouent des airs de carnaval et des familles des gilles qui suivent le groupe. On appelle cela le "ramassage" car les musiciens vont de maison en maison "ramasser" les gilles. La tradition veut qu'un gilles ne se déplace jamais sans musique d'où ce système.

Le véhicule a percuté l'un de ces groupes à un point de rassemblement où se trouvait gilles, musiciens et familles. L'hypothèse la plus crédible à cette heure est un conducteur sous influence (alcool, drogue), peut-être revenant de soirée en tout début de matinée et roulant comme un taré en agglomération puisque tout cela se passe en ville.
Je me joins aux autres pour t'apporter mon soutien, Alias.

@"Egill" : ce que tu écris à propos des peuples indiens d'Amérique du Sud (d'ailleurs le nom en lui-même n'est pas valable découlant d'une erreur mais bon, on va faire simple) me fait penser au combat mener actuellement - et depuis es décennies - par les Mapuches au Chili, en espérant que l'arrivée de Boric au pouvoir améliorent le climat comme le laisse penser la cérémonie de son investiture où la cheffe du protocole, Manahi Pakarati portait une tenue traditionnelle de l’île de Pâques, dont elle est originaire. Par contre au Brésil avec Bolsonaro...
(Modification du message : 20-03-2022, 20:15 par Cyrus33.)
A Alias, bien désolé et triste pour cette situation...
Je voulais revenir sur un truc depuis plusieurs jours mais j'ai pas trouvé le temps avant.

Citation :Whataboutisme

https://ecosceptique.simardcasanova.net/...aboutisme/

Je comprend mieux.

Mais c'est aussi une erreur de penser que tout est décorrélé, et que des choses qui semblent en apparence ne rien à voir entre elles sont en fait symptômatiques ou causes de phénomènes plus globaux.

Si on reprend l'exemple de "whataboutisme" donné par cet article, le nombre de victimes dues à l'alcool semble ne pas avoir grand chose à voir avec le nombre de victimes par armes à feu. Par conséquent, invoquer le problème des armes à feu aux US alors qu'on parle du nombre de morts dus à l'alcool en France, ça semble en effet relever du sophisme.

Sauf que les deux phénomènes peuvent être regardés du point de vue de l'état général d'une société, les moyens par lesquels ces dernières évacuent leur violence et leur frustration. Et là soudainement, ça fait d'avantage sens de comparer les deux.

Je reviens là dessus parce que c'est aussi une préoccupation par rapport aux échanges et discussions, aux rapports entre les gens en général: à l'heure des réseaux sociaux, on adore les petites cases pour ranger ses interlocuteurs et par conséquent ne pas avoir à se faire chier à vraiment les lire, à les comprendre et à leur répondre de façon argumenté. On fait des grandes catégories de gens, on les juge et hop, en une ligne on pense avoir cerné son interlocuteur.

En fait on se prend tous un peu pour des cons...

Et c'est précisément ça qui a été l'objet de mon message ici.

Point Godwin, wokisme, facho, et comme je viens de le découvrir "whataboutisme" ou encore le très subtil et plein de nuances "nazi"... et probablement bien d'autres..., tous ces termes forgés, en particulier sur les réseaux sociaux pour certains, sont devenus de véritables outils rhétoriques qui permettent de faire l'économie de la nuance et de placer son interlocuteur dans une petite case. Et c'est très révélateur à mon sens de la façon d'échanger sur Internet qui déteint sur la façon d'échanger "en vrai" (guillemets parce que sur Internet, c'est en vrai aussi). On ne cherche plus à comprendre le propos, à l'analyser à l'aune de nos propres convictions, connaissances et centres d'intérêts, mais on se sert de ces outils pour attaquer celui qui propose un postulat. Ca permet de ne pas avoir à analyser finement et à contre argumenter ou conforter ledit postulat (ce qui prend du temps, mais c'est là qu'est la clef: échanger correctement, ça prend du temps... mais ça s'oppose à la culture de la zapette et de la consommation qui est la notre).

Bref, on préfère classer/juger/emballer la personne plutôt que de réfléchir au propos. Comme si l'appel à la nuance et la réflexion était perçu comme une agression (parce que ça casse ce système de petites cases bien pratique et bien confortable?). Et je pense que ça a des effets très délétères sur notre façon de faire société, avec des relents d'hystérie collectives et de lynchages (qui restent pour l'instant numériques).
(Modification du message : 28-03-2022, 15:56 par Egill.)