Et si on se parlait? (bouteille à la mer on sait jamais)

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(28-03-2022, 15:51)Egill a écrit : sur Internet, c'est en vrai aussi

Juste une nuance pour ma part : Sur internet, les gens disent vraiment des choses (=vrai) mais le sentiment d'anonymat fausse le comportement, autorisant des débordements que 95%* des gens ne s'autoriseraient jamais de visu (=faux).

* : chiffre fiable portant sur une analyse rapide et superficielle de 1 personne, moi.
(28-03-2022, 15:51)Egill a écrit : Bref, on préfère classer/juger/emballer la personne plutôt que de réfléchir au propos. Comme si l'appel à la nuance et la réflexion était perçu comme une agression (parce que ça casse ce système de petites cases bien pratique et bien confortable?).

J'interviens pour la première fois depuis longtemps, mais il se trouve que j'avais un peu potassé le sujet durant mes années folles de débats politiques!

Hé bien le fait est qu'effectivement, contredire quelqu'un ou l'appeler à la nuance (ce qui revient en fait au même, parce qu'on le remet en question) correspond à le blesser. Et ce n'est pas juste une vue de l'esprit déblatérée par quelques rebouteux de blogs, c'est un fait scientifique étudié en psychologie et en neurosciences depuis quelques décennies maintenant.

C'est la thèse de la "Pain overlap theory". Grosso-modo, les zones du cerveau qui s'activent sont les mêmes dans le cas d'une douleur physique et d'une douleur mentale, par exemple être violemment contredit dans un débat. Je ne rentrerai pas dans les détails parce que je ne les maîtrise pas, mais ce serait la, ou du moins une des raisons pour lesquelles débattre est très difficile et d'autant plus difficile qu'on s'attaque à une croyance très profonde chez la personne en face ou qu'on la contredit de façon très brutale. A noter que par "brutale", je n'entends pas forcément lui crier dessus ou le secouer comme un prunier, mais lui mettre en face des preuves irréfutables de la fausseté de ses pensées. Là on rentre de plein pied dans la dissonance cognitive qui est un sujet connexe très intéressant également. Aussi, de ce que je m'en souviens cet état de fait, s'il est constant d'une personne à l'autre dans son existence, ne l'est pas en intensité.

Enfin, en d'autres termes, comme ce sont les mêmes zones du cerveau qui s'activent en cas d'agression physique ou de confrontation mentale, on comprend facilement pourquoi on se sent agressé lors d'une discussion contradictoire: le cerveau cherche à se défendre, possiblement en éliminant la menace, physiquement si besoin.
Citation :sont devenus de véritables outils rhétoriques qui permettent de faire l'économie de la nuance et de placer son interlocuteur dans une petite case.

1) Ce ne sont que ça, des outils rhétoriques. Or la rhétorique ce n'est pas un débat d'idée ou d'argumentation, c'est un outil de mise en forme. Comme tout outil il a des avantages et des inconvénients.

2) Mettre les gens dans des cases c'est une chose que notre cerveau fait naturellement. D'une part parce que c'est une économie de moyen (énergie et temps) en terme d'analyse, de classification des dangers potentiels et de la lecture du monde. D'autre part car le cerveau subit très mal la dissonance cognitive et comme le souligne Llenard, la personne subit une souffrance réelle dans ce cas.

Des solutions à cela, sans se prendre la tête : Essayer d'adopter une méthode/approche zététique. Ce n'est pas évident et ça demande un travail constant sur soi-même, mais ça peut donner des résultats.

Je vous invite à regarder entre autre l'excellent Hygiène Mentale, la Tronche en Biais ou encore cette série de vidéo très cool :

Citation : Mettre les gens dans des cases c'est une chose que notre cerveau fait naturellement.

Ben là comme ailleurs, je pense ("je", mon avis quoi) qu'il est temps de penser contre son cerveau. C'est le premier pas vers une meilleure compréhension du monde pour moi, et donc une meilleure façon de l'appréhender, de faire (ou peut-être souvent plus important, ne pas en faire!) des choix et de gérer ses émotions (notamment dans notre comportement les uns avec les autres).

Citation :D'autre part car le cerveau subit très mal la dissonance cognitive et comme le souligne Llenard, la personne subit une souffrance réelle dans ce cas.

Ouais, m'enfin la souffrance ça se gère. Et la vie comporte nécessairement son lot de souffrances. Même le gars le plus serein et apaisé au monde, à qui il n'arrive rien, aura un jour mal au bide, mal au crâne. L'humain a comme spécificité d'avoir une culture, qui lui donne d'autres billes que sa simple perception brute du monde très affective et instinctive. Dans l'absolu on peut dire que ne pas pouvoir tuer son voisin et lui piquer ce qu'il a génère de la frustration et donc une souffrance... mais heureusement on gère cette frustration et on la remplace par autre chose... une conscience plus globale du monde qui permet de comprendre qu'en le respectant lui et ce qu'il a, il aura tendance à faire pareil, et on vivra tous quand même mieux.

Mais l'association du "bien commun" et du "bien individuel" a malheureusement du plomb dans l'aile, tout le problème résidant dans les termes du "contrat social". Encore faut-il même concevoir que la société existe en elle-même, et n'est pas qu'une juxtaposition d'intérêts personnels (ce qui est le partis pris des idéologies néo libérales qui nous gouvernent actuellement).

Bref, la souffrance ça excuse pas tout. Ca explique, on est d'accord (et j'ai bien conscience que c'est en ce sens que tu l'évoquais), mais l'idée est justement d'aller au-delà de ça. De se vriller un peu le cerveau pour essayer de voir le monde au moins en partie au-delà du petit bout de chacun sa lorgnette, et in fine, vivre mieux ensemble (puisque de toute façon, on a pas le choix et on en serait fondamentalement incapables. Même l'ermite le plus isolé, il survivra grâce à des savoirs et des savoirs faire qui lui ont été appris par la collectivité).
(Modification du message : 30-03-2022, 19:15 par Egill.)
Je n'ai pas dis la manière dont il fallait gérer ces effets naturels, je n'ai fait que les décrire.
Citation :Je n'ai pas dis la manière dont il fallait gérer ces effets naturels, je n'ai fait que les décrire.

J'ai pas dit le contraire Smile

Par contre moi c'est bien la manière dont on les gère qui m'intéresse (ou m'inquiète plutôt).