Citation :Il n'y a pas de présupposé, l'histoire est faite
L'Histoire est, ou plutôt fonctionne comme, une science: elle est faite de théories et de modèles élaborés à partir d'observations, observations tirées de sources indirectes, et contrairement aux sciences "dures", ces théories et modèles ne peuvent être testés par l'expérience.
On est donc obligé de recouper beaucoup de sources pour en tirer des hypothèses, celles qui sont le plus corroborées par les sources sont admises comme "plausibles". Mais déjà que pour les sciences dures dire "c'est comme ça" n'est pas possible (parce que le monde qui nous entoure est bien perché et que la notion même de réalité n'est pas claire), pour l'Histoire c'est vraiment très délicat de dire "c'était comme ça", considérant que nos sources ce sont principalement:
- des textes sachant qu'avant le XIXème siècle, l'écrasante majorité de la population ne sait pas écrire, donc la transmission du savoir et de la mémoire des temps passés est détenue par une toute petite élite intellectuelle (souvent confondue avec l'élite sociale et politique);
- l'archéologie: l'objet manque de précision pour dire les rapports sociaux, politiques de leur époque, et on ne peut faire que des hypothèses. Donc il faut recouper énormément de données avant de pouvoir en tirer des conclusions, le tout passant à la moulinette d'interprétations contemporaines, certainement souvent très éloignées des réalités de l'époque.
Derrière elle n'est pas destinée à justifier ou infirmer nos cas de consciences et nos paradoxes moraux, éthiques et politiques.
Citation :Je trouve ta vision dangereuse dans le sens où elle nuance une idée (la position sociale de la femme n'est guère enviable dans l'histoire)
C'est marrant parce que pour moi c'est plutôt cette idée qui est dangereuse... que le statut de la femme aurait été universellement inférieur dans toutes les sociétés humaines à travers l'Histoire.
Pour moi c'est justement la société moderne, héritière du puritanisme chrétien et de la culture classique, qui relègue les femmes dans un rôle et un statut secondaire. Et elle se sert de l'Histoire (né au moment de l'apogée de cette société moderne impérialiste, nationaliste et bourgeoise.... au risque de donner à mon propos des relents marxistes, mais c'est pas du tout mon propos) pour en quelque sorte légitimer la place qu'elle donne aux femmes en prétendant que de toute façon ça a toujours été plus ou moins comme ça, comme si c'était une sorte d'ordre naturel des choses. Ce qui est faux et c'est pour cela qu'il me semble fondamental de rappeler encore et encore les nuances que j'évoquais.
ET ça ne concerne pas que ce problème là: l'idée de nation, de frontières, d'Etat, tout cela les historiens du XIXème ont tenté de leur donner des racines intemporelles alors que ce sont des notions très récentes.
Citation :Dans l'Histoire, une période de paix et de prospérité comme la connaisse les états européens actuelles est aussi une exception qui confirme la règle.
Sauf que les Etats européens sont pas tous seuls dans leur microcosme... Pour avoir ce qu'ils ont, ils impactent le reste.
Il faut donc regarder les choses à une échelle plus grande. Et à l'échelle du monde, c'est toujours une porcherie monstrueuse. Maintenant on délègue nos guerres, on délègue notre violence. Mais faut bien se rappeler que dans le cadre de la mondialisation, nous sommes une petite minorité dans sa tour d'Ivoire.
Aujourd'hui on ne gère plus nos ressources par l’intermédiaire d'empires, on le fait de façon indirecte, en faisant faire la merde à d'autres. Les Blood Diamonds, les guerres du pétrôle ou les terres rares sont des exemples flagrants qui me viennent mais pour le reste c'est pareil (on démolis la forêt amazonienne pour produire du maïs pour nourrir les bestiaux que M propre sur lui occidental qui vit en paix puisse avoir son steak tous les jours).
Les conflits sont certes moins meurtriers que les conflits mondiaux du XXème siècle, mais il y a quand même des millions de personnes qui souffrent atrocement de notre mode de vie et de l'équilibre politique mondial qui a été dicté par l'Occident (+ aujourd'hui Russie, Japon et Chine).
Citation : "à quelle époque aurait aimé vivre?", aucune autre que la mienne, ne serait ce qu'à cause des progrès en médecine.
Là dessus on est d'accord, le fait que je suis content d'être né à mon époque tient en un mot: anesthésie. Ceci dit c'est parce que je suis né en France, à la bonne époque (enfin on verra à l'avenir si ça se confirme), que j'ai accès aux soins quasi gratuitement.... Mais si on prend un microcosme en particulier, ça peut être très agréable de vivre à n'importe quelle époque ou presque.
Et malgré ça imaginons que le "progrès" actuel va continuer (j'y crois pas une seconde, on a passé le sommet de la vague), peut-être que quand les gens qui vivront dans 1000 ans jugeront notre époque, ils trouveront nos conditions de vie très difficiles ("vous vous rendez compte, ils étaient obligé de consacrer 70% de leur vie coupés de leurs proches et de ce qu'ils aimaient pour travailler la plupart du temps à des tâches qui les ennuyaient, voire qui les détruisaient physiquement et mentalement, sinon ils ne pouvaient pas vivre").
Le problème est toujours le même: on apporte un prisme sur d'autres époques sans se rendre compte que pour appréhender la réalité de ces époques, il faut absolument s'en affranchir.
Et au fond, ce n'est pas à l'Histoire d'apporter des justification sociales et politiques à je sais pas quoi puisque ces réalités ne sont absolument pas transposables à notre époque (sauf ce qui concerne les époques récentes et encore, mais il est vrai que quand on parle de la seconde guerre mondiale, on parle de la même civilisation et de la même société que celle d'aujourd'hui, à une ou deux générations prêts (et il y a bien sûr eu des évolutions depuis, mais il y a une filiation directe).
Citation : Mais pour la condition socilae humaine, homme ou femme, vivre en France à l'heure actuelle, c'est tout de même assez sympathique.
Il y a pourtant rien qu'en France des gens qui dorment dehors.... j'y pense souvent quand le thermomètre descend en dessous de 0: t'imagines comment elle doit être longue la nuit?
Y a des gens qui se font cramer par la pression au travail, qui se font tabasser par leur mari, qui vivent dans des cités grises et glauques où y a rien à espérer, on a aliéné notre rapport au monde, la plupart de nos campagnes sont des usines agricoles polluées où il n'y a plus la moindre place pour la "nature" sauvage ni même pour une petite paysannerie qui entretient les paysages génération après génération... Aujourd'hui on défonce tout, et on réfléchit après, généralement quand c'est trop tard.... J'ai pas l'impression d'une société très équilibrée et épanouie perso...
Et certes, beaucoup d'entre nous ont un niveau de vie loin d'être dégueu en comparaison du passé.... mais moi ça me bouffe de savoir que ce mode de vie dont je bénéficie met collectivement le reste du monde à genoux. Que pendant que je m'enfile mon steak, y a des amérindiens qui se font massacrer pour 300 ha de forêts rasées, des chinois qui triment dans des usines pour nous produire nos pompes et nos fringues, des gens qui se noient dans la Méditerranée alors qu'ils fuient l'horreur qui règne chez eux, souvent plus ou moins liée au passé colonial de la région ou même à des ingérences politiques plus récentes, et quand je vois qu'ici, on est même pas capables entre nous de répartir correctement les richesses que l'on produit collectivement alors qu'on en dégueule comme jamais dans l'Histoire.
Bref...
ET je ne te prêtais pas d'intention directement: je me méfie juste de ce discours que j'entend depuis toujours comme quoi les époques qui nous ont précédées auraient été terriblement injustes, violentes, sombres, obscurantistes, et donc comment la modernité nous aurait sortie des ténèbres.... alors que franchement, la modernité est en train de tuer le monde.
Comme tous ces films sur le Moyen Age où il fait tout le temps moche et froid, où y a tout le temps de la boue et pas de feuilles aux arbres, où y a une bande de tueurs à chaque coin de chemin, où l'Inquisition est absoluement partout.....
Sauf que la campagne, ça devait avoir une autre gueule à l'époque que nos déserts aux pesticides....
Le paléolithique supérieur, comme époque alternative, pourquoi pas mais je suis pas non plus totalement sûr de mon coup (on en sait pas tant sur les gens de cette époque, même si j'ai lu des études vraiment édifiantes, notamment sur l'état de santé de ces chasseurs cueilleurs).