(16-05-2019, 20:58)Egill a écrit :Ce n'est pas la première fois que je lis ça sur le forum (de toi ou d'autres) et j'ai l'impression qu'il y a un peu d'utopisme.Citation :c'est aussi un but pour certains historiens de débouter une thèse communément admise à l'éclairage de nouvelles trouvailles
L'essence de la méthode scientifique en général, c'est de chercher à prouver qu'on a tort, pas l'inverse.
Je saisis l'intention, mais j'ai travaillé dans suffisamment de domaines différents (énergie, agroalimentaire, pharma, chimie, biologie) et d'organismes de recherche (publics et privés) pour savoir qu'il y a 'l'essence', comme tu dis, la volonté de suivre ces principes nobles de recherche, et la pratique actuelle qui sert avant tout à démontrer qu'on a raison sur le moment (en laissant des trous que les autres essaieront d'exploiter pour prouver qu'on a tort) parce que c'est bien plus simple et rapide pour être publié ou mettre en place un procédé.
Surtout que laisser des trous, c'est aussi se laisser à soi la possibilité de les creuser ou les combler pour conserver son statut d'expert sur le sujet : on a toujours un truc à dire dessus, et tant qu'on met son trou 'à jour' (quitte à contredire une de ses propres études : on explique que tel paramètre n'avait pas été pris en compte, que tant d'expériences et d'études statistiques ouvrent un nouveau champ de possibilités, soutenu par telle loi chimico-physique qui avait été ignorée jusque là car pas forcément en rapport direct avec le sujet, etc.) les autres cavalent toujours un peu derrière le temps qu'ils reproduisent les conditions d'expérience et testent leurs propres hypothèses.
Si vous n'êtes pas familiers avec les labos de recherche, il faut être conscient d'un truc : là où jusqu'il y a quelques dizaines d'années on pouvait se permettre d'aller au bout de sa recherche pour prouver qu'on n'avait pas réussi à se mettre en tort parce que l'information circulait relativement lentement et que relativement parlant, chercheur n'était pas une profession vraiment répandue, aujourd'hui c'est l'inverse. Internet est une bénédiction et une malédiction : tu trouves tout ce que tu souhaites ou presque sur les sujets les plus pointus, mais comme il y a justement de la compétition, c'est au premier qui trouve, au premier qui publie. Car c'est lui ou elle dont le nom sera reconnu, et celui du labo associé. Et comme c'est le labo qui te file ton budget, ben tu cherches ce que tu peux publier. En-dehors des cadors du domaine (justement), la quantité éclipse parfois la qualité, et j'ai des exemples de collègues de thèse qui ont publié 5 ou 6 articles sur exactement le même sujet, mais en faisant une variation minime sur la molécule de départ ou les conditions expérimentales. Et ces papiers étaient acceptés, la personne invitée à des conférences parce que l'index montre un ratio positif en nombre de publis / journaux, et ça apporte une certaine renommée au labo. Il ne faut pas vous faire d'illusions, ils marchent TOUS comme ça, c'est l'effet pervers du système, et aujourd'hui les seuls qui peuvent se permettre de consacrer du temps à prouver qu'ils n'ont pas pu se mettre en tort, ce sont les anciens qui n'ont plus rien à prouver dans leur domaine parce qu'ils sont indéboulonnables et reconnus dans le milieu (leur nom fait vendre, comme un acteur bankable), ou les 'jeunes' (enfin, les relativement moins anciens) qui ont publié à la pelle selon la méthode décrite ci-dessus, puisqu'à force de tester pour publier, tu réduis le champ de possibilité. Mais c'est à l'opposé de l'estprit que tu décris, c'est une conséquence, pas un moteur systématique.
Et pour faire le parallèle avec les écoles de peinture, ben c'est similaire à ce que racontait le sieur Tremblay : il y a un rush pour faire du tuto en tout genre, pour glaner plus de vues, de reconnaissance que le voisin (et s'assurer d'une base qui reviendra) parce que le support médiatique convient et se prête à ce mode de consommation. Et ça n'empêche pas ceux qui le pratiquent de continuer à progresser car ils auront fait leur 'trou' qu'ils affineront au fur et à mesure pendant que d'autres essaieront de reproduire les techniques avec les infos qu'ils ont avant d'être submergés par une nouvelle vidéo, une nouvelle tendance.