Texte écrit par une collègue, qui résume très bien la situation :
[Attention le texte est très dur mais ça reflète malheureusement la réalité de beaucoup de services covid-19, notamment dans l'Est].
"J'entends tous les soirs les gens applaudir pour soutenir le personnel soignant et les personnes qui permettent de faire tourner le pays malgré le confinement. Je vais m'attarder sur les soignants. Savez-vous ce qui se passe dans un service covid-19 ?
Je vais vous raconter ce pour quoi vous applaudissez. Peut-être que vous arrêterez, du coup.
Dans un service covid on accueille des patients qui ne répondent pas aux critères pour aller en réanimation. Soit ils sont trop vieux, soit ont des antécédents trop lourds. Imaginez l'état d'esprit des médecins qui doivent nous envoyer les patients... Moi je n'y arrive pas.
Bref. Ah oui, une précision.
Tous les patients que nous avons sont covid positifs. Nous n'avons que des masques chirurgicaux, évidemment pas de FFP2, des surblouses non étanches quand ce ne sont pas des sacs poubelle de 100 litres découpés à la hâte, une charlotte par poste. Pour le masque c'est pareil. Un masque chirurgical par poste sachant qu'il faudrait le changer toutes les 4h mais on n'en a pas assez. On les compte chaque nuit histoire de voir si on n'en consomme pas trop. Heureusement nous avons les dons des entreprises et des particuliers. L'hôpital ne nous en donne pas. Il n'y en a plus.
Donc. On accueille les patients. On ne peut pas aller les voir autant de fois qu'ils le voudraient. Ça demanderait trop de surblouses sinon. Leur famille non plus ne peut pas venir les voir.
Quand la détresse respiratoire arrive. On met de l'oxygène dont on augmente le débit au fur et à mesure. On sait ce qui va arriver dans peu de temps. Les patients angoissent, s'agitent, sonnent parce que oui ils étouffent. Quand ils commencent à chercher trop l'air qui leur manque le médecin met en route le protocole de sédation profonde. On connaît l'issue. Les patients aussi. Mais c'est vrai qu'ils ne souffrent plus. Du moins en surface. Je ne sais pas si les gens ressentent la douleur, la peine, l'angoisse. Vu leur visage à la fin ils ont l'air serein.
La famille est prévenue de la mise en place du protocole mais ne peut pas venir voir le patient.
Une fois décédé, seul, on appelle le médecin pour confirmer le décès. On fait une toilette succincte, quand même on est humain. On le coiffe, on le bichonne un peu. On met des bracelets d'identification.
Et là vient le pire pour moi en tout cas.
On met le corps dans une housse en plastique. Oui oui comme celle qu'on voit dans les films policiers. C'est pour protéger les agents des pompes funèbres qui viendront chercher le corps.
Imaginez. Vous avez vécu des choses plus ou moins incroyables, vous avez encore qui sait des dizaines d'années à vivre mais voilà, vous chopez cette merde et vous n'avez pas les bons critères pour être en réanimation. Et vous finissez votre vie tout seul, sans votre famille autour de vous. Sans un soignant pour vous tenir la main parce qu'on n'a pas assez de matériel. Et on vous enferme dans un sac.
Un sac poubelle. Vous finissez comme un déchet qu'on brûlera ou enterrera.
Voilà ce que vous êtes pour nos dirigeants.
Des gens qui ne sont rien.
Des déchets.
Voilà ce pour quoi entre autres vous applaudissez le soir !
Et je ne parle pas de la peur au ventre que les soignants ont quand ils vont bosser. Peur d'attraper, de contaminer des patients, des collègues, la famille en rentrant, éreinté.
L'horreur d'un geste qui résume tout.
Celui de fermer cette putain de fermeture éclair au-dessus d'un visage livide.
Ce bruit de zip.
Je l'aurai en tête toute ma vie.
Je ne sais pas si vous aurez eu la force de lire ce message jusqu'au bout. Mais..... Non je n'ai rien à ajouter. Ah si.
On n'oubliera pas.
Ne les oubliez pas.
N'oubliez pas ceux à cause de qui on en est arrivé là.
"
(Modification du message : 13-04-2020, 15:59 par Jalikoud.)
[Attention le texte est très dur mais ça reflète malheureusement la réalité de beaucoup de services covid-19, notamment dans l'Est].
"J'entends tous les soirs les gens applaudir pour soutenir le personnel soignant et les personnes qui permettent de faire tourner le pays malgré le confinement. Je vais m'attarder sur les soignants. Savez-vous ce qui se passe dans un service covid-19 ?
Je vais vous raconter ce pour quoi vous applaudissez. Peut-être que vous arrêterez, du coup.
Dans un service covid on accueille des patients qui ne répondent pas aux critères pour aller en réanimation. Soit ils sont trop vieux, soit ont des antécédents trop lourds. Imaginez l'état d'esprit des médecins qui doivent nous envoyer les patients... Moi je n'y arrive pas.
Bref. Ah oui, une précision.
Tous les patients que nous avons sont covid positifs. Nous n'avons que des masques chirurgicaux, évidemment pas de FFP2, des surblouses non étanches quand ce ne sont pas des sacs poubelle de 100 litres découpés à la hâte, une charlotte par poste. Pour le masque c'est pareil. Un masque chirurgical par poste sachant qu'il faudrait le changer toutes les 4h mais on n'en a pas assez. On les compte chaque nuit histoire de voir si on n'en consomme pas trop. Heureusement nous avons les dons des entreprises et des particuliers. L'hôpital ne nous en donne pas. Il n'y en a plus.
Donc. On accueille les patients. On ne peut pas aller les voir autant de fois qu'ils le voudraient. Ça demanderait trop de surblouses sinon. Leur famille non plus ne peut pas venir les voir.
Quand la détresse respiratoire arrive. On met de l'oxygène dont on augmente le débit au fur et à mesure. On sait ce qui va arriver dans peu de temps. Les patients angoissent, s'agitent, sonnent parce que oui ils étouffent. Quand ils commencent à chercher trop l'air qui leur manque le médecin met en route le protocole de sédation profonde. On connaît l'issue. Les patients aussi. Mais c'est vrai qu'ils ne souffrent plus. Du moins en surface. Je ne sais pas si les gens ressentent la douleur, la peine, l'angoisse. Vu leur visage à la fin ils ont l'air serein.
La famille est prévenue de la mise en place du protocole mais ne peut pas venir voir le patient.
Une fois décédé, seul, on appelle le médecin pour confirmer le décès. On fait une toilette succincte, quand même on est humain. On le coiffe, on le bichonne un peu. On met des bracelets d'identification.
Et là vient le pire pour moi en tout cas.
On met le corps dans une housse en plastique. Oui oui comme celle qu'on voit dans les films policiers. C'est pour protéger les agents des pompes funèbres qui viendront chercher le corps.
Imaginez. Vous avez vécu des choses plus ou moins incroyables, vous avez encore qui sait des dizaines d'années à vivre mais voilà, vous chopez cette merde et vous n'avez pas les bons critères pour être en réanimation. Et vous finissez votre vie tout seul, sans votre famille autour de vous. Sans un soignant pour vous tenir la main parce qu'on n'a pas assez de matériel. Et on vous enferme dans un sac.
Un sac poubelle. Vous finissez comme un déchet qu'on brûlera ou enterrera.
Voilà ce que vous êtes pour nos dirigeants.
Des gens qui ne sont rien.
Des déchets.
Voilà ce pour quoi entre autres vous applaudissez le soir !
Et je ne parle pas de la peur au ventre que les soignants ont quand ils vont bosser. Peur d'attraper, de contaminer des patients, des collègues, la famille en rentrant, éreinté.
L'horreur d'un geste qui résume tout.
Celui de fermer cette putain de fermeture éclair au-dessus d'un visage livide.
Ce bruit de zip.
Je l'aurai en tête toute ma vie.
Je ne sais pas si vous aurez eu la force de lire ce message jusqu'au bout. Mais..... Non je n'ai rien à ajouter. Ah si.
On n'oubliera pas.
Ne les oubliez pas.
N'oubliez pas ceux à cause de qui on en est arrivé là.
"