Se foutre sur la goule peut-il être anodin ?

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Citation :Comment tu en arrives là ?

J'ai tendance à me dire que quand j'ai l'impression que tout le monde est con sauf moi, c'est le moment de me remettre sacrément en question.

Et y a aussi le fait que dans beaucoup de cultures qui me fascinent, beaucoup sont des cultures où le fait guerrier est important sinon prépondérant, et que ça n'empêche pas du tout au contraire, des expressions artistiques, intellectuelles, sociales, religieuses vraiment intéressantes, profondes et subtiles.

Mais c'est loin d'être évident je te l'accorde.

Citation :Je ne sais pas si les "batailles de quotes" sont très bien vues ici

Ce n'est pas une obligation d'y voir une bataille, même si c'est raccord avec le sujet, mais plutôt comme un moyen de revenir de façon intéressantes sur les propos de l'autre, ce que ne permet pas une discussion à l'oral (c'est pour moi un outil très intéressant d'un forum).

Citation :- La guerre, le conflit, c'est un moyen simple, facile et pratique d'obtenir quelque chose, que ça soit purement matériel (nourriture, terres arables, minerais...), spirituel (vengeance, différences culturelles...). Je pourrais même ajouter que la guerre mise à part on pourrait aussi noter la violence "catastrophiste" qui consiste à prendre les armes pour faire monter au pouvoir une cause qu'on juge éminemment importante et pressante: les anarchistes du XIXème siècles, les communistes au XXème, les nazis et j'en passe beaucoup d'autres se sont montrés violents pour cette raison.
Je veux dire, c'est quand même sacrément plus simple de flinguer ton voisin et de récupérer ses biens que de devoir t'entendre avec lui alors qu'il ne parle pas ta langue, n'a pas tes rites, n'a pas ton idéologie et que la collaboration nécessaire à une bonne entente va demander des décennies de travail alors que le temps peut presser. Et j'oublie mille raisons qui peuvent flinguer un espoir de bonne entente.

honnêtement, je pense que c'est beaucoup plus complexe que ça.

Déjà, la violence politique et idéologique du XXème siècle n'est pas comparable, dans ses fondements et ses raisons, avec la violence endémique que connaissaient beaucoup de société anciennes.

Et surtout, on juge tout cela selon une grille de lecture contemporaine et finalement anachronique. On considère qu'un "espoir de bonne entente" est un absolu forcément désirable, mais ça n'est pas le cas dans certaines cultures, et encore moins dans certaines cultures du passé. La violence est souvent vécu comme une composante "normale" de l'organisation sociale et politique. Elle définit même en partie cette organisation dans beaucoup de civilisations et incarne une forme d'équilibre social et politique. Les cités de la Grèce ancienne ont toujours empêché l’émergence d'un pouvoir centralisé par la violence. La défense de la cité, et la protection de ses intérêts, était considérée comme un pilier de la vertu du citoyen.

Par la violence, il y a l'affirmation d'une forme de liberté et d'autonomie, et c'est cette liberté et cette autonomie qui définit les rapports sociaux. Parce qu'il y aura toujours quelqu'un, ou un groupe, qui voudra établir sa domination (et pas forcément par la force), il y aura une violence qui s'exprimera parce que ça ne va pas de soit.

Citation :- Ca, ça parait logique également: mets tout le monde en prison dans une petite cellule et il n'y aura plus jamais de crime. La liberté présuppose une forme d'instabilité.

Ca ne marche que si ça s'accompagne d'une forme d'aliénation sociale. Les sociétés paysannes d'il y a quelques siècles pouvaient se montrer très violentes. Quand le sentiment d'une injustice ou d'une inégalité se faisait trop forte, ça passait par des révoltes très violentes. Les conflits entre communautés pouvaient dégénérer en véritable vendettas et il y avait une véritable omerta par rapport aux autorités, il régnait une véritable loi du silence: on se faisait justice soit-même. Parce que quand on vit dans une agriculture d'auto subsistance où l'on ne dépend pas du monde extérieur pour survivre (mais du coup, on a que très peu de services de la part des institutions), on ne se laisse pas marcher sur les pieds.

si nous avons, à l'heure actuelle, réussi au moins dans notre tour d'ivoire que sont les pays occidentaux, réussi à obtenir une sécurité et une paix relative, c'est au prix des communautés sociales très fortes qui existaient autrefois, de tous les liens de solidarité très forts qui pouvaient exister en leur sein, et que la société moderne s'est évertué à atomiser. Des individus divisés sont beaucoup plus difficiles à contrôler que des communautés soudées.

Et pour le milieu de ton assertion, l'ambiance dans la plupart des prisons montre que mettre les gens en cage, ça ne fait qu'attiser la loi du plus fort (où les faibles ne sont plus protégé par une quelconque communauté).

Je précise à la volée que dans tout ce que je dis, je ne dis pas que quelque chose est bien ou mal. C'est plus une réflexion globale sur cet équilibre délicat à trouver entre liberté individuelle et sécurité. Et que quelque part, ce concept (de sécurité, de paix) sert les pouvoirs qui cherchent à s'imposer à grande échelle.

Citation :Mais du coup il est également capable de mettre sur pieds des armées mieux formées, mieux nourries, mieux entrainées, mieux payées etc.

oui et non. Beaucoup de sociétés avec peu d'Etat avaient des cultures guerrières qui n'avaient rien à envier aux armées organisés des Etat plus puissants.... jusqu'à un certain point. Ce qui faisait la force de ces cultures guerrières, c'était un idéal héroique et le prestige qui accompagnait l'exercice de la guerre. Mais ça ne tient pas contre la puissance mécanique d'une armée institutionnalisée qui bénéficie des forces de production concentrées par l'Etat ainsi que de la puissance démographique qui l'accompagne. Là aussi, autour d'un même concept, la guerre, on a deux mondes très différents.

Et ça n'a pas empêché ces peuples, en s'unissant (mais du coup en perdant généralement leur caractère "anti étatique"), de rouler sur toutes les armées institutionnelles qu'ils rencontraient.

Citation :Je suis pas forcément d'accord sur tes choix de périodes les plus violentes cela dit.

Ce ne sont pas mes choix. C'est ce qui ressort de beaucoup d'études que j'ai pu lire. La conquête romaine de la Gaule, par exemple, c'est plusieurs millions de personnes tuées, mutilées ou réduites en esclavage (estimées, on a bien sûr pas de chiffres fiables à l'époque). On en a pour les guerres modernes... et les pertes humains sont sans communes mesures avec les petites guerres privées, fréquentes mais de faible ampleur, des périodes précédentes. C'est comme les guerres intertribales des Celtes ou les accrochages entre nomades des steppes: très fréquents, mais très peu meurtriers au regard de guerres étatiques de conquêtes comme celle d'Alexandre (qui fut relativement courte) ou de Rome (qui s'est étalée sur plusieurs siècles).

Les époques où l'Etat était très peu développé ou influent ont été noircis par l'historiographie qui s'est forgée à une époque où on tentait de légitimer l'idée des Etat-nations. Ainsi le Moyen Age, les "barbares", sont perçus comme des temps sombres et obscurs et très violents. Mais cette violence reposait, à mon sens, sur cet équilibre entre liberté et sécurité, et on constate que la violence étatique déchaînée plus ponctuellement n'a rien à lui envier (bien au contraire).


Citation :Mais au final, cette réflexion sur la dualité liberté/autorité c'est pas très nouveau à vrai dire!

Je n'ai pas dit le contraire. Mais on a tendance à l'oublier. Et derrière, le débat est de savoir si il vaut mieux un peu plus de liberté au dépend d'un peu de sécurité, ou l'inverse. Et que peut-être le tout sécuritaire se fait au prix de l'aliénation de la liberté, et qu'elle se retrouve vidée de son sens (à quoi bon vivre en paix et en sécurité si c'est pour vivre totalement aliéné et contrôlé.... et inversement, à quoi bon vivre libre si c'est pour être à la merci d'un état de violence permanent... c'est ça que nos sociétés modernes, je veux dire vraiment d'aujourd'hui, et leurs idéologies devraient , à mon sens, davantage méditer).

Citation :qui veut la liberté doit renoncer à une part de sécurité et vice-versa.

oui mais je trouve qu'au XXIème siècle en Occident, on a tendance à l'oublier et qu'on se complait un peu trop dans notre rôle de mouton de panurge. Et ça rejoint le propos initial de ce sujet: ne doit-on pas considérer un minimum de violence comme quelque chose d'impossible à éliminer et du coup envisager la possibilité (et donc s'en donner les moyens, cf les arts martiaux) d'avoir un jour à devoir en faire usage (je vois pas comment utiliser plus de guillemets...).

Même si comme je le disais, si ça partait en couille vraiment, je suis volontaire pour la première balle, parce que vivre dans Mad Max, ça ne me fait pas du tout envie. Mais je pense qu'on nous bourre pas mal le mou à nous faire croire qu'en l'absence de ces Etats hyper centralisés, ce serait Mad Max.

Citation : Et même eux en font parfois un usage non-étatique légitime: Kropotkine il donne pas un sort enviable aux contre-révolutionnaires qui ne se soumettront pas, Bakounine est très peu clair sur le sort réservé à ceux qui refuseront l'Anarchie de bout en bout, Hoppe est loin d'être tendre avec les "communistes".

De l'eau a coulé sous les ponts depuis cette époque quand même, notamment après les expériences dites "communistes" malheureuses du XXème siècle. Dans l'anarchisme, si j'en crois mes souvenirs de lecture, la violence est avant tout conçues comme une réponse circonstanciée à une violence de classe et d'Etat qui s'exprime depuis des éons sans forcément qu'on la remette naturellement en question.

Citation :En bref, vient un moment où la violence est plus rapide et facile que vouloir convertir des gens qui n'écouteront de toute façon pas.

tout dépend s'il on considère que nos sociétés sont le fruit d'une sujétion et l'aliénation progressive d'une classe à une autre (là c'est simpliste, ça peut se concevoir avec beaucoup plus de nuances, et même sans le concept de classes) ou le fruit d'un consensus accepté par le plus grand nombre, le fameux "contrat social". Dans un cas, la violence est plutôt légitime alors que dans l'autre c'est effectivement une facilité. tout dépend de l'analyse que l'on fait à priori de la société.

Citation :En tout cas, pour pas faire trop long, c'est des questionnements qui sont finalement très intéressants mais pas forcément neufs à notre échelle et qui ont été très abordés ces trois derniers siècles, sous différentes formes. Peut-être faudrait-il creuser un peu plus dans ce sens?

Oui, et merci pour ton post. J'ai essayé de ne pas faire trop long (je sais ça l'est LOL mais les quote prennent pas mal de place!), mais il y a un moment où si on veut parler de ce genre de chose, ça peut pas non plus être hyper court non plus (et on peut prendre le temps de bien lire et réfléchir, on est pas obligé de répondre du tac au tac).

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