Citation :Mieux vaut se concentrer sur un ennemi constant et omniprésent
Ne t'inquiète pas pour ça...
Citation :A quand la suite?
Maintenant.
<b>La suite...</b>
Il s’assit sur ce qui autrefois avait du être un puit de cheminée. Karl resta debout, les yeux captivés par l’horreur de la scène.
Il était pétrifié. « Mais pourquoi ? Pourquoi ont-ils fait ça, Ulghuran !? »
Le magicien tourna vers son jeune suivant un regard attristé :
« Une raison ? Mais ils n’en ont pas, mon garçon : Calmer la meute, se faire plaisir, qui sait ?…Le monde est ainsi fait. Toute création est vouée à la destruction : Qu’elle soit lente ou rapide, elle est inéluctable comme semble nous le rappeler l’ombre du Nord. Illusion ou proche avenir ? La menace de destruction est partout présente… » Il fit un mouvement circulaire du bras, désignant les ruines fumantes qui les entouraient et reprit :
« Or, saches que c’est aux hommes de déterminer leur destin. Tous les fous qui croient que le futur est déjà écrit se trompent. Ne l’oublies jamais Karl : L’avenir n’est que les conséquences du présent. Tu vies dans le présent : Tu prépares le futur…
Ces ruines sont passagères. L’homme reviendra et un autre village s’installera. D’autres rires, d’autres pleurs résonneront sur cette terre…Du moins, si nous leur offrons la chance d’exister un jour. »
Karl écoutait avec attention le vieil homme. Jamais alors il n’avait entendu quelqu’un parler ainsi. Le monde qui les entourait, l’herbe brune sous leur pieds, tout cela semblait bien éloigné du sorcier, comme si il semblait étranger à ce monde où ils vivaient…Un pèlerin, c’est un pèlerin se dit-il. Comme un voyageur de passage.
Karl et Ulghuran avaient quitté le village depuis une petite heure, ils marchaient maintenant sur une route dallée bien entretenue. Après avoir reconnu le village, le garçon s’était aperçu qu’il n’y avait pas d’autres bourgades avant encore environ quinze lieues.
Il était inquiet, d’ailleurs le magicien aussi. Il n’avait apparemment pas prévu la destruction du village de pêcheurs et s’interrogeait maintenant sur la conduite à suivre. La nourriture et la possibilité de sécher leur vêtement près d’un feu leur avait échappé, et si cela continuait ainsi il fallait craindre le risque de se trouver malades au beau milieu de nul part. Cette pensée n’avait rien pour lui plaire et son moral était toujours au plus bas.
La nuit commençait à tomber dans le ciel nuageux. Sur leur gauche, l’obscurité se faisait de plus en plus grande et la luminosité se réduisit bientôt à un pâle demi-jour gris et morose.
Le vent, suivant l’estuaire du fleuve soufflait contre-eux et les gênait dans leur marche.
Brusquement, le magicien s’arrêta devant Karl. Mais avant que le garçon ne puisse lui demander pourquoi, il dit : « Des hommes approchent. Rapidement. Ils viennent par là. »
« Je ne vois rien, par où viennent ils ? »
« De là-bas. » Le sorcier désigna la route derrière eux.
Le jeune garçon comprit que le magicien devait user de l’un de ses pouvoirs et cessa de scruter l’horizon.
« Sont-ils dangereux ? Sont-ils nombreux ? » dit-il.
La réponse d’Ulghuran se fit un peu attendre. Il dit enfin :
« Non, ce sont des soldats de la ville. Une patrouille sûrement. Nous allons les attendre ici. »
Le vieil homme s’assit sur le bord de la route et s’adressa à Karl.
« Ne connais tu personne dans l’armée grâce aux relations de ton père ? »
« Vous connaissiez mon père ? » s’exclama t-il.
« Un peu, du moins suffisamment pour savoir qu’il était dans l’armée. »
« Ah. Euh, et bien, oui. Mon père m’avait demandé d’aller trouver un certain capitaine. Le capitaine Vannerhand, je crois …oui c’est ça. »
« Bien, alors tu pourras leur en parler, mais uniquement quand je te le dirai. Ton histoire et le danger que je pressens sont déjà durs à avaler pour un soldat, surtout de la bouche d’un vieux fou et d’un gamin rêveur rencontrés sur la route…Aussi tu me laisseras d’abord les mettre en confiance, compris ? »
Karl hocha de la tête en signe d’accord.
« Très bien, maître. »
Ulghuran tressauta.
Hein ? Maître ? Il l’avait appelé maître. Leurs regards se croisèrent. Oh, après tout pourquoi pas, au moins cela lui donnera un repère. Il sera quelqu’un par rapport à un autre: Très important cela, pensa t-il.
Lentement, le galop des chevaux se fit plus proche et de l’ombre, maintenant présente comme un voile épais cachant toute chose aux regard, surgirent une douzaine de cavaliers.
Ulghuran se leva et leur fit signe lorsqu’ils furent à quelques pas d’eux.
Le cavalier de tête leva le bras, intimant aux autres de s’arrêter. L’homme qui avait levé le bras, sûrement le capitaine se dit Karl, descendit de son cheval et approcha du magicien.
Alors qu’il avançait, Karl discerna mieux sa tenue et son allure. Il portait une cape brune de voyage avec une capuche laissant ses traits dans l’ombre. Sous le manteau, Karl pouvait voir une sorte de chemise qu’il supposait en lin et cousus dessus, la livrée de Marienburg. Comme armes, le cavalier portait sur lui une épée assez longue mais dont la poignée était en une seule pièce ne laissant la place qu’à une main. Karl déduisit de cela que seul un homme très fort pouvait brandir cette épée et que les dégâts qu’elle devait infliger devaient être énorme. Cependant, l’épée s’accordait très bien avec l’homme. Il était grand, large d’épaule et arborait une courte barbe, coupée selon la mode militaire.
La voix du capitaine rompit le silence.
« Que faites vous ici vieil homme, avec cet enfant ? Les seuls êtres que nous ayons croisés pour l’instant étaient des orcs et des bandits. Vous n’êtes pas des orcs et vous ne ressemblez pas à des bandits. Alors qui êtes vous voyageurs ? Nommez vous ! »
« Je me nomme Ulghran, et voici Karl Baker. Nous fuyons ces régions et nous rendons à Marienburg, pour y chercher sécurité. » dit le vieux magicien.
Le capitaine ôta sa capuche et jeta vers Karl un coup d’œil suspicieux. Puis il se tourna vers ses hommes et donna un ordre :
« Lieutenant, faites dessellez les chevaux, nous camperons ici ! »
Une réponse affirmative vint de l’un des cavaliers et ces derniers commencèrent à s’activer dans l’établissement du camp.
Le capitaine se retourna vers les deux voyageurs.
« Quand à vous, vous restez ici pour cette nuit, j’ai quelques questions à vous poser… »
L’homme s’éloigna un petit peu. Ulghuran se tourna alors vers Karl, un demi-sourire aux lèvres.
« Eh bien, cela s’annonce pas si mal, non ? Un feu de camp, de la nourriture et de la compagnie. Que demander de plus ? »
Le crépuscule provoquait toujours chez lui une profonde mélancolie, et dans ce moment là, il n’avait envie de rien. L’ennui et la tristesse le plongeant dans un état passif. Le garçon pensa aux autres enfants de son âge qui devaient vivre au même moment quelque part dans le monde. Il n’y avait pas à dire, il devait vraiment être le seul à être la proie de tant de sentiments contradictoires. La peur, la colère, la tristesse, la joie…Ils ne pouvaient les éprouver tous en même temps ! Non en effet, d’ailleurs, en se mêlant dans son esprit, ils semblaient s’annuler et ne laisser en lui qu’un vide étrange, une sorte de torpeur inquiétante.
Il sentit la présence d’une personne à côté de lui. Tournant la tête, il vit un garde qui lui tendait une miche de pain et une tranche de lard fumé.
L’homme ne parut pas choqué par l’expression du visage de Karl. Il avait vu tellement d’enfants terrorisés ou rendus muets par des choses qu’ils n’auraient pas du vivre, qu’il avait prit l’habitude de ne pas les prendre en affection sans quoi, exercer son métier serait rapidement devenu impossible . Aussi, s’adressa t-il normalement au jeune homme, mais sans hausser la voix pour ne pas le heurter.
« C’est pour toi mon garçon. La soupe chaude est sous la tente et le vieil homme veut t’y voir.»
Le soldat tourna les talons et retourna à ses propres affaires.
Karl, dans un suprême effort de volonté, se leva. Il pénétra sous la tente où se tenait Ulghuran et le capitaine des soldats.
« Le capitaine voudrait nous parler, Karl, approche. »
Le jeune homme passa à côté de la couche des blessés et s’assit près du sorcier dont le visage n’était éclairé que par une petite chandelle, collée à une caisse par un peu de cire.
Le reste de la tente était dans la pénombre. Karl, de l’ombre de son capuchon, regarda le soldat avec défiance.
Le capitaine s’adressa à eux. Son ton de voix était moins abrupt que lors de leur rencontre, mais il gardait tout de même cette fermeté propre aux hommes de décision, auxquels le temps est précieux.
« Bien, maintenant que nous sommes seuls, j’aimerais en savoir plus sur vous deux. Vous êtes de bien étranges gens. J’ignore pourquoi, mais je ne pense pas que vous soyez de simples voyageurs. Ainsi, même si vous préfériez garder devant mes hommes certaines choses sous silence, je vous demande maintenant de me dire quels sont vos vrais desseins. Je ne puis vous laisser partir sans me révéler cela. La campagne n’est plus que le théâtre de pillages et de combats, marchent maintenant sur nos terres des dangers déguisés, des périls terribles et cachés…Comment croire en ces temps si sombres que deux individus, sans armes, se promènent simplement sur la grand route pour se rendre à la ville ? Vous n’êtes pas les survivants d’une quelconque attaque. Vos bagages ne sont pas ceux d’exilés.
Alors qui êtes vous ? »
Ulghuran écouta le capitaine avec attention, puis lui répondit aimablement.
« Vous parlez sagement, Capitaine. Et vos sens ne vous ont pas trompés. Mais avant de vous répondre-vous me pardonnerez sûrement mon impolitesse sous peu, j’aimerais que vous me disiez quelle autorité commande à Marienburg et laquelle servez vous ? Enfin, j’apprécierais grandement connaître votre nom.»
Alors qu’il parlait, le capitaine parut d’abord s’offusquer d’une telle réponse mais finalement ne dit rien, se contentant de jeter au magicien un regard à la fois soupçonneux et courroucé. Mais ses yeux finirent par s’abaisser pour contempler le sol et il soupira.
« Officiellement, le Prince-Marchand dirige toujours la cité…Mais en pratique, il en est bien autrement. Personne n’a vu le Prince-Marchand dans la cité depuis un mois, on le dit malade et il passerait ces journées dans sa chambre, à ce que l’on dit. Pendant ce temps, le vrai chef de la ville est le général Herschelln, au début, il relayait les ordres du Prince-Marchand et tout allait bien. Mais depuis quelques temps, il n’en fait qu’à sa guise, délaissant les problèmes du moment, volant toujours plus d’or par des impôts insensés et supprimant les notables qui protestent. Il passe maintenant son temps au palais , se souciant plus du choix de la jouvencelle qu’il s’approprie pour la soirée plutôt que de la situation extérieure. Maintenant, la population gronde dans les rues, les vols et les meurtres n’ont jamais été aussi nombreux. Nous ne recevons plus d’ordres depuis une semaine, certains capitaines ont laissé tomber, mais d’autres comme moi patrouillent toujours, tentant de limiter les dégâts causés par la guerre qui a subitement assailli nos frontières, ou alors tentant de restaurer l’ordre dans la cité. Les hommes nous sont fidèles, mais dans sa folie, Herschelln a placé un peu partout des espions, pouvant être aussi bien des vieillard, des femmes, ou des hommes pour prévenir une quelconque révolte de la part de l’armée régulière ou de groupes de protestants. Il a aussi engagé des milices entièrement dévouées à ses ordres qui ont pour ordre de trouver et tuer tous les sorciers se trouvant dans la régions. C’est cela qui m’a le plus intrigué…Enfin, je vais vous dire mon nom, car je ne pense pas que vous soyez des espions. Je suis le capitaine Vannerhand, commandant de la deuxième compagnie de chasseurs de Marienburg. »
Karl redressa la tête et s’écria:
« C’est vous ! »