ça Marche Comme Une Hotline

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Jimini Painkiller prit le courrier que lui tendait le directeur de la communication.


- "Geoffrey... Rail-Dunce ?"


Le dir'com' opina d'un air navré.


Jimini posa la lettre de condoléance sur les trois autres et se saisit de la suivante, aussitôt tendue.


"Paul... Rail-Dunce."


La sixième lettre retrouva enfin les cinq autres devant le président de la Genocide Inc. Interloqué, Jimini Painkiller observa son collaborateur, lequel expliqua enfin :


- "Vieille famille de cheminots. Tous récemment morts en opérations. Cependant, il y a un septième Rail-Dunce. Jack."


- "Vous voulez qu'on sauve le soldat Rail-Dunce parce que ses six frères sont morts ?!" s'emporta Jimini. "La charte est éthique, mais..."


Le dir'com' tempéra la réaction imprévisible de la plus célèbre brute du consulting militaire galactique.


- "Jack Rail-Dunce bosse au département Marketing, opérations promotionnelles et relations medias. C'est lui "A la poursuite du doc ork rouge"..."


Jimini Painkiller se souvenait de ce succès de librairie, panégérique de la maîtrise d'oeuvre sous-marine de la Genocide Inc. contre ces klans qu'avait inspiré Orkimèdes.


"...Ses relations avec la com' interne m'interdisent de ne pas publier la mort de ses frères dans le journal interne, sauf que les représentants des fratries au C.E. ne vont pas forcément apprécier. Or, on vote le quota salarié des chèques-vacances lundi prochain. Une photo de vous et de Jack dans le journal interne..."


- "Et s'il en profite pour me demander un truc, une augmentation...?"


- "Jimini..." s'autorisa le dir'com', "vous savez bien que depuis la destruction de notre village-vacance sur Ichar IV, les salariés sont devenus plus..."


La concierge baissa les yeux sur Josepha Rail-Dunce. Les XIII avaient fait dans la dentelle : plus de trous que de chair dessinaient maintenant le corps de la squate. Traînant le cadavre sur le tapis, la vieille humaine pensait déjà aux efforts qu'allait lui coûter le nettoyage du plancher, le sang avait coagulé dans les rainures, les éclats fait sauter le vernis. Dégorgé d'une plaie maintenant sèche par le déplacement malhabile de la défunte, le tintement d'un objet métallique courut sur le bois usé.


<i>Un micro !</i>


Repensant avec délice au gigolo de la haute que le billet glissé par la tau lui avait permis de s'offrir, la concierge laissa là Josepha Rail-Dunce et s'empressa de descendre, comme promis, vers la cahute de l'astropathe public en bas de la rue.


Epongeant la sueur de son front, Jack Rail-Dunce hissa la cantine dans la cabine exigüe du wagon d'habitation qui lui servait de demeure. Verrouillant la porte, il décadenaça celle qu'il avait clandestinement amené à bord. Rac'O soupira un grand coup en laissant papillonner ses yeux sur le mobilier frustre et les affiches têtues habillant la modeste cabine. Régulièrement, la course cahotique et sans doute trop rapide du train blindé menaçait de cogner la tau contre un mur ou un coin de meuble.


- "Alors, vous avez réfléchi ?" devança-t-elle.


- "Mademoiselle Rac'O..." se remit à geindre le squat aux moustaches gominées et à la barbe tressée d'anneaux pastels, "...mon boulot, à la Genocide, c'est de dessiner les logos sur les douilles des opérations signées, pas de tirer sur les gens !"


- "Mais, vos frères..."


- "Mes frères pétaient à table et claquaient tout en vinasse. Deux me devaient à ce titre de l'argent. Ils n'avaient aucun goût pour la mode et me faisaient honte, si vous voulez tout savoir. Josepha n'était pas comme eux, Josepha me comprenait..."


- "Donc, vous mordiller, ça ne vous intéresse pas ?"


Le squat la contempla d'un air outré.


- "Mademoiselle Rac'O, comme je vous l'ai dit, vous fûtes l'amie de ma soeur sur Portmeirion, votre apart' est détruit, soit, pour cela je vous héberge, mais je préfère vous dire tout de suite que ma virginité ira à celu... celle qui partagera un peu mieux mes goûts pour la dignité dûe à soi-même : vous êtes vêtue de manière affreuse ! Et regardez moi ces cheveux, c'est..."


- "Jack..." Rac'O se laissa-t-elle retresser "...Josepha m'a indiqué que vous pouviez rencontrer Jimini Painkiller..."


- "Jimini !" lacha Jack sur un ton effrayé et plus aigu qu'il ne l'aurait souhaité. "Hmrpff, c'est le patron, ici, vous savez, à peine s'il regarde comment on est habillé. D'ailleurs vous verriez comment certains de ses collaborateurs sont attifés, carrément old fashion, moi, je serais à la direction, je... Enfin... J'ai fait une photo avec lui, récemment, enfin, le dir'com' a fait un montage, pour le journal interne. Jimini est parti pour Negromundheim. J'avais choisi une chemise damassée en laine de kroot, vous auriez vu la photogénie de l'étoff..."


- "Jack..."


- "Hmm ? Oui, pardon, c'est Josepha qui me l'envoyait, avant empaillement. c'est très dur à trouver, vous sav..."


- "Jack !! Je me fiche de savoir si vous épouillez des kroots pour vous tisser des pulls ! Ce que je veux, c'est rencontrer un dirigeant de la Genocide. Vous pouvez m'arranger ça ?"


Le squat se caressa le nombril, dont l'épilement sans faille trahissait un nettoyage de peau récent mis en valeur par un débardeur court.


- "Euh, non. On se voit surtout pendant les holomeetings et... 'fin, même hors boulot, je prends des cours de harpe, vous savez, eux vont plutôt dans les séminaires d'anatomie ork..."


Rageuse, Rac'O repoussa le cadet des Rail-Dunce en maudissant la mère qui l'avait ainsi élevé.


"...Par contre, je sais qu'ils prennent des stagiaires en ce moment à l'armurerie de la Genocide. Peut-être qu'ainsi, à l'occasion d'une démo..."


Bien que le train blindé dans lequel la Genocide avait installé une partie de ses services d'appui commercial appartint à la Kandle, soumettant pour cela son personnel aux devoirs militaires de rigueur, Jack Rail-Dunce avait prêté son treillis réglementaire sans l'ombre d'un remord, avec même un sourire gourmand destiné au toubib du train qui devait l'en dispenser depuis des années. Oh, bien sûr, sur le corps de Rac'O, fuselé par des muscles entretenus et des attraits autrefois tout professionnels, l'uniforme du squat se résumait à un short et un bolero. Mais les squats ont les mains larges et ce détail dissimulait la confusion. Jack s'était également montré doué en couture et retouches de coupe. La casquette avait fait le reste. Elle s'était même permise de fumer lors de l'entretien de recrutement, et de contredire "vous allez m'arrêtez pour fumage ?" dans un joli croisé-recroisé de jambes qui n'avait pas laissé indifférent.


Ployant presque sous le poids de la mitrailleuse à ions, le velours bleu de sa peau maculé par la graisse jaunâtre des conducteurs isolants, la tasse de café mordue entre les dents et les photocopies sous le bras, Rac'O savoura tout de même les sifflets des plantons de la Genocide et les gestes potaches dont ils accompagnaient son passage du labo vers l'armurerie. Dommage pour Josepha. Un instant, elle avait cru pouvoir l'employer comme remplaçante de la maîtresse de Von Ofen, rentabiliser ainsi le prix qu'avaient coûté ces informations (presque aussi cher que le billet aller-retour transcontinental !). La Schind avait été plus rapide. Utiliser Jack plutôt que sa soeur dans ce rôle ? Von Ofen n'en était peut-être pas à ce point là. La fiabilité de Jack non plus.


Non, Rac'O ne pouvait compter que sur elle-même, comme d'habitude. Dans un combat, quand on est contre quelqu'un, il faut s'en approcher, être tout contre. C'était sa devise, depuis l'éthéré, ce qui l'avait isolée dans la Caste de Feu, mais libérée vers l'Amas. Appâter la Schind, avoir quelque chose à monnayer. Etre tout contre. Monnayer, mais quoi ? Malgré le poids de l'arme expérimentale, Rac'O accentua le déhanchement séducteur de ses fesses à l'adresse des sentinelles et de leurs commentaires déjà presque inaudibles. Ana Van Schlachten Tag. Le prénom de cette vipère lui faisait penser à quelque chose, mais à quoi ?


Accélérant encore le pas, Rac'O imagina que la Mort faisait de même, courait bientôt vers Von Ofen et sa Schind maudite !


<i>Vous aurez un avenir !</i> adressa-t-elle mentalement à ses futurs drones-scies. <i>Je vous le promet !</i>

(Modification du message : 21-03-2006, 14:33 par KDJE.)

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