<i>"</i>
...Je me suis cassé le cul...
...J'ai léché le cul de l'Etat Major...
...J'ai rampé...
...Pour eux...
...Pour ma famille...
...Pour l'Empereur...
...Tout ce qu'ils ont sacrifié pour moi...
...Déversé, comme l'eau dans cette saloperie de poussière...
...Tout ce que j'aurai pu donner par amour...
...Trop tard...
...Je suis mort... "
De bien sombres pensées l’envahissaient.
Il ouvrit calmement un petit étui métallique poinçonné aux armes de sa
compagnie, et en retira un cigare imposant. Il émanait de ce dernier des odeurs
d’épices et de cannelles, et il le renifla longuement. L’humectant
méthodiquement, il contempla au loin la dizaine de chars qui se mettaient en
file le long d’un immense canyon. Les chimères, repeintes fraîchement aux
couleurs ocres et cendres de ce désert, étaient à l’avant garde. Au centre se
trouvaient les batteries d’artilleries, flanquées des deux pelotons de GI
débarqués le matin même.
La tonnelle où il se trouvait le protégeait d’un soleil de plomb, déjà trop
matinal. La chaleur serait écrasante en milieu de journée. Une brise mourante
soulevait difficilement ça et là quelques buisson déshydratés.
Il se servit un verre de Sky.
Un commissaire hurlait comme un forcené, et il se demanda qui était cet imbécile
tout de noir vêtu. De la position où il se trouvait il ne voyait pas grand
chose, finalement.
Peu lui importait.
Il avait été stupide de récupérer ce missile Deathstrike de la barge de
bataille. Trop imposant, il demandait à sa troupe des manoeuvres pénibles qui
s’avèreraient désastreuses en cas d’attaque surprise.
Le colonel aurait préféré un régiment de cavalerie plus conséquent, parfait sur
ce type de terrain. Il les discernait au loin, ces fiers cavaliers à la course
altière, leurs lances explosives pointées vers le ciel. Cela lui rappela sa
jeunesse, et la joie qu’il éprouvait alors quand il était juché sur le dos de
ces montures nerveuses. Il posa ses yeux avec tristesse sur l’ersatz qui lui
servait de main droite désormais. Un gantelet énergétique était greffé sur son
bras. Son vieux corps couturé de cicatrices n’était plus qu’une plaie béante, de
toute façon.
Il fallait qu’il se rase, puis il irait inspecter la troupe. Son lieutenant
colonel ne lui avait-il pas spécifié hier qu’une femme se battrait à leur côté ?
Il ne se souvenait plus. Il appréciait la présence de ces femmes-bodyguard,
qu’il préférait depuis peu aux putains. Les nouveaux arrivants étaient des
enfants, et il faudrait les faire encadrer par quelques anciens de Tallarn le
plus tôt possible. Et puis il y avait le problème de ces psykers, qu’il ne
pouvait tolérer. Il faudrait se défaire au plus vite de ces abominations trop
encombrantes, quitte à les abandonner en plein désert dès les premiers jours.
Combien de morts encore aujourd’hui ? Combien d’enfants à enterrer demain ?
De bien sombres pensées l’envahissaient.
Il repensa aux plis cachetés reçu tôt ce matin. Ses ordres de mission.
Sa compagnie devait épauler le Duc Salginus De Lavilenie, Commandant en Chef
d’une escouade de Chasseurs de Démons. Cet idiot s’était probablement perdu dans
le réseau complexe de canyons qu’il contemplait sous ses pieds, car cela faisait
plus d’une heure qu’il les attendait maintenant. Un rapport flash par ailleurs
lui était parvenu dans la nuit : il était inutile d’espérer des renforts
immédiats, le croiseur Wilme étant toujours bloqué au niveau du 11ème secteur du
système Teuton.
Il n’avait aucune nouvelle sur l’état des forces ennemies en présence sur la
planète, ce qui annonçait un très mauvais début de campagne. Des hostilités
avaient eu lieu apparemment à une centaine de kilomètres plus au nord entre un
solide essaim de Tyranides, de la ruche Damion, et un puissant parti de Tzeench,
dirigé par le Prince Démon NéoKhaine en personne.
Ils n’étaient pas les seuls sur cette planète, apparemment, et il serait bien
difficile de récupérer les artefacts qui intéressaient tant le Commandeur Space
Marine.
Le colonel maugréa.
Toutes ces guerres…
Laëticia écrasa son poing sur la face goguenarde du jeune artilleur. Elle senti
le nez du garçon se briser dans un bruit sec. Elle plaça immédiatement dans son
élan un uppercut qui cueillit le soldat sous la mâchoire, puis dans une longue
rotation sur elle même elle envoya à toute volées sa jambe droite dans
l’entrejambe du malheureux.
Le soldat s’écroula dans un terrible gémissement. Se tenant les parties, la face
violacée et gonflée, pleine de sang, il tenta désespérément de retrouver son
souffle.
Elle le laissa beugler à terre, devant l’escouade d’artilleurs médusés, et
partie rejoindre ses camarades aux uniformes cramoisis.
<i>« Laëticia, je te rappelle que les hommes du Colonel Ka Do ne sont pas nos</i>
ennemis. Nous sommes des gardes pourpres, et notre mission est de les protéger,
non de les tabasser. »
« Maître, ces hommes sont des porcs, et si je ne me fais pas respecter
rapidement, ce désert deviendra très vite un enfer pour moi. »
« Je crains malheureusement Laë que ce désert ne devienne un enfer sous peu pour
nous tous, aussi garde tes forces pour des démons qui n’auront que faire de tes
jolies formes. Je t’affecte à la protection des psykers, les autres , vous
viendrez avec moi protéger l’état major. Laëticia, écoute moi bien : au moindre
signe malsain d’un de ces foutus sorciers, tu les descends. Me suis-je bien fait
comprendre ? Les ordres du colonel sont extrêmement clairs sur ce point…»
La jeune femme se demanda qu’elle pouvait bien être le genre de signes suspects
qui terrifiaient tant la troupe, mais elle n’osa pas poser la question. Elle
n’aimait pas cette nouvelle tâche, surveiller ces étranges psykers allait
l’ennuyer au plus au point. Elle voulait se battre. Elle voulait attirer à elle
les regards de tous ces hommes, de tous ces soldats. Non pas sur les courbes
généreuses qu’elle possédait, elle se savait très belle, ce qu’elle désirait
était ailleurs : Elle voulait qu’on la respecte, qu’on la craigne, elle
recherchait ce regard justement qu’avaient ces cavaliers quand ils saluaient
leur colonel.
Vexée de s’être ainsi fait rabrouée, elle salua ses coéquipiers puis s’éloigna
en direction des cavaliers tout proches. Ces derniers étaient affairés sur leur
terribles montures.
Des sangs froids, à n’en pas douter. Ces farouches sauriens, aux dents coupantes
comme des lames de rasoirs, ne semblaient pas effrayer le magnifique Alezan du
sergent Arald. Ce cavalier et sa monture étaient connus dans toutes les armées,
leurs exploits légendaires ayant parcouru l’Empire. Arald était par ailleurs
réputé pour inspirer une peur panique à tout régiment de cadets fraîchement
arrivé, et qu’il mettait au pas rapidement.
Elle ne put s’empêcher de plonger ses mains dans la longue crinière du cheval,
engourdissant ses doigts dans les longues mèches de crin. Le cheval paraissait
inquiet, une bête devait sûrement roder aux alentours. Elle lui gratta doucement
les oreilles, et se rendit compte que le sergent derrière elle l’observait avec
attention. Gênée par cette brusque apparition, elle ne put s’empêcher
d’apostropher le vieux soldat aux cheveux blancs par une remarque anodine.
<i>« Nous aurons une belle journée demain, hein, sergent Arald ? »</i>
lui fit-elle avec son plus joli sourire, qui était ravissant. Il lui répondit
alors d’une voie caverneuse.
<i>« Comment le sais-tu que ce sera une belle journée ? T’es une foutue connasse</i>
de la météo ? »
L’intégralité de la compagnie s’était positionné pour la nuit sur un plateau
rocheux proéminent. Une table immense en granit, légèrement inclinée, se
trouvait non loin de là, et la plupart des batteries d’appuis s’étaient
positionnées près d’elle. Ce bloc de granit herculéen, témoignage funéraire
d’une civilisation désormais oubliée, portait sur sa surface de très nombreuses
glyphes tirant sur des tons carmins. La vendetta du colonel Ka Do s’était posée
en son centre. De cette position remarquable les soldats distinguaient
l’ensemble des environs sur plus de 50 kilomètre à la ronde. Au loin, on
apercevait les lumières opalescentes d’un bombardement orbital. Caléidoscope
féerique, nul son ne venait troubler ce couché de soleil paisible. La nuit
allait tomber, elle serait fraîche.
Le Duc De Lavilenie avait fait une brève apparition en début de soirée à
l’intérieur même du camp retranché, au delà de la deuxième enceinte de
confinement, ce qui avait créé une forte confusion. Plusieurs hommes avaient
goûté au fouet. Lui et ses chasseurs, de terribles géants en armure énergétique,
s’étaient ensuite volatilisés dans l’obscurité naissante.
<i>Il était là, tout près. Dans ce clair obscur, le géant voyant toute les</i>
scènes.
Il était la roche, le sable. Il était l’obscurité. Les huit sorciers de
pacotille ne l’avaient pas détecté, et la jeune fille qui les escortait se
disputait encore non loin de là, près des écuries cette fois-ci.
Cette petite avait le sang chaud.
Les appâts étaient posé. Les geneastelers seraient bientôt là. La compagnie de
garde impériaux s’était solidement fortifiée sur ce bastion, et le Space Marine
se dit que le Commandeur Salginus avait raison – le colonel Ka Do était un
officier sûr et efficace.
Le carnage aurait lieu à l’aube, il alimenterait l’Artefact.
Alors la porte s’ouvrirait, et l’Ennemi serait là…
Le bruit était assourdissant, un déluge de feu encerclait l’ensemble du plateau.
La première clôture avait été enfoncée dès l’aube, et les soldats, la plupart
surpris dans leur sommeil, s’étaient retranchés derrière la seconde enceinte à
moitié hagard.
La compagnie blindée avait alors noyé la vallée et les canyons environnant sous
un déluge de feu et d’acier. D’immense explosions avaient complètement pulvérisé
les environs.
Une grande partie de l’assaut initial des aliens avait été brisé sous
l’explosion du missile Deathstrike, quand un canyon entier s’était écroulé sur
les premières charges de geneastealers.
La Manticore et les Hydres avaient taillé en lambeaux l’armée Tyranides qui les
chargeait. Mais ses éléments étaient nombreux, très nombreux, et les dernières
forces tyranides étaient maintenant au contact des hommes, où des combats
sanglants à l’arme blanche avaient lieu.
La bataille était dantesque.
Le dernier Carniflex succomba à la charge héroïque des cavaliers, qui périrent
quasiment tous dans l’assaut.
Le colonel Ka Do, blessé à un bras après un combat contre un Prime, exhortait
ses hommes comme un diable depuis sa Vendetta, sa voix tonitruante surplombant
l’ampleur du vacarme.
La deuxième barrière de confinement venait de céder, des lictors sortis d’on ne
sait où ayant sectionné les câbles de soutènement des grilles de plastacier.
Les réserves juchées sur la table de granit couvraient maintenant d’un tir
nourri les malheureux rescapés qui tentaient de les rejoindre.
Les chimères qui ne pouvaient quasiment plus manoeuvrer se taillaient à coup de
multi laser et de lance flamme lourd un chemin dans cette mer de griffes.
La formation de chars, de type Angevine, allait céder sous peu.
Dans le tumulte général, accroupie près des obusiers chauffés à blanc, Laë
pleurait par sanglots saccadés. La moitié de son visage avait disparu, sa
mâchoire ayant été emportée par la morsure d’un alien. Une plainte ténue sortait
de cette plaie noire et béante, dans un gargouillis de sang coagulé. Elle fixait
de ses yeux exorbités, révulsés par la souffrance, la tête de son maître
d’armes, posée à même le sol dans un rictus macabre.
Dans un fracas épouvantable la terre s’ouvrit, explosant un des coins de
l’immense table de pierre, et pulvérisant un Bane Wolf qui faisait des ravages
considérables dans les rangs désormais compactés des tyranides.
Un Mawlock, créature cauchemardesque sortie tout droit des enfers, apparu dans
un cri strident. Une odeur épouvantable l’accompagnait, une odeur de mort, de
décomposition. L’odeur ne venait pas de la bête en elle même, mais bien du trou
par lequel elle était apparue.
La bête était gravement blessée, son torse étant déchiré en plusieurs endroits.
Des psykers, il ne restait plus qu’un unique survivant, totalement en transe et
couvert de sang. Agenouillé sur une des glyphes, qu’on ne parvenait plus à
distinguer tant la table géante était baignée de sang, il ne cessait de
marmonner une étrange incantation, dans un langage inconnu.
Il se leva d’un bon, en proie à une terreur insoutenable, et apostropha le
colonel Ka Do, qui rugissait ses ordres non loin de là.
<i>« Colonel ! IL se réveille ! l’Enfant des Etoiles ! Il faut aller le chercher</i>
! »
Le colonel se retourna et d’un tir de pistolet-plasma bien ajusté pulvérisa la
tête du magicien qui s’écroula.
<i>« Foutu taré… »</i>
La bataille, dont l’issue était encore incertaine, se terminerait sous peu,
faute de combattants.
<i>« Colonel, nous détectons par le tunnel du Mawlock une immense caverne située</i>
sous la table de pierre. Plusieurs Mawlock y ont pénétré, seul celui ci en est
ressorti. Le Commandeur De Lavilenie nous signale son arrivée imminente. Nous
allons nous en sortir, colonel, il n’y a plus que ce dernier Mawlock qui peut
encore… »
La grande créature venait de s’écrouler, terrassée par la lame runique d’un
géant en armure. L’air était électrique, et de grandes volutes d’ozone
balayaient maintenant le plateau.
Ses frères d’armes l’accompagnaient, une quarantaine de guerriers téléportés
avec lui.
Ces chevaliers étaient d’un calme olympien, leurs mouvements lents, nets et
méthodiques balayant les rares tyranides encore debout.
Une immense ovation les accueillit, pour la plupart faite de râles et de
sanglots, bien que sur les visages encore en vie les regards soient fatigués,
chaleureux et aimants.
Un seul masque de tristesse et de souffrance complèterait le tableau figé des
vivants et des morts, celui du colonel, éteint.
Les Chasseurs gris s’approchèrent du gouffre creusé par le Mawlock, d’où émanait
maintenant une brume orangée presque palpable. Des sons étranges y émergeaient,
entêtants, démoniaques et irréels.
<i>« Frères, Je suis le Commandeur Salginius De Lavilenie. Par ma Parole</i>
j’ordonne. Je suis le Porteur du Verbe. Ces braves soldats ont donné leur vie
pour nous permettre d’accomplir notre Devoir. Rendons leur hommage, que leur
sacrifice n’ait pas été vain.
<b>SPACE MARINE ! EN AVANT !!! </b> »