Le Retour De L'ombre

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Voilà la bête, soyez indulgents, il y a encore surement des fautes à corriger: mais ce sera sympa de me les signaler. : )


Le récit se passe dans la région de Marienburg, à une époque indéterminée après l'avènement de Sigmar, mais au moins après la prise d'indépendance du Wasteland. Ca parle de magie...entre autre.


Conseil: SI la longueur vous décourage, faites un rapide copier/coller sur Word et imprimez le. Ca se lit plus vite sur le papier.


Le Retour de l'Ombre


CHAPITRE 1


« Allez, debout là-dedans ! »


Un grognement sourd s’éleva de la masse informe enfouie sous les couvertures.


« Allez Karl, dépêche-toi, ton père est prêt à partir. Si tu veux vraiment aller avec lui à la ville il faut te bouger maintenant ! »


Le jeune garçon au cheveux blond allongé dans le lit souleva une paupière et aperçut sa mère qui poussait les contrevents de sa fenêtre, laissant ainsi rentrer dans la chambre la lumière grisâtre d’un matin automnal. Enfin, il se leva, l’esprit encore embrumé par le réveil brusqué.


Sa mère sortit de la chambre, il s’habilla rapidement, prit une vasque d'eau fraîche sur une commode et s'en aspergea la figure, l’eau glaciale acheva de la réveiller.


Karl se rendit alors compte que le Soleil était déjà levé. Et son père qui voulait partir à Marienburg avant l’aube! Ca allait être sa fête…Il sortit de la chambre et descendit l’escalier en bois quatre à quatre, il déboucha dans la cuisine, prit au passage le repas que sa mère lui avait préparé pour le voyage, lança un


« Au’evoir m’man ! » la bouche pleine de pain au miel et sortit de la maison.


Son père l’attendait assis dans la charrette, les rênes à la main. Le père de Karl était un grand homme, à la peau rougit par le soleil et aux cheveux bruns tirant maintenant sur le gris. Il arborait une barbe fournie qui était sa fierté et avait les yeux bleu-gris comme son fils. Karl sauta dans la charrette avant que son père ne lui fasse la moindre remarque à propos de son retard et enfila une cape de voyage d’un noir délavé par les intempéries qu’il prit à l’arrière.


« Désolé pour le retard, papa. »


« Désolé ? Ca oui, tu peux l’être ! Mais c’est auprès de ta mère ce soir que tu pourras être désolé, quand on lui annoncera qu’on est arrivé trop tard et que tout les bœufs étaient déjà vendus! Allez, on y va, sinon on aura même pas le temps d’aller boire un coup au « Bouclier Fendu ». Karl sourit, il aimait bien aller dans cette auberge : On pouvait y entendre des légendes, des histoires de marins, et pleins d’autres contes, même si il y avait parfois des bagarres, et elles étaient rares, l’atmosphère y était à la fête et la bière y était bonne.


Une petite visite au « Bouclier Fendu » était la raison principale pour laquelle Karl accompagnait son père au marché.


La charrette, tirée par le plus beau cheval de la famille, sortit enfin du petit bourg de Kerchenstern. Le village était situé tout près de la côte, à environ quinze lieues au Nord-ouest de Marienburg, entre l’estuaire au fond duquel se trouvait la ville et les montagnes grises. La route sortit d’un petit vallon entre deux collines et la charrette arriva dans la plaine qui s’étendait au bord de la mer. Celle-ci se trouvait à cent mètres à peine et un parfum iodé emplit bientôt les narines de Karl. Le temps était gris ce matin, froid et venteux. L’horizon au Nord était bouchée par des nuages noirs.


« Et bien, tu vois mon bonhomme, je serais pas étonné si on avait une bonne tempête ce soir, vu le ciel. Par Sigmar, faudra pas trop traîner ! Et ta mère qui est seule avec ta petite sœur…J’espère que Jonas les aidera à rentrer les bêtes… »


Karl ferma les yeux, entendant à moitié les grommellements de son père. Il s’assoupit bientôt, le vent sifflant toujours à ses oreilles.


« Karl ! On va arriver. »


« Hein ? Quoi ? »


« Réveilles toi, mon bonhomme, on arrive en ville ! »


Le père de Karl pointait le doigt vers le Sud. Karl regarda dans cette direction, et alors, scintillante sous le soleil, avec ses tours, ses remparts, il la vit. A chaque fois, cela lui faisait le même effet. La ville était toujours aussi impressionnante.


Karl entendit son père murmurer dans un soupir:


« Ah...Marienburg… »


Karl était déjà venu quelques fois dans la ville, mais jamais le jour du Grand Marché.


Pendant les jours précédents, un nombre incroyable de navires marchands étaient venu pour vendre leurs précieuses marchandises, il y en avait de partout, de Tilée, d’Estalie, de Bretonnie, de Barak-Varr, de Norsca et même un grand et beau voilier elfique d’Ulthuan.


Le port de Marienburg n’était plus qu’une forêt de toiles de toutes les couleurs.


A côté du port, se trouvait une grande place où une multitude d’étalages avaient été installés.


Tandis que son père s’adressait à un soldat pour demander son chemin, Karl dévorait des yeux ce spectacle impressionnant, se mettant à rêver de voyage et de terres lointaines, de trésors et de gloire…


La charrette se remit en mouvement, le père de Karl semblait préoccupé. Manifestement, la foule nombreuse n’était pas pour lui plaire, plus il y avait de monde, plus longtemps il mettrait avant de rentrer chez lui.


La vente était enfin terminée, Karl avait crû que cela ne finirait jamais, un marchand Tiléen avait fait des siennes et son père avait discuté du prix de légumes pendant une heure !


Il n’arrivait vraiment pas à comprendre comment son père pouvait supporter ça...Pendant toute la journée il n’avait eu qu’une envie, partir se balader dans la foule.


« Alors, papa ? Je peux y aller maintenant ? » La question avait été posée environ cinquante fois depuis le matin.


Le père de Karl soupira et s’assit sur une caisse de choux.


« Oui, vas-y, vas vadrouiller bonhomme ! On se retrouve au Bouclier Fendu dans une heure. Je m’occuperai de ranger ça tout seul. »


Il désigna la dizaine de cageots à ses pieds, mais Karl ne l’écoutait déjà plus.


Il s’engageât dans une rue perpendiculaire au port et commença à examiner les échoppes,


La rue large dans laquelle il se trouvait était certainement celle des forgerons. Une fumée dense sortait de plusieurs cheminées emplissant l’air d’une fine brume piquante et le bruit des marteaux agressait les oreilles des passants. Karl se dépêcha d’avancer, arrivant à une intersection, il prit à gauche dans une petite ruelle conduisant à une autre grande rue, puis il tourna à droite, puis à gauche…au bout d’une heure de promenade, Karl était arrivé dans une partie de la ville qu’il ne reconnaissait pas. Le soleil était tombé depuis peu de temps et seul une faible lumière bleuâtre éclairait maintenant les rues vides.


Soudain, Karl vit la taverne, il entra sans hésitation, s’installa à une table en attendant son père. Mais l’aspect de la taverne ne lui revenait pas. Il courut jusqu’à l’entrée…et s’aperçut que ce n’était pas le Bouclier Fendu, il avait mal vu l’enseigne dans la pénombre et s’était trompé. Karl gémit de dépit, la panique commençant à l’envahir.


Il fallait se rendre à l’évidence : il était bel et bien perdu.


« Vous allez bien, jeune homme ? »


Karl se retourna, un homme en cape noir et en bas bleus lui faisait face.


« Euh, oui,oui, merci, ça va. Euh, pourriez vous m’indiquer la direction du Bouclier Fendu, s’il vous plait ? »


L’homme sourit, dévoilant ses dents jaunâtres.


« Je vais vous y conduire si vous voulez, c’est ma direction. »


« Merci beaucoup, monsieur. Je ne connais pas très bien la ville et je crois m’être égaré, vôtre aide est la bienvenue. »


L’homme se dirigea vers une rue, Karl le suivit.


« …Vous semblez bien instruit, jeune homme, d’après votre langage. »


« Et bien, en fait mon père m’a éduqué lui même, il était sergent dans l’armée autrefois. »


Karl laissa là la discussion, l’homme ne lui plaisait pas, son aspect, son ton amical n’étaient pas naturels.


L’homme le conduisit dans une partie de la ville que Karl connaissait et il ne tarda pas à retrouver ses repères. Il réalisa soudain que l’homme ne le conduisait pas à la taverne, il semblait même s’en éloigner. L’homme s’engageât alors dans une ruelle, le jeune garçon le suivit sur quelques pas, puis s’arrêta.


« Monsieur, ce n’est pas le chemin du Boucl, Humpff ! »


L’homme venait de le bâillonné de sa large main. Karl jeta des regards frénétiques de tous les côtés mais il n’y avait personne. L'homme le tenait d'une poigne de fer.


« Tais-toi, morveux ! Alors le prince, t'a failli nous échapper, hein? Mais je t'ai reconnu moi! Tu pensais vraiment qu'on aller te laisser nous filer sous le nez comme ça? Avance maintenant, Cadavo nous attend.»


L'homme ne sembla pas remarquer l'expression de stupéfaction de Karl, qui continuait à se débattre. Il ne comprenait plus rien, pour qui l'homme en cape noir l'avait il pris? Il ne savait pas. Et qui était ce Cadavo dont il parlait? Toutes ces questions se bousculaient dans l'esprit du jeune homme et l'empêchaient.


« Mais tu va arrêter de bouger, oui ?»L’homme sortit une rapière de dessous sa cape et en menaça le garçon. Karl sentit ses jambes défaillir à la vue de la lame. La tête lui tournait. L'homme lui banda les yeux et Karl ne vit plus rien.


Karl avançait à tâtons, sentant la pointe de l’épée de l’homme dans son dos, il était terrifié…L’homme lui prit le bras pour le faire s’arrêter.


« Tu bouge, tu crie, t’es mort. Compris ? »


Il approuva de la tête et écouta, l’homme frappa à une porte, celle-ci s’ouvrit en grinçant et l’homme à la cape noire s’adressa à quelqu’un.


« ! Je l’ai trouvé ! Regardez! »


Une voix grave et autoritaire lui répondit :


« Voyons voir...hein? Mais qu’est ce que tu raconte, bougre de crétin d’abruti ! Ce n’est pas lui !! Tu t’es trompé ! »


Le kidnappeur de Karl sembla suffoquer.


« Qu…quoi ? Comment m’a tu appelé ? C’est moi qui sors dehors pour chercher le gamin, c’est moi qui fait le sale boulot ! Toi tu reste bien au chaud à l’intérieur à boire et à t’amuser, et tout ce que tu trouve à me dire, c’est ça ?? »


« Mais, par Sigmar, Antoine, arrête de hurler ! Ca va pas ? Tu veux qu’on nous repère, c’est ça ? Ce n’est pas ma faute si tu n’est pas capable de retrouver le petit morveux ! »


« Bon, de toute façon, on ne peut plus attendre maintenant, la Dame avait dit que l'on devait se faire discrets cette nuit...Alors finissons en, tuons ce gamin et partons... "


Karl n'arrivait plus à penser, le monde réel lui apparaissait plus distant comme si ce qui lui arrivait était le destin d'un autre, les mots de l'homme raisonnaient dans sa tête et venaient se superposer à une succession d'images et de souvenirs: des visages tendres, des rires, la douceur du foyer, le vent marin sur sa figure...La voix de l'homme à la rapière parvint aux oreilles de Karl...


"Adieu, gam...Surgl!".


Antoine avait rapproché son épée de la gorge du garçon, mais Karl sentit alors la pression de la main de l’homme sur ses épaules se relâcher, puis il entendit l’homme tomber à terre;dans le même temps, Cadavo avait poussé un autre juron et avait sorti son épée. Quelqu’un ramena Karl en arrière, le jeune garçon trébucha et tomba lourdement sur le dos, un sifflement aigu lui indiqua qu’un coup d’épée venait de le frôler. Karl retrouva dès lors tous ses moyens. Il s’attendait à recevoir une autre attaque, mais le bruit du choc des armes retentit alors, tandis que l'espoir renaissait dans son cœur. Il n'était pas mort. Le garçon venait de réaliser que quelqu’un était venu l’aider, et apparemment, il ne s’en sortait pas mal. Maintenant libre de ses mains, Karl retira le chiffon qui était devant ses yeux, juste à temps pour voir Cadavo se faire perforer le ventre par son mystérieux sauveteur. Cadavo poussa un cri étranglé et se raidit, son épée tomba à terre dans un grand bruit métallique.


Karl se laissa aller contre le mur derrière lui : il était épuisé…la sueur, malgré le froid naissant, coulait à grosse gouttes sur son front. Tout était aller si vite...


L’homme qui venait de tuer Cadavo, approcha du garçon tout en essuyant son épée à un pan de sa cape.


Karl pu alors observer ses traits. L’homme était grand, les épaules larges. Il portait une chemise blanche en lin fin sous une veste de cuir souple teinte en noir, ainsi qu’un tricorne sombre. L’homme se baissa vers Karl en lui tendant la main, passant un instant à la lumière d’une lune encore basse, dévoilant ainsi un visage barbu, est une peau ridé.


Le jeune garçon saisit la main de l’homme et le remis sur pieds.


« Ca va, petit ? Je sais pas si tu sais, mais c’est deux gaillards ne sont pas vraiment des gens fréquentables pour quelqu’un comme toi... Où sont tes parents ? Tu vis ici ? »


« Je, euh, mon père m’attends au Bouclier Fendu, je connais le chemin…mais en fait on est venu en ville pour le Grand Marché. »


L’homme barbu fit un signe de tête affirmatif, tout en regardant le garçon avec intérêt de derrière ses petits yeux plissés.


« Dis moi, comment s’appelle ton père, mon bonhomme ? »


« Johann ».


« Allons bon ! Johann Baker ? » Karl fit oui de la tête. « Ca alors ! Ce bon vieux Johann ! Il ne t’a jamais parlé d’un certain Resk Finrar ? Non ? Bah, finalement, ça ne m’étonne pas tant que ça. Ton père, c’est quelqu’un de franchement honnête, alors que moi… Bon, et bien je suppose que je vais t’accompagner pour expliquer à ton père, ce qui c’est passé, non ? En tout cas, on ferait mieux de filer maintenant, si une patrouille trouve ses deux là et moi à côté, …enfin, tu vois le tableau d’ici ! »


Karl sourit, la voix grave de Resk et son ton chaleureux lui redonnait confiance, et en plus il connaissait son père. Tout allait bien se passait…


Le gros barbu se redressa et se dirigea vers la sortie de la ruelle, Karl le rattrapa et tout deux s’en allèrent vers l’auberge.


La taverne apparaissait dans la nuit comme un havre de lumière et de gaieté dans l’obscurité de la rue. On entendait d’ici, les chants et les rires des marins en escale pour le Grand Marché et venus noyer une bonne partie de leur paye dans la bière et les jeux. Ce soir là, une troupe de nains de Barak-Varr particulièrement éméchée avait improvisé un petit orchestre s’accordant parfaitement avec les chansons à boire reprises en cœur par toute l’assemblée.


Lorsqu’il entrèrent, le père de Karl se leva et accouru vers son fils, pestant de colère, ses jurons furent heureusement couverts par le bruit ambiant.


« Mais nom de nom, où était tu passé ? Voilà une heure que je t’attends, et la nuit qui est tombé, j’étais mort d’inquiétude ! Tu n’as pas idée des dangers qui rôdent dans les rues la nuit. »


« Oh si, il a idée , et même plus qu’il ne lui en faut, à mon avis. » Resk venait de passer la porte et vint se placer à côté de Karl. Johann porta son regard vers lui.


« Resk !? Toi, ici !? »


« Oui, et ton fils peut remercier Sigmar que je me sois trouver dans les parages ! Mais posons nous d’abord quelque part, une retrouvaille d’anciens camarades, ça se fête ! » Resk héla le tenancier : « Barman, j’offre une tournée générale ! » La déclaration fut suivie d’une multitude de cris d’approbation et les chants et les rires reprirent de plus belle.


Resk, Johann et Karl allèrent s’asseoir un peu à l’écart de l’assemblée de façon à pouvoir parler sans crier. Une fois qu’ils furent installés et qu’une serveuse de forte corpulence leur ait servi trois bières bien fraîches, Johann prit la parole, ses yeux fixant tour à tour les deux autres.


« Bon, et maintenant, j’aimerais avoir quelques explications. »


Resk toussota.


« Hum. Eh bien, voilà :tu sais, Johann aujourd’hui, y a eu le Grand Marché, alors les dockers, ils avaient du boulot pour moi. Donc j’ai bossé jusqu’au soir, j’ai pris ma paye et j’suis parti vers la vieille ville pour trouver une taverne digne de ce nom, tu sais, pas comme celles qu’on trouve dans le quartier marchand où on te sert de la pisse de porc, pire que l’eau du port si tu veux mon avis, mais je connais une bo… » Johann fronçait les sourcils et le jeu de mot ne semblait pas le dérider. Resk reprit :« Euh, d’accord, j’fais court. Bref, je me dirigeais vers le « Vers des Mers » quand j’ai vu une vieille connaissance au coin d’une ruelle, ouais, j’te dis, ni plus ni moins que ce rat de Cadavo ! Je l’avais déjà vu à plusieurs reprises et la dernière fois, on était sur la même caravelle et il avait voulu me faire les poches et me faire passer par dessus bord. Forcé, je m’étais défendu mais j’avais quand même dû rentrer vers la côte à la nage, sans mon épée et sans ma paye !


Alors, bon voilà, je vois Cadavo au coin de la ruelle avec un autre gars qui tient un gamin avec la pointe de son rasoir.


Tu me corriges si j’me trompe, mon petit, mais j’suis sûr qu’ils te voulaient pas forcément du bien, non ? » Karl approuva. « Ouais, alors donc mon sang fait qu’un tour, je sors mon épée et j’me précipite sur eux. Je tue Cadavo et son pote, je relève le petit et, oh surprise ! C’est le fils de mon ancien camarade Johann ! Alors, j’me suis dit que c’était l’occasion de voir comment allait le sergent. J’ai conduit ton fiston ici et me voilà… Mais au fait, petit, comment ca se fait que t’étais avec ces deux fils de…enfin ces deux pirates ?»


Karl mis un petit moment à se rendre compte que l’on s’adressait à lui. La transition entre le danger et la gaieté de la taverne avait été si brusque qu’il n’arrivait pas à croire qu’il avait failli mourir et que deux hommes étaient mort sous ses yeux. Il avait le regard dans le vague et observait distraitement l’orchestre des Nains.


« Eh oh, bonhomme, réponds voyons ! »


« Hein ? Euh oui, oui. Eh bien, je me suis trompé de rue sur le chemin de l’auberge. J’étais perdu, j’ai demandé mon chemin… » Karl ne voulait pas avouer qu’il s’était laissé aborder par un inconnu ; hormis ce détail, il raconta tout ce qui s’était passé de son point de vue. Johann et Resk l’écoutaient avec attention.


Après son récit, Resk et Johann échangèrent des souvenirs du « bon vieux temps », c’est à dire, du point de vue de Resk, avant le mariage de Johann. Ils discutèrent de leur vie de tous les jours, que le monde est petit, que le temps passe vite, que la bière n’est plus aussi bonne qu’autrefois, etc.


Karl était épuisé et commençait à somnoler, l’assemblée s’était un peu calmée et les chansons avaient laissé place à des ronflements épars et aux beuglements de quelques marins qui se trouvaient dans un état d’ébriété avancé.


Johann se leva :


« Bon, et bien Resk, j’ai été ravi de te voir ce soir, même plus que tu ne le pense d’ailleurs ! »


« Ouais, allez, je vois que ton bonhomme est fatigué…Je dois rentrer au navire avant la deuxième heure de la nuit. Salut ! Et tu diras bonjour de ma part à ta femme ! A plus, petiot !


J’espère que tu seras plus frais la prochaine fois que je te rencontrerai ! »


« Adieu, Resk ! »


Resk sortit de la taverne.


Johann alla payer le barman avec les sous que Resk lui avait laissés et sortit à son tour en compagnie de Karl.


Au dehors, le temps avait changé pendant leur conversation. Surpris par le froid, Karl frissonna et rentra sa tête dans ces épaules, il sentit un contact froid sur sa figure : La pluie tombait dru, le vent soufflait fort et tourbillonnait dans la rue étroite, hurlant aux oreilles des passants.


« Alors bonhomme, j’te l’avais pas dit ce matin qu’on aller prendre une saucée ? Ta mère doit être morte d’inquiétude."


Karl et son père furent trempés avant d’atteindre la charrette. Johann paya le pauvre garçon au vêtement mouillés qui devait garder un œil sur les chevaux, monta et saisit les rênes, Karl s’installa à côté de lui, s’emmitouflant comme il pouvait sous les capes de voyage pour se protéger de la pluie.


Un garde les escorta jusqu’à la porte Nord de la ville. Johann connaissait le capitaine en faction et il avait accepté de lui fournir une petite escorte pour le retour: Avoir été sergent avait ses utilités.


En effet, le capitaine Schlimpffen les attendait à la porte avec quatre cavaliers armés de lance et portant tous une arbalète sur le côté de leurs monture. Vu le temps qu’il faisait ce soir, des pistolets auraient été inutiles. Ils étaient habillés de capes sombres les enveloppant de la tête au pied et portaient des torches allumées qui menaçaient de s’éteindre à chaque rafale de vent et jetaient des ombres mouvantes sur les murs du corps de garde.


« Heureux de vous voir, mon sergent. Comment vous portait vous ? » s’enquit le capitaine.


« Bonsoir, capitaine ! Eh bien, pour vous répondre franchement, je me porterai mieux quand je serai de retour chez moi au chaud…et au sec ! Et je pense que vous et vos hommes ne doivent pas en penser moins, n’est ce pas ? »


Schlimpffen sourit. « Alors, allons y, pendant que nos torches peuvent nous éclairer un peu. »


Le petit convoie se mit en marche et passa les portes de l’énorme corps de garde.


Au début du voyage, Johann et le capitaine discutaient un peu de la récente recrue d’activité des gobelins dans le Pays Perdu, mais la puissance du vent les découragea bientôt de poursuivre un dialogue sans crier pour se faire entendre. Au bout d’une heure de voyage, plus personne ne parlait, chacun se contentant de se protéger de la tempête et du froid mordant qui s’était installé depuis la tombée de la nuit. La pluie ne faiblissait pas et fouettait la moindre parcelle de peau découverte. Bientôt, les chevaux montrèrent des signes de faiblesse, leurs pattes ruisselantes tremblaient sous la pluie glaciale.


Karl ne voyait plus la route sous lui, il ne voyait plus rien en dehors de la lampe-tempête accrochée à la charrette à côté de son père. Il était trempé jusqu’aux os et tremblait de tous ses membres. Une forte envie de dormir s’empara alors de lui et il se laissa sombrer dans le doux réconfort du sommeil.


Karl rêve…Ce soir là, l’air est chaud et sec dans la cité, un vent fort souffle du désert tout proche, recouvrant toute chose d'une fine couche de sable. Karl marche sur une allée pavée de pierre lisse aux teintes chaudes. La nuit tombe, il est seul. Devant lui, se dresse un temple majestueux, soutenu de hautes colonnes gravées de glyphes sacrés. Karl les connaît par cœur. Les portes d’ébène et d’ivoire richement sculptées sont gardées par deux imposantes statues, de grands guerriers à têtes de chacals, armés de grandes lames courbes aux reflets dorés, menaçants et inoffensifs protecteurs de la demeure des dieux…Karl se dirige vers le temple, il tient dans ses mains un long sceptre noir, tel un serpent dressé, prêt à l'attaque. Karl se rapproche des portes. Le temple devient flou, sa vue s’obscurcit…


Un cri de terreur réveille Karl en sursaut. Il s’agite mais la main de son père le retient et l’empêche de tomber de la charrette, Karl se tourne vers son père, son visage exprime la crainte et la peur. Le jeune homme lui murmure dans un souffle :« Q’est ce que c’était ? »


« Je ne sais pas, Karl…Reste là, surtout ne bouge pas… »


La charrette était arrêtée. Karl s’aperçut alors que la pluie ne tombait plus, la tempête avait passée. Pourtant, au loin, des lueurs soudaines indiquaient la violence des orages. Ils étaient comme dans une sorte de bulle, où le temps n’avait plus court. La perception des choses lui semblait plus nette, Karl pouvaient maintenant entendre des cris étouffés, le souffle des chevaux, les battements de son cœur et au loin, dans le lointain, des voix dures, cassantes, dont l’accent agressait ses oreilles.


Karl ne voyait plus les cavaliers, ils étaient partis…


« Où est Schlimpffen, papa ? »


« Il est parti voir ce qu’il se passe, là-bas…Il devrait bientôt revenir. »


Quelques instants plus tard, un des cavaliers revint au galop.


« Des pirates, mon sergent. Des corsaires elfes ! Ils sont près de la plage, Schlimpffen croît qu’il vont attaqué le village. Un de nos cavaliers y est parti, mais il devrait déjà être de retour, on doit déjà se battre là-bas… »


Le cœur de Karl s’arrêta de battre pendant une seconde. La vision de son foyer brûlé, sa famille tuée…Le jeune homme se retint au bord de la charrette de peur de s’évanouir, il se tourna vers son père. Johann était resté de marbre, comme si la nouvelle ne l’avait pas heurté, mais on fond de ses yeux, Karl pouvait lire une détresse et une rage qu’aucun homme ne pourrait arrêtait. Son père prit la parole.


« Rappelle le capitaine, soldat. Dis lui de foncer au village, je viens avec vous. Quant à toi, Karl, tu vas me promettre de rester ici jusqu’à ce que…jusqu’à ce que je revienne…d’accord ? …Si nous ne revenons pas, prends un des chevaux, Gaer est le meilleur, et fonce vers Marienburg pour avertir l’armée. Demande à parler au capitaine Vannerhand, et dis bien que tu viens de ma part. D’accord ? Tu as compris Karl? Allez, soit fort, mon fils ! » Karl sentait ses jambes trembloter, il acquiesça de la tête, tentant d’assimiler toutes les choses que lui disait son père, il n’arrivait pas à parler, sa gorge était nouée. Son père prit le cheval de rechange de la charrette et partit avec le cavalier plus en amont sur la route, ils contournèrent l’épaulement d’une colline et Karl les perdit de vue dans l’obscurité.


Peu après, Karl vit des flammes s’élever de derrière une colline, c’était le village, des cris de douleur et de peur retentirent…Le jeune homme n’arrivait pas à se concentrer sur autre chose que sur les cris. Il n’y tint plus. Il prit les rênes de la charrette et se mit en marche vers le village, il allait sauver les habitants des griffes des pirates…


Peu à peu, le chariot prit de la vitesse, Karl ne voyait pas la route, mais il connaissait ses courbures par cœur et il arriva bientôt à l’entrée du village. Un groupe de guerriers aux armures noires et portant d’étranges capes se tenaient à une dizaine de mètres de lui, Karl fouetta les chevaux et chargea dans le tas. Les elfes tentèrent de s’écarter, mais ils se génèrent entre-eux: une demi-douzaine de corsaires furent piétinés et renversés. Les chevaux hennirent de peur, la charrette continua sa folle avancée. Karl ne voyait plus que des formes mouvantes tuant et se faisant tuées, les flammes des maisons jetant sur ce sinistre spectacle une lumière infernale. Soudain, un chevalier sur un étrange monstre reptilien, entra dans le champ de vision de Karl, les chevaux prirent peur et se cabrèrent, le cavalier tenta de s’arrêter mais il ne pu éviter le choc, il fut renversé. Les chevaux s’écroulèrent et Karl tomba de la charrette face contre terre. Quelques secondes plus tard, une gantelet de métal le saisit par la nuque et le releva. Le chevalier lui faisait face et éleva Karl au dessus de lui, le tenant à la gorge d’une seule main. . Karl ouvrit les yeux et son regard plongea dans celui de l'elfe, dont les yeux semblaient flamboyer à la lueur des flammes. Le jeune homme comprit alors deux choses, d'abord que l'être qui se trouvait en face de lui tuait pour le plaisir d'ôter la vie et ensuite que c'était de ses mains qu'il allait mourir. L’elfe s’adressa à lui dans la langue de l’Empire.


« Insensé ! Comment as tu osé t’en prendre à moi? Comment as tu pu ? » Karl essaya de s’échapper, mais l’elfe le tenait d’une poigne effroyable. Il ricana. Le ton de sa voix fit frissonner le jeune homme.


« Oh non, ne t’en fais pas mortel, tu ne vas pas mourir aujourd’hui, tu vas venir avec nous et je m’arrangerai pour que ta mort soit la plus lente possible. Jusqu’à ce que tu me supplie de mettre fin à ta pitoyable existence. Alors tu connai… »


Le chevalier interrompit sa phrase et repoussa Karl à terre, l’elfe sorti sa lame effilée en un éclair et contra juste à temps une attaque dirigeait contre lui par un soldat. Tout en tentant de parer la riposte du chevalier, l’homme cria à Karl.


« Fuis, Karl ! Le village est perdu ! Va à Marienburg ! Alerte l’armée ! Ton père et ta famille ont été capturés ! Fuis tant que tu le peux! »


Une série d’attaques vicieuses forcèrent l’homme à s’éloigner de Karl.


Le jeune homme perdit de vue le soldat et le chevalier et commenca à courir vers la forêt bordant le village, dans l’espoir d’échapper à l’attention des corsaires.


Alors qu'il passait sous l'ombre des premières branches, un carreau vint se ficher dans le tronc d'un arbre, juste à côté de Karl. Le garçon s'enfonçait dans les bois, courrant et trébuchant dans l'obscurité totale des sous-bois.


..........................


Le chevalier décapita le soldat, puis porta son regard vers le garçon.


"Il se dirige vers la forêt...stupide mortel...Toi, vite ton arbalète!" L'elfe s'était tourné vers un des pirates, le guerrier lui tendit l'arbalète. Le chevalier la prit et visa le jeune garçon; l'elfe retint son souffle et pressa la détente, le carreau parti mais le tir sembla dévier au dernier moment.


Le chevalier poussa un cri de rage et se tourna vers le guerrier à ses côtés: "Raaahh! Lancez les ombres à ses trousses! Je le veux vivant! Il ne dois pas s'échapper!"


"Que fait-on des autres prisonniers, Monseigneur?"


"Laissez en échapper un sur vingt, des blessées et des enfants...J'ai mes ordres. Emmenez les autres au navire, tuez les autres infirmes inutiles...


Karl avançait aussi vite que le lui permettait ses jambes et le terrain. Des racines noueuses et des ronces surgissaient à l’improviste sous ses pieds, le faisant trébucher souvent. Ses membres étaient douloureux, il était à bout de souffle, mais poussé par la peur d’être rattrapé et de mourir, il avançait toujours, jusqu’à ce qu’il tomba et que son corps refusa de se relever… Le jeune homme, épuisé, risqua un coup d’œil en arrière. L’obscurité était totale. Karl tenta de calmer son pouls résonnant dans ses oreilles et écouta. Il n’y avait pas un bruit, pas un frôlement, pas une branche ne craquait, pas une feuille ne bruissait…A ce moment, la lumière pale d’une demi-lune perça l’épais manteau de feuillage et Karl distingua alors des formes plus sombres à quelques distances qui se mouvaient avec rapidité et discrétion. Une vague de panique l’envahit. Il était découvert ! Ils l’avaient suivi! Karl se sentit comme paralysé, il voulait bouger, mais son corps semblait refuser l'effort.


A cet instant, Le jeune homme entendit une voix s’adresser à lui :


« Court Karl, vers la gauche, allez petit, court ! »


Karl obéit, se sentant envahie d’une énergie nouvelle. Les ombres derrière lui accélérèrent leur course. La voix continua de le guider:


« Bien, à droite maintenant. Oui... attention ! La branche ! Baisse toi ! Le jeune homme n'y voyait rien, son corps le faisait souffrir atrocement, mais il ne s'en souciait pas, autour de lui, il entendait des bruits de course, le sifflement de carreaux qui passaient au-dessus de sa tête et allaient se ficher dans les troncs des serrés de la forêt.


Attention, saute maintenant, vas y ! »


Karl sauta, il ne sentit pas le sol sous ses pieds mais son corps s’enfonça dans quelque chose de glacial. De l’eau ! il était dans une mare qui s’était formée dans une petite dépression.


« Avance à gauche, Karl ! A gauche ! …Stop ! Ne bouge plus ! Ton souffle ! Vite, sous l’eau !»


Karl n’hésita pas. Il ne savait pas d’où venait cette voix, mais quelque chose en elle, peut-être son ton ferme et serein, comme celle d’un vieux professeur à son élève, l’avait poussé à la suivre. Le jeune homme essaya de retenir sa respiration le plus longtemps possible.


Au dessus de lui, les ombres passèrent mais ne le virent pas, l’une d’elle s’approcha de la mare, puis enfin, s’éloigna …


« C’est bon, tu peux sortir de l’eau maintenant…Avance, la rive est tout droit. Il y a une branche pour te hisser. »


Karl ne pensait plus, il n’était plus que le jouet de la voix, mais il en valait bien mieux ainsi, car elle l’empêchait de céder à la panique. Le jeune homme se hissa sur la berge, il s’allongea dans l’herbe molle et, insouciant des dangers qui l’environnaient, sombra dans un sommeil profond, mais serein, permettant à son corps meurtri et à son âme troublée de récupérer.


Quand Karl ouvrit les yeux, un plafond de poutres de bois lui fit face. Le jour semblait levé et une lumière claire et fraîche baignait son visage ensommeillé. Karl s’attendit à entendre le son des cris de sa sœur au rez-de-chaussée, puis la voix de sa mère l’appelant pour le petit déjeuner, le son de ses pas dans l’escalier de bois…Mais le jeune homme jeta un coup d’œil autour de lui, une vague de désespoir l’emplit alors, tandis que les événements de la nuit passée lui revenaient en mémoire avec une horrible précision. Pendant un moment, Karl pleura en silence, maudissant le destin qui était le sien. Une envie d’oublier, de se délester de sa peine s’emparant de lui. Le jeune homme se souvint alors des paroles de son père. « Soit fort, mon fils… » Il fallait qu’il soit fort, qu’il cesse de pleurer, mais Karl ne pouvait pas, il n’y arrivait pas…La voix revint alors en lui et l’apaisa.


« Dors et oublies, Karl…Ne pense plus, tu es en sécurité…Dors jusqu’à mon retour…et oublies tes sombres pensées… »


Karl senti sa peine s’estomper. Il ferma les yeux et le sommeil l’envahit de nouveau. Il se laissa porté alors par le lent cours d’un fleuve de songes, se noyant doucement dans ses rêves bienheureux…


……………..


Karl avance vers le temple. Au dedans, il sait que la mort l’attend peut-être. Hekemre l’a prévenu, le temple est bien gardé. Karl n’est plus qu’à une quinzaine de mètre des portes.


Soudain, les statues de pierre bougent, quittent leur socle et viennent se placer entre lui et les portes. Karl brandit le sceptre, les statues semblent hésiter…Le temple, à nouveau, devient flou.


« Karl, revient à moi, quitte tes songes, laisse les, revient à moi…Je suis revenu…»


Karl ouvrit les yeux, il sentait encore le vent chaud du désert sur sa figure une seconde auparavant. Le passage brusque du rêve à la réalité le déstabilisa, il resta quelques secondes à réfléchir, tentant de mettre de l’ordre dans son esprit. Enfin, il regarda à sa gauche, un mur de bois avec une fenêtre, puis à sa droite, un tabouret avec une tasse fumante posée dessus, plus loin dans la petite chambre, un feu de bois dans une cheminée de pierre grise. Une table en bois brute, deux chaises de même aspect. Puis son regard vint au vieil homme qui se tenait assit aux pieds du lit. La lumière du Soleil de la fin de matinée tombait sur son visage et le faisait ressortir sur le reste de la pièce, plus sombre. La première chose que Karl remarqua fut son regard. Les yeux du vieil homme, derrière ses paupières un peu bridées, en disaient plus long sur lui qu’une vie passé en sa compagnie. Ils reflétaient la bienveillance mais aussi la sagesse et le savoir qu’apporte les années. L’homme avait le teint halé et la peau ridée, ses cheveux ,longs et d’un gris de cendres, descendaient en cascade sur ses épaules, il portait une robe gris bleu à laquelle le soleil donnait des reflets argentés. Le col de la robe se dissimulant sous une barbe mi-longue que le vieillard lissait machinalement.


Karl, après avoir examiné le personnage, lui dit enfin :


« Qui êtes-vous ? »


«L’homme sourit, plissant les yeux.


« Je me nomme Ulghuran, bienvenue dans mon humble demeure, Karl de Kerchenstern. »


Si vous voulez que je psotes des passages plus longs ou plus courts...DItes le moi. ; )


Re-salut!


Ce texte est aussi immersif que le précedent, on s'imagine bien l'ambiance médiévale de la Grande ville et la tension ambiante de la poursuite, mais bizarrement, tu ne dis pas grand-chose du personnage principal (en tout cas je n'en ai pas souvenir). Quid de son âge, sa taille, son physique...


Il y a un peu plus de fautes d'orthographe que dans ton autre texte, mais rien de dramamtique.


Ce qui me gêne plus, c'est l'invraisemblance de certaines situations. Comment un mercenaire professionnel peut-il confondre un prince et un paysan? Comment se fait-il qu'un de ses ennemis le croise dans sa tanière et ai l'impulsion de se débarasser de lui? Comment se fait-il que ce sauveur providentiel se trouve être un ami du père du héros? Et enfin, comment se fait-il que les pirates attaquent pile le jour où le héros est de sortie?


Tu me diras, ce genre de coïncidence est monnaie courante dans les histoires fantastiques, mais là, il y en a un peu trop, on arrive pas vraiment à y croire. Il faudrait délayer un peu, ou alors faire en sorte que tous ces éléments se placent logiquement les uns par rapport aux autres. Mais je me plains, peut-être est-ce voulu et l'explication viendra-t-elle d'elle même.


Essaye de faire des posts plus courts. Ca encouragera le monde à les lire avec plus d'assuidité (j'ai déja essayé, mais il est vrai, sur le forum plus fréquenté du W40K background.)


A+


Citation :Comment un mercenaire professionnel peut-il confondre un prince et un paysan? Comment se fait-il qu'un de ses ennemis le croise dans sa tanière et ai l'impulsion de se débarasser de lui? Comment se fait-il que ce sauveur providentiel se trouve être un ami du père du héros? Et enfin, comment se fait-il que les pirates attaquent pile le jour où le héros est de sortie?

Pour la première: Qui te dis que c'est un pro. Qui te dit qu'il recherche un prince? Le mot prince içi employé est une expression...Pas un titre. Comme il aurait pu tout aussi bien le traiter de chein galeux, etc...Enfin, je pense. Car en fait, j'en sais rien moi à la fin pourquoi il a décidé de l'appeler Prince... Mais peut-être le sauras tu un jour. ; )


Pour la deuxième: Hasard...Certains pourraient dire que c'est également dû à la chance exceptionnelle de Karl...Qui sait? Peut-être Tzeentch lui-même s'en ait-il mêmé.... : )


Pour la troisième: Hasard...Ca arrive ces choses là.


Pour la quatrième: Parce que c'est un soir de tempête et sans lune. Voilà.


Maintenant, je vais être gentil, je vais poster la suite...(Tu me dira si c'est trop court ou trop long...) J'espère qu'il n'y a pas trop de fautes...


<b>La suite...</b>


CHAPITRE 2


« Je…Cette voix dans ma tête…C’était vous ? »


Le vieillard acquiesça.


« Vous êtes un sorcier ? » demanda Karl, une nuance de crainte dans la voix. Le vieil homme fronça légèrement les sourcils.


« En ce qui me concerne, je n’aime pas trop ce mot… Disons plutôt que je possède certains dons très pratiques. »


Karl s’apprêtait à poser une autre question, une parmi toutes celles qui se bousculaient dans son esprit, mais le vieil homme l’en empêcha comme s'il avait su ce que s’apprêtait à dire le garçon.


« Doucement, jeune homme. Etes vous si pressé de vous tourner vers le passé ? C’est une longue histoire que la cause de votre tragique situation. Pour votre santé, vous ne devez pour l’instant ne pas trop vous agiter et devez d’abord vous remettre un peu, avant d’écouter les graves choses dont je dois vous parler. Mais je vais quand même vous dire cela: Vous vous trouvez actuellement dans ma demeure, qui se situe sur les contreforts des Montagnes Grises, exactement à quarante lieues au Nord-ouest de Marienburg. Vous êtes resté endormi pendant deux nuits, une journée entière ainsi que cette matinée et le Soleil est maintenant près de la midi, enfin le repas est en train de cuire et nous pourrons bientôt passer à table si vous vous en sentez capable. »


Le jeune homme, maintenant tout à fait réveillé, se senti brutalement mort de faim, il se souvint alors que cela faisait plus d’une journée qu’il n’avait pas avalé un vrai repas. Ulghuran lui sourit.


« J’espère que vous aimez les champignons. »


Pendant le déjeuner, Karl resta songeur et ne parla pas beaucoup, le vieil homme non plus ne disait rien, tantôt chantonnant doucement pour lui même, tantôt fixant Karl de ses petits yeux bridés, comme si il essayer de percer le front du jeune homme de son regard, puis il détournait la tête et dirigeait ses pensées sur autres choses. La nourriture était simple mais elle n’en restait pas moins délicieuse et reconstituante.


Après le repas, Ulghuran sortit. Karl soupira, se laissa choir sur le lit et contempla les poutres de bois au-dessus de lui. Le chagrin le plongeait dans un état passif, il n’avait envie de rien, ni de rire, ni de chanter, ni de goûter le reposant silence de la forêt. Il resta longtemps allongé ainsi, laissant les heures s’écouler pendant qu’il ruminait sur ses sombres pensées. Il n’arrivait pas à réfléchir à autre chose qu’aux terribles événements d’il y a deux nuits. Il se sentait responsable de ce qui s’était produit, même si il n’y était pour rien. Pourquoi ? C’était la question qui lui venait à l’esprit. « Pourquoi eux? Pourquoi tant de violence , pourquoi des gens faibles et innocents avaient-ils dû subir ce sort. Mais c’est parce qu’ils étaient faibles justement, se dit-il. Alors une vague de haine et d’incompréhension le submergea, la perception du monde du jeune homme commença à changer, il eut un aperçu de la sombre réalité, un monde impitoyable, sans pitié, où la mort et la souffrance n’épargnaient absolument personne. Le cœur du jeune homme se durcit, les larmes qui lui étaient montées aux yeux au souvenirs de ses parents séchèrent, une sombre détermination l’envahit.


Karl entendit la porte de la cabane s’ouvrir. Le vieil homme entra et vint à côté de Karl. Le jeune homme se redressa et tourna son regard vers lui.


« Je suis prêt à entendre l’histoire, Ulghuran. Je veux savoir pourquoi. »


Le vieil homme regarda longuement le jeune dans les yeux et il reçut un choc. Car ce n’était plus le jeune adolescent effrayé qu’il vit en face de lui, mais un être froid et résolu, le visage voilé d’une ombre de haine. La violence, la mort de ses proches avaient euun effet bien néfaste sur le garçon...Il soupira.


« Oui, je le crois en effet. » approuva le magicien, avant de continuer :


« Bien, alors je pense qu’il serait bon que tu me connaisses un peu mieux, Karl, peut-être mon histoire t'aidera t-elle à te sentir mieux... Je vais essayer de te raconter brièvement comment je suis devenu l’homme qui se tient devant toi. »Le vieil homme s’installa confortablement dans un fauteuil et commença :


« Le pays où j’ai vu le jour… se trouvait très, très loin d’ici. Si tu revenais bien des années en arrière, et que tu partais d’ici même vers le levant, que tu traversais de nombreuses montagnes et un grand désert, tu pourrais peut-être alors l’apercevoir, caché dans les vallées… un pays verdoyant, entre les monts couverts de pin, tu pourrais voir ses merveilles…ses cascades, ses torrents impétueux, ses forêts…Ses habitants l’appelaient Okatan, le jardin des dieux… »Ulghuran ferma les yeux, comme pour mieux se rappeler.


« Dans mon enfance, je vivais dans un petit village de la vallée d’Onashi avec mes parents, un jour mon grand-père m’a emmené dans un grand temple alors que je n’avais que douze ans. Le temple se situait dans la montagne, loin du village, et là-bas il m’a confié à des moines, disant que je devais l’oublier lui et ma famille, qu’autre chose qu’une vie de paysan m’attendait, que mes dons me destinaient à un autre chemin…Bien que je ne le voulus pas, je fus tout de même séparé de ma famille et vécus au monastère. Comme quelques autres jeunes, j’y appris bien des choses sur le monde extérieur, les sages nous enseignant toute la connaissance que nous pouvions acquérir.


Mais plus important que tout, j’y fut instruit dans le Grand Art. Humm…Je pense que c’est ce que tu pourrais appeler de la magie…Oui, c’est ça ! De la magie…


Je grandis, et devins un homme. Ma vie s’écoulait et mon art se perfectionnait. Cependant, une chose m’avais paru étrange au temple, c’est que les sages qui enseignaient ne paraissaient pas vieillir, ils semblaient vieux mais ne mourraient point…


Puis un jour, lors de ma cinquantième année, le chef notre Ordre vint me trouver et m’invita à l’accompagner dans la montagne. Lui devant obéissance, je le suivis.


Il marchait devant moi avec une célérité surprenante chez quelqu’un de son age, et nous nous enfoncions toujours plus loin dans la forêt. Finalement, nous arrivâmes sur un petit plateau déboisé. Au centre, se tenait une pierre noire sculptée comme un piédestal, mais il n’y avait rien dessus. Le Moine Supérieur me dit de m'y tenir debout, et m'expliqua que là, mon âme serait jugée pour savoir si…si ma formation était terminée. Il me dit aussi que je ne pouvais passer cette épreuve qu’une seule fois.


Mon cœur était partagé entre la peur et la joie, ma formation achevée signifiait que je pourrais quitter le temple…Mais si elle ne l’était pas…


Je montais sur le piédestal et alors le monde bascula sous mes pieds… »


Ulghuran regarda vers le feu qui crépitait dans la cheminée…les flammes se reflétant dans ses yeux. Ses sourcils étaient froncés par l’inquiétude pensa Karl.


« Ce qui se passa alors… » continua t-il. « Je ne puis le raconter. Mais je réussis l’épreuve, et fut donc libre dans l’instant de m’en aller…Je fis mes adieux aux moines et je partis vers l’Ouest… Je marchais longtemps, très longtemps. Vivant d’eau et de baies, de poissons, de tout ce que je pouvais trouver…Je traversais des montagnes, des plaines et les bêtes mauvaises s’écartaient de mon chemin, craignant mon courroux ,car mon pouvoir était alors très grand. Finalement, je rencontrais une caravane de marchands d’un pays occidental appelé Tilée. Avec eux je finis la route et nous arrivâmes enfin dans l’Empire, après des mois de voyage… »


Le vieil homme s’arrêta une seconde et jeta un coup d’œil en direction du garçon. Celui-ci écoutait avec attention, mais le voile de haine s’était dissipé. Ulghuran esquissa un sourire.


« L’Empire des hommes est une belle terre à sa manière, bien qu’elle souffre des ravages de la guerre…Je décidais de m’y installer pour un temps : Je construisis cette…magnifique cabane, sur l’endroit qui me plut le plus… Puis au bout de quelques années, je partis. Je voyageais beaucoup et très loin, le plus souvent par bateau à partir de Marienburg…Je restais au loin longtemps…et quand je revins il y a quarante ans, je trouvais la région affaiblie.


« Marienburg est une ville marchande où passe une grande quantité de navires et de caravanes de toutes les races et de toutes les nations, sans soucis aucun autre que le commerce…Là, je ne puis que supposer, mais je crois savoir qu’une créature s’est introduit dans la ville il y a une centaine d’années. En tout cas, depuis quelques temps, quelque chose dans la région mine le pouvoir du Prince Marchand de la cité et la population vit dans la peur, la recrudescence de l’activité des gobelins dans le Pays Perdu, des hommes-bêtes dans la forêt au Sud…Tout cela va provoquer le mécontentement de la population et plonger la région dans le chaos.


Il est possible que cette attaque de pirates elfes ne soit qu’une coïncidence, mais je ne pense pas. Cela ressemble bien plus à un coup de grâce à la capacité du Prince Marchand à maintenir l’ordre dans la région…Quelque chose de très puissant est à l’œuvre Karl, et je pense que le mal se trouve à la source, à Marienburg. Je vais m’y rendre de toute façon, car je dois empêcher cette chose d'accroître son influence, si je le peux. Il est possible que tu ais un rôle à jouer Karl, j’aurais bien besoin d’un jeune serviteur pour s’immiscer dans le palais du Prince Marchand, car c’est là que je commencerai mes recherches…Acceptes tu de m’accompagner ? »


Karl hocha de la tête. Il n’était pas sûr d’avoir bien tout compris à ce que disait le vieux magicien, mais la perspective de ne pas rester seul et de pouvoir occuper sa pensée le décidèrent. « Oui, je suis avec vous. »


« Je n’en attendais pas moins… »


Le magicien le scruta de ses petits yeux et le jeune homme soutint le regard du magicien, Ulghuran ne vit que le désir de vengeance dans les yeux de Karl, mais aussi une profonde détresse. « C’est encore un enfant, pensa t-il, il s’y fera et apprendra à se contrôler…Il n’est pas dangereux… »


« Il y a autre chose dont il faut que je te parle, Karl…reprit-il à voix haute. La nuit où les pirates ont attaqué ton village et que tu t’est échappé par la forêt, je ne t’ai pas repéré grâce à mes…sens normaux comme la vue ou l’odorat, vois-tu…J’ai pu percevoir de chez moi une grande quantité de courants, euh… magiques ? Oui, c’est ça. Ah, décidément, je ne me ferais jamais à ce mot !


De courants magiques donc, qui descendaient vers la forêt… Je la sondais grâce à mes pouvoirs et rapidement, me dirigeant vers le point de rencontre des vents, je te sentis. Tu étais par terre, presque à bout de souffle et en grand danger…Mais plus étrange, un puissant halo t’entourait…Vois tu, mon garçon, je peux « voir » la magie… ».


Karl ne semblait rien comprendre à ce que lui racontait le vieil homme, ou du moins, ce qu’il lui racontait paraissait tellement incroyable qu’il refusait de comprendre.


« Ce que j’essaye de te faire admettre Karl, c’est que la magie est en toi. »


« Qu…Quoi ? »


« Oui, tu m’as bien entendu…J’hésitais à te le révéler, car je ne savais pas comment tu réagirais et si cela ne te ferais pas plus de mal que de bien, mais vu que tu as l’intention de m’aider…Il est préférable que tu saches comment te servir de ta puissance et reconnaître celle des autres. Car tu es puissant Karl, plus que tu ne le pense…Si tu le désires, je t’aiderai à contrôler tes pouvoirs…».


Karl se laissa aller en arrière dans le fauteuil.


« Si je comprends bien, je suis un sorcier moi aussi ? Alors pourquoi je ne vois pas les vents de magie, pourquoi je ne les vois pas tourbillonner autour de vous, ou de moi ? »


« Ah, peut-être n’aurais je pas dû t’en parler avant demain matin, finalement. J’aurais été en forme pour accueillir la vague de questions qui va jaillir de ton esprit…et cela t’aurais permis de dormir un peu cette nuit…Eh bien, on ne naît pas sorcier, Karl. J’aurais bien du mal à t’expliquer certaines choses, mais celle-là plus que d’autres : La puissance de l’individu dépend de beaucoup de choses…et notamment de sa volonté et de sa façon dont il perçoit les choses. Si tu « sais » que les vents existent, si ton esprit réussit à accepter leur existence, alors tu peux les voir. Il ne s’agit pas seulement de vouloir les voir…C’est…C’est dans la tête…Il faut qu’inconsciemment, tu saches qu’ils existent. Humm, oui voilà, c’est comme la différence entre t’apprêter à voir un hippogriffe et t’apprêter à voir une vache. Tu sais qu’une vache, ça existe, même si tu n’en vois pas.


Alors que l’hippogriffe, tu ne sais pas vraiment…Eh bien, si tu arrives à comprendre que les hippogriffes existent même si tu n’en vois pas, alors, tu es un sorcier talentueux ! Tu comprends ? »


Karl pouffa de rire et hocha de la tête. La difficulté qu’avait le vieux magicien à s’exprimer était pathétique…Celui-là continua, imperturbable…


« Quant à voir les capacité magiques des gens, ça, c’est mon don ! …Pffou…mais tes questions m’épuisent…tu n’as pas faim toi ? »


Karl acquiesça. La discussion continua alors qu’ils mangeaient. Le vieux magicien s’efforçait de répondre à toutes les questions du jeune homme et en n’oubliait même son assiette. Mais Ulghuran était de bonne humeur, voir le jeune garçon sourire avait été pour lui une immense joie en même temps qu’une preuve qu’il ne s’était pas trompé en révélant à Karl ses capacités cachées. Ils veillèrent tard le soir, ne s’arrêtant que quand Karl ne put garder les yeux ouverts une minute de plus. Le magicien lui expliqua qu’ils partiraient le lendemain matin pour Marienburg. Cette nouvelle avait ramené Karl à la réalité, après la discussion joyeuse avec le vieil homme. Alors qu’il s’étendait sous ses couvertures, ses pensées se reportèrent vers sa famille, le chagrin le rattrapa et il mit un peu de temps avant de trouver le sommeil. Alors qu’il s’endormait, le visage de l’elfe noir passa devant ses yeux dans un éclair, Karl se promit à lui-même que jamais il n’oublierais sa famille, ni ce visage, jamais il ne cesserais de lutter pour les venger, non jamais…


Tu remarqueras que tu as posté deux fois le même message. Il y en a donc un de trop.


Ca avance, mais je suis toujours un peu sceptique quant à l'enchaînement des passages. Je crois qu'un évènement doit en appeller un autre, et non pas qu'ils doivent se succéder selon le seul hasard, et c'est l'impression que j'ai ici.


Tu devrais peut-être remanier le passage du massacre du village. On a pas l'impression en le lisant qu'il soit vraiment traumatisant (Karl ne voit pas sa famille mourrir...) et pourtant il en est profondément bouleversé, et ce bouleversement est sencé être le moteur de sa détermination. Si le lecteur n'est pas dès le début choqué pour Karl, il ne comprendra pas ses réactions suivantes. D'où problème.


Sinon, c'est bien écrit, les phrases sont bien construites et élégantes.


La suite SVP.


Citation :Tu remarqueras que tu as posté deux fois le même message. Il y en a donc un de trop.

Oups! Méa Culpa! Je corrige.


Pour les autres remarques: je l'ai trouve tout à fait justifié et je vous promet de les corriger. Mais cela prendra un petit peu de temps.


Bon, en attendant: voilà la " bonne" suite:


<b>La suite...</b>


….La nuit s’avançait, le soleil se faisait bas sur l’horizon et les deux Ushabtis projetaient de grandes ombres sur le sol dallé.


Descendant de leur socle, les deux colosses s’avancèrent vers Karl. Celui ci ne bougea pas d’un poil, puis enfin, élevant son sceptre, il s’adressa aux gardiens de pierre dans la langue des prêtres : « Retenez vôtre courroux, avatars d’Ashkept le Gardien, je ne viens pas en profane de la demeure d’Amon. Je sers la Lumière des Rois Immortels de Khemri… »


Mais les deux créatures ne s’arrêtèrent pas, elles continuèrent à avancer vers la frêle silhouette du prêtre.


Karl soupira, comme il le pensait, les gardiens avaient été ensorcelés, ce qui signifiait aussi que le temple était totalement tombé aux mains des forces de Lahmia, il n’avait pas pensé que les prêtres puissent être vaincus en si peu de temps et cela avait été une erreur de ne pas leur prêter assistance plutôt. Le garçon passa sa main au dessus de la tête de serpent du sceptre et entonna une incantation : « Nemeteph-ê-tar Ramanepht-ênesti… »


Au fur et à mesure que les mots passaient ses lèvres, l’air se fit vibrant autour du mage, l’air sembla bientôt onduler comme l’onde mouvante de l’eau. Karl prononça le dernier mot alors que les monstres étaient presque sur lui, et à ce moment, comme pour ponctuer l’incantation, il tendit le sceptre droit devant lui, l’air ondoya comme une vague et alla frapper un des monstres. La créature fut déséquilibrée mais elle parvint à garder ses appuis et répliqua d’un revers de sa longue lame courbe, mais l’attaque vint se briser à quelques centimètres du mage, stoppée par un bouclier invisible. Karl recula pour s’écarter du monstre. Tandis qu’il surveillait l’autre créature qui silencieusement avait commencé une manœuvre pour le prendre à revers, il cherchait à toute vitesse une incantation qui lui permettrait d’immobiliser les gardiens le temps de passer les portes du temple.


Les créatures avançaient toujours, le combat risquait d’être long…Enfin, à force de chercher dans ses souvenirs, Karl retrouva la formule qu’il cherchait. Il concentra toute son attention sur les mots de l’incantation et la prononça correctement du premier coup. Il dirigea le sceptre vers l’Ushabti lui faisant face et la créature s’arrêta net, la lame levée prête à frapper. Mais à ce moment, Karl perçu un danger proche, une lame siffla derrière lui : Le garçon se jeta sur le côté droit entre deux petites obélisques et sentit une vive brûlure au bras gauche. La lame avait percé son bouclier et coupé. Le mage se releva très vite et se mit à courir vers la porte du temple. Le monstre derrière lui tenta de contourner son jumeau mais à ce moment là, ce dernier retrouva l’usage de ses membres et la lame levée s’abattit sur l’autre créature, brisant son corps de pierre. Karl jeta un coup d’œil à son bras, il n’y avait rien de plus qu’une fine coupure. Le jeune mage estima qu’il s’en sortait bien pour un affrontement tel que celui-là. Malheureusement, le plus dur restait à venir.


Il porta ses mains aux lourds battants et poussa les portes du temple….


« Karl, Karl ! Allons, réveilles toi mon garçon, c’est l’heure ! »


Le jeune homme entendit la voix de plus en plus clairement et enfin ouvrit les yeux. Le vieux magicien se tenait au-dessus de lui.


Le ciel était encore sombre et seul une légère pâleur au-dessus de la crête des montagnes indiquait l’imminente venue de l’aube.


« Qu’est ce qui se passe ? » dit Karl d’une voix embrumé.


« Oh, la la, mais tu n’est pas du mâtin toi ! Nous partons à Marienburg, tu te souviens ? »


Karl rassembla ses pensées et hocha de la tête.


Ulghuran sourit.


« Bien, alors maintenant prépares toi vite, nous partons d’ici peu. »


Il se leva et quitta la pièce, laissant le jeune homme seul.


Karl s’étira et chercha sa chemise. Alors qu’il la saisissait, une fine tache rouge attira son regard vers son bras droit. Avec effroi, il y distingua une fine coupure qui allait du coude jusqu’à la moitié de l’avant-bras.


Il se frotta les yeux, les rouvrit, mais la coupure était toujours là. Il repensa à son rêve, à la soirée de la veille… il ne s’était pourtant pas coupé…Etait-il possible ?…Non, il ne pouvait le croire…Et pourtant…


« Par tout les dieux, qu’est ce qui m’arrive ?! » s’exclama t-il. Il finit rapidement de s’habiller et rejoignit le vieux sorcier dans la pièce principale.


L’odeur du bacon grillé lui envahit les narines. Ulghuran était penché au-dessus d’un feu vif et faisait cuire des œufs devant, il se releva à la vue du jeune homme.


« Veux tu les œufs avec ou sans bacon ? Sinon, il y a de la saucisse si tu préfères… » Mais alors que Karl s’approchait de la lumière du feu, seule lumière dans l’ombre bleutée de la pièce, le magicien vit dans les yeux du jeune homme que quelque chose n’allait pas. « Qu’est ce qui ne va pas, mon garçon ? Je peux voir ? » Il désigna sa tête puis celle de Karl, lui faisant comprendre qu’il voulait lire ses pensées.


« Oui, allez-y. Ce. sera plus simple que d’essayer d’expliquer… » Ulghuran ferma les paupières et entra. Il vit le rêve de Karl, ressentit ses peurs, son étonnement au réveil…Enfin, il rouvrit les yeux se remit à sa cuisine. Karl qui s’attendait à une réponse, une question resta debout un moment, attendant un mouvement du magicien.


Celui-ci le remarqua et lui dit : « Installe toi à table, va. Je te parlerai en mangeant… ».


Le jeune garçon s’exécuta mais le ton de voix du vieil homme le troubla, pour la première fois, il dénota une nuance de peur dans la voix du vieil homme.


.................


Karl prit une tranche de bacon à pleine bouchée. Le magicien en face de lui reposa son verre, laissant descendre l’eau fraîche dans sa gorge, puis soupira.


« Bien, bien, à propos de ton rêve Karl, j’ai beaucoup de choses à te demander...Le fais tu depuis longtemps ? »


« Oui » répondit-il, heureux d’aborder enfin le sujet.


«Est ce toujours le même ? »


« Non. »


« Comment ça ? Il y a une progression dans le rêve ? As tu conscience que c’est un rêve quand tu es dedans ? »


« Oui, il y a une progression, je…je sais que je dois atteindre quelque chose dans le temple…Et non, je n’est pas conscience de rêver…Mais qui pourrait l’affirmer ? »


« Eh bien, moi…Mais là n’est pas le question Karl et ce que tu me révèles est proprement effrayant, autant pour moi que pour toi…Ton rêve n’est absolument pas normal. Ce n’est pas le fait que ta nature de sorcier ressorte qui te fait faire ces rêves…C’est autre chose…


Mais quoi ? J’y ais réfléchis un petit peu et je crois peut-être tenir une réponse…Mais si elle s’avère exacte, alors… » Le sorcier baissa la tête, comme soudain fatigué, puis reprit.


« Ton rêve, Karl, est une malédiction. Il est dans tous les cas d’origine magique. Je dirais même de la Magie Noire…Oui, tu as bien entendu : Quelqu’un a créé un lien magique avec toi : Chaque fois que tu dors, ce lien s’ouvre et tes songes se retrouvent exposés, tout comme tes pensées si tu n’y fais pas attention. Tu te retrouve donc piégé dans des songes qui ne sont pas le fruit de ton imagination et qui t’apparaisse bien réels : Tu profites en effet de souvenirs partiels du lanceur et revis vraiment ce qu’il a vécu. Là, apparaît toute la finesse du piège : Si les moments que tu revis incluent la mort du lanceur, ou un événement qui peut s’avérer mortel…Je te laisse deviner ce qui t’arrives… »Karl avait les yeux fixés dans le vide. Il entendait le magicien mais dans sa tête repensait au rêve. Il dit : « Alors, j’ai failli…mourir ? » Ulghuran approuva de la tête.


« Ce sort est une malédiction, en général, les sorciers le lance sur leur cible quand ils sentent qu’ils vont mourir, car ainsi ils condamnent leur ennemi à revivre leur propre trépas et à les suivre ainsi dans la mort…Voir son double transpercer son corps d’une lame, voir son reflet prononcer l’incantation mortelle contre soi…C’est un rêve dont on ne se réveille pas Karl, il faut que tu le saches. Cependant, il y a des moyens d’échapper à se sortilège, des moyens de résister : Non pas de s’empêcher de dormir bien sur, mais il s’agit de se montrer plus fort ou plus malin que la personne dont tu vas vivre la mort. Il s’agit de réussir là où lui a échoué, si il est mort, ou alors de faire aussi bien que lui, si il a réussi à passer une épreuve…Ton combat contre les Ushabtis le prouve. La personne qui t’a lancé le sort est passé par là, encore qu’il puisse s’agir du songe d’un autre, hypothèse vers laquelle je pencherais plus volontiers, elle s’en ait sortie en tout cas puisque le rêve continue…Toi aussi tu as réussi, et donc toi aussi tu continues, vous continueraient donc jusqu’à ce que tu meurs ou que l’autre rencontre son destin…Mais dans ce combat, je ne puis guère t’aider… » Karl regarda le vieux magicien dont la tête était baissée, il paraissait profondément désolé. Enfin, il redressa la tête et regarda par la fenêtre.


« Eh bien, le jour se lève, il est temps de se mettre en route, mon garçon. Au fait, il y a quelque chose aussi qu’il est important que je te dises. Le fait que cette malédiction t’ai échu ne signifie qu’une chose : Tu es un danger, Karl. Le Mal que nous allons pourchasser te connais et te crains. Et cela sûrement pas à tord…Tu as sûrement un grand rôle a jouer dans un avenir proche…Si tu résistes aux attaques, tu deviendra ce qu’Il craint…Tu seras un sorcier puissant, Karl…très puissant… »


Le matin était vraiment le moment de la journée que Karl préférait…Les brumes de l’aube se dissipaient lentement et le Soleil commençait à percer au travers, emplissant les sous-bois d’une lumière claire. L’air était frais sous les arbres mais non froid, une brise légère soufflait entre les troncs et venait caresser le visage des deux voyageurs. Parfois, un écureuil surpris par leur discrétion fuyait juste sous leur pieds. Les oiseaux chantaient ; la forêt ensoleillée se réveillait dans l’insouciance du matin, belle et fugace jeunesse du jour…


Karl marchait derrière Ulghuran et ne cessait de jeter des regards de côté, de s’arrêter pour écouter, regarder ou plutôt contempler, les beautés de ce paysage sylvestre…Après une heure de marche sans difficultés, ils firent une brève halte. Se tournant vers le magicien, Karl lui dit : « Je comprends maintenant pourquoi vous avez choisit cet endroit…Je n’est jamais rien vu d’aussi splendide ! »


Le magicien approuva avec un sourire. « C’est vrai, cet endroit est encore vierge de toute souillure pour l’instant, et cela grâce à moi dans une certaine mesure. Mais il n’y a pas que cela…Connais tu assez l’Histoire des elfes ? »


« Oui,… » Il fit une pause, car ses pensées se tournaient alors vers ses parents.


« Mon père m’en parlait parfois…Il y a deux grandes familles d’elfes. Les elfes de la Mer : les hauts-elfes, vivant loin d’ici, sur une grande île magique. Et il y a les pirates ou elfes noirs, qui viennent d’on ne sait où, par delà les mers… »


« Eh bien, mon garçon, tu as oublié une famille…Connais tu les farouches elfes des bois ? »


Karl, les yeux brillants, hocha négativement de la tête.


« Non, mon père ne m’en a jamais parlé. »


« C’est excusable, et le contraire m’aurais étonné. Peu de gens connaissent leur existence en dehors des sages et de certains nobles seigneurs Brettoniens, qui dans leur sagesse, laissent leurs forêts tranquilles. Ces elfes demeurent dans les bois du Vieux Monde et vivent en symbiose parfaite avec le monde sylvestre. Malheureusement, leur nombre n’est plus aussi grand qu’autrefois, et nombre de forêts ne résonnent plus de leur chants envoûtants…Mais elles gardent cependant la trace de leur passage… »


Ulghuran leva le bras et désigna du doigt une pierre levée couverte de mousse qui se tenait à quelques mètres d’eux.


« Cette pierre est très ancienne, Karl. Un vestige des temps anciens, quand les Asurs étaient jeunes…Prends bien conscience, mon jeune ami, de ta place dans le monde et de l’erreur des hommes. Regardes cette pierre, regardes cette forêt, terre de notre Empire, ils étaient là avant l’avènement de Sigmar lui-même, et seront encore là quand l’humanité disparaîtra. Alors, à toi de juger désormais : Est ce cette pierre qui appartient aux hommes, ou est ce nous qui appartenons à cette terre ? Je te laisse le soin de trouver la réponse… »


Sur ce, le vieil homme se leva et invita Karl à reprendre la route.


Cela faisait presque trois heures qu’ils marchaient et Karl commençait à fatiguer, ses jambes se faisaient lourdes et ses pieds lui faisaient de plus en plus mal. La mousse et le tapis de feuille de la forêt avaient laissé place à une plaine parsemée de bosquets de fougères et de pin, tordus par les vents descendants des montagnes derrière eux.


Le sol était inégal sous ses pieds, dissimulant jusqu’au dernier moment des trous remplis d’eau croupie. Au dessus d’eux, le Soleil s’était caché derrière d’épais nuages et l’air s’était dès lors nettement rafraîchis, rappelant aux voyageurs que l’hiver approchait de plus en plus vite. Entre deux respirations haletantes, Karl dit :


« Ulghuran… »


« Oui, je sais. Moi aussi je suis fatigué. Mais je ne veux pas m’attarder en ces lieux. Il y règne quelque chose de malsain…Je ne sais pas vraiment quoi…Mais je le sens, et cela suffit amplement ! Allons, ne ralentissons pas ! »


Comme pour ponctuer sa phrase, le magicien hâta le pas.


Quatre jours…il leur faudrait quatre jours de voyage pour rejoindre Marienburg ! Karl ne s’était pas rendu compte à quel point les distances se rallongeaient lorsque l’on était pas en charrette et à la pensée des journées de marche qui s’annonçaient, son moral descendait au plus bas.


Ulghuran avait décidé de d’abord rejoindre la côte et l’estuaire et de continuer ainsi leur chemin sûre une route plus sur que celles hasardeuses qui serpentaient sur les plaines désolées aux pieds des montagnes grises. D’après les dires du vieux mage, les campagnes étaient maintenant plus le domaine des gobelins que celui des hommes. Le Prince-Marchand ne semblait pas s’en préoccuper et l’armée, dans l’absence d’ordre et face aux raids de plus en plus fréquents, ne pouvait réaliser d’actions conséquentes…


Lors du deuxième jour de voyage, les deux voyageurs atteignirent enfin l’estuaire, ils commencèrent leur marche vers le Sud le long de la côte et finrent par arriver dans un petit village, ou du moins ce qui en restait. La plupart des habitants semblaient s’être enfuis mais les autres jonchaient les rues de leur cadavres. Les cabanes de pécheurs avaient été brûlées; partout où se posait le regard, l’on pouvait voir la souillure des peaux-vertes…


« Par tous les Dieux ! l’état de ce village est sûrement l’œuvre des gobelins ou des orcs…J’ai bien peur que la côte ne soit plus sûre…Le Mal est partout désormais… »


La nature mystérieuse de Karl commence à prendre de l'importance et on compreend que ses rêves ne sont pas naturels. C'est bien, ça donne envie d'en savoir plus.


Par contre, n'essaye pas de trop te disperser en faisant intervenir trop de monde: mercenaires, mage, impériaux, elfes noirs, khemri, elfes sylvains, orcs...


Ca fait beaucoup! Mieux vaut se concentrer sur un ennemi constant et omniprésent que morceler en donnant l'impression qu'une fois que l'on s'est un peu éloigné d'un ennemi il n'est plus qu'un danger négligeable.


A quand la suite?


Citation :Mieux vaut se concentrer sur un ennemi constant et omniprésent

Ne t'inquiète pas pour ça...




Citation :A quand la suite?

Maintenant.


<b>La suite...</b>


Il s’assit sur ce qui autrefois avait du être un puit de cheminée. Karl resta debout, les yeux captivés par l’horreur de la scène.


Il était pétrifié. « Mais pourquoi ? Pourquoi ont-ils fait ça, Ulghuran !? »


Le magicien tourna vers son jeune suivant un regard attristé :


« Une raison ? Mais ils n’en ont pas, mon garçon : Calmer la meute, se faire plaisir, qui sait ?…Le monde est ainsi fait. Toute création est vouée à la destruction : Qu’elle soit lente ou rapide, elle est inéluctable comme semble nous le rappeler l’ombre du Nord. Illusion ou proche avenir ? La menace de destruction est partout présente… » Il fit un mouvement circulaire du bras, désignant les ruines fumantes qui les entouraient et reprit :


« Or, saches que c’est aux hommes de déterminer leur destin. Tous les fous qui croient que le futur est déjà écrit se trompent. Ne l’oublies jamais Karl : L’avenir n’est que les conséquences du présent. Tu vies dans le présent : Tu prépares le futur…


Ces ruines sont passagères. L’homme reviendra et un autre village s’installera. D’autres rires, d’autres pleurs résonneront sur cette terre…Du moins, si nous leur offrons la chance d’exister un jour. »


Karl écoutait avec attention le vieil homme. Jamais alors il n’avait entendu quelqu’un parler ainsi. Le monde qui les entourait, l’herbe brune sous leur pieds, tout cela semblait bien éloigné du sorcier, comme si il semblait étranger à ce monde où ils vivaient…Un pèlerin, c’est un pèlerin se dit-il. Comme un voyageur de passage.


Karl et Ulghuran avaient quitté le village depuis une petite heure, ils marchaient maintenant sur une route dallée bien entretenue. Après avoir reconnu le village, le garçon s’était aperçu qu’il n’y avait pas d’autres bourgades avant encore environ quinze lieues.


Il était inquiet, d’ailleurs le magicien aussi. Il n’avait apparemment pas prévu la destruction du village de pêcheurs et s’interrogeait maintenant sur la conduite à suivre. La nourriture et la possibilité de sécher leur vêtement près d’un feu leur avait échappé, et si cela continuait ainsi il fallait craindre le risque de se trouver malades au beau milieu de nul part. Cette pensée n’avait rien pour lui plaire et son moral était toujours au plus bas.


La nuit commençait à tomber dans le ciel nuageux. Sur leur gauche, l’obscurité se faisait de plus en plus grande et la luminosité se réduisit bientôt à un pâle demi-jour gris et morose.


Le vent, suivant l’estuaire du fleuve soufflait contre-eux et les gênait dans leur marche.


Brusquement, le magicien s’arrêta devant Karl. Mais avant que le garçon ne puisse lui demander pourquoi, il dit : « Des hommes approchent. Rapidement. Ils viennent par là. »


« Je ne vois rien, par où viennent ils ? »


« De là-bas. » Le sorcier désigna la route derrière eux.


Le jeune garçon comprit que le magicien devait user de l’un de ses pouvoirs et cessa de scruter l’horizon.


« Sont-ils dangereux ? Sont-ils nombreux ? » dit-il.


La réponse d’Ulghuran se fit un peu attendre. Il dit enfin :


« Non, ce sont des soldats de la ville. Une patrouille sûrement. Nous allons les attendre ici. »


Le vieil homme s’assit sur le bord de la route et s’adressa à Karl.


« Ne connais tu personne dans l’armée grâce aux relations de ton père ? »


« Vous connaissiez mon père ? » s’exclama t-il.


« Un peu, du moins suffisamment pour savoir qu’il était dans l’armée. »


« Ah. Euh, et bien, oui. Mon père m’avait demandé d’aller trouver un certain capitaine. Le capitaine Vannerhand, je crois …oui c’est ça. »


« Bien, alors tu pourras leur en parler, mais uniquement quand je te le dirai. Ton histoire et le danger que je pressens sont déjà durs à avaler pour un soldat, surtout de la bouche d’un vieux fou et d’un gamin rêveur rencontrés sur la route…Aussi tu me laisseras d’abord les mettre en confiance, compris ? »


Karl hocha de la tête en signe d’accord.


« Très bien, maître. »


Ulghuran tressauta.


Hein ? Maître ? Il l’avait appelé maître. Leurs regards se croisèrent. Oh, après tout pourquoi pas, au moins cela lui donnera un repère. Il sera quelqu’un par rapport à un autre: Très important cela, pensa t-il.


Lentement, le galop des chevaux se fit plus proche et de l’ombre, maintenant présente comme un voile épais cachant toute chose aux regard, surgirent une douzaine de cavaliers.


Ulghuran se leva et leur fit signe lorsqu’ils furent à quelques pas d’eux.


Le cavalier de tête leva le bras, intimant aux autres de s’arrêter. L’homme qui avait levé le bras, sûrement le capitaine se dit Karl, descendit de son cheval et approcha du magicien.


Alors qu’il avançait, Karl discerna mieux sa tenue et son allure. Il portait une cape brune de voyage avec une capuche laissant ses traits dans l’ombre. Sous le manteau, Karl pouvait voir une sorte de chemise qu’il supposait en lin et cousus dessus, la livrée de Marienburg. Comme armes, le cavalier portait sur lui une épée assez longue mais dont la poignée était en une seule pièce ne laissant la place qu’à une main. Karl déduisit de cela que seul un homme très fort pouvait brandir cette épée et que les dégâts qu’elle devait infliger devaient être énorme. Cependant, l’épée s’accordait très bien avec l’homme. Il était grand, large d’épaule et arborait une courte barbe, coupée selon la mode militaire.


La voix du capitaine rompit le silence.


« Que faites vous ici vieil homme, avec cet enfant ? Les seuls êtres que nous ayons croisés pour l’instant étaient des orcs et des bandits. Vous n’êtes pas des orcs et vous ne ressemblez pas à des bandits. Alors qui êtes vous voyageurs ? Nommez vous ! »


« Je me nomme Ulghran, et voici Karl Baker. Nous fuyons ces régions et nous rendons à Marienburg, pour y chercher sécurité. » dit le vieux magicien.


Le capitaine ôta sa capuche et jeta vers Karl un coup d’œil suspicieux. Puis il se tourna vers ses hommes et donna un ordre :


« Lieutenant, faites dessellez les chevaux, nous camperons ici ! »


Une réponse affirmative vint de l’un des cavaliers et ces derniers commencèrent à s’activer dans l’établissement du camp.


Le capitaine se retourna vers les deux voyageurs.


« Quand à vous, vous restez ici pour cette nuit, j’ai quelques questions à vous poser… »


L’homme s’éloigna un petit peu. Ulghuran se tourna alors vers Karl, un demi-sourire aux lèvres.


« Eh bien, cela s’annonce pas si mal, non ? Un feu de camp, de la nourriture et de la compagnie. Que demander de plus ? »


Le crépuscule provoquait toujours chez lui une profonde mélancolie, et dans ce moment là, il n’avait envie de rien. L’ennui et la tristesse le plongeant dans un état passif. Le garçon pensa aux autres enfants de son âge qui devaient vivre au même moment quelque part dans le monde. Il n’y avait pas à dire, il devait vraiment être le seul à être la proie de tant de sentiments contradictoires. La peur, la colère, la tristesse, la joie…Ils ne pouvaient les éprouver tous en même temps ! Non en effet, d’ailleurs, en se mêlant dans son esprit, ils semblaient s’annuler et ne laisser en lui qu’un vide étrange, une sorte de torpeur inquiétante.


Il sentit la présence d’une personne à côté de lui. Tournant la tête, il vit un garde qui lui tendait une miche de pain et une tranche de lard fumé.


L’homme ne parut pas choqué par l’expression du visage de Karl. Il avait vu tellement d’enfants terrorisés ou rendus muets par des choses qu’ils n’auraient pas du vivre, qu’il avait prit l’habitude de ne pas les prendre en affection sans quoi, exercer son métier serait rapidement devenu impossible . Aussi, s’adressa t-il normalement au jeune homme, mais sans hausser la voix pour ne pas le heurter.


« C’est pour toi mon garçon. La soupe chaude est sous la tente et le vieil homme veut t’y voir.»


Le soldat tourna les talons et retourna à ses propres affaires.


Karl, dans un suprême effort de volonté, se leva. Il pénétra sous la tente où se tenait Ulghuran et le capitaine des soldats.


« Le capitaine voudrait nous parler, Karl, approche. »


Le jeune homme passa à côté de la couche des blessés et s’assit près du sorcier dont le visage n’était éclairé que par une petite chandelle, collée à une caisse par un peu de cire.


Le reste de la tente était dans la pénombre. Karl, de l’ombre de son capuchon, regarda le soldat avec défiance.


Le capitaine s’adressa à eux. Son ton de voix était moins abrupt que lors de leur rencontre, mais il gardait tout de même cette fermeté propre aux hommes de décision, auxquels le temps est précieux.


« Bien, maintenant que nous sommes seuls, j’aimerais en savoir plus sur vous deux. Vous êtes de bien étranges gens. J’ignore pourquoi, mais je ne pense pas que vous soyez de simples voyageurs. Ainsi, même si vous préfériez garder devant mes hommes certaines choses sous silence, je vous demande maintenant de me dire quels sont vos vrais desseins. Je ne puis vous laisser partir sans me révéler cela. La campagne n’est plus que le théâtre de pillages et de combats, marchent maintenant sur nos terres des dangers déguisés, des périls terribles et cachés…Comment croire en ces temps si sombres que deux individus, sans armes, se promènent simplement sur la grand route pour se rendre à la ville ? Vous n’êtes pas les survivants d’une quelconque attaque. Vos bagages ne sont pas ceux d’exilés.


Alors qui êtes vous ? »


Ulghuran écouta le capitaine avec attention, puis lui répondit aimablement.


« Vous parlez sagement, Capitaine. Et vos sens ne vous ont pas trompés. Mais avant de vous répondre-vous me pardonnerez sûrement mon impolitesse sous peu, j’aimerais que vous me disiez quelle autorité commande à Marienburg et laquelle servez vous ? Enfin, j’apprécierais grandement connaître votre nom.»


Alors qu’il parlait, le capitaine parut d’abord s’offusquer d’une telle réponse mais finalement ne dit rien, se contentant de jeter au magicien un regard à la fois soupçonneux et courroucé. Mais ses yeux finirent par s’abaisser pour contempler le sol et il soupira.


« Officiellement, le Prince-Marchand dirige toujours la cité…Mais en pratique, il en est bien autrement. Personne n’a vu le Prince-Marchand dans la cité depuis un mois, on le dit malade et il passerait ces journées dans sa chambre, à ce que l’on dit. Pendant ce temps, le vrai chef de la ville est le général Herschelln, au début, il relayait les ordres du Prince-Marchand et tout allait bien. Mais depuis quelques temps, il n’en fait qu’à sa guise, délaissant les problèmes du moment, volant toujours plus d’or par des impôts insensés et supprimant les notables qui protestent. Il passe maintenant son temps au palais , se souciant plus du choix de la jouvencelle qu’il s’approprie pour la soirée plutôt que de la situation extérieure. Maintenant, la population gronde dans les rues, les vols et les meurtres n’ont jamais été aussi nombreux. Nous ne recevons plus d’ordres depuis une semaine, certains capitaines ont laissé tomber, mais d’autres comme moi patrouillent toujours, tentant de limiter les dégâts causés par la guerre qui a subitement assailli nos frontières, ou alors tentant de restaurer l’ordre dans la cité. Les hommes nous sont fidèles, mais dans sa folie, Herschelln a placé un peu partout des espions, pouvant être aussi bien des vieillard, des femmes, ou des hommes pour prévenir une quelconque révolte de la part de l’armée régulière ou de groupes de protestants. Il a aussi engagé des milices entièrement dévouées à ses ordres qui ont pour ordre de trouver et tuer tous les sorciers se trouvant dans la régions. C’est cela qui m’a le plus intrigué…Enfin, je vais vous dire mon nom, car je ne pense pas que vous soyez des espions. Je suis le capitaine Vannerhand, commandant de la deuxième compagnie de chasseurs de Marienburg. »


Karl redressa la tête et s’écria:


« C’est vous ! »


Citation :je trouve ce texte assez bien mais je connais la suite.warzazatt tu peux nous mettre ce qui etait sur warhammer forum

Non, désolé. Si tu connais l'histoire, la suite la plus récente a été postée sur Warfo.


Bon, pour ceux d'ici qui ne connaissent pas Warfo et qui veulent la suite de ce qu'ils ont lu içi:


<b>La suite...</b>


« Je vous demandes pardon, jeune homme ? Que voulez vous dire ? »


Karl jeta un bref coup d’œil à Ulghuran. Celui-ci était immobile, le regard fixe. N’y voyant aucun signe de désapprobation, il continua. Cet homme, son père l’avait connu et le lui avait recommandé : il pouvait tout lui raconter, et c’est ce qu’il fit. Le capitaine écouta l’histoire du jeune homme attentivement, il ne cilla pas lorsque Karl lui narra la destruction du village et la disparition de sa famille. Par contre, les origines d’Ulghuran et son histoire lui firent lever les yeux vers ce dernier. Son regard trahissait une crainte respectueuse mêlée d’étonnement. Le vieux magicien restait de marbre, mais écoutait aussi avec attention. A mesure que le récit avançait, il se détendit un peu. Sûrement avait-il perçu que cela n’eut pu se passer de meilleur façon. Car, maintenant que Vannerhand connaissait le lien qui l’unissait d’une certaine manière à Karl, il les aiderait plus volontiers.


Lorsque Karl eut terminé. Vannerhand regarda les deux voyageurs et sourit.


« La mort de mon ami Johann fut un coup. Mais ainsi, son fils est vivant et de plus, il est entre les mains de l’une des personnes les plus surs et les plus puissantes de la région. C’est une bien bonne nouvelle pour moi. Lorsque nous avons atteint le village, il y a quatre jours, il ne restait que des cendres et des corps brûlés. Nous avons trouvé des survivants qui erraient dans les campagnes et ils m’ont dit que les Baker avaient tous périt. A vrai dire, il aurait pu en être ainsi sans votre aide, Ulghuran…Votre origine me surprend. Je suis un peu instruit dans les anciennes légendes car mon père était un archéologue fou d’écrits anciens provenant de Terra Lustria, il fit de nombreux voyages durant sa vie et conversa parfois avec des elfes. Il avait chez lui des tonnes de morceaux de pierre gravés. Il parlait à qui voulait l’entendre du mythe des Anciens Créateurs, des races qu’ils avaient engendrés. Pour beaucoup, c’était un illuminé, mais je pense maintenant qu’il y a peut-être du vrai dans ce qu’il disait : Un jour, il me relata une histoire : Il y a bien longtemps, les Anciens s’inquiétèrent de voir les elfes se cantonner aux côtes et aux mers. Les hommes loin sur les continents, avaient du mal à survivre. Mécontents de voir certaines de leurs créatures isolées et rester dans l’ignorance, ils créèrent un lieu dans lequel les hommes purs et pouvant manier les vents de magie pourraient trouver la force de défendre le monde qui les entouraient. Ces hommes, des sortes d’élus, se voyaient attribuer un grand savoir et une durée de vie proche de celle des elfes. Cela guidèrent les autres et permirent aux hommes de prospérer dans la lointaine région que l’on nomme maintenant Cathay. Les élus servaient le peuple, délaissant le pouvoir pour la plupart. Mais un jour, il disparurent. Mon père ne me dit la raison de leur disparition. Je n’étais qu’un enfant, et il me cachait à l’époque l’existence des Sombres Puissances du Nord. Peut-être eurent-elles une part à jouer dans cela… Alors, magicien ? Le récit que le jeune Karl me fait de vous me donne à croire que la légende n’est pas entièrement fausse. Mais peut-être suis-je seulement un homme fantaisiste, militaire encore amusé par des contes d’enfants ? Qu’en dites vous ? » Le magicien regardait maintenant le capitaine avec des yeux plissés. Puis, il chercha des yeux un flacon et but une longue gorgée. Rassasié, il la tendit à Vannerhand. Celui-ci refusa poliment d’un geste de la main. Cette réaction imprévue du magicien et son silence commençaient à l’offusquer et le militaire sentit l’impatience monter en lui. Il est vraiment étrange, se dit-il. Mais enfin, Ulghuran parla.


« Je crois que c’est à moi de vous montrer mon étonnement, capitaine. Vous en savez en effet beaucoup plus que la plupart des mortels de l’Empire sur la création du monde…Mais soit. Vous avez en parti vu juste sur mes origines. Mais les Gardiens ne sont pas tous éteints, certains survécurent à l’invasion du Chaos et ils fondèrent dès lors des monastères où notre savoir est encore enseigné selon la volonté des Créateurs »…


Le magicien resta quelques instants sans parler, se remémorant des souvenirs lointains, mais quels étaient ils, cela, personne n’aurait pu le dire.


De son côté, Karl commençait à s’endormir. Enveloppé dans une couverture, il était tassé contre un sac de toile qui lui servait d’oreiller. Vannerhand s’était assis et regardait dans le vide.


Dans le bref silence, tous trois purent écouter les bruits extérieurs. La rumeur des hommes avait disparu, remplacée seulement par le son du bois éclatant dans les flammes et le hululement d’une chouette quelque part dans la nuit noire.


Ulghuran parla de nouveau, faisant entendre une voix maintenant plus inquiète. Comme si un danger oublié avait soudain ressurgit dans son esprit.


« Capitaine. Qu’allez vous faire maintenant ? Vous savez qui nous sommes, vous savez qu’est ce que je dois faire… »


« Vous voulez dire, ce que nous allons faire. » l’interrompit le capitaine. Un sourire se dessinant sur son visage. Le magicien sourit en retour.


« Vous êtes un grand homme, capitaine Vannerhand. J’ai confiance en vous. »


« C’est réciproque, mais appelez moi plutôt Thomas, lorsque nous sommes entre nous. » dit le soldat, avant de reprendre.


« Pour ce soir, je vous propose de vous reposer ici sous la tente. Personne ne vous posera de questions. Je vous réveillerai vers la huitième heure de la nuit, bien avant l’aube pour que vous puissiez partir sans être repérés tout de suite. Vous ne pouvez en effet rester avec nous. Bientôt nous allons croiser une des patrouilles des gens de Herschelln -Thomas fit une grimace-, ce sont des chasseurs de sorciers. Ils auront entendu parler de vous sûrement et ils vous arrêteront ou vous fusilleront peut-être sans attendre. Si vous partez tout à l’heure, vous pourrez les éviter en continuant vers le sud-est. Longez la forêt de Kleinhoff, ils ne chercheront pas par-là. Mes hommes y veillent. Ils connaissent mes ordres et il n’y a pas d’espion là-bas, je peux en jurer. Je vais vous donner un laisser-passer. Il vous permettra d’atteindre Marienburg sans être retardés. Pour entrer dans la ville, je vous conseille de trouver une identité valable… Pèlerins Sigmarites serait un bon choix. Il y en parfois qui errent dans les campagnes et se rendent en ville pour passer l’hiver…Une fois en ville, allez chez moi. Ma femme et ma cousine vous y accueilleront et vous logeront, vous leur donnerez une lettre que je vais écrire. Une fois là-bas, vous serez libre d’agir et d’enquêter à vôtre guise…Je vous fais confiance en ce qui concerne la prudence…Vous pouvez approcher la bougie s’il vous plaît ? Ah, merci. » Le capitaine commençait à s’enquérir d’un parchemin et de sa plume.


« Et vous ? » dit Ulghuran.


« Moi ? Hé bien, vers la septième heure de la nuit, je me réveillerai enfin du sommeil où un vil sorcier m’aura plongé et m’apercevrai de la fuite des deux voyageurs, je sonnerai l’alerte et donnerai à mes hommes l’ordre de rechercher les deux évadés vers le nord-est. Puisque c’est dans cette direction que se trouve le col le plus proche et donc l’accès à la frontière le plus rapide pour deux magiciens en cavale. Je laisserai au camp seulement moi et quelques hommes de confiance, ainsi vous partirez sans encombres et mes ennuis avec le commandement ne devraient rester que minimes. » Le militaire finit d’écrire les deux parchemins et les remis au magicien. Ce dernier dit :


« C’est bien pensé. Vous êtes un chef efficace je pense, et homme de toutes les situations. »


« J’essaye de faire de mon mieux, quelque soit la tâche. »


Ulghuran acquiesça et porta son regard sur la silhouette endormie du jeune homme. Celui-ci était immobile mais sa respiration était constante et aisée. Aucun signe ne montrait que le jeune Karl courrait un grand péril. Le vieux magicien soupira.


« Pauvre garçon. Qui sait quel Mal il affronte en ce moment-même ? Et dire que je ne puis l’aider. Vous voyez, Thomas. Chaque soir, je me demande si ce garçon verra le matin naître le lendemain. »


« Il est pourtant toujours en vie. » dit le capitaine.


« Oui, c’est vrai… Mais jusqu’à quand tiendra t-il ?…J’espère que l’avenir que je vois en lui pourra un jour devenir son présent… »


L’obscurité était maintenant presque totale dans la tente, la bougie faiblissait. Le soldat émit un long bâillement. Il dit ensuite :


« Allons, il est temps maintenant pour nous de dormir aussi. A tout à l’heure. »


Ulghuran sortit de son attention sur le jeune homme. « Oui, vous avez raison. Bonne nuit. »


Thomas sortit, laissant le magicien seul avec la lente et profonde respiration de Karl.


Il pensa aux journées à venir. Vu de l’obscurité envahissante de la nuit, le futur s’annonçait bien sombre pour eux…il reporta son attention sur le dormeur. Ce serait lui la clé de la victoire, il le sentait. Ce jeune garçon orphelin soulèverait un jour des montagnes et apporterait la paix…Mais encore fallait-il qu’il reste en vie.


CHAPITRE 3


…Dans son sommeil, Karl sentit que quelqu’un le secouait, la voix d’Ulghuran ne tarda pas à se faire entendre dans sa tête.


« Allez, Karl. Debout, il est temps de partir. »


Le garçon ouvrit les yeux et s’accorda un moment pour reprendre ses esprits. Il était vivant. Ce fut sa première pensée. Il s’aperçut ensuite qu’il faisait toujours nuit. Les feux semblaient éteints car aucune lueur ne filtrait à l’extérieur. Seul la flamme d’une petite bougie pulsait encore derrière le magicien. Celui-ci prit un sac sur le sol et un bâton puis sortit de la tente.


Karl mit sa cape sur ses épaules, la même qu’il portait lors de son départ pour Marienburg avec son père, et sortit à la suite du vieillard. En passant les pans de toile de la tente, un vent froid lui souffla sur le visage et lui fit rentrer sa tête dans les épaules. L’air glacial acheva de lui ôter tout envie de dormir. A présent tout à fait réveillé, il regarda autour de lui, cherchant le magicien des yeux. Il contourna la tente et la lumière d’une torche l’éblouit. C’était le capitaine des soldats qui discutait à voix basse avec Ulghuran. Il s’approcha d’eux. Lorsque Thomas le vit, il lui sourit et lui fit un signe de tête.


« Bonjour, jeune Karl. Vous allez bien? »


« Bien merci…Nous partons si tôt ? » dit-il en regardant le magicien. Mais ce fut le capitaine qui lui répondit.


« Oui en effet, vous devez partir le plus vite possible. » lui répondit Thomas.


« Merci pour votre aide, capitaine. Nous vous serons longtemps redevables. » dit Ulghuran.


« C’est moi je pense qui vous suis redevable, mage…Je vous souhaite bonne route et bonne chance ! »


« Si les Okaën le veulent, nous nous reverrons…Allons ! Il est temps. Longue est la route devant nous. » dit Ulghuran en se mettant en marche. Karl dit au revoir à Thomas et courut à la suite du vieillard.


Et ils partirent, comme deux ombres discrètes dans la nuit froide. Ils marchèrent près de trois heures dans le noir presque total. Pendant ce temps, Ulghuran, qui ne semblait pas être gêné par l’obscurité, guidait Karl. Il lui montrait le chemin et l’avertissait des imperfections du sol. Ils n’étaient pas allé retrouver la route principale, car elle était selon Thomas beaucoup trop utilisée par les chasseurs de mages pour être sure. Au lieu de cela, ils marchaient sur un terrain composé de vallons prononcés couverts de bois au fond desquels coulaient souvent des ruisseaux paresseux qui allaient rejoindre le Reik plus loin dans le Sud ou se perdaient dans quelques tourbières à l’Est, près de l’estuaire. Le terrain était souvent difficile et ils durent faire plusieurs détours afin de contourner des fossés emplis de ronces ou des marécages incertains. Karl ne tarda pas à avoir les pieds trempés par la rosée naissante et peinait à avancer alors que le sommeil le regagnait insidieusement.


Mais à sa grande joie, l’infatigable magicien décida de faire halte. Ils s’arrêtèrent sur le flanc ouest d’une petite colline. Cependant voyant la lumière croître au dessus d’eux, ils allèrent jusque sur une crête déboisée au sommet, afin de s’orienter et d’observer le paysage alentour.


Arrivés sur le faîte, un Soleil rouge leur fit face tandis que le ciel se paraît de teintes roses, chassant la nuit à l’Est. A leurs pieds, le sol était encore couvert de brumes épaisses, laissant apparaître les collines comme des îlots aux milieu d’une mer grise qui montait ensuite à l’assaut de la masse imposante et sombre des montagnes derrière eux.


Malgré sa fatigue, Karl dévora ce spectacle des yeux. Il s’assit sur une plaque rocheuse et décida pour lui-même de ne plus bouger d’ici jusqu’au soir. Il accepta avec plaisir le morceau de pain que lui tendit le vieillard ainsi que l’outre pleine d’eau fraîche. La mastication et le liquide dans sa gorge lui éclaircir l’esprit.


Ulghuran s’assit près de lui et lui demanda :


« Alors Karl, comment s’est passée cette nuit ? »


Une ombre de douleur sembla tomber brusquement sur le garçon, Ulghuran se plongea dans les pensées tourmentées du garçon. Un long silence s’en suivit. Derrière eux, un oiseau chanta. Le monde se réveillait doucement. Mais Karl s’en fichait. Il ferma les yeux. Pourquoi avait-il fallu qu’il pose cette question…Il n’avait pas envie d’y penser. Se réveiller tôt avait été une bonne chose, il avait pu leurs échapper et les avait oublier dans l’instant où il ouvrait les yeux. Mais peut-être était ce maintenant sous le Soleil qu’il les ouvrait vraiment. La vérité s’illumina : il ne pouvait échapper à ce songe mortel. Les souvenirs de la nuit revinrent au galop dans son esprit et il ne parvint pas à les chasser. Les prêtres morts sur le sol rougie, ces plaintes langoureuses s’élevant du fond du péristyle, comme autant de cris de défis que la créature lançait au jeune prêtre, qu’elle lui lançait.


Que pouvait-il faire hormis marcher à sa rencontre. Le prêtre avançait, mais Karl le retint, agrippa sa pensée. –Non ! Je ne veux pas mourir avec toi ! Tu iras la voir seule.- Karl entendait encore les réponses du prêtre à ses suppliques : -Mais c’est aussi ton destin. Tu n’y peux rien changer. Tu vas marcher avec moi et nous allons mourir, viens.-


Non ! Non ! Je refuse !! criait le garçon en larme. Ce n’est pas mon destin ! Tu es mort depuis longtemps. Tu n’es qu’un rêve ! Jamais je ne te suivrais !- Mais Karl ! La vie est un rêve…que vaut-elle si l’on ne la vit pas ainsi ? Allons, viens. Tu DOIS me suivre.- Karl sentit ses pieds avancer vers le prêtre. Alors, rassemblant toute la volonté qui lui restait, il donna l’ordre à ses membres de s’arrêter. En réponse, une violente douleur le saisit aux jambes. Comme un millier de fines aiguilles qui s’enfonçaient dans ses mollets. Mais Karl tint bon. Alors la douleur remonta petit à petit dans tout son corps. Karl étouffait. Il allait mourir. Non, ce n’est qu’un rêve ! Tu ne vas pas mourir . lui disait une voix. Puis peu à peu, cette voix prenait forme : une femme. D’abord aussi diffuse qu’une brume légère, sa présence se fit de plus en plus sentir. Sa peau transparente se colorait, ses cheveux brillaient, ses yeux se posèrent sur Karl, le prêtre et la salle à colonnes semblèrent s’éloigner. Il connaissait cette femme. Dans un souffle, il l’avait appelé, comme pour s’assurer de sa présence.


« Maman. »


La femme lui sourit. La douleur s’estompa dans les membres de Karl. Ses pieds lui avaient dès lors obéit. Il s’était avancé vers elle, mais elle était parti, et Karl s’était retrouvé seul. Si seul pensait t-il maintenant. Un manque, une plaie se trouvait toujours sur son âme. Et elle venait de se rouvrir cette nuit. Voilà pourquoi il ne voulait pas en parler. Enfin, il entendit la voix d’Ulghuran dans sa tête. Celui-ci était resté silencieux jusqu’alors. Comme assis dans le coin sombre d’une pièce et observant ce qui s’y dérouler. Il avait suivi les souvenirs du songe aussi bien que lui…


« Karl. N’y pense plus. Laisse tout maintenant. J’ai à te parler. »


Mais pouvait-il vraiment se confiait à ce magicien ? Après tout, que savait-il de sa mère ?


« Karl ! Allons, c’est fini. »


Karl ouvrit les yeux. Il était toujours assis sur la pierre, Ulghuran à ses côtés. Ce dernier prit la parole.


« Je suis désolé de t’avoir forcé à te souvenir du rêve de cette nuit. Je ne pensais pas qu’il t’envahirais la pensée à ce point à sa simple mention…Mais je devais savoir comment cela s’était passé…Apparemment, tu t’en est sorti de justesse. Mais tu t’en est sorti quand même, et c’est ça le plus important. C’était très bien joué de ta part que de penser à ta mère. Je pense que c’est un bon moyen pour toi de ne pas perdre pied. »


« Mais je n’est pas fait exprès de penser à elle. » dit Karl.


« En es tu sûr ? » lui répondit le magicien en plissant ses yeux bridés.


« Je…Je ne sais pas. » dit le garçon incertain.


Ulghuran soupira. Puis regarda vers l’Est.


« Allons, le soleil va bientôt grimper. Nous ferions mieux de nous remettre en route. »


Il se leva et commença à chercher le meilleur chemin pour redescendre de la colline. Pensif, Karl se leva et rejoignit le magicien. En quittant le sommet, ils arrivèrent rapidement sous un dôme de hautes branches encore touffues. L’automne dévoilait ici toute sa beauté. Les feuilles rouges et ocres prenaient des teintes dorées sous le Soleil matinal et forçaient l’admiration du voyageur. Ulghuran eu bien voulu rester plus longtemps sous ces frondaisons merveilleuses, mais la nécessité les pressait. Il lui fallait atteindre la ville au plus vite et découvrir quelle était la raison du mal de Karl…


Le capitaine Vannerhand sortit de la tente pour accueillir la patrouille qu’il avait envoyé à la poursuite de deux fuyards fantômes. Il vit approcher le lieutenant Meinlieb, un homme fidèle au commandement et qu’il connaissait depuis ses premières classes dans l’armée. Malheureusement, sa fidélité aveugle tendait bientôt à devenir de la stupidité. Il ne pouvait lui faire entièrement confiance. Lorsque celui-ci ne fut pu qu’à quelques pas, Thomas l'apostropha : « Lieutenant, au rapport ! » Malgré la fatigue, le soldat se mit au garde-à-vous de manière impeccable, le torse bombé et les jambes droites.


« Nous n’avons trouvé nul trace des fugitifs mon capitaine. » Thomas feignit de froncer les sourcils. « Ce n’est certes pas une bonne nouvelle, lieutenant. Mais le contraire m’eut étonné. Il n’est pas aisé de suivre la trace de deux magiciens la nuit…Vous pouvez disposer. Faites passer la consigne de seller les chevaux. Je veux que nous soyons prêts à partir avant que le Soleil ne passe au dessus de la cime des arbres. »


………….


Vers la troisième heure du jour, le groupe de cavaliers cheminait au trot sur la route, conservant la célérité de leur chevaux pour le cas où ils seraient attaqués. En tête de colonne, le capitaine Vannerhand vit s’approcher devant lui un éclaireur monté qu’il avait envoyé dans le Pays Perdu quelques jours auparavant. Celui-ci s’approcha et se mit au garde-à-vous, la lance droite. Tout en faisant signe à la colonne de s’arrêter, Thomas l’appela.


« Alors, soldat ? Quelles nouvelles du Nord-Est ? »


« Mauvaises, mon capitaine. Le capitaine Goghens a été repoussé il y a deux jours de l’autre côté de la rivière Ravens par une attaque de créatures mi-hommes, mi-bêtes. C’était une embuscade. »


« En quel état est son groupe ? »


« Seul un tiers de ses hommes sont encore valides. Un autre tiers est composés de blessés légers mais tous sont fatigués. »


« Comme nous tous…Et de Marienburg ? Avez vous des nouvelles ? » Thomas avait prononcé ces mots avec une teinte d’ironie…Cela faisait longtemps qu’aucun message ne venait de Marienburg. Mais à sa grande surprise, l’éclaireur répondit :


« Oui, mon capitaine… » Le soldat sortit un parchemin portant le sceau des Princes-Marchands, à cette vue, Thomas prit peur mais espérait encore que ce n’était pas pour lui. Malheureusement, les paroles du soldat vinrent confirmer ses craintes.


« Euh, mon capitaine, le message m’a été transmis ce matin il y a quelques heures au poste de garde de Kleinhoff… » Il déroula le parchemin et le lut à haute voix. Thomas resta de marbre, le souffle court. Il vit les sergents et les soldats s’approcher l’air inquiet. Mais il savait que parmi eux, l’un d’eux exultait que son message ait bien été transmis aux ordonnateurs, prévenant ses supérieurs que… « le capitaine Thomas Hinz Vannerhand s’était rendu coupable d’avoir facilité la fuite de deux magiciens potentiels et ne pas s’être dénoncé, d’avoir donné un ordre inutile et insensé à ses hommes et d’œuvrer ainsi contre les autorités Princières du Wasteland. » Le soldat fit une pause avant de continuer : « Pour les raisons sus-décrites, le capitaine Thomas H. Vannerhand est condamné à la peine capitale. Le condamné passera quarante jours dans la prison militaire de Marienburg afin d’y expier ses fautes et d’y implorer le pardon de Sigmar. Une fois cette peine expirée, le condamné sera fusillé par les hommes de son régiment, qu’il a outrageusement abusés… » S’en suivit une long discours sur les détails de la peine de Thomas, sur les privilèges qui seraient ôtés à se descendance si jamais elle entrait dans l’armée, etc. Mais Thomas n’écoutait qu’à moitié. Sa pensée était dès lors occupée par l’avenir de Karl et Ulghuran. Si les ordonnateurs avaient été prévenus à temps, c’est que le traître était parti hier au soir du camp. Peut-être étaient ils déjà capturés alors ? Cette pensée assombrit son esprit. Si ils mourraient, ce serait de sa faute. Son plan avait échoué.


Thomas entendit quelqu’un lui demander de descendre de cheval. C’était le sergent Meinlieb. Il le regarda dans les yeux et n’y lut que le mépris le plus total. Si seulement ce soldat borné savait comme on le trompait…Le capitaine sentit qu’on lui lier les poignets et les chevilles. Son uniforme lui fut ôté. Ses armes confisquées. Il n’était plus qu’un bagnard. Il y a quelques minutes seulement, il était un capitaine respecté et adoré par ses hommes, connu en ville pour être un homme de qualité…Tiens, la ville. Sa famille…qu’allait-il leur arriver ? Allaient-ils devoir le suivre dans la mort ? La justice militaire était intraitable, et celle du tyran qui régnait maintenant était encore pire…Ils les feraient pendre rien que pour divertir ses sombres hommes de main. Cette pensée acheva Thomas et il se laissa conduire par un garde comme un vulgaire bétail.


<b>La suite....</b>


Dans l’ombre fraîche des bois de Kleinhoff, un loup se promenait en quête d’une proie. Il allait avec aisance et discrétion entre les arbres, bondissant silencieux dessus les rocs et les fossés. Comme chaque début d’hiver, il quittait les profondeurs de la forêt pour s’aventurer près des routes des hommes et de leurs champs cultivés ou passaient souvent les animaux sylvestres en quête de nourriture. Peut-être son audace le récompenserait d’un faon ou d’un lièvre imprudents. Le vent du Nord lui arriva sur le museau. La bête s’arrêta net, aux aguets.


Des hommes, il avait senti l’odeur des hommes. Poussé par un instinct ancestral, il poussa un long hurlement, prévenant ses pairs de leur présence. De l’Est, la réponse de la meute lui vint en écho. Le loup s’avança dans la direction des hommes pour mettre une image sur leur odeur. Mais soudain, une trait se ficha dans son poitrail, maculant de sang sa robe grise. Le cœur transpercé, la bête s’effondra sans un bruit.


« Ulghuran ! Vous avez entendu ça ? » dit Karl inquiet.


« Oui, ce sont les loups. »répondit le magicien.


D’autres hurlements se firent entendre. Karl demanda au vieillard : « Qu’ont-ils à hurler de la sorte ? S’appellent t-ils pour se réunir et nous attaquer ? »


« Non, jeune homme. N’entends tu pas leur plainte ? Ils cherchent un des leurs, ils cherchent sa voix, et ne la trouvent pas. Le premier hurlement que nous avons entendu était différent des autres et ne se fait plus entendre…Il est mort. »


« Et qu’est ce que cela veut dire ? » répondit Karl pas rassuré le moins du monde.


« Que nous ne sommes pas seuls dans la forêt. Il faut être sur nos gardes. Quoique ce soit qui ait tué ce loup, c’est un danger auquel nous devons si possible nous soustraire et si il le faut, faire face. »


Les deux voyageurs continuèrent à avancer, mais avec plus de circonspection. Karl regardait la forêt maintenant d’un autre œil. Elle ne lui paraissait plus du tout accueillante et sûre comme la leur avait décrit Thomas. Chaque arbre lui semblait dissimuler un monstre près à bondir et à l’égorger. Chaque renfoncement devenait un repaire de Trolls. Une minute s’était à peine écoulée que Ulghuran s’arrêta.


« Qu’est ce qu’il y a ? »


Mais le vieillard ne lui répondit pas. Au lieu de cela, il le saisit par le bras et l’entraîna en dehors du chemin.


« Surtout ne bouge pas, quoiqu’il arrive ! » fut la seule phrase que Karl put obtenir du magicien. Et alors qu’il terminait sa phrase, le jeune homme entendit d’autres voix assez proches. C’était des hommes, il y avait trois voix différentes. Alors, de derrière un surplomb, surgit un groupe de soldats étrangement vêtus. Si il n’y avait eu la main ferme du vieillard sur son épaule, Karl eu déjà fuit à toutes jambes. Mais étant immobiles, il ne put détacher son regard des guerriers approchant. Leurs tabards étaient noirs et pourpres. Ce n’est pas des Marienburgers, pensa Karl. Les soldats portaient également de lourdes arbalètes et des épées courtes ceignaient leurs flancs. Leurs heaumes à nasal ouvragés enveloppaient complètement leur tête et se prolongeaient par un collier de mailles fines. Il y en a une vingtaine, pensa le jeune homme…Oh ! Tout est perdu ! Ils vont nous voir ! Karl ferma les yeux et se plaqua du mieux qu’il put au sol, à côté du magicien, qui semblait marmonner dans sa barbe. En effet, la troupe avançait rapidement et passa sans s’arrêter devant un Karl terrorisé. Le jeune homme pouvait entendre leur souffle, le cliquetis des mailles, et aussi leur conversation :


« Eh bien, ne m’avais pas tu dis que tu avais vu deux personnes sur la route ? Tu es trop nerveux, Ruth !C’était sûrement encore un loup comme tout à l’heure… »


« Mais je te promets qu’ils étaient là ! Je ne s… » Les voix s’éloignaient déjà. Karl ouvrit les yeux. Ils ne les avaient pas vu ! Quel miracle ! Pensa t-il.


La voix d’Ulghuran résonna dans sa tête : Cela n’a rien avoir avec un miracle, Karl. Mais attends un peu avant de te lever, l’enchantement n’agit que sur une zone précise…


Une fois les gardes hors de portée de voix et de vue, Karl ne put s’empêcher de poser la question qui le hantait : « Qui étaient-ils, Ulghuran ? »


« Ce sont des ordonnateurs, Karl. Les chasseurs de sorciers dont nous a parlé Thomas…Ce sont nos pires ennemis. »


« Et leur livrée, est ce celle de la garde du général Herschelln ? »


« Je suppose que oui…Mais alors, il n’a fait que s’inspirer d’une autre. Et là est mon inquiétude…Car le modèle original ne fut porté que par une seule armée à ma connaissance…il y a 3700 ans de cela…Qu’est ce que cela signifie ? Je l’ignore. Mais nous verrons bien plus tard. Ah ! Il faut vraiment que nous nous hâtions. Allons, viens ! Nous partons ! »


Et les deux voyageurs reprirent leur route. D’après l’estimation d’Ulghuran, Marienburg était encore à une journée de marche…Mais le danger lui était partout et bien plus proche…


Cependant, en dehors du temps menaçant qui s’installa au début de l’après-midi, la suite de la journée se déroula sans problèmes. Ils marchèrent longtemps sous les bois, évitant les plaines découvertes. Quand enfin ils s’arrêtèrent à la nuit tombante dans une petite grotte à flanc de colline, la pluie tombait depuis longtemps. Malgré leurs capes, les deux voyageurs étaient trempés jusqu’aux os. Ulghuran pesta contre l’impossibilité de se passer d’un feu cette nuit, il hésita un moment puis finit par se lever pour aller chercher du bois. Les minutes passèrent, mornes et de plus en plus sombres alors que la nuit tombait. Le magicien tardait. C’est normal, se dit Karl. Avec la pluie, les branches seront humides et les morceaux secs bien rares. Mais lui, il tremblait de froid : Un vent glacial balayait la caverne. Le garçon décida de se lever et d’aller chercher un endroit plus abrité vers l’intérieur.


Lorsque enfin Ulghuran reparut, la nuit était totalement tombée. Bercé par la pluie et la fatigue aidant, le jeune homme s’était assoupi. Le magicien alluma une petite flambée dans un creux du sol. Il sortit ensuite du pain et des racines qu’il avait cueilli avant leur départ dans la forêt de l’Okanitan, comme il aimait à appeler les bois qui entouraient sa cabane. Enfin, de sa petite gibecière, il fit surgir un petit lièvre, prononça une rapide prière et entama la préparation du gibier. Peut-être était ce du à la simple et réconfortante chaleur des flammes ou peut-être à l’odeur alléchante de la viande cuite, mais toujours est il que quand Karl se réveilla et découvrit le magicien assis face à lui, son moral était remonté et sa fatigue avait passée. La simple vue du feu et du lièvre le faisait saliver…Cela faisait des jours qu’il n’avait pas avalé un morceau de viande : Les soldats étaient rationnés et ne leur avaient offert que du lard salé et dure. Karl n’avait pas rêvé pendant sa sieste, il avait juste dormi profondément. Cela l’intrigua un peu, mais il s’estima finalement heureux d’être reposé et ses doutes s’en allèrent bien vite.


Comme il était réveillé, ils prirent le repas, dévorant la chaire tendre et parfumée avec délice.


Ils mangèrent en silence, trop occupés par leur pitances respectives. Ce n’est qu’après qu’il ne restât plus que des os récurés du lièvre que Ulghuran parla enfin, bien que Karl n’est pas vu ses lèvres bouger.


« Demain, Karl, si les Okaën le veulent, nous arriverons à Marienburg. »


Karl acquiesça silencieusement. Ne sachant vraiment s‘il devait répondre par la parole ou par la pensée. Mais devinant son hésitation, le magicien désigna sa propre tête du doigt, puis celle de Karl, faisant comprendre au jeune garçon qu’il fallait qu’il prenne l’habitude de communiquer par télépathie avec lui.


-En ville, Karl, continua le sorcier, bien des oreilles sont aux aguets. Elles surveillent et écoutent toutes les rumeurs et toutes les conversations qui traînent. Aussi, tant que nous serons en ville, retiens toujours ta langue de peur qu’elle ne t’échappe et nous trahisse.


-C’est promis. Répondit Karl.


La conversation se continua ainsi, les pensées des deux voyageurs se répondant l’une à l’autre. Comme tous deux étaient bien éveillés, Ulghuran en profita pour expliquer à Karl l’évolution des différents vents magiques et les propriétés qui leurs étaient propres. Il essaya aussi de lui montrer un sort permettant d’augmenter la portée de l’ouïe du lanceur : ce sort était issus d’Ulgu, le Vent de l’Ombre : le domaine privilégié de vieux magicien. Ulghuran le lança en faisant partager ce qu’il ressentait à Karl. Après avoir lancer le sortilège, il lui annonça : « Voilà, c’est à toi d’essayer maintenant. Le processus est bien gravé en toi, j’en suis persuadé : c’est la méthode qu’utilisaient mes anciens professeurs il y a bien longtemps, et je n’avais alors même pas la moitié de tes capacités : mon garçon, tes aptitudes à la magie sont plus présentes en toi que dans la plupart des jeunes débutants des collèges d’Altdorf, je pense que tu peux y arriver seul en peu de temps…Tu as jusqu’à demain, cela devrait suffire.»


Le vieux magicien eut un demi-sourire et alla s’allonger pour dormir. Il lui souhaita bonne nuit et bientôt, sa respiration prit la cadence paisible du sommeil. Karl resta près du feu, méditatif. Il doutait fortement de pouvoir répondre aux attentes du vieux magicien, mais décida au bout d’un petit moment que cela ne lui coûtait rien d’essayer : il avait en tête toutes les émotions qu’avait ressenti Ulghuran et tout ce à quoi il avait pensé : il suffisait de faire pareil…


Plusieurs heures s'étaient déjà écoulées depuis leur repas ; la lune avait commencé sa descente derrière la masse sombre des nuages et Karl tâtonnait toujours. Il admirait maintenant avec quel facilité Ulghuran parcourait son propre esprit et l’ouvrait au monde environnant sans crainte : il acceptait avec confiance que la magie le traverse pour qu’il s’en serve. Aussi tenta t-il d’en faire autant : il s’était appliqué à ne plus faire attention à ses sens autres que son ouïe et cela lui avait demandé un effort extrême de concentration…Mais après, plus rien. Il n’arrivait pas à aller plus loin. Il sentait qu’il était au bord de quelque chose, très proche et très puissant : cela venait du fond de lui-même, de recoins de son esprit plus vieux que son plus ancien souvenir : comme l’eau d’un puit oublié qui monte vers la surface. Mais au fond de lui, le Karl de Kerchensten, le jeune garçon qui avait élevé les bêtes, vécu avec sa famille dans un monde rationnel, empêchait l’eau de déborder pour qu’il puisse s’y abreuver. Karl, tout en tentant de garder sa perception actuel de ses sens, se pencha encore vers ce qui gardait le puit. Quelque chose en lui l’avertit : Retourne t-en ! N’avance pas ! Il fut un moment désarmé devant la voix : Etait ce sa conscience qui prenait la voix de sa mère ? Il se dit que c’était normal : il avança encore. Non ! Retourne t-en ! N’approche de ça ! C’est dangereux, tu le sais bien ! Cette fois, il sentit qu’on le repoussait et il faillit perdre pied, mais il raffermit sa prise et s’empêcha de basculer dans la réalité. La voix lui faisait penser à sa mère lorsque petit, il voulait monter sur un cheval placide et qu’elle refusait, craignant qu’il ne tombe, alors qu’il savait qu’il n’y avait aucun danger : c’était là l’avertissement de celle qui ignore beaucoup d’une chose et donc la craint en lui prêtant tous les maux. Il se cramponna et continua à avancer vers le puit, encouragé par le sentiment de sa présence croissante. Mais stoppa net, comme un cheval dont on tient fermement la bride : Si tu y vas, tu perdras ton ancienne vie : une foule de souvenirs vivants où se mêlaient sa famille et le village l’envahirent. Un moment, le doute le prit et il regretta les joies simples qu’il avait connu auparavant. Un sorcier reste à tout jamais un sorcier. Voulait-il vraiment en devenir un ? Voulait-il jusqu’à sa mort éprouver la puissance de la magie qui l’habitait ? Ce serait une sensation nouvelle qui l’aiderait sûrement à compléter le vide qu’il ressentait parfois.


Aussi la réponse lui vint claire comme l’eau d’une chute au soleil : Oui, évidemment.


Alors que la voix le retenait en suppliant, il se projeta tout d’un coup en avant en criant tout haut: « Il n’y a plus rien derrière moi ! Laisse moi avancer ! » Soudain elle lâcha, et il se retrouva propulsé près du puit. Une exultation intense l’envahit alors qu’il se servait dans le puit. Il pensa aux mots auxquels pensait le vieux magicien à ce moment : « Je suis tout. »


Il entrevit un instant la puissance qui était en train de s’offrir à lui et en eu un peu le vertige. Mais pour sorcier novice, le péril est toujours grand lorsque la magie se dévoile enfin à lui, car elle est comme un océan de puissance que l’esprit tente de boire tout entier, d’embrasser et de s’y fondre pour atteindre une jouissance magnifique et mortelle : l’esprit s’y noie s’il ne résiste pas suffisamment et n’inspire plus jamais dès lors à sa surface le parfum de la réalité. Devant Karl, au loin, se dressait une porte l’air était froid et sombre et de l’embrasure émanait une douce tiédeur. Il hésita flairant le piège, mais il se dit qu’il pourrait quand même s’approcher un peu. La tiédeur qui venait de cette porte était bien agréable…très agréable même. Un pas, puis deux, puis trois…La chaleur augmentait doucement, caressant ses membres avec délice. Karl avança un autre pied pour se rapprocher de la porte, mais soudain, une main ferme et glacée le retint en arrière.


Karl sentit qu’on le giflait, il ouvrit les yeux et fut surpris de voir un vieillard au teint halé et à la peau ridée au-dessus de lui. L’espace d’un instant, le garçon distingua derrière les paupières bridées des yeux brillants de colère, mais la rage disparut presque aussitôt et seule bientôt resta dans ces yeux gris que la lueur de bienveillance que Karl avait l’habitude d’y rencontrer.


Cependant, le ton d’Ulghuran était dur, cassant, avec un accent que le garçon ne lui connaissait pas :


« Ce n’est pas le bon chemin, Karl ! Pas du tout le bon chemin !! Tu dois oublier ce que tu fait là, tu dois oublier cette porte et ne jamais, JAMAIS, y retourner ! »


Karl rougit : Il lui avait déplu et se sentait totalement fautif. Sous les reproches du vieillard, il baissa les yeux et fixa le sol. Au fil des jours passés en compagnie du magicien, le jeune homme avait appris à le respecter, à l’aimer aussi, à sa manière. Depuis qu’il avait su qu’il était lui-même un sorcier, ce lien s’était raffermi. Il voyait en Ulghuran une sorte de modèle et aussi un soutien morale inespéré. Le magicien l’aidait et lui redonnait confiance ; il avait en partie comblé un gouffre qui s’était ouvert en lui lors de la disparition de son père, de sa mère, de sa famille et de bien d’autres encore qui avaient marqué sa mémoire et cœur. Depuis, Karl s’était mis en devoir d’obéir et de plaire à celui qui l’avait secouru : à son tuteur, à son maître et surtout, à son seul ami.


Ulghuran reprit la parole mais avec moins de chaleur :


« Bon, ce n’est pas si grave après tout…Tu n’y retourneras pas, n’est ce pas ? »


Karl leva timidement la tête et son regard fut immédiatement attiré par les yeux gris au dessus de lui rendus brillants par le reflet du feu. Il sut tout de suite, rien qu’en les voyant, qu’il ne pourrait pas lui mentir. Mais heureusement pour lui, la réponse lui vint naturellement aux lèvres :


« Non, je n’y retournerai pas… »


La phrase fut accueilli par un silence pesant, Karl pensa qu‘Ulghuran devait être en train de chercher dans son esprit la moindre trace de mensonge. Il prit peur et espéra de tout son cœur avoir dit la vérité.


Mais l’apparent soulagement du magicien le rassura bientôt.


« Bien… » dit lentement Ulghuran.


« Ulghuran ? »


« Oui ? »


« Puis je savoir ce qu’était cette porte ? »


Le vieux magicien pinça les lèvres, se demandant quoi répondre. Finalement, il dit juste :


«Sous ces dehors accueillants, derrière la porte Karl, se trouve l’univers des démons...Les mortels n’y ont pas leur place. »


Le garçon ouvrit de grands yeux horrifiés et ne put s’empêcher de poursuivre :


« Et si j’avais…si j’étais ? »


« Si tu avais passé la porte ? » finit le magicien. Karl acquiesça de la tête. Ulghuran lui répondit d’un ton calme encore plus effrayant que tous les avertissements du monde :


« Ton âme aurait été torturée par les démons et tu aurais été condamné à servir les Sombres Dieux pour l’éternité… As tu conscience de ce que représente l’éternité, Karl ?…Je ne te souhaites pas de le savoir un jour…Bon, maintenant tu devrais essayer de dormir. La nuit est bien avancée. »


Joignant le geste à la parole, Ulghuran s’allongea près du feu mourrant et s’emmitoufla dans une couverture. Karl fit de même et ferma les yeux. Ses pensées vagabondèrent longtemps sur des souvenirs lointains qui revenaient toujours à la vue de ses parents. Mais finalement, il s’endormit, submergé par la fatigue et insouciant du contact dur et froid du sol.


………….


Dans son sommeil, Karl sentit qu’on le secouait. Lentement, ses sens se reconnectèrent à la réalité et il se réveilla. Quand il ouvrit les yeux, sa première envie fut de les refermer et de se rendormir. Le jour n’est même pas levé ! se dit-il. Mais une voix enjouée et bien trop forte à son goût résonna dans ses oreilles.


« C’est normal, idiot ! Nous sommes dans une grotte orientée à l’Ouest et c’est le matin ! Si tu te levais et allais respirer l’air frais au dehors, tu verrais comme moi qu’il est temps de partir ! »


Avec un léger grommellement, le garçon se redressa. Les deux voyageurs prirent un léger repas à l’entrée de la caverne. Dans le ciel, le Soleil était bas sur l’horizon derrière la colline et tentait de réchauffer un peu la Terre de ses rayons, avant de disparaître derrière une voûte de nuages gris pour le reste du jour. Pendant qu’ils se restauraient et prenaient des forces pour la journée à venir, Ulghuran continua de lui parler par la pensée. « Pour passer les portes de la ville, nous allons devenir des Pélerins Ulricains, oui Ulricains, pas Sigmarites. Je me méfie de suivre directement l’idée de Thomas concernant le déguisement, si on le questionnait sous la torture, je doute qu’il parle, mais mon choix a une autre raison : Les pèlerins Sigmarites n’emmènent pas de jeunes hommes avec eux, ils sont seuls le plus souvent. Les Ulricains eux, font participer souvent leurs enfants pour les endurcir. Nous serons un prêtre d’Ulric vieillissant qui en prend en charge l’enseignement du jeune fils d’un noble du Middenland. Tu garderas ton nom et moi le mien, ils ne sont pas connus à Marienburg hormis de Vannerhand. Voilà, et maintenant, en route ! »


Après avoir récupéré leurs affaires, ils reprirent leur chemin vers l’Est. La forêt autour d’eux avait perdu son charme en même temps que les rayons du Soleil. Après la pluie d’hier soir, le tapis de feuilles sous leur pieds était mouillé et glissant ; l’air, bien que froid, était plein encore d’humidité et leur semblait étouffant. Alors qu’ils marchaient, la forêt s’arrêta brusquement pour laisser place à un paysage de champs mal entretenus et de bosquets éparses. Au loin, à l’Est, ils pouvaient distinguer depuis leur position un peu surélevée, une fine ligne grise et plane et à côté, des murailles et des tours pointues.


« Eh bien, nous y voilà : Marienburg… » dit Ulghuran.


Bon, je vois qu'il n'y a pas de messages...mais il y a quand même beaucoup de lectures: donc je poste la suite en espérant que quelqu'un la lira.


<b>La suite...</b>


Au grand étonnement de Karl, l’entrée de la ville n’était pas très surveillée. Seuls deux vieux gardes somnolents qui s’appuyaient lourdement sur leurs hallebardes se tenaient près du corps de garde. Peut-être était ce dû à la chance, mais les deux voyageurs arrivèrent à la porte Ouest de la ville en même temps qu’une caravane venant de Middenheim. Devant la foule, les soldats laissèrent passer par une poterne les simples mendiants et paysans…ou pèlerins qui n’étaient d’aucun intérêt et se concentrèrent sur une tâche plus importante : la vérification de la validité des marchandises transportées par la caravane : Même sous le règne d’un tyran comme Herschelln, le commerce ne désemplissait pas pour les riches marchands de la ville et la contrebande restait en toute circonstance un fléau digne de leur intérêt.


Une fois passée l’imposant corps de garde, toute la Westerstraat s’étalait sous leur yeux, encadrée par ses hautes maisons de bois peints aux couleurs chatoyantes jusqu’au port où la grande rue se terminait dans une forêt de mats, de cordages, et de voiles blanches. On disait de la cité qu’elle traversait des temps troublés, mais vu de l’une plus grandes allées marchandes de la ville, à la quatrième heure du jour, c’est à dire à l’heure du marché, rien ne semblait différent depuis la dernière fois que Karl était venu.


Inconsciemment, il sourit. La ville le fascinait. Même maintenant, la rumeur d’agitation humaine qui y régnait absorbait tout et engloutissait le voyageur sous une déferlante de couleurs, de sons et d’effluves variées. Ulghuran l'entraîna et ils se faufilèrent dans une foule affairée. Enfermé dans cette promiscuité propre aux grandes villes, Karl frôlait milles personnes et voyaient milles visages divers et les oubliait à peine dépassés. Cela sentait la sueur, le parfum, le poisson, le cuir et le brûlé. Il s’efforça de se concentrer uniquement sur la silhouette d’Ulghuran et ne la lâcha pas des yeux, comme si elle était sa seule chance d’échapper à la noyade.


Arrivant à un carrefour avec une autre rue, Karl entendit de grands cris qui dominaient quelques protestations faiblardes:


« Place ! Place ! Laissez passer ! Allons, reculez ! Laissez passer ! »


Tournant la tête sur droite, le garçon vit arriver un carrosse tiré par de grands chevaux noirs ornés de plumeaux pourpres de mors en argent. Devant le carrosse, Karl reconnut le haut cimier des ordonnateurs. Lorsqu’il détacha enfin son regard du cortège qui se rapprochait pour traverser la grande rue et disparaître à nouveau entre les maisons, il remarqua plus la couleur du manteau d’Ulghuran devant lui. Pris de panique, il se lança en avant pour tenter de le retrouver et traversa l’intersection un peu avant le carrosse. Mais alors qu’il n’avait pas fait trois pas, le monde bascula devant ses yeux et Karl sentit sa tête heurter violemment le pavé. La première pensée du garçon fut de vérifier quels dommages portaient son occiput et il se demanda ensuite ce qui lui était arrivé. Il ne se soucia pas tout de suite des rires autours de lui, mais bientôt ceux-ci se transformèrent en des exclamations de frayeur. En effet, le carrosse était presque sur lui : le cocher tira brusquement les rênes pour éviter le jeune homme, les chevaux hennirent et se cabrèrent devant l’obstacle. Karl à cause de la terreur et du choc, ne bougea pas, comme paralysé. Enfin, un garde le prit par l’encolure et le rejeta sur le côté pour libérer le passage comme si il n’était qu’un vulgaire sac de son gênant.


« Dégages de là, sale vaurien ! » dit-il.


Et Karl se retrouva pour la deuxième fois à heurter le sol de plein fouet, mais cette fois ci, sur la hanche droite. Encore ahuri, le garçon regarda passer le carrosse devant lui avec son habitacle ouvragé, sa fenêtre en verre et à cette dernière, le plus beau visage que Karl ait jamais vu ; mais celui-ci disparut rapidement derrière un petit rideau pourpre. La beauté de la jeune femme, sa peau de nacre le laissa sans voix et il papillota des yeux ainsi jusqu’à ce qu’un Ulghuran courroucé le retrouve là quelques secondes plus tard, assis par terre au beau milieu de la rue. Karl n’était cependant pas le seul à être resté pétrifié, un serveur d’auberge était en train de se faire réprimandé par un client parce qu’il versait le vin à côté de sa choppe et gardait les yeux fixés sur la rue où s’était engouffré le carrosse. Le garçon sentit à nouveau qu’on le giflait. Il n’en fallut pas plus pour qu’il reprenne ses esprits. Se rendant compte de sa situation et des regards amusés des passants dans sa direction, il rougit et se contenta de suivre le magicien qui repartait déjà. Le vieux sorcier semblait savoir parfaitement où il allait et les conduisit bientôt dans un quartier que Karl n’avait jamais vu auparavant. Les maisons y étaient en pierre et leurs étages avaient une plus grande hauteur de plafond que les autres maisons en bois qu’ils avaient pu observer jusqu’alors. La foule y était moins bien nombreuse et seul quelques bonnes passaient discrètement dans la rue se rendant à des tâches inconnues.


Le pavé aussi, au jugé des pieds de Karl, était de bien meilleur qualité et le garçon pensa qu’il devait être carrossable en tout temps. Exprimant à haute voix sa déduction logique de tous ces indices, il dit :


« Nous sommes dans le quartier noble ? »


Le magicien acquiesça de la tête et lui indiqua un grand porche sur la gauche, assez large pour laisser passer deux chevaux de front et haut de plus de dix pieds.


Ulghuran s’arrêta devant les battants et s’exclama : « Voilà, c’est ici la demeure du capitaine de la garde Vannerhand et de son épouse…J’espère qu’elle reconnaîtra l’écriture de son mari…Sinon, il nous faudra trouver une auberge très, très discrète. »


« Autrement dit, il vaut mieux qu’elle nous accueille bien, c’est ça ? » reprit Karl avec un léger sourire. Le vieux magicien lui rendit son sourire, rajusta son manteau et frappa sur les lourds battants de chêne.


Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’un bruit de pas vifs se fasse entendre de l’autre côté du porche. Bientôt, des gonds grincèrent et une poterne s’ouvrit, laissant apparaître le visage d’une jeune femme qui peu d’années auparavant, Karl en était persuadé, aurait pu passer pour une jeune fille charmante et enjouée. Mais l’impression qui se dégageait d’elle à cet instant lui fit plutôt penser que les responsabilités de maîtresse de maison et la gestion des affaires de son mari avaient fait mûrir Madame Katarina Vannerhand bien plus vite que son âge ne l’eût voulu. En effet, s’il excluait son regard sûr et intelligent, ainsi que l’expression contrôlée de ses traits, Karl ne lui donnait pas plus de vingt ans. Elle lui faisait penser, avec sa peau dorée et ses cheveux de jais, à ces matrones Estaliennes que son père lui avait décrit un jour : sévères, belles et silencieuses comme des Elfiques d’obsidienne. Karl comprit l’amour que devait lui portait le capitaine : un militaire n’aurait pas choisi une autre femme.


Le garçon n’avait au final pas encore entendu son nom qu’il était déjà persuadé de l’identité de la personne.


« Que puis-je pour vous ? » dit la jeune femme. Cette fois ci, il en était sûr, une teinte d’accent du Sud, en partie effacée par la vie au contact de la Cour Princière et de la noblesse.


Pas du tout le ton d’un servante. Ulghuran prit l’initiative de lui répondre.


« Bonjour Madame. Vous êtes bien Madame Vannerhand ? »


« Oui, c’est moi…Qui êtes vous ? » demanda t-elle.


« Je me nomme Ulghuran. Et voici Karl, mon élève. Nos sommes de modestes pèlerins Ulricains. Cependant notre condition importe peu en ces temps…J’ai là une lettre de votre mari, Thomas Vannerhand, que nous avons croisé il y a peu sur la route du Nord… »


Le magicien lui tendit la missive de parchemin blanc. Elle la prit, l’ouvrit et la lut. Karl pensa que son expression se modifierait, mais si la lecture de la lettre lui donna quelque émotion, elle le cacha bien. Relevant les yeux vers Ulghuran, elle dit seulement et sur un ton plus fort et audible par toute la rue :


« Eh bien entrez, pèlerins. Vous n’êtes pas les premiers religieux que mon mari héberge de la sorte. Des dispositions sont prises pour les voyageurs occasionnels qui passent parfois le soir pour repartir au matin. »


Karl passa la poterne à la suite du magicien et de la jeune femme. La cour où ils arrivèrent était un vaste carré permettant le passage des carrosses grâce à une piste circulaire de graviers tassés qui encerclait une petite fontaine de pierre grise, celle-ci avait dut être blanche en un temps où le père de Thomas était encore sur le banc auprès d’un précepteur, mais maintenant elle était vide et envahie par les herbes. Plus loin, derrière, au dessus d’un parvis et d’une volée de marches, trônait une grande porte. Les gonds de fer noir se prolongeaient sur le bois en d’élégantes arabesques. Sur un des battants, se trouvait un griffon portant un globe et sur l’autre un navire aux voiles déployées. Sur les côtés de la cour, se trouvaient à droite des écuries et sur la gauche, un petit bâtiment tout en longueur qui devait être la demeure de domestiques. Cependant, la première chose qui frappa Karl ne fut rien de cela, mais le grand manoir de pierres grises et blanches qui s’élevait majestueux devant eux, semblant tout dominer. Son corps était fait de quatre tours carrées jointes entre elles par des pans de mur étroits qui devaient cacher un jardin quelconque si l’on en jugeait par le lierre qui montait depuis l’autre côté. Personne ne parla pendant qu’ils marchaient jusqu’à l’entrée, accompagnés par le crissement des graviers et l’odeur des écuries. Ils arrivèrent finalement à l’entrée de la maison et Mme Vannerhand les fit entrer devant elle comme s’il s’agissait d’invités de marque : une manière qui contrastait fortement avec leur aspect, se dit Karl alors qu’il surprenait son reflet dans un miroir disposé contre le mur. Le hall du manoir était à peu de chose près comme Ulghuran l’avait imaginé en repensant à ce que lui avait dit le capitaine à propos de son père :


Une salle haute de plafond contenant quelques tableaux, mais surtout des cartes, des trophées, des statuettes et des parchemins encadrés qui donnaient l’impression au visiteur de pénétrer dans un musée ou une salle au trésor. La plus grande partie de la pièce était occupée par un escalier majestueux qui faisait face à l’entrée avec sur ses côtés divers passages donnant sur les autres parties de la maison. Le vieux magicien risqua un compliment :


« Votre demeure est magnifique ! Vous avez bien de la chance… » puis : « Madame, je ne vous cacherai pas que Karl et moi sommes un peu gênés de nous installer ainsi chez vous, mais… »


« Oh ! Ce n’est rien ! » le coupa t-elle. « Mon mari m’a expliqué très clairement vos…projets, Ulghuran, et je vous soutiens entièrement ; la reproduction des parchemins anciens est un travail délicat : nous vous sommes bien redevables de vous être déplacé chez nous pour effectuer le travail. Mais à ce propos, je pense que nous devrions en parler plus tard…quand vous serez restaurés. » Elle montra silencieusement son oreille et indiqua ce qui devait être l’étage supérieur. Puis elle ajouta tout bas : « Je ne veux pas que les domestiques vous croient autre chose que des pèlerins ou des prêtres itinérants...Vous savez un peu de ce que je vous ai chanté là ? »


Le vieux magicien acquiesça avec un petit sourire.


Puis Katarina appela une domestique.


« Anna ! Anna ? »


Une vieille femme à l’embonpoint prononcé apparut en haut de l’escalier. La jeune maîtresse de maison reprit :


« Veuillez vous occuper de conduire ces bons religieux aux chambres des invités, je vous prie. Et vous montrerez également à ce monsieur -elle désigna Ulghuran- comment accéder au bureau. »


La vieille affirma de la tête et indiqua aux deux voyageurs de la suivre à l’étage.


Katarina les quitta et leur dit : « Je vous attends au salon, sur ma gauche ».


Karl s’arracha à la contemplation d’une pierre gravée de runes étranges et suivit Ulghuran dans l’escalier.


Le sorcier et lui partageaient la même chambre. Celle-ci leur parut plus que spacieuse et d’un confort inouï après leurs nuits à la belle étoile. Après avoir remercié la vieille servante, les deux magiciens firent un examen rapide des lieux. Sur leur droite, contre un mur blanc, deux lits avec chacun à leur pied un coffre de bois clair contenant des affaires propres de tailles diverses. Devant eux, une large table disposée contre une fenêtre en guise de bureau et à ses côtés, trois chaises de bois. Mais Karl poussa un soupir de contentement lorsqu’il posa son regard sur la gauche : près d’une cheminée, se trouvait un tub de cuivre poli et des seaux. Puis, à gauche de la cheminée, un petit meuble de marbre avec une vasque bleue, décorée de motifs floraux que surplombait un miroir intact.


Ulghuran déposa son bâton contre le mur et son sac sur le coffre, puis il s’assit sur un des lits et poussa un long soupir. Karl s’avança vers la fenêtre et regarda au dehors, des nuages gris menaçants approchaient par le Nord et le vent s’était levé. Un temps d’automne, morne, froid et gris. Malgré les deux grandes fenêtres que possédaient la chambre, peu de lumière y entrait car le Soleil était voilé. Karl sentit plus qu’il ne vit le vieux magicien étendre la portée de son ouïe afin de vérifier la proximité des gens de la maisonnée. Puis, satisfait, il entra dans les pensées du garçon.


« Karl ? Aurais tu des questions, mon enfant ? » lui demanda t-il.


Sans détourner le regard de la fenêtre, Karl hocha verticalement de la tête, puis répondit :


« Oui, qu’allons nous faire maintenant ? »


« Maintenant ? répondit Ulghuran. Eh bien pour ma part, je vais prendre un bain et me changer…Cependant, en ce qui concerne les prochain jours, j’ai déjà décidé de ce que nous allons faire. Mais avant de t’exposer cela, je vais te révéler quelque chose d’important que tu ignores sûrement : nous nous trouvons sous la protection de l’une des plus importantes duchesses de la ville : La duchesse Katarina Vannerhand. Ici, nous n’avons rien à craindre, ou presque. Elle représente son mari à la Cour de Herschelln et possède des intérêts économiques énormes dans le commerce. Sa position nous servira très probablement…Tiens, attrape la bouteille de vin dans ce placard et sers moi un verre, je te prie. » Karl obtempéra sans chercher à comprendre comment le vieillard avait su qu’il y avait une bouteille dans le petit meuble à côté du bureau. Ulghuran poursuivit : « Oui, donc, je disais que sa position nous servira à nous infiltrer à la Cour et voir qu’elle y est la situation précise, mais commençons par ce que nous savons…Comment trouves tu cette demeure Karl ? Et sa propriétaire ? » Cette question prit le garçon de court, mais il s’efforça d’y répondre:


« Euh, eh bien, c’est un très joli manoir et Mme Vannerhand semble être du même avis que son mari concernant la prise de pouvoir d’Herschelln. »


Ulghuran émit un grognement. « Ce n’est pas ce que je voulais dire mon garçon…Comment ressens tu les choses ? C’est ça qui est important. »


Karl crût comprendre et réfléchit aux différents clichés qu’il avait retenu des autres pièces et de la femme de Thomas.


« Le manoir est un étalage de luxe, mais de luxe ancien…La cour aurait besoin d’être rénovée et les écuries semblent être presque vides…Ce n’est pas normal pour une famille riche comme celle-là. Les affaires de Mme Vannerhand doivent aller moins bien que ce qu’on le pense…-Ulghuran approuva d’un signe de tête et encouragea le jeune homme à continuer.- Ils subissent les impôts d’Herschelln…Et cela se fait ressentir : elle doit le détester. Elle nous soutiendra de bon cœur, on peut lui faire confiance. »


« Voilà ce que j’appelle un raisonnement, mon garçon ! Très bien ! Néanmoins, l’augmentation des impôts ne date que de peu de temps…il nous faut trouver la cause des soucis pécuniaires des Vannerhand autre part…Katarina est une dame de Cour, mais elle n’est pas une commerçante...Elle confie sûrement la gestion de ses affaires à quelqu’un. Ce quelqu’un doit être soit incompétent, cas improbable, soit… »


« Soit il détourne les recettes en prétextant pour le manque de rentrée d’argent, le contexte de crise de la région ou une autre raison quelconque. » acheva Karl.


Le vieux magicien sourit. Décidément, ce garçon était très intelligent…Il se débrouillerait très bien à… « Que dirais tu de devenir un page à la Cour pour quelques temps, Karl ? »


« Euh, je ne sais pas, je… »


« Bien, alors je vais m’arranger pour que tu le deviennes ! » Voyant son indécision, Ulghuran dit : « Tu as bien dit que tu m’aiderais, tu te souviens ? »


Karl hocha de la tête.


« Eh bien, le moment est venu, Karl. Tout à l’heure, je vais parler à Katarina, elle sûrement beaucoup de renseignements à nous donner que nous ignorons. Vue sa condition à la Cour, elle ne peut pas espionner discrètement car certaines personnes doivent connaître son opinion du pouvoir. Mais un jeune page passera inaperçu…Tu seras nos yeux et nos oreilles Karl. Tu devras découvrir quel jeu se trame là-bas, il faut que tu découvres qui a permis à un gros bêta comme Herschelln d’arriver au pouvoir pour mieux asseoir sa position…Tu devras commencer tes recherches auprès du gérant des affaires des Vannerhand, il est possible qu’il n’ait aucun rapport, mais comme il peut s’agir d’une personne que le régime en place favorise, il faut le surveiller de près. »


Karl avait écouté tout ce que disait le vieux magicien attentivement. Il avait devant lui un Ulghuran qu’il ne connaissait pas : un vieillard n’ignorant aucune des ficelles de la vie à la Cour ni des chemins qui permettaient à une personne d’arriver au pouvoir.


« Et vous ? » dit Karl.


« Moi ? Eh bien, je pense que je vais accomplir la tâche que m’a donné Katarina : dupliquer des anciens parchemins…Mais ne t’inquiète pas. Je serai avec toi. » et le vieux sorcier désigna sa tête de l’index.


Il y eut un silence, le magicien porta son attention sur le tub près de la cheminée, et s’exclama : « Allons ! Je passe le premier ! »


La douce caresse de l’eau chaude, le plaisir de sentir ses muscles se décontracter à son contact, sentir la crasse et la fatigue emportées et quitter son corps…Ne penser à rien, juste être là, au chaud dans son bain : tel était le devoir que Karl s’imposait à cet instant. Le monde pourrait s’écrouler, il ne bougerait pas. Distraitement, le garçon laissa son esprit partir à la recherche des rumeurs de la maison. Dans une chambre non loin, quelqu’un nettoyait le parquet et faisait grincer le bois sous son poids. Karl estima avec un sourire qu’une vache n’aurait pas fait moins d’effet et l’image caricaturale de la vieille bonne lui revint en mémoire; mais déjà, ses oreilles cherchaient ailleurs. Ulghuran était descendu au salon, en bas retrouver la femme de Thomas. Il usa de son pouvoir nouvellement acquis et tendit son esprit vers eux. Le vieux magicien sembla sentir son arrivée mais il ne dit rien et le laissa écouter leur conversation. Katarina parlait assez bas de façon à être sûre de n’être entendu que par le vieillard. Son ton de voix s’était modifié depuis leur accueil, ses paroles étaient précipitées : Karl sentit de la peur et une grande détresse dans cette voix enrouée. Cela le surprit, mais plus encore, ce qu’il entendit le stupéfia : Thomas avait été arrêté par les ordonnateurs d’Herschelln. Dans le bain chaud, son sang se glaça. Cette information était lourde de sens et il sentit la terreur s’immiscer dans ses pensées. Ce n’était pas le moment de paniquer et il redoubla de concentration pour suivre la conversation.


Pour l’instant, il n’entendait que la voix de la jeune femme. Elle demandait piteusement à Ulghran ce qu’elle allait devenir sans son mari. Comment oserait-elle encore se montrer à la Cour Princière sans provoquer les chuchotements ou les silences gênés de ses compagnes. Et que dirait-on de cela dans le négoce ? Et au port ? Jamais les marchands n’accepteraient de mêler le nom d’un traître à leur commerce ! Un petit cri de chagrin perça : elle pleurait.


La paroi de glace dont elle semblait s’être entourée depuis le départ de son mari, cette résolution froide et ferme qui ornait encore son front à leur arrivée, tout cela avait fondu à l’annonce du messager quelques minutes plus tôt et dégouttait maintenant à chaudes larmes sur son noble visage.


Karl sentit Ulghuran se servir de la magie pour raffermir un peu le cœur de la jeune femme. Bien plus rapide et efficace que toutes les paroles du monde. Que pouvait-il dire de toute façon ? La cruelle clairvoyance de Katarina ne permettait aucune réplique.


Lentement, elle se ressaisit et essuya ses larmes en s’excusant. « Ce n’est pas un comportement de dame, je me conduis comme une sotte », dit-elle. Il rectifia que c’était un comportement humain et qu’elle était loin d’être sotte. Elle sourit tristement et lui demanda ce qu’elle devait faire. Karl avait l’impression bizarre de ne pas entendre parler deux personnes qui s’étaient rencontrées pour la première fois le matin même, mais il garda cette remarque pour lui-même : Ulghuran semblait toujours provoquer chez ceux qu’il voulait une vive sympathie et il se souvint alors avec qu’elle facilité il lui avait fait confiance. Cette réflexion lui avait traversé l’esprit, le temps d’un battement de cils et il attendit de voir ce qu’allait répondre le vieux magicien.


« Madame, dit-il, j’ignore quelles proportions pourraient prendre cette rumeur mais je doute pour l’instant qu’elle soit déjà répandue de par la ville. Je vous conseille de continuer à fréquenter la Cour quel que soit le déplaisir que cela puisse vous inspirer. Essayez d’obtenir le soutien de ceux qui n’apprécient pas Herschelln et qui connaissaient votre mari. Rappelez à ceux qui doutent, sa valeur de guerrier et l’homme d’honneur qu’il était. Ne vous laissez pas décourager par les on-dits, il faut être forte, ma dame. Et enfin, permettez moi de vous conseiller de prendre Karl comme page, il pourrait me permettre d’observer la Cour et d’en extraire les mauvaises racines… Il ne faut pas que ces dernières creusent encore plus avant. J’ignore pour l’instant ce qui se passe exactement, et qui fait quoi : Mais quelque chose se glisse vers le pouvoir sous notre nez et attend l’heure propice, et cette chose n’a pas de visage dans ma tête, ni même de silhouette…Ce n’est pour l’instant qu’une ombre, une sombre crainte qui me taraude et je compte bien que ce jeune garçon me donne un peu de lumière une fois là-bas… »


« Avez vous confiance en lui ? » dit Katarina.


« Oui. » répondit simplement Ulghuran. Mais la force qu’il avait mise en prononçant ce mot remplit Karl de fierté. Il sentit un frisson le parcourir. L’eau du bain était si froide ! Karl en sortit rapidement, saisit une serviette et alla se placer près du feu dans la cheminée. Il laissa les flammes lui réchauffer le dos tandis qu’il pensait aux évènements qui s’agitaient autour de lui : au dehors, la guerre, grignotait un peu plus chaque jour les ressources de la région. Ici, en ville, le grondement sourd de la population en colère devenait presque palpable : la fébrile activité de la Westerstraat ne reflétait pas, aux dires de la servante, l’état d’esprit des habitants. Ensuite, au palais du Raadstadt et à la Cour : le vrai Prince Marchand semblait avoir disparu. Un vieux militaire brutal devenait un tyran et s’attirait les foudres des marchands et des nobles de la Cour. Ces derniers s’étaient divisés en deux camps : ceux qui soutenaient officieusement et officiellement Herschelln et qui espéraient tirer de leur dévouement quelques avantages, et ceux qui ne le supportaient qu’officiellement et rongeaient leur frein dans l’attente d’un signe de vie du Prince Marchand. Cependant le premier camp paraissait prendre sans cesse plus de poids que le second, au fur et à mesure que la pression des ordonnateurs se faisait plus forte. Quel noble aujourd’hui se risquerait à voir son nom réduit à néant à cause d’un honneur mal placé ? Aucun, ou plutôt presque aucun, pensa Karl. Thomas avait fait exception et cela allait lui en coûter…Sur ces pensées, Karl commença à s’assoupir : le bain chaud faisait son effet.


Il alla s’étendre sur son lit et dormit jusqu’au soir, avec en tête, l’image de Thomas à genoux devant une dame noire.


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