La mort au Moyen Age (Et avant?)

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Je lance un petit sujet de discussion pour avoir vos avis.

Je me questionnais sur le rapport à la mort et particulièrement sur celui de tuer dans une société comme celle du Moyen Age (l'européen étant celui que je connais le plus, mais peut être autre).

Cette réflexion m'est venue en jouant à des JDR med fan où en tant que joueur on peut se retrouver rapidement confronté à "l'option" de tuer. Et vient rapidement les scrupules (pour certain·e·s...), la droiture de son personne (en fonction de son alignement...) et tout un tas de couche de morale qui est propre à celle du XXIème siècle.

Du coup je me demandais si l'on avait des pistes de réflexions historiques sur le rapport à l'acte de tuer que pouvait avoir des membres de ces sociétés, particulièrement celleux qui sont dans des corps armée (militaire, mercenaires, brigands...), dans les morales et éthique de l'époque.

Est-ce que l'on pouvait plus facilement tuer si l'on jugeait une causse bonne?

La religion à dit " tu ne tueras pas ton prochain..." et beaucoup y ont mis un "mais...".

Bref, pour caricaturer, est-ce que les gus avaient des scrupules à incruster une masse dans le visage de toute personne ayant l'outrepédance de se mettre sur leur chemin?


Merci à vous.

Le rat, qui a (parfois) des scrupules à introduire des dagues dans le dos de ses am... ennemis.
(Modification du message : 13-12-2019, 16:01 par Sceptik le sloucheur.)
Pour certaines et certains
Il me semble que le rapport a la mort était très différent. On mourrait "souvent", alors qu'aujourd'hui la mort est devenue l exceptionnel, c'était sans doute beaucoup plus quotidien et donc intégré à la psychologie des gens.

Je pense que c'était plus facile alors de tuer, sans dire que c'était anodin non plus.
Juste pour illustrer le propos de "la mort était plus courante" genre 50% des enfants ne dépassaient pas l'âge des 5 ans... ben ça fait relativiser quand on sait que chez nous à notre époque on est à une mortalité infantile de moins de 3 pour mille. De mémoire la moyenne d'âge était aux alentours de 30 ans, donc en effet globalement une vie plus courte, potentiellement bien plus violente. Seuls 10% des gens qui vivaient au moyen-âge ont encore de la descendance aujourd'hui...
Being, tu as déjà des comptes rendus d'époque. J'ai dans un coin un journal d'un croisé (2° de mémoire) qui raconte le truc et comme évoqué par Slagash, le gars a effectivement un rapport différent à la mort, plus pragmatique. En même temps les combattants, même de nos jours, quand ils sont confrontés au "tuer / être tué", eingh... Cause avec du vieux militaire qui a fait des opex dans les années 80, c'est très rigolo pour se faire une idée. En général le petit peuple est choqué par leurs blagues.
Mais oui, effectivement, l'approche de la mort est bien moins "déconnectée" que ce qu'on peut avoir chez nous il semble. Le PTSD ne semble pas trop l'affecter alors qu'il décrit des batailles où ça tranche pas mal (le fait de faire du close et que de toute façon tu claques vite autant par l'épée que par les maladies induites par la croisade doit jouer). Ou alors c'est qu'à l'édition ils ont édulcoré et changé l'état d'esprit parce que je ne pense pas que quand tu racontes ta vie comme ça tu puisses trop faire semblant. Mais je ne pense pas.
Après ça n'est qu'un exemple et le gazier n'est pas un psychopathe, il est sensible et épargner les gens fait partie de l'histoire quand celle ci s'y prête. Mais il a cette déconnexion vis à vis de la culpabilité qui me rappelle un peu les russes.

Je cause de russe parce que ce rapport est aussi culturel. On les trouve encore de nos jours froids sur ce sujet, ils ont une réputation et effectivement quand tu vois comment ils gèrent le "terrorisme" interne, même sans la pression des médias, je vois mal nos préfets donner des consignes comme ça. La rumeur veut qu'ils soient très "orientaux" à ce sujet et pourtant on trouve toujours pire, en 1904-5 ils ont été surpris par les japonais.
Agade l'Afrique de nos jours par exemple, là aussi ya des gags (et d'ailleurs nos propres militaires en opex ont parfois été obligés de se mettre au diapason, ce qui revient à ce que je disais plus haut).

Bref, bon, entre la culture, l'époque, la proximité de la chose et les tendances mais aussi les expériences personnelles tu va avoir tout un panel. Au joueur de se faire son idée aussi en se documentant. Comme je disais, ça se trouve. Et puis, le joueur peut aussi avoir envie de jouer un mec à contre-courant de son époque ou de sa culture.

le squat
gob palouf
C'est une question intéressante et complexe. Je vais essayer de me souvenir de mes études de médiéviste. Wink

La mort est assurément bien plus présente au Moyen age. Elle vient plus fréquemment, on est plus souvent confronté aux morts eux mêmes. La préparation d'un mort pour les cérémonies se faisait par la famille du défunt par ex (jusqu'à il y a peu en fait). Tout ça contribue à rendre la mort plus familière, et on l'aborde souvent avec plus de pragmatisme que nous sommes habitués à le faire.

Après il faut faire attention avec l'espérance de vie, elle est très basse effectivement mais cela est du à la mortalité infantile majoritairement. En fait, une fois passé 20 ans, l'espérance de vie devait avoisiner les 60 ans. Il y a de nombreux cas documentés de personnes ayant 80 ans et plus, ce n'était pas commun mais pas non plus incroyablement exceptionnel.

Pour ce qui est de tuer, c'est encore autre chose. Je dirais que c'est quand même assez variable selon l'époque, le lieu, le contexte. Il y a eu différents Moyen-âge. Et puis tuer à la guerre, par décision de justice ou dans une ruelle son trois choses différentes. Mais je ne pense pas que cela ait jamais été un geste anodin.

A la guerre, cela dépend beaucoup de la période, il a eu des périodes bien plus létales que d'autres, notamment de par les usages militaires, le niveau d'intensité des guerres (pourquoi on fait la guerre?). Au moyen age central (vers le XI siècle-XIIe) les guerres sont souvent moins meurtrières, parce que les combattants sont essentiellement armurés et difficiles à tuer, qu'il vaut mieux les capturer pour la rançon et que les conflits étaient de petite envergure. Les morts étaient plus rares, souvent remarquées, surtout si elles étaient considérées comme "inutiles" (il faut noter toute fois que nos source écrites sont souvent des ecclésiastiques plus sensibles sur ces questions). En revanche, à la même période, les croisades étaient plus violentes et meurtrières, déjà du fait de l'échelle inhabituelle du conflit mais aussi parce que l'ennemi avait été préalablement diabolisé. De plus les croisés étaient dos au mur, leur échec signifiait probablement la mort ou l'exil, en bref, l'intensité du conflit était bien plus grande. Ceci dit le sac de Jérusalem restait remarqué et considéré comme une infamie (y compris par des auteurs chrétiens).

La guerre de Cent ans (XIVe -XVe siècle), est un conflit assez meurtrier également, du fait des armes utilisées (le fameux Arc long, qui ne permet pas de capturer l'adversaire avant qu'il ne meure) mais aussi du fait de l'intensité du conflit, où des stratégies de pillage systématique sont sciemment mises en place pour affaiblir l'adversaire (et donc massacre de civils). C'est à cette époque (et même un peu avant) que les mercenaires deviennent plus courant, ils acquièrent vite une sinistre réputation, à cheval entre le banditisme et l'armée. En temps de paix ces soldats se retrouvent alors sans emploi, et chassés par leur propre employeurs, il deviennent des parias. Aux yeux des commentateurs (souvent religieux) ils incarnent une dérive de la guerre, un genre d'anormalité (puisque la guerre devrait être réservée aux nobles).

Ce qu'on peur retirer de tout ça c'est que pour tuer à la guerre il faut une certaine préparation (diabolisation de l'ennemi), un certain contexte (guerre de forte intensité, une situation de "tuer ou être tué"), ou une professionnalisation. On constate souvent que lorsque la guerre reprend après une longue période de paix, on peut voir une certaine retenue dans les coups portés, un certain sens de l'honneur qui perdure. Quand la guerre dure et s'éternise, on s'habitue à tuer.

Bon je m'aperçois que je suis parti beaucoup trop loin : on peut encore parler de la mort infligée par la justice ou des crimes mais je vais m'arrêter là pour l'instant.
(Modification du message : 13-12-2019, 16:31 par Mattbab.)
le lien suivant met de beaux graphiques pour expliquer une partie de ce que Mattab explique, et ça vaut le coup d'être lu:

Citation :« De toute façon, avant, on mourait à 30 ans… »
Si vous avez déjà entendu ou pensé ça, ce thread est pour vous.

A quel âge mouraient vraiment nos ancêtres ? Disons ceux d'avant la révolution industrielle ?
Spoiler : rarement à 30 ans.

https://twitter.com/Fabiensapiens/status...2135548929
Merci pour vos retours, c'est super intéressant!

C'est effectivement avec certaines de ces réalités en tête que je me questionnais, vos précisions sont les bienvenues.

J'imagine, comme l'aborde le Chat et Mattbab, que cela doit être très différents en fonction de la position sociale. Être militaire, quelque soit l'époque, doit grandement briser la frontière avec l'acte de tuer.
Du côté civil, bien que la mort soit très présente autours de nous, est-ce que le fait de tuer de ses propre main est plus "facile"? Subir la mort ou la répandre sont peut être des choses très différentes. Je n'ai pratiqué que la première option...

Certaines pensées philosophique et religieuse non violentes existent depuis longtemps, ce qui montrent qu'une prise de conscience face cet acte par certain·e·s est bien présentes. Ça doit être le cas de certains moines dont tu parles, Mattbab, et la répréhension de certains conflits. Du coup ces tiraillement devaient bien entendus exister.

Je n'ai pas toutes les clefs, du coup j'ai l'impression de dire des choses très naïves. Parcequ' évidemment la morale et l'éthique existent depuis très longtemps, et je pense que tout ces rapports sont très complexes.

Souvent, dans le jeux de rôle, ont voit beaucoup de classes quelques peu fantasmatiques. Je pense à l'aventurier, au coureur de grand chemin, bon, avec sa moral, mais qui tuent les "méchant·e·s", est prêt à aidé les défavorisé·e·s.
Je ne sais si ce genre de situation arrivait, mais être brigand ou mercenaire à l'époque, ou simplement un étranger mystérieux et armé arrivant dans une ville, ça devait être une sale vie, en marge de la société. C'est ce que tu évoque, Mattbab.

Ou alors, la confession résolvait tous problèmes de conscience...


EDIT : merci Holi, je vais prendre le temps de lire ça!
(Modification du message : 13-12-2019, 17:58 par Sceptik le sloucheur.)
(13-12-2019, 16:29)Mattbab a écrit : les mercenaires deviennent plus courant, ils acquièrent vite une sinistre réputation, à cheval entre le banditisme et l'armée. En temps de paix ces soldats se retrouvent alors sans emploi, et chassés par leur propre employeurs, il deviennent des parias.
La chair et le sang.
Avec Rutger Hauer. C'est amusant. Pas forcément une bonne source pour ton questionnement sur la mort parce que c'est plus de l'extrême mais il est intéressant à voir, fun en un sens et édifiant sur les mercos.

Sinon oui, Mattbab cause bien.
Et s'il faut pas confondre l'espérance de vie moyenne et l'espérance de vie d'un individu, que les mecs deviennent souvent sexa voire exceptionnellement octo, ça présente quand même une différence assez notable avec nous où le fait de devenir octo devient courant et où on est plutôt sur le questionnement du confort de vie, de la dynamqie et des loisirs de cet octo.
Faut pas exagérer mais faut pas non plus minimiser le fait que vieillir à l'époque était quand même largement différent et que la mort hors combat restait un phénomène appréhendé de plus près (sans parler des coutumes qui en rajoute une couche comme il dit... encore que si tu vas dans les petits villages, on trouve encore des veillées et autres traditions qui ont disparu des villes aux CH tentaculaires).

le squat
j'essayerai de retrouver le titre du bouquin
J'ai vu ça et il y a quelques éléments

rites funéraires
(Modification du message : 13-12-2019, 17:32 par Lucius Forge.)