Citation :Je pense que tout est une question d'échelle et d'ambition : l'historique comme le fantastique peuvent être vu comme des trames générales. Il y a tout à fait la place pour des conflits figurinesques échelle moindre sans que le résultat influe sur l'Histoire.
Tu as mis le doigt sur la conséquence du covieillisement générationnel : l'ambition peut-elle être paramétrable ?
Je fus jeune, et en ces premiers temps de pélerinage chez les rosbifs pour aller quérir ma dope en plomb, j'avais pris l'habitude à chaque bataille de creuser une petite entaille sur le bolter de ma première fig 40k dès qu'elle en dézinguait une autre.
Parvenu au coude de la fig, je me suis posé la question que chacun sans doute se pose de temps en temps : pourquoi ?
Pourquoi je me bats, pourquoi je les fais combattre ? Cela fait dix-sept space-hulks que je nettoie. Quand le plaisir de bien gagner ou bien perdre n'y suffit plus, parce que gagner ou perdre ne change rien à l'univers dans lequel s'est déployé l'investissement, nait cette forme de lassitude que désirait contrer maladroitement la direction marketing de Lenton en jetant les vieux à la porte *avant* ce moment-là (et peut-être plus astucieusement Nicolas Flamel Miniatures en proposant de recycler les figs dont on se lasserait ;)
Quasi payés pour jouer depuis trop longtemps, à Lenton, eux savaient : le wargame n'est pas les échecs. A l'inverse du plateau quadrillé, l'achat de figurines doit être répétitif, souvent déclenché par l'univers, et il ne peut perdurer longtemps sans aller au-delà de la collection.
Ce que tu décris a cette même sagesse pragmatique : ne pas tuer Napoléon, ne surtout pas tuer Nelson, limiter son ambition, ne surtout pas tuer l'histoire.
OK, mais quand je commence à faire partie de l'histoire ?
Le taranais peut-il se plier à la théorie d'avant le covieillissement de la clientèle, celle-ci accompagnant les anniversaires du produit sans plus le lâcher aux périodes théoriques de lâchage ? Le contexte a changé, pas encore le modèle de pensée.
L'ambition de l'escarmouche domine toujours, y compris dans les rares jeux fantastiques de masse : des petites bastons, sans conséquences. Les mêmes limites qu'un jeu informatique mais avec une IA plus sympa, qui apporte la bière et partage la pizza.
Le problème n'est pas nouveau, Yslaire désarchive avec raison, car le temps n'est pas la seule condition paramétrable d'un wargame : on peut casser les a-priori tolkienistes, ou les sublimer : Aragorn est un métis après tout, comme l'étaient de nombreux persos de RT avant que le post-95 ne referme tout, et permette à Mortebrume *l'innovation* des factions "culturelles".
Oui, tout est affaire d'ambition. A terme, Arcanes Legion peut aller jusqu'à permettre au joueur de remodeler le monde antique (vu que le monde de départ d'AL...), comme Mortebrume qui propose de redécouvrir la planète ou Ex-Illis de jouer sur carte. Ce sont des mondes ouverts, des uchronies, larges, qu'appelle Bérurier de ses voeux car désaliénant le joueur ?
L'uchronie fonde en effet le wargame fantastique ; elles n'empêchent pas whfb ou w40k de stagner.
Et on en revient au pourquoi. Pourquoi je ne peux pas envahir Ava ?...au risque de perdre la communauté tant cette liberté déplace l'exigence de l'éditeur vers le joueur. Combien se contentent d'attendre Cathay à Whfb comme on attend(ait) Vista ?
Je connais la réponse : il suffit que les forces néo-romantiques et contre-impériales de votre serviteur libèrent la population d'un caillou patatovitchien pour être fachés longtemps ;)
Certes. Mais la pensée évolutionniste ne tolère pas sa propre fin.
Aujourd'hui, un jeu de figurines nécessite une <i>communauté</i> de personnes <i>individualistes</i>. C'est clamé partout : pas de communauté, le jeu ne se vend pas. Ce paradoxe peut être un frein à l'innovation : l'édition s'auto-nivelle selon sa propre image de la communauté composite, ce qui donne des jeux d'escarmouche à 50€, pas trop ambitieux.
50€ reste en effet "jetable".
Mais, devant le réchauffement climatique, que désire l'individu, si ce n'est rentabiliser au maximum l'investissement pré-calculé ?
Grossissons ainsi le trait d'un exemple ambitieux : prenons un principe ludique "innovant" du type ex-illis, le premier jeu de fig mondialisé dès la naissance, qui viserait, dès le départ, l'ascension possible d'une fig à l'état du StarChild 40kien.
En fait, à plein de starchilds, mais on s'en fout : tout le monde ne joue pas avec tout le monde (y compris dans ex-illis), et donc seule la plateforme importe.
De base, un jeu et son univers pensés pour permettre d'être maître ultime de son univers de jeu, tuer Napoléon, y être (quand même) Napoléon.
Innovant, certes : ne vous battez pas pour récupérer un sort à Trifouilly, un générateur à Lézoix, mais à terme tuez l'Empereur, levez la Brume, devenez protestant en Aquitaine. Dans ce jeu, c'est faisable, c'est permis, car on s'est dit que la scénarisation est super importante, blablabla, donc ce jeu est fait pour ça, blablabla, de l'escarmouche à votre monde, soyez ambitieux.
Possible, pour un éditeur ?