Il est temps d'en finir avec cette histoire. Il est l'heure de mettre fin à ces effusions de sang, mais en en rajoutant encore (pour faire bonne mesure). Je vous laisse lire ce treizième et dernier chapitre, ainsi que l'épilogue.
Chapitre 13 : Perte de contrôle
La dépouille ensanglantée de son ennemi à ses pieds et la robe couverte de sang, Erika scruta le champ de bataille. Il y avait ça-et-là des morts, des cris, et le fracas des armes résonnait. Une unité était en retrait du gros des forces ennemies, à la tête de laquelle se trouvait un guerrier plus grand que les autres. La jeune sorcière se doutait qu'il s'agissait du général ennemi.
Un reflet lumineux attira son regard sur le cadavre du sorcier qu'elle avait abattu, et elle distingua au niveau de son col un miroir qui dépassait. Il s'agissait d'un objet magique rare dont son mentor lui avait déjà parlé : un signe d'appartenance à la Cabale de Van Horstmann pour certains de ses plus hauts dignitaires. Elle savait qu'il renfermait le pouvoir d'échanger une grande partie de la force, de l'agilité et des réflexes des adversaires avec ceux de son porteur. C'est avec ce miroir que le sorcier a eu raison de Konrad.
En jetant à nouveau un regard au champ de bataille, un plan simple, mais risqué, lui vint à l'esprit.
***
Tancrède abattit finalement son adversaire, qui se prétendait être le champion de l'unité que ses guerriers et lui affrontaient. Un rapide tour d'horizon lui fît comprendre cependant que le combat était perdu d'avance. Ses hommes sur le flanc se faisaient taillader par les hallebardiers, tandis que le capitaine, non seulement surpassait en compétences martiales les nordiques, mais en plus galvanisait ses troupes par des sermons et brandissait une bannière dont l'animal, un griffon, semblait traduire la détermination qui caractérisait ses adversaires. Il se rendit compte aussi que le maître du meurtre était loin derrière, comme s'il les avaient envoyés au massacre, juste pour achever les survivants et en tirer ce qui reste de gloire. Comme si Shragald les avaient abandonnés à leur propre sort.
Le peur commença à le tenailler, et une envie de fuir se mît à animer ses mouvements.
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Heldegard était soulagé de voir son apprentie en vie. Il était également soulagé de s'en être sorti grâce à son aide. Mais quelque chose le tracassait. Elle restait sur la colline à regarder le champ de bataille, jusqu'à ce qu'elle se penche sur la dépouille du sorcier et qu'elle se mette quelque chose autour du cou.
« Elle n'a tout de même pas pris un talisman qui pourrait la corrompre ? » se dit-il.
Puis Erika se précipita vers le champ de bataille, en invoquant le Destrier d'ombre, se dirigeant ainsi droit vers...
« Mais elle est folle !? Elle fonce droit sur une unité d'élus dirigée par un champion du Chaos ! »
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« Monseigneur ! Regardez ! »
Le champion désignât du doigt la silhouette d'Erika chevauchant une ombre, Ce qui ne manqua pas de surprendre le prêtre-guerrier. Qu'est-ce qui pouvait bien la pousser à se jeter dans la gueule du loup ? Et quel loup ! La décision de Huss, entre secourir les épéistes et attaquer l'unité du général, fut prise. Il adressa une courte prière à Sigmar et cria :
« Chevaliers ! Sus au suppôt qui dirige ces maudites troupes ! »
***
L'unité de Jonas avait du se reformer pour faire face au flanc des guerriers du crâne, car ils se mirent à poursuivre ce qui restait des épéistes. Les derniers guerriers de Talabheim qui le purent fuirent, les autres étant abattus.
« Messieurs, pour le Hochland ! »
Et une salve fût lancée, accompagnée de celle des arbalétriers qui le purent.
***
Shragald vît une ombre s'approcher à grande vitesse de lui, et fût surpris qu'il s'agisse d'une fillette presque adulte. L'enfant s'arrêta à une dizaine de mètres et elle dégaina son épée.
« Toi, fît-elle en le désignant. Bats-toi contre moi ! »
Son audace ne manqua pas de faire rire les élus alentour. Shragald, souriant sous son casque, parla alors de sa voix démoniaque, dans un excellent Reikspiel*:
« -- Je suis un guerrier qui a pris part à d'innombrables batailles. J'ai arpenté des lieux qui te feraient perdre la raison, et mon dieu m'a accordé bien plus de puissance que tu ne peux l'imaginer... Et toi, tu t'imagines peut-être m'arriver au dixième de la cheville ?
-- Je sais seulement que tu as tué des innocents qui ne voulaient que vivre en paix, et qu'à cause de cela, tu n'as même pas le dixième de l'honneur que j'ai à te défier. »
La remarque ne pouvait pas être plus insultante pour le seigneur de la Cohorte rouge, qui poussa un rugissement tel qu'Erika aurait pris les jambes à son cou si elle ne se disait pas que c'était nécessaire de rester. Son imposant adversaire avança d'un pas résolu, l'épée frémissant dans sa main griffue.
« Ne vous approchez pas vous autres ! Elle est à moi, et son crâne et son sang pour Khorne ! »
Il vît au loin l'unité de Luthor Huss s'approcher à grande vitesse. Il aurait juste le temps d'abattre cette insolente avant de l'accueillir l'épée ruisselante.
Erika n'était plus aussi sûre de ce qu'elle faisait. Si son plan ne marchait pas, elle allait y rester. Elle repensa au jeune homme qu'elle avait du occire, et au sorcier qu'elle avait tailladé. Le sang sur sa lame lui fit revivre la scène. Elle ressentait de nouveau la haine qui l'avait poussée à le frapper encore et encore. C'était quelque chose dont elle ne se rendait pas compte, mais qui risquait de la faire plonger si elle n'y prenait pas garde. Elle devait désormais se battre pour survivre.
Lorsque Shragald se fût suffisamment approché, il se mit à lui foncer dessus, et Erika eût juste le temps de révéler le miroir autour de son cou avant d'éviter le coup d'estoc de son ennemi. Elle commença à sentir une vigueur surnaturelle l'envahir : celle de son adversaire. Ce dernier, au contraire, effectua des gestes de plus en plus maladroits et lents, avant qu'Erika ne contre-attaque avec une vitesse et une maîtrise de sa lame qui l'effrayait, déviant la lame de son adversaire et frappant sans relâche au niveau de ses flancs. L'armure fût tailladée, mais elle parvînt à peine à lui entailler le côté gauche. Shragald tenta alors de porter toute son attention dans une seule attaque, qui rendit la pareille à Erika. Son flanc droit commençait à la faire souffrir, et elle dût faire de grands efforts pour surmonter sa première blessure de guerre. Sa colère contre ce champion des dieux sombres grandît, et elle pris sa lame à deux mains, et repartit à l'assaut avec une frénésie qui ne lui était pas familière, et d'un mouvement vif et puissant, elle désarma son adversaire, dont la lame vola loin de son propriétaire en hurlant sa frustration. Erika fît ensuite de grands moulinets de sa lame qui tranchèrent l'avant-bras gauche du maître du meurtre et l'envoyèrent sur le dos, son casque tombant de sa tête. Il pût voir ainsi s'approcher cette enfant au regard noir, dans lequel il pût lire sa détermination et son envie d'en finir avec lui. Aucun guerrier n'était arrivé à le mettre dans une telle posture. Il eût tout juste le temps de pousser un rugissement bestial avant de se faire décapiter, sa tête volant aux pieds de sa ce qu'il restait de sa Cohorte rouge. Tous furent impressionnés par ce qu'elle avait fait, mais ces guerriers avaient désormais envie de se battre à leur tour contre elle.
***
Une fois son duel terminé, Erika sentit l'énergie de son adversaire la quitter, ainsi que ses envies de faire couler le sang. Elle vît les guerriers du chaos qui lui faisaient face. Ils avaient des statures de géants, ils étaient équipés d'armures et d'armes qui faisant chacun d'eux un être capable d'en écraser des dizaines. C'était ça, le visage de l'ennemi du monde : des hommes modelés dans leur chair et leur esprit pour être des guerriers ultimes, avec pour seul but de réduire le monde à l'état de cendres et de mort. Elle commença à percevoir au fond d'elle un sentiment d'impuissance. Elle n'avait battu son ennemi que grâce au miroir, et il n'y en aurait jamais assez pour s'opposer à ces adversaires.
Le miroir. Il avait transmis aussi à Erika une partie de la soif de combat de son ennemi, et comme si un voile s'était levé de son esprit, elle commença à avoir les idées plus claires.
« Mais que s'est-il passé ? pensa-t-elle. Comment en suis-je arrivée là ? »
Les chevaliers et Luthor Huss se jetèrent sur les élus, en prenant soin de contourner Erika, mais pas forcément le cadavre de Shragald.
« Ce sang... Tout ce sang... Sur ma lame. Sur mes mains... »
Les lances percutèrent les rangs ennemis, tandis que Huss fracassa le crâne de l'aspirant-champion de l'unité.
« C'est moi ? Dans ma colère ?... C'est moi qui ait fait çà ? »
La douleur dans le flanc lui revînt, et Erika se sentît choir, mais elle ne heurta pas le sol avec choc, car elle sentît des mains la soutenir et la poser délicatement à terre. Heldegard veillait sur elle à présent.
Épilogue :
Luthor Huss attendait devant la tente de l'infirmerie. Heldegard avait demandé à parler à Erika en privé en premier, bien que la prêtresse de Shallya qui l'avait examinée se soit d'abord montrée réticente :
« Sa blessure n'est pas superficielle, mais elle est peu profonde. Elle s'en remettra, mais elle a surtout besoin de calme. Ce qu'elle a vécu... »
Mais elle avait du finalement accepter face à la prestance du vieil umbramancien et du prêtre de Sigmar.
Lorsque le vieux sorcier sortit finalement, il ne pût s'empêcher d'exprimer ses inquiétudes à Huss :
« -- C'est la première fois que je la vois dans un tel état. On croirait presque qu'elle va mourir d'une maladie incurable.
-- Qu'a-t-elle ?
-- Elle est traumatisée, voilà ce qu'elle a ! D'abord il y a eu la mort de ce Konrad Stahlblick, puis ce jeune homme qu'elle a été contrainte d'abattre à cause de ses mutations, et sur le champ de bataille, vous avez bien du voir.
-- Certes. Je suppose qu'elle n'y a jamais été préparée. »
Ce n'était pas une remarque sous-entendue, mais Heldegard ne pût s'empêcher de s'en vouloir.
« -- J'ai peut-être été trop paternel avec elle. Je m'inquiétais plus de la protéger que d'en faire une véritable servante de la nation.
-- Et vous, lui demanda le prêtre guerrier, quel est votre rôle en tant que serviteur de l'Empire ?
-- Moi ? Je suis un umbramancien. Mon rôle est de me tapir dans les ombres pour en chasser l'ennemi intérieur. Tout comme les druides du collège de Jade s'assurent de préserver l'équilibre naturel face à la corruption, les alchimistes fournissent des armes et des armures de qualités aux troupes, ou les astromanciens scrutent l'avenir pour y deviner les actions de l'ennemi. Nos actions ne prennent pas forcément de valeur sur le champ de bataille, mais vous conviendrez qu'elles sont tout aussi indispensables que les vôtres. La Grande Ennemie ne se permet pas simplement d'envoyer des guerriers nous attaquer : Elle veut aussi nous ronger de l'intérieur »
Luhtor ne lui répondit pas, mais il n'en pensait pas moins. Il était parti parce qu'il pensait que les prêtres d'Altdorf se préoccupaient trop de la politique. Mais la politique et les intrigues pouvaient être une arme dangereuse entre les mains de l'ennemi si l'on n'y prenait pas garde. Ces sorciers de l'ombre avaient apporté de la lumière là où il avait mal regardé.
« -- Une aide peut venir là où on l'attend le moins.
-- Vous dites ? demanda Heldegard.
-- J'aimerais vraiment parler à votre apprentie. Je voudrais la remercier, au nom de tous, et aussi lui redonner la foi. »
Le vieux sorcier lui céda le passage. Une fois que Huss fût entré, il commença à se dire qu'Erika, en quatre ans, était devenue une excellente élève.
« Je pense que lorsqu'elle ira mieux,il sera temps d'en faire un compagnon-sorcier valable. »
***
La nuit était à son apogée. L'ombre qui planait au dessus du champ de bataille se posa finalement sur la colline où gisait la dépouille du sorcier du chaos.
« Calme, Baudros. Calme. »
Van Horstmann descendit de sa monture et s'approcha du cadavre méconnaissable. Il avait l'intention de récupérer ce qui avait valu qu'il envoie un pion le chercher : le grimoire. Mais alors qu'il s'approchait, le sang noir, encore liquide, se mit à luire puis à brûler. Et la silhouette d'un duc du Changement bicéphale en émergea. Ses quatre yeux, bien qu'aveugles, fixaient Van Horstmann.
« -- Kairos...
-- Oui... Répondirent en chœur les deux têtes. »
Puis la tête la plus inclinée parla seule :
« Je vois tout ce qui s'est passé depuis l'aube des temps, mais du passé récent seulement, je vais te parler. »
Et il se mit à parler du commencement, il y a 16 ans, lorsqu'est née Erika, et continua jusqu'au moment où elle choisit de rejoindre l'Ordre Gris.
« -- Et quelle raison vous a amené à me rappeler ce que je sais dans les grandes lignes ?
-- Pour te parler de l'avenir, répondit l'autre tête, qui s'est dessiné à partir de ce moment. »
Et ainsi fût révélé le proche avenir de l'enfant, et le récit continua jusqu'à cette conclusion :
« Et donc, à moins qu'elle ne te rejoigne, cette enfant pourrait causer la perte de ta Cabale... Et la tienne ne saurait alors tarder. »
Le grimoire se mit à léviter, et il fût pris par l'une des serres griffues du démon à deux têtes.
« -- C'est là l'objet de tes convoitises actuelles, mais tu ne t'es pas montré digne de le recevoir jusqu'alors...
-- Si tu t'en montres digne, alors il sera tiens »
Et le démon s'évanouit, laissant Horstmann à ses réflexions. Il se dirigea vers sa monture.
« Il est temps de rentrer Baudros. »
***
Tancrède courût. Peu lui importait que les branches basses lui fouettaient le visage. Il courait, comme si cela pouvait chasser ses sentiments. Il avait fui, et ainsi trompé non pas la confiance que Shragald aurait eu de lui, mais celle de Khorne. Il s'attendait à ce que son cerbère apparaisse à ses trousses, prêt à l'emporter, mais il était prêt à l'accepter. Soudain, ce ne fût pas des aboiements qu'il entendit, mais des cris gutturaux, et deux gors l'attaquèrent. Ses réflexes de guerrier lui permirent cependant d'abattre l'un de ses agresseurs, avant de se ruer sur l'autre. Un coup de hache bien placé lui coupa le bras, avant qu'il ne tue son adversaire.
Sa progression l'amena finalement à une clairière, au centre de laquelle se tenait un obélisque souillé de sang. Au nord de celui-ci se trouvait un amoncellement de crâne, et un guerrier du Chaos, aux couleurs de Khorne, l'accueillit en ces termes :
« Bienvenue au Phare du Sang. Je vois que tu as été introduit auprès du dieu du sang, mais cette façon d'errer dans la forêt ne te permettra pas de trouver facilement d'adversaires dignes. »
De nombreux hommes-bêtes, ainsi que quelques humains, tous couverts rituellement de sang comme Tancrède, vinrent alors. Le nordique y vît alors un signe. Ce guerrier ignorait son méfait et semblait l'inviter parmi les siens. Tancrède avait là un choix : soit il acceptait de rejoindre cette bande, et de tenter de se repentir auprès de Khorne, soit il choisissait de le défier, et de voir son crâne rejoindre le Trône des crânes. Sa décision fût prise...
J'espère que cette histoire vous a plu, et que vous aurez eu autant plaisir à la lire que j'en ai eu à l'écrire. Je pense que l'histoire d'Erika n'est pas prête de s'arrêter, mais pour l'heure, je ne me vois pas reprendre l'écriture. Bon je vous laisse, j'ai presque plus de batterie.