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<b>13. Deep-port 13 et au-delà</b>
Dans la grande fosse de téléportation de la nacelle d'amarrage de deep-port 13, où est flanquée la frégate-cible, Frère alvare s'est dégagé du tir de saturation dont il a assuré la réplique, couvrant ainsi la longue course de ses quatre équipiers vers l'immense navire à l'amarre. Un à un, les quatre marines ont bondi de couvert en couvert, lachant parfois une rafale courte et précise. Un à un, ils ont disparu vers l'objectif, cette frégate opérationnelle qu'enserrent les ruines d'une autre et, de moindre tonnage, quelques cargos à quai.
Alvare ne comprend pas ce que transmet, trop entrecoupé d'un parasitage frustrant, son communicateur de casque. Le bolter lourd l'encombre, maintenant que toutes ses munitions ont à peine suffi à nettoyer l'arrière des retranchements ; les derniers technogardes, démoralisés, se sont enfuis dans les tunnels. Privés d'occupants, ces demi-bunkers demeurent orientés dos au gouffre, où saille sous eux l'immense nacelle d'amarrage. Alvare ne se fait aucune illusion sur ce qui pourrait jaillir des galeries que ces points fortifiés étaient sensés prévenir, <i>plutôt que nous tirer dessus !</i>
L'irrévérence de l'Adeptus Mechanicus, Alvare sait qu'elle n'est due qu'à un obscur officier, une mauvaise transmission des ordres, une fréquence non signalée, un de ces détails inhérent à la bataille comme à l'infériorité pathologique de ces interdits d'Astartes, mais que l'Astartes doit continuellement aider, supporter. Comme beaucoup de ses frères marines, Frère Alvare déteste le manquement. Il cale le bolter lourd en bandoulière, adopte un pas de course bondissant vers la frégate.
D'une poussée sur ses jambes, la gravité presque nulle de la lune d'Eb le jette à travers le tunnel du sas de poupe du bas-pont. Contre toute procédure, l'équipe d'extermination s'est auditivement dispersée, sans même lui laisser de signe, de repère. Ni les orks ni les tyranides, dont les multiples cadavres entremêlés témoignent d'un assaut récent, mais repoussé, sur la nacelle, ni même la jungle qui couvre l'immensité du gouffre où s'est pendu l'avant-poste du Culte de la Machine, ne peuvent être la raison de ce désastre tactique. Si les cargos ne peuvent en afficher autant, la frégate est intacte, ses hublots sont éclairés. Les micros de son casque recompose aux oreilles d'Alvare la sourde mélopée des machineries de bord. Frère Alvare délivre le bolter de son étui de cuisse, enclenche les précieux chargeurs.
Quelques altérations de pénombre. L'auspex s'anime d'une luciole. Le communicateur reste sourd. Sans même prendre la peine de sélectionner le type des bolts, Alvare en lache une rafale de trois sur la silhouette aux épaules alourdies par le respirateur. Dans le ralenti de la quasi apesanteur, le serviteur d'arme se décompose en plusieurs débris gerbant le sang. Alvare progresse avec l'agilité d'un singe dans une ramure dense, se repère à la qualité de capture des ondes radio. La coursive B longe toute la coque extérieure du <i>Fides</i> et s'arbore vers les entre-ponts, où sont défendus l'accès des puits vers la tour de navigation. A chaque sas de travée, barricades de serfs d'équipage, serviteurs éteints, que de précédents assaillants ont, semble-t-il, déjà neutralisé de tirs précis et ulcérés. Près d'une trappe au verrou vaincu, agrippé à un débris d'échelle, un frère à l'épaulière d'argent appelle silencieusement l'aide d'Alvare de sa main de fer.
La reconstruction atomique est toujours plus longue que sa prise de conscience. Et les extrémités de son armure ne sont pas encore pleinement matérialisées que le frère-capitaine Meanus se retourne contre le technoprêtre qui les a précédé dans le téléporteur.
- "Où sont mes autres frères ?! Où est le reste de l'équipe ?!"
Scaphandré à minima, tant les prothèses que couvre sa robe rouge semblent en dispenser son corps, le représentant du culte de la Machine a la voix modulée et métallique, ce qui ne doit rien aux communicateurs de l'escouade.
- "Une simple erreur, souvent cela arrive, les xenos qui nous disputent cette lune ne respectent pas les Esprits de la Machine. Les esprits de la Machine n'ont pas l'impureté de la ruse. Ils protègent ceux qui les servent. Je vais interroger l'Esprit qui nous a guidé..."
Meanus avise Spa d'un haussement du casque. Les deux capitaines activent la carte lumineuse clippée sur leurs avant-bras.
- "Nous sommes à 38 kilomètres de profondeur." est le premier à constater Spa.
Par deux fois de droite à gauche, la demi-rotation du casque de Meanus confirme à Spa le soupir intérieur du Frère-Capitaine. Séparer la décade d'extermination, même vers un téléporteur de décharge, même pour éviter les sautes d'énergie qui auraient mis en péril un transfert complet, est un zèle de trop, trop imposé, trop mécaniste, trop civil.
<i>Ils ne contrôlent plus leurs relais de téléportation.</i> pense de même Spa.
Le technoprêtre a extirpé une mécadendrite de sous sa toge rapée, la visse dans un commutateur externe d'un des piliers du téléporteur.
- "...Louée soit l'omniscience de l'Esprit de la Machine !" déclame le prêtre dans une résonnance soulagée. "Le magos n'est pas loin et même si le danger a été écarté de sa personne, venez à lui, vous qui pour lui avez imposé votre venue. Vos frères vous rejoindrons bientôt, j'en suis par Lui assuré."
Par la respiration transmise dans les communicateurs, le frère-capitaine déteste cette réponse qui lui est faite, comme il a déjà détesté la résistance administrative, polie mais à peine feinte, qui a accueilli les torpilles sur deep-port 3 et retardé leur descente pédestre vers le premier teleport, quatre kilomètres plus bas. Si, dans la brèche qui perce la surface lunaire, trois Ramilies pourraient s'y croiser sans peine, le représentant de l'Omnimessie qui leur sert de guide leur a expliqué que les dommages subis lors des attaques orks privilégiaient -aujourd'hui- de contourner la matière entre les profondeurs kilométriques 8 et 12, 17 et 24. Au-delà, ils seraient seuls juges. <i>La téléportation plutôt que d'affronter l'artillerie ork et déferlement tyranide</i> qui, précisa le prêtre, a déjà abordé définitivement deux frégates aux endroits les plus étroits du gigantesque "trou de ver" irriguant l'exploitation lunaire.
<i>Ô Père, que cette carne de fer et ses semblables aient interdit la téléportation vers les étais perdus, qu'ils en préservent vos fils mes frères, qu'il n'attire pas mon courroux !</i> soumet Meanus dans une prière guillimane.
Il inspecte ses quatre équipiers, leur bolter lourd, un lance-plasma et trois bolter, dont le sien. La caverne n'est qu'une fissure exigüe, en pente, interstice en une strate qui s'est séparée en glissant sur une autre. Même la zone de téléportation et ses cadres angulaires, au centre desquels ils viennent de se rematérialiser, sont ancrés de biais, l'alcove des générateurs gagné dans la roche. Trois modestes projecteurs suffisent à éclairer l'ensemble. Presqu'invisibles, des ruisseaux de gravillons coulent lentement, rappellent l'infime pesanteur, continuent le déplacement séculaire de la strate à travers le teleport 38. Tandis que le technoprêtre s'agrippe à la console pour reparamétrer le téléporteur, l'escouade glisse elle-aussi vers ce fond de fosse. A l'un de ses coins supérieurs, un boyau s'ouvre dans le plafond. Les cendres de lianes, désormais imprimées dans la roche grise, marquent le contour irrégulier de cette lucarne. Nulle autre sortie que ce trou et les marquages hachurés de jaune et de noir désignant, plus haut sur la pente, la zone de téléportation.
<i>Seul un sondage par radiation a pu déceler cette caverne, une téléportation précise y amener de quoi en revenir.</i> La contestation de Meanus s'estompe devant cette preuve d'obstination du Culte de la Machine.
Le technoprêtre a achevé sa tâche. Il se retourne vers l'escouade, désigne le "plafond", tant la couleur plus sombre de la strate supérieure tranche avec celle contre laquelle ils se tiennent.
- "C'est de l'adamantium, de l'adamantium presque pur !"