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<b>16. Les brasiers de l'Aube</b>
Avant de sortir du fortin souterrain, le kan-earl apothicaire a conseillé le casque. Spa en a apprécié les parements neufs, frais, sur son visage qu'il sait meurtri. Profitant de la marche, il domestique sa nouvelle armure. Elle réagit sans peine. Elle l'a acceptée. Spa remercie l'Empereur, Thorcyra, le techmarine. Il se dit que pour les mêmes raisons, le même respect dont l'artificier a entouré l'oeuvre, favorisé son animation par l'âme qui maintenant la pilote, le Dieu-Machine pardonne à Mélanion. Le réconfort que cette conclusion lui apporte s'enchaîne d'un sourire (douloureux) qu'il savoure quand même. Il l'augmente même, car si l'armure lui a tant manqué, maintenant qu'il la porte il se sent nu sans un saint bolter.
Oui, Spa s'en apaise, tout se remet en place, tout reprend sa place. Même cette moquerie à l'encontre de lui-même : comme si un bolter pouvait maintenant lui être remis !
C'est... comique. <i>Qu'il est bon de se moquer à nouveau de soi.</i>
Même si les Scythes ont eu fort peu de relation avec elle, et lui, Spa, encore moins <i>Le cachet concluant les ordres de l'Ordo Xenos, parfois un briefing</i> "Aah !" <i>Il faut que je cesse de rire.</i>, tout ce qu'on dit sur l'Inquisition est donc vrai.
<i>Et c'est un bienfait, Scythes, mes frères.</i>
L'inquisitrice a lu en lui comme sur une ration de combat. Spa connait ses limites. S'il peut penser vers d'autres, en remplacer la parole, c'est comme un bébé qui babille, prononce ses premiers mots, construit ses premières phrases. Il sait juste s'en empêcher, ne pas rayonner de pensées. <i>Frère-Archiviste, tu as eu si peu de temps pour me former.</i> Elle, Carillon, elle est bien plus forte. Il ne la sent même pas fureter. Qu'a-t-elle visité ? C'est si simple à déduire. Les émotions les plus tenaces, <i>les plus voraces.</i> Elle l'a vu tuer l'Iron Hands. Elle sait que Spa a failli, qu'il s'est livré à sa panique, n'a même pas tenté d'infirmer la mort de Meanus, qu'il a fui, submergé, parce qu'il ne peut plus contenir la peur qui mine tout son être, qui dans cette cavité rocheuse l'a enfin vaincu. <i>Depuis Sy'L'Kell, j'ai tenu.</i> La pire des peurs. Celle qui rappelle chaque seconde : <i>Je ne peux plus avoir confiance en moi !</i> Celle qui fait de soi un étranger, un danger pour ses frères, moisit le pilier du devoir et de la foi.
<i>Oui, j'en suis maintenant la preuve.</i> aimerait-il partager dans la chapelle-monastère des Scythes, comme dans toutes les chapelles-monastères de l'Astartes. <i>L'Inquisition respecte les anges de l'Empereur, bien plus qu'ils ne se l'avouent dans la défiance hautaine que trop souvent, entre eux, ils lui vouent !</i> Pour Spa, Carillon incarne cette véritable Inquisition, la limpidité de sa révélation ; de sa charité, si souvent cachée derrière les oripeaux répressifs, le principe de précaution, cachée pour qu'elle demeure sensible. Cette charité fait l'invincibilité de l'Imperium, son indubitable victoire, le terrible poids pesant sur ses guides. Que Carillon soit si belle est un signe de plus de ce profond respect pour l'humain dont Spa sait maintenant qu'il va bénéficier.
<i>Je suis pardonné. Ils m'ont épargné le retour parmi ceux que j'ai floué, ils m'ont isolé ici, soigné, juste condamné à ma douleur, mes retrouvailles. Ils m'ont remis l'armure, préservé la seule faux et le crâne de l'Homme, pour que je m'élève comme j'ai chuté. En mon armure d'élection, je monte maintenant au bûcher.</i>
Dans le coude de l'escalier taillé mais poli par les pas, Carillon se retourne pour attendre la montée encore sifflante de Spa. Dans la lumière éblouissante d'une ouverture proche, la silhouette de l'inquisitrice semble surgir d'une aura divine. Sa vue améliorée capable de corriger l'éblouissement, le marine lève résolument son regard, pense vers les deux émeraudes de son juste bourreau.
<i>Ce bûcher, moi le souhaite !</i>
Carillon lui prend la main, dans ses yeux la satisfaction d'une démarche comprise, entendue.
Symboliquement, elle l'aide ainsi à gravir les dernières marches qui poursuivent vers plus haut l'ascenseur à blindés, passer les vantaux d'adamantium qu'ont marqué des siècles de soumission au Couloir des Tempêtes.
Plus que la silice qu'égrène le vent, la chaleur cuisante du plateau où Spa émerge lui font rapidement visser son casque.
Fitz-Osbern, qu'ils rejoignent au centre d'une petite place encadrée de tentes et de masures à l'allure misérable, vient d'allumer une pipe au bec courbe. A l'ombre des toiles horizontales, quelques humains s'activent paisiblement, se déplacent dans le périmètre qu'entoure un muret d'à peine un mètre de haut, construit de pierres sèches simplement empilées et largement envahi par le sable. Tirant machinalement une bouffée, l'apothicaire observe là-bas, dans l'entrée perçant ce coupe-vent dunaire, les orks poussiéreux et leurs truks-citernes semblablement malmenés par les sables. Discutant avec deux humains en treillis camouflé, les orks font de grands gestes et frappent le sol de la crosse de leurs fling' grossiers. A peine Spa remarque-t-il à sa droite un char Predator, et l'apparent scout qui sommeille sur l'écoutille inclinée de sa tourelle.
Spa contemple l'horizon <i>immense</i> qu'octroie la situation du plateau. Un désert sans fin, de dunes et de rocailles, s'étend sous le camp, le village. Plusieurs pistes y débouchent, se perdent très vite dès que le regard veut descendre pour les suivre. Le kan-earl croit utile de partager l'amusement que lui procure le spectacle.
- "C'est toujours la même chose : une fois sur deux, rien ne les intéresse sauf les dents. On a beau leur expliquer..."
A l'entrée du village, l'un des deux humains en treillis affiche son embarras, préserve sa réflexion en se détournant des orks, aperçoit alors le kan-earl. Geste de patience destiné à temporiser la contradiction des peaux-vertes. L'humain accoure vers Fitz-Osbern.
- "Mes respects, Kan-Earl !"
- "Je les accepte, Caporal Dimio. Problème avec le troc ?"
Le sandguard soupire.
- "Je crois qu'il va encore falloir organiser une course de truks."
Le marine apothicaire lache un souffle amusé.
- "Comme d'habitude. Et bien préviens les diggas de la Gerb-Dune, mais pas plus de deux machoires, cette fois."
- "Oui, Kan, merci, Kan !" repart le caporal, visiblement soulagé.
- "De bons pourvoyeurs d'eau, de bons marchands même, mais ils n'ont aucune notion de gestion des ressources klaniques." conclut Fitz-Osbern à l'attention de Spa.
Le marine approuve du menton. Sans comprendre.
Indifférent même.
Car, irradiant du fond de son ventre, une tension impatiente annule la préparation du Scythe.
<i>Par les orifices suintants de l'Empereur, où est mon bûcher !?</i> baisse-t-il le casque vers sa voisine.
- "Mais, par Nocte et Tenebrae, il est derrière toi !" désigne-t-elle d'un pouce par-dessus l'épaule.
Le juron amusé, si familier de Carillon qu'il suffit souvent à l'identifier, rattire le kan-earl vers le but de leur montée en surface.
En son frère marine, la tension se recompose, reflue, dénoue subitement ce q...
Spa s'est tourné.
Ce qu'il découvre abîme son équilibre.