La suite des aventures de Jimini Painkiller sur Negromundheim vous est offerte par 88 Export la bière qui fait pschitt.
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Les deux squats observaient depuis la passerelle de commandement du vaisseau le va-et-vient des mercenaires qui débarquaient et préparaient leur matériel de combat en dessous d'eux. Le spectacle évoquait une fourmilière qui s'activaient dans un ordre parfait né de décennies d'expériences et d'une discipline rigoureuse.
"Etes-vous satisfait Docteur ?"
En guise de réponse, le docteur Jimini Painkiller tira de sa poche un petit rectangle de métal recouvert de touches numérotées. L'autre fit de même et lui tendit le sien. Painkiler accola les deux rectangles et pressa quelques chiffres.
"Le quart de la somme maintenant capitaine. Le reste après notre retour sur Solurb, comme convenu."
"N'oubliez pas la majoration de un pour-cent par heure standard de retard décompté dès la première minute avec répercussion sur votre facture de la taxe en vigueur sur les opérations militaires libres."
L'autorisation de virement en poche, le capitaine reprit son observation. Il pointa soudain du doigt une forme noire à l'autre bout de la gigantesque plate-forme d'atterrissage. Un humain qui semblait regarder dans leur direction.
"Ils ne nous aiment pas n'est-ce pas ?"
"Ils détestent avoir à engager des mercenaires, à fortiori non humains. Mais ils n'ont pas le choix. La cible est au delà du territoire de New Heldon qu'ils ne peuvent pas survoler. Ce serait un Casus Belli et ils n'en veulent pas. Pour l'instant. Les squats du consortium par contre, ont un accord avec New Heldon qui leur permet d'utiliser leur espace aérien et notre opération sera maquillée en conséquence. Le consortium a accepté de nous couvrir de manière limitée et en échange d'une somme… raisonnable et parce que cette attaque contre la cible les arrange bien eux aussi. Tout le monde les déteste de toutes façons. Ils sont une plaie à la surface de cette planète. Je dois rejoindre mes consultants. A bientôt capitaine."
"Attendez. Prenez ça."
Il lui tendit un petit médaillon de métal. Il était frappé de la rune de Valaya.
"Notre déontologie nous interdit d'accepter tout cadeau d'entreprise. Et par ailleurs, vous savez très bien que je suis athée."
"Je vous en prie Docteur. C'est le cadeau d'un ami qui voudrait vous voir revenir vivant. Cela peut vous protéger là où vous allez."
Painkiller attrapa le petit objet métallique et partit.
***
A l'Est, les terres verdoyantes de l'empire de New Heldon. A l'Ouest commençaient les plaines de cendres. La flotte de gyrocoptères de transport s'éloignaient des terres glaciales qui délimitaient le Vide Septentrional. En tant que groupes de consultants militaires habilités de niveau cinq, la Genocide Inc n'était pas autorisé par la Guilde à posséder d'engins de transport spatial et devait donc systématiquement recourir à la sous-traitance pour l'acheminement des troupes et du matériel ; leur récente accréditation par la guilde, par contre, leur permettait d'entretenir du matériel de combat aérien et Painkiller était impatient de commencer à rentabiliser le lourd investissement qu'avait été l'achat à crédit court terme d'une escadrille polyvalente complète auprès de la B.S.W. Heureusement, la formation des pilotes était incluse dans le coût et il avait profité d'une promotion exceptionnelle pour faire équiper tous les appareils de missiles sol-air auto-guidés au phosphore-sodium. Une technologie rustique mais un résultat toujours aussi spectaculaire que plaisant. La Guilde ayant par ailleurs autorisé cette année l'ouverture de la période des soldes sur l'armement léger plus tôt que d'habitude, Stone avait également fait renouveler tout le matériel personnel des employés par la Death Head Industry au meilleur prix.
Assis à droite du pilote dans le cockpit du gyrocoptère de tête, Painkiller regardaient le sol qui déroulait loin en dessous de lui.
Tout ici le ramenait au douloureux souvenir de sa précédente venue bien des années auparavant et de la débâcle militaire de la ferme aux cochons. Seul survivant de la boucherie innommable à laquelle avait tourné une opération mal préparée et bâclée avec son ami le docteur Samuel Stone qu'il avait ramené dans un état quasi désespéré, ils avaient raccrochés de la régulière pour fonder la Genocide Inc. Ses relations avec l'armée ne s'étaient pas arrêtées là mais c'était une autre histoire.
Il attrapa le communicateur qui le mettait en relation avec l'ensemble de ses combattants.
"Si vous n'avez jamais rien vu de vraiment dégueulasse, regardez par le hublot de droite."
Au loin se dessinait la forme sinistre du gigantesque cratère, cicatrice infernale laissé par un cataclysme cosmique qui avait balafré à tout jamais la surface de cette planète autrefois hospitalière quelques deux siècles plus tôt. Ils étaient à plus de cent kilomètres des limites de l'abysse et même à cette distance, chacun pouvait ressentir ce qu'il y avait d'anormal, de surnaturel dans la vision de cauchemar de ce trou noir et béant qui s'ouvrait sur nulle part. ; que ce n'était pas une simple curiosité géologique ; qu'il y avait quelque chose là au fond.
Quelque chose de mal intentionné.
"Rassurez-moi Docteur : ce n'est pas là qu'on va ?" demanda le pilote. Painkiller fit non de la tête. Pour rien dans l'univers il n'aurait signé un contrat exigeant qu'il s'approche plus près du gouffre maudit. Il pointa du doigt une petite tâche noire à l'horizon.
***
Les squats s'étaient placés en ordre, réunis par unités de combat, prêts à écouter les dernières instructions de leur chef. Les pilotes restaient à l'écart, prêts à reprendre l'air. Ils savaient déjà en quoi allait consister leur travail. Le soleil se couchait au loin, éclairant d'une lueur sanguine et inquiétante la déprimante étendue grise.
Ils étaient une trentaine. Une trentaine au total face aux hordes innombrables de monstres ignobles et difformes qu'était déjà prête à vomir sur eux comment un torrent de pus immonde formé des millions de cloportes mutants, abjects rebuts dégénérés de l'engeance infecte de ce qui avait été des êtres humains et de créatures surgies de l'Abysse animés de la volonté collective de les engloutir la nécropole infernale de Veh-Deh-Merd. En soi, cela n'était pas un sujet d'inquiétude : la pré-étude de faisabilité - dont les conclusions avaient été retenues pour la rédaction du devis définitif par le service marketing - menée par la section Opérations Sub-Tactiques du bureau des experts de la Genocide Inc. avait établi que ce nombre de combattants offrait, étant données le contexte opérationnel, le meilleur rapport entre efficacité et la nécessaire discrétion qu'allait exiger la mission.
Un mois standard plus tôt, un convoi revenant des régions désertiques du Sud et traversant les plaines de cendres, pourtant à bonne distance de Veh-Deh-Merd, avait été attaqué et pillé par une bande de mutants errants. Il n'y avait aucun espoir de retrouver des survivants – dont les autorités de New Anadyr se moquaient de toutes façons éperdument – mais le convoi ramenait une caisse de métal hermétiquement fermée et blindée. Elle était emplie de minerai de negromnium – un métal qu'il était extrêmement rare, même à l'échelle de toute la galaxie, de trouver à l'état natif.
"Pas de questions ?"
Un des mercenaires leva la main, signe qu'il réclamait la parole.
"C'est quoi ce métal qui vaut si cher pour qu'ils nous envoient le récupérer ?"
"Le negromnium est une anomalie de la nature. Un métal potentiellement hautement radioactif qui devrait être physiquement et chimiquement instable mais qui ne l'est pas. On peut s'en servir pour fabriquer des piles atomiques de très grande puissance et la minuscule quantité qui se trouve dans cette caisse représente une source d'énergie colossale. Notre travail consiste a trouver et à sécuriser le caisson de protection après quoi notre gyrocoptère Atho-II viendra le récupérer."
"Un gyrocoptère pour un demi mètre cube de cailloux ? Elle pèse combien votre caisse ?"
"Environ douze tonnes."
Il n'y eut pas d'autre question.
A l'Est, la forme décrépie de la citadelle se découpait dans la lumière du crépuscule, plantée comme un couteau qui blessait une terre déjà meurtrie par le cataclysme au milieu des dunes de cendres. Elle n'était ni réellement impressionnante ni vraiment effrayante. Sa vision était juste malsaine, vaguement écœurante. Par bonheur, ce n'était pas là que se trouvait l'objectif – sans quoi sa récupération eut été un pur suicide – mais dans un petit taudis situé à dix kilomètres de là vers l'Ouest, comme il s'en trouvait beaucoup aux alentours. Les monstres stupides, ignorant la valeur de leur butin, l'avaient très probablement ramené comme un trophée mais, du fait de sa masse, n'avaient pu le traîner plus loin.
Le hameau se composait d'une cinquantaine de huttes misérables faites d'un conglomérat de boue de cendre, de schiste et de silicate. Le travail de construction le plus méprisable qu'il avait jamais été donné à Painkiller et ses soldats de contempler. Mais il n'était pas question de s'attarder à constater ce qu'ils savaient déjà de toutes façons : ces pitoyables créatures étaient des inaptes débiles mentaux et physiques incapables de planter un clou.
Couché dans la cendre, ses jumelles thermiques à la main, Painkiller observait.
"Ils peuvent être deux cent ou trois cent là-dedans. Ce ne sera pas un problème sauf s'ils sont dirigés par un monstre de l'Abîme ou par un Dominator. Dès que nous serons repérés, chacun devra activer son psycho-brouilleur. Vous ne les couperez que sur mon ordre. Si votre brouilleur tombe en panne ou est endommagé, restez le plus prêt possible d'un gars de votre unité portant un brouilleur opérationnel."
Les Dominators étaient sa seule véritable source d'inquiétude : mutants d'apparence quasi humaine capable de dominer psychiquement autrui et de prendre à distance le contrôle d'un esprit, ils exerçaient sur les mutants qui leurs servaient de larbins, une autorité absolue et pouvaient leur conférer une mentalité de groupe capable de mener une attaque concentrée et organisée, transformant des crapules inoffensives à force d'être stupides en vague meurtrière. Il vérifia rapidement son propre psycho-brouilleur. La technologie permettant de fabriquer ces machines était encore à ses balbutiements ; elles coûtaient une véritable fortune, étaient fragile, assez peu fiable et d'un usage, disait-on, dangereux. Chacune incorporait au sein son mécanisme un petit morceau de malepierre, de matière brute du warp solidifiée au contact de la réalité, taillée suivant une forme très précise ; soumises à une contrainte d'origine mécanique, électrique, magnétique ou nucléaire, elle émettait un champ d'énergie psychique à la forme difficile à prédire. A l'inverse, soumise à une contrainte psychique, elle se dotait subitement de propriétés physiques étranges. En la soumettant simultanément à l'action d'un champ magnétique constant et d'un "bruit blanc" électrique, un signal fait d'un enchevêtrement chaotique d'un très large spectre de fréquences différentes, elle émettait un signal perturbateur dans un rayon d'environ un mètre, rendant l'utilisation d'un pouvoir psychique très difficile ou même impossible à l'intérieur de cette bulle et protégeant le porteur d'une éventuelle tentative d'intrusion mentale. Dans une certaine mesure.
La nuit était à présent tombée. Un noir d'encre régnait sur la plaine.
"On entre, on balance tout, on ressort !"
Une des mercenaires qui se trouvait allongée non loin de Painkiller fit la grimace.
"Docteur, si ce genre de proposition machiste héroïque vous aide à vous concentrer sur la mission, parfait. Mais pourriez vous s'il vous plait nous épargner les allusions d'ordre sexuel ?"
"Hein ? Oh pardon."