Feetgave, le retour

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CHAPITRE II

Wurstheim était un village situé sur un petit affluent du Reik connu dans toute la région pour sa spécialité de saucisse fumée très appréciée à Nuln. Blotti derrière une palissade bien gardée et entretenue, le village avait acquis grâce à ce commerce une certaine aisance, visible sur de nombreuses façades. Le Burgmeister, Herr Köll, avait eu la bonne idée d’éloigner légèrement les porcheries et les abattoirs du village, évitant ainsi aux habitants de baigner en permanence dans des effluves nauséabondes. Un coup de vent avait cependant vite fait de rappeler aux Wurstheimers la nature de leur industrie et l’origine de leur richesse.

Heinrich Stunk salua les deux personnes debout sur le sol en parquet de sa salle à manger. Il avait gardé quelques réflexes de briscard de la haute société nulnoise et à la lumière vacillante de l’âtre, il reconnut à leur vêture un confrère médecin et quelqu’un, visiblement âgé, au port d’ancien combattant, qu’il eut plus de mal à situer : un officiel subalterne sûrement.

« Bonsoir, Messieurs. Excusez ma tenue, voilà quelques années que je ne reçois plus de visites… »

L’officiel se précipita vers lui et l’embrassa vigoureusement. Il sembla à Heinrich qu’il connaissait ce visage.

« Ah ! Maître Stunk ! Vous voilà ! Tout le monde vous croyez mort à Nuln. J’étais sûr qu’il n’en était rien, solide comme vous êtes ! Mais nous avons eu un mal fou à vous retrouver !

- Vous êtes trop bon, mais… Qui êtes-vous ?

- Voyons, ai-je changé tant que cela ? Il est vrai que l’âge ne nous fait guère de cadeaux. Attendez, si je vous dis que je souffre d’un mauvais coup de fleuret…

- Ritter Von Fzenrth !

- Chevalier et … Conseiller Municipal von Fzenrth, la Comtesse a bien voulu élever son serviteur.

- Ça c’est bien vous, Ritter…

- Ahaha ! Mon cher ! Je ne saurais compter le nombre d’hommes-rats que j’ai embroché durant la guerre. Ma bravoure n’est plus à démontrer et une généreuse obole a fini par emporter les suffrages des hésitants.

Ils se regardèrent en riant pendant un moment. Heinrich se souvenait à présent. Le Chevalier Von Fzenrth avait été un de ses premiers clients lorsqu’il avait monté sa pratique. Il racontait volontiers qu’il tenait cette vielle blessure d’un duel pour les beaux yeux d’une belle. Il avait depuis dépenser en vain une fortune dans l’espoir d’apaiser ses douleurs.

« Et vous avez trouvé un autre médecin ?

- Ah m’en parlez pas ! Je croule sous les gouttes et les mixtures et mon mal empire ! Tous des bons à rien ! Tous des…

Le deuxième homme s’éclaircit la gorge. Le Chevalier parut se souvenir de la présence de son compagnon et se ravisa.

« Maître Stunk, je vous présente un de vos confrères Maître Ungerech de l’Université. Et nous ne venons pas hélas pas pour moi, ou pour parler du bon vieux temps…

- Mais asseyez-vous je vous en prie, nous serons mieux.

Heinrich désignait deux fauteuils et tira une chaise pour lui-même. Ils s’assirent. Le Chevalier signifia à Heinrich qui souhaitait voir Frida disparaître. Heinrich pria celle-ci de se retirer. Une fois qu’il eut entendu la porte claquer, il reprit avec un clin d’œil complice annonçant le tutoiement :

« C’est un joli petit lot que tu as là, vieux farceur ! Tu as bien vite remplacé ta femme !

- Vous vous trompez, Chevalier.

A la mine que prit Heinrich, il sut qu’il avait gaffé.

« Hum… Si nous parlions ce qui nous amène. Mais Maître Ungerech le fera mieux que moi… »

L’homme avait une trentaine d’année, le visage ascétique encadré de cheveux rares. Heinrich quoiqu’il eut professé quelques années à l’université, ne se souvenait pas l’avoir eu pour élève ou collègue. Il ne s’en surprit pas outre mesure car les échanges étaient fréquents entre les universités du Vieux Monde. D’ailleurs, il crut reconnaître dans sa voix un pointe d’accent d’Altdorf.

« Bonsoir, Maître, nous sommes confus de vous déranger ainsi, si tard et en pleine retraite. Mais nous avons un besoin impérieux qui ne saurait souffrir d’aucun retard, de vous et de vos compétences.

- Comment cela ?

- Un cas résiste à notre science. Le fils d’une excellente famille…

Le Chevalier lui coupa la parole :

« Les von Geheimnis, tu connais sûrement, le père était Premier Ecuyer de feu le Comte von Liebewitz. »

Maître Ungerech reprit, non sans faire une grimace à l’adresse du Chevalier.

« Oui , il s’agit en effet de Gunther von Geheimnis qui est malade et … »

Von Fzenrth l’interrompit à nouveau :

« Malade ? Mourant, oui ! Des fièvres ! Des délires ! Des crises de paralysie et tout le tralala ! C’est pas à coup de saignées et de cataplasmes que ces soi-disant médecins…

- Herr von Fzenrth, vous insultez notre corps et malgré tout le respect que je dois à votre ami, Herr Stunk, et à sa science, je ne vois pas ce qu’il pourra faire de plus que nous ne faisions déjà.

- Attention, jeune ami ! Heinrich a relevé des morts et …

Heinrich Stunk intervint pour calmer la dispute de ses hôtes :

« Voyons, voyons, calmez-vous. Ritter, vous exagérez, je n’ai jamais relevé de mort et il est vrai que je ne dois mon faible talent qu’à mes maîtres du Collegium Medicale. »

Heinrich s’inclina légèrement ainsi que l’autre médecin qui apprécia le compliment.

« Enfin, pourquoi êtes-vous ici ? Cela fait trois ans que je pratique plus et je crains de me pouvoir vous aider.

- Le malade vous réclame…

- Me réclame !

- Oui, absolument.

* * *

Malgré l’urgence, tous convinrent qu’il était déraisonnable de partir immédiatement. De nuit, les chevaux risquaient de se blesser et les routes, n’étaient tout à fait sûres une fois la nuit tombée. On parlait encore dans la région de bandes de mutants et d’autres horreurs en maraude.

Heinrich leur offrit le gîte pour la nuit. Comme ils n’avaient dîné, il leur proposa du pain et du saucisson arrosé d’un vin de table de la région.

Maître Ungerech toucha à peine son assiette et n’ouvrit pas la bouche plus que la politesse l’exigeait.

Von Fzenrth n’avait pas beaucoup changé : il était toujours aussi volubile et son appétit dévorant réjouissait encore ses amphitryons. Il connaissait la vie à Nuln comme sa poche et trouvait son plaisir dans les intrigues, les amours clandestines, les duels et l’entretien de sa moustache. Il faisait un très mauvais sujet.

Heinrich s’enquit des derniers évènements de la scène publique. Parmi d’autres choses, la Comtesse von Liebewitz restait désespérément célibataire. Le chevalier soupçonnait toutefois une idylle naissante avec le fils du Graff de Middenheim. Bref Nuln n’avait pas changé.

Ils partirent pour l’ancienne capitale de l’Empire une heure après l’aube. Morrlieb était encore à demi-visible au dessus des arbres et jouait à cache-cache avec les nuages. Heinrich gardait une calèche et prêtait son cheval à la famille de Frida.

Ce matin, il craignait un peu de la revoir. Elle le bouderait sûrement pour l’avoir mise à la porte la veille. Malgré l’heure matinale, le village bruissait déjà d’activité laborieuse : les paysans partaient aux champs et les éleveurs soignaient leurs bêtes. Frida était encore couchée et il récupéra sa monture sans difficulté auprès du frère de celle-ci

* * *

Des violentes douleurs dorsales rappelaient à Heinrich qu’il n’avait d’une traite Wurtheim-Nuln à cheval depuis un certain temps. Désormais, il prenait plus facilement la diligence. Ce n’était pas beaucoup plus confortable mais tout de même, il fallait le reconnaître moins fatiguant. En moins de cinq ans, la seconde ville de l’Empire avait été largement reconstruite et les traces de l’incendie n’étaient plus visibles.

A la porte Sud, la garde se montra inquisitrice, la prudence était de mise depuis le Grand Incendie. Von Fzenrth donna de la voix pour écourter les formalités.

La Porte Sud derrière eux, les trois cavaliers bifurquèrent vers le quartier de l’Opéra, lieu de résidence des plus anciennes et respectées familles de Nuln. Le quartier avait été épargné par l’incendie et les bâtiments aux façades ornés affichaient sans décence leur richesse.

Ils s’arrêtèrent devant une lourde porte cochère qui ouvrit bientôt un de ses battants. A son contact, Heinrich sentit la magie : un sort d’alarme certainement. Il n’était pas surprenant qu’elle fut enchantée, c’était une prudence élémentaire qu’il employait lui-même à l’occasion. Il y avait peut être un magicien dans la famille. Ils pénétrèrent dans une vaste cour intérieure où deux valets en livrée vinrent s’occuper de leurs montures.

Une partie de la maisonnée accueillit Heinrich Stunk dans le vestibule. Les mines étaient sombres. Un grand vieillard emperruqué et vêtu à l’ancienne mode s’avança, soutenu par une canne.

« Herr Stunk ?

- Mes hommages, Excellence.

Il s’inclina très bas.

« Je suis très honoré…

- Grâce du boniment, il en va de la vie de mon fils. Suivez-moi.

Sans un mot, les trois visiteurs suivirent leur hôte claudiquant. La demeure était réellement immense. De riches tapis assourdissaient les pas et les murs supportaient nombre de tableaux.

Ils s’arrêtèrent devant une porte. Heinrich remarqua un brûleur à encens qui parfumait la pièce jusqu’à la nausée. Le vieillard se retourna vers eux.

« C’est sa chambre. Gunther est très faible et sa maladie lui fait craindre la lumière du jour. Il… Il vaut mieux que… Je vous attends ici. Prenez ce chandelier. Si vous avez besoin de quoique ce soit…»

Il ouvrit la porte. Une odeur pestilentielle que l’encens n’arriva pas à masquer se répandit. Le chevalier von Fzenrth grimaça.

« Si cela n’est pas malséant, je vous pense que je vais vous attendre ici. Je n’entends rien à la médecine. »

Le docteur Ungerech hocha la tête et prit un des chandeliers posés sur le rebord d’une cheminée, l’alluma et le tendit à Heinrich. Il prit lui-même celui que lui offrait von Geheimnis.

Ils entrèrent dans la pièce sombre où un feu s’éteignait. Heinrich distingua un lit à baldaquin avec une forme allongée. Ils s’approchèrent. Le malade semblait dormir allongé sur le dos, sa poitrine se soulevait régulièrement. A la lumière du chandelier, ils virent qu’il n’en était rien : ses yeux exorbités fixaient le ciel du lit. Heinrich eut du mal à mettre un âge sur ce visage tant ses traits étaient tirés. Un filet de bave coulait de sa bouche entrouverte et les draps étaient maculés de vomis et d’excréments. L’odeur était difficilement soutenable.

A ce moment-là, le docteur Ungerech retrouva la parole. Sa voix n’était qu’un filet :

« Voilà, près de quatre mois que son état empire. Nous sommes très certainement en présence de la Lüstern Ungesund ou Lubricus Insania décrite par Maximillian Arzt dans le fameux Medicalis Libri. »

Heinrich n’avait pas connaissance de cet ouvrage mais sa science évoluait si vite… Ungerech continua doctement :

« Pustules vertes qui ont disparu, poches noires persistantes sous les yeux, calvitie précoce, épuisement généralisé… Cette maladie touchent ceux qui mènent vie de débauche et de luxure…

- Pourquoi ces chaînes ?

Heinrich remarquait soudain que le malade était solidement attaché au lit.

« Crises de démence avec décuplement de force rare. Il a brisé des liens en cuir et même attaqué son père. C’est un symptôme non décrit par le Medicalis Libri : j’ai publié un article.

- J’ai déjà rencontré de cette maladie. Mais j’ignore hélas son traitement…

Ungerech lui décocha un regard venimeux :

« Le Medicalis Libri propose une décoction de Rouille Mouchetée et d’Artisia. Nous ne vous avons pas attendu pour cela. La famille a engagé de gros frais. Contre toute science, le remède n’a eu aucun effet.

- Si j’en juge par mon expérience et l’état du malade, il devrait déjà être… Permettez que je l’oscule ?

- Faites, je vous en prie.

Heinrich posa au sol sa sacoche qui l’encombrait depuis qu’il était descendu de cheval et releva ses manches. Ses bésicles ajustées sur son nez, il ôta délicatement la couverture du malade jusqu’à mi-torse. Les côtes étaient saillantes.

« Il refuse toute alimentation ?

- C’est exact.

- Depuis combien de temps ?

- Bien deux semaines...

- Morr devrait l’avoir accueilli en son royaume depuis longtemps... Et il m’aurait réclamé ? Je ne le vois pas capable de prononcer un seul mot.

- En effet, j’y venais. A plusieurs reprises pendant ces crises… Nous avons eu un mal fou à trouver dans votre retraite. C’est votre ami, le Chevalier Von Fzentch, qui nous a guidé jusqu’à vous.

Il passa sa main sur le visage cireux, la pupille ne bougea pas.

Soudain, Heinrich perçut une aura magique très faible au premier abord, mais qui se renforçait de seconde en seconde.

Il ne put retenir un cri lorsqu’une main lui agrippa l’avant-bras. Elle était brûlante de magie.

« HEINRICH STUNK ? C’est toi Heinrich ?

Les yeux le fixait follement sans le voir. Il n’avait pas eu l’impression de voir les lèvres violacées du malade bouger. Il déglutit. La voix était puissante, rocailleuse. Quoique le timbre lui était inconnu, les intonations lui rappelaient… Cette voix…

« C’est toi, Heinrich ? Oui… je sens que c’est toi… »

La main décharnée du malade maintenait son étreinte douloureuse. Ces bésicles glissèrent de son nez et tombèrent sur le lit.

« Peter !

- Peter… Il y a une éternité que l’on ne m’a plus appelé par ce nom… Une éternité…

- Lâche-moi ! Laisse mourir ce garçon en paix !

- C’est lui qui est venu me chercher…

Peter Bücker était le plus minable de tous les sorciers qu’il avait connu dans sa jeunesse alors qu’il courait les routes avec Elena. Peter était un bon compagnon mais, après qu’ils se furent séparés, il avait mal tourné. Depuis, Heinrich avait du mal à mettre des mots sur ce qui lui était arrivé… Une nuit, il avait déjà entendu cette voix dans la bouche d’un nouveau-né dont la mère avait fini sur un bûcher de la Reikplatz… Il y avait plus quinze ans…

« Que veux-tu, Peter ? Pourquoi… pourquoi m’as-tu fait appeler ?

- Tu te souviens, Heinrich… Dans le temps…

- Le Peter que je connaissais est mort depuis longtemps.

- HAHA ! Toujours aussi stupide… Je pourrais d’un souffle éteindre ton âme. Tu es un vieillard, Heinrich. Ton temps fini. Le mien ne fait que commencer. Tu devrais comprendre que j’ai choisi le bon camps.

- Faux, tu te trompes encore, Peter. Comme toute ta vie, tu t’es trompé. Tue moi ! Je mourrais serein. Garde ton éternité de damnation !

- Tu me rappèles un nain qui parlait ainsi, il y a longtemps… Mais je ne me suis pas dérangé pour te tuer. Ce ne serait pas drôle.

- Que veux-tu alors ? Je suis le dernier de la bande que nous formions. Ils sont tous morts…

- Il ne s’agit pas de cela. Tu as fait naître, il y a longtemps un enfant, une fille…

- Un horrible mutant… Oui, je me souviens…

Heinrich frissonna. Il se rappelait parfaitement cette nuit de terreur.

« Cette enfant, ma fille, est adulte désormais. Sa force va grandissante et bientôt vos pauvres royaumes seront à ses genoux… A mes genoux… »

Heinrich ne savait que répondre. La voix continua :

« Tu vas hésiter. Tu vas te dire que ton temps est terminé et que tu es trop vieux pour courir les routes. C’est ce que l’homme sensé se dirait. Mais toi non. Tu vas faire tout ce qui est en ton pouvoir pour la stopper. Tu es bon… »

La voix insista odieusement sur ce dernier mot.

« De savoir que des peuples vont être massacré en mon nom, te révulse… Je me trompe ? »

Heinrich parvient enfin à se défaire de la main du malade, sa chair était brûlée. il recula de deux pas.

« Bonne chance, Heinrich. Et adieu, c’est la dernière fois que tu m’entends. Sache que j’éprouve un très vif plaisir à me mesurer à toi par l’intermédiaire de mon héritière… J’entends déjà les cris des innocents qu’elle m’offre, la brave petite… »

A fin de la dernière phrase, le corps du malade s’effondra tout à fait. Heinrich se retourna. Von Fzentch et von Geheimnis avaient ouvert la porte et le dévisageait comme un vérolé. Décomposé de peur et de stupéfaction, Ungerech avait du mal à retrouver la parole. Ce fut Heinrich qui rompit le silence gêné.

« Hum… Il est mort, semble-t-il. »

* * *

« Qu’allez-vous faire, maintenant ? »

Le Chevalier von Fzentch trottait à coté d’Heinrich dans les rues animées du quartier étudiant de Nuln. Il avait reprit le vouvoiement comme chaque fois qu’il était sérieux.

« D’abord, je me rends au temple de Shallya sur la tombe de ma femme. Je vais réfléchir.

- Sans moi, alors. Je n’ai jamais pu comprendre comment de si belles femmes pouvait consacrer leur jeunesse aux choses célestes.

- Et repousser vos assauts ? Vous êtes un libertin, Ritter.

- Trêve de morale : je sais d’où vient la maladie qu’avait contracté le jeune Gunther. Je n’ignore pas grand chose des mœurs d’une certaine société. Cependant une petite sauterie n’a jamais tué personne, j’en sais quelque chose. D’ailleurs, vous convenez vous-même le phénomène dont nous avons été témoins, n’a rien à voir avec sa maladie.

- C’est probable, en effet.

- Même Ungerech était de cet avis. Cependant je ne comprends pas comment cette …chose, que vous avez appelée Peter, pouvait vous connaître personnellement.

- C’est une longue histoire, Chevalier. Je vous raconterais le peu que je sais dès que possible. Mais je tiens beaucoup que ce nous venons de voir ne s’ébruite pas pour l’instant. Le danger n’est certainement pas immédiat.

- Le risque est minime : von Geheimnis est sûr, de même que sa maison est habituée aux secrets d’Etat. Ungerech ne dira rien car je peux faire pleuvoir sur sa pratique les pires ennuis. Je serais moi-même une tombe.

- Je ne vous en demande pas tant. Si vous pouviez m’appuyer de votre amitié et de votre influence politique le moment venu, je vous en serez infiniment reconnaissant.

- Vous acceptez donc le défi qui vous est lancé ?

- Oui. Peter me connaissait bien.

En passant devant le cabaret « Verena bien-aimée » où des étudiants s’enivraient à toute heure du jour et de la nuit, une chanson retentit à leur passage :

« Les bourgeois, c’est comme les cochons :

Plus ça devient vieux plus ça devient bête.

Les bourgeois, c’est comme les cochons :

Plus ça devient vieux plus ça devient con ! »

* * *

« Bonjour, Elena. Cela fait un moment que je n’étais venu te voir. Excuse-moi, les longs voyages commencent à me porter peine. »

Heinrich était débout en face de la tombe de sa femme dans le jardin de l’hospice de Shallya de Nuln. Situé dans l’Altstadt, le quartier le plus misérable de la ville, les religieuses se consacraient au soin des plus démunis. Elles sœurs l’avaient bien accueilli, les plus anciennes se souvenaient du temps où il venait deux à trois fois par semaine dispenser des soins gratuitement. Elena était profondément attachée à cet endroit aussi les sœurs avaient accepté que sa dépouille mortelle y soit inhumée.

« Bonjour, docteur Stunk. »

Heinrich se retourna. Il reconnut immédiatement la Mère Supérieure Empfindlich qu’il connaissait bien. Sa vue lui provoqua un vif plaisir.

« Votre femme est heureuse auprès de Shallya.

- Bonjour, Mère Supérieure, je suis content de voir que vous allez mieux, les nouvelles que j’avais de votre santé n’étaient pas très bonnes.

- Il est vrai que l’on ne vous voit plus beaucoup.

- Nuln est loin et je me fais vieux.

- Pourtant, vous allez encore au-devant du danger…

- On vous a dit ?

- Je sais.

Heinrich s’appuya sur la stèle gravée au nom de sa femme. Les initiées entretenaient les sépultures avec un soin méticuleux et des bosquets de fleurs odoriférantes faisaient oublier l’austérité de l’endroit. La mère Supérieure poursuivit :

« Pourtant, ne vous y trompez pas, le péril n’est pas pour ce monde.

- Que…Que voulez-vous dire ?

- Que la créature que vous traquez devra être annihilée ici pour que la dévastation ne s’étende pas ailleurs. Mais vous n’êtes pas seul : le chevalier sera votre bras et vous rencontrerez dans les temps deux nouveaux soutiens qui partagent votre quête.

- Je ne comprends pas… Comment savez-vous cela ?

Une voix interrompit l’entretien. Deux novices courraient vers lui. Les joues colorées par leur course, elles saluèrent manquant de perdre l’équilibre. La plus grande s’adressa à lui avec un débit rapide :

« Excusez notre audace, Maître Stunk. Mais nous avons appris que vous étiez en nos murs. Nous sommes Anita et Karin Aufseher. Nous profitons de la pause pour vous remercier de tout ce vous avez fait pour nous et notre famille. »

Heinrich avait identifia les nièces de Frida. Il les avait aidé à entrer ici comme novices, il y a deux ans.

« Ce n’est rien... Mais vous nous dérangez : la Mère Supérieure et moi…

- La Mère Supérieure ?

En effet, Heinrich se rendit soudain compte de l’absence de son interlocutrice.

« Hélas, notre Mère nous a quitté, il y a près de trois mois… »

* * *

Loin de là, bien au Nord, le temps était à la pluie. De lourds nuages d’orage, encombraient le ciel et les vents de magie grise parcourait le sol comme une brume mouvante. Protégée du crachin par une toge d’étoffe grossière maintenue par une corde et un sort parepluie, l’élémentaliste Anita s’appuya sur son bâton pour souffler. Elle posa son faix de bois mort.

Avec une certaine amertume, elle constatait l’épuisement de son corps sous le poids des ans. Elle avait de plus en plus de mal à se mouvoir. Parfois, ses mains tremblaient comme des feuilles dans le vent d’automne. Les quarante années qu’elle avait vécu dans une grotte et à dormir à même le sol laissaient des marques. Pourtant, pour rien au monde, elle n’aurait renoncé à cette vie toute entière harmonieuse. Lorsque l’heure viendrait, elle accepterait la mort comme elle avait accepté la vie. Son énergie se dissoudrait dans les vents de magie et son corps retournerait à la Mère Nature. Il n’y avait qu’une seule peine, qu’une seule anxiété, qui troublait encore parfois ses nuits : Gretel était partie.

Gretel était la petite fille qu’elle avait recueilli il y avait bien longtemps alors que des créatures malfaisantes dévastaient le village de Beeckerhoven. Ses parents étaient morts dans le pillage et elle-même avait souffert en sa chair du vice et de la corruption.

Au sein de la forêt protectrice, Anita avait aidé l’enfant à surmonter son traumatisme et l’avait instruite des mystères de Taal, de son épouse Rhya, ainsi que ceux de la magie élémentaire. Gretel était maintenant une belle jeune femme qui avaient largement dépassé sa maîtresse en tout y compris dans la pratique des arts magiques. Elle voyait des choses qu’Anita n’avait toute sa vie qu’entrevues.

Un soir, alors qu’elles avaient passé l’après-midi en méditation, Gretel avait déclaré qu’il était temps pour elle de s’en aller. La Viydagg lui avait dit.

La Viydagg ! Gretel s’entretenait avec une Viydagg ! Un Elémental de vie ! Anita avait eu du mal à la croire. Jamais, elle n’avait approché une et ne connaissait leur existence que par ouï-dire. Elle réalisa alors que Gretel ne faisait pas seulement une méditation à la manière qu’elle lui avait enseigner mais qu’elle explorait mentalement d’autres plans. Quoiqu’elle s’était toujours douté des compétences de son élève, il y avait désormais un ravin entre elles, ravin qu’Anita ne pourrait jamais espérer combler.

La Viydagg lui avait encore révélé la vérité sur les sentiments ambiguës qu’Anita éprouvait à son égard. Comment pouvait-elle savoir qu’elle veillait parfois la nuit pour la regarder dormir ? Qu’une seule fois, elle avait osé effleurer ses lèvres des siennes dans son sommeil ? Anita ne savait où se mettre mais Gretel, du haut de ces vingt ans, n’était nullement troublée. Elle lui avait simplement déclaré que l’amour était un sentiment vain et inutile pour ceux qui n’ont pas vocation à enfanter. Elle s’était ensuite levé et elle était partie C’était il y avait plus de cinq ans.

L’orage éclata. La pluie tomba drue comme souvent dans les orages d’été. Des tourbillons verts troublaient la brume de magie grise. Le sort pare-pluie isolait entièrement Anita des intempéries et elle s’assit sur un rocher.

Evidement, elle avait essayé de la retrouver pour essayer de lui expliquer et de lui demander pardon… Mais elle ne l’avait jamais revu. Parfois, elle sentait une présence à quelque distance. Elle se déplaçait alors dans la direction où elle avait cru percevoir… mais non, ce n’était rien.

Dans le temps, toutes deux détruisaient grâce à leurs pouvoirs les êtres malveillants qui s’avançaient dans leur territoire. Elles soignaient les animaux et les plantes. Elles cueillaient et préparaient toutes sortes d’herbes médicinales qu’elles donnaient aux vielles femmes qui venaient les consulter. Même en parlant peu, elles écoutaient les bruits de la civilisation des hommes. La forêt était encore davantage éloquente et elles passaient des heures à converser avec les arbres ou les oiseaux.

L’élémentaliste se redressa. Elle n’avait pensé à garder le bois sur elle et le fagot était trempé. Il brûlerait mal. L’orage avait fait subitement baisser la température, elle grelotta. Il lui fallait chercher un abri, elle était encore assez loin de son refuge habituel. Elle sentit soudain une vague de chaleur, la température monta soudain jusqu’à un niveau très agréable.

« Gretel ! »

Pour la première fois depuis cinq ans, Anita réentendait le son de sa propre voix. Elle parlait si peu…

Gretel était là, droite, à dix pas d’elle. L’eau ruisselait sur son corps nu. Elle avait changé... Les dernières rondeurs de l’adolescence disparus rendaient son corps athlétique, davantage sculpté. Ses traits s’était affermis et elle transpirait une expression de sévérité qu’elle ne lui connaissait pas… L’air farouche d’une déesse…

« Tu as changé… »

La réponse fut cinglante comme la lanière d’un fouet :

« Toi aussi, tu as vieilli. »

Une telle froideur correspondait tout à fait à l’expression de son visage. Mais pourquoi cela ? Que lui avait-elle fait ? Où était la Gretel qu’elle avait élevé, avec qui elle avait fait tant de chose ? Elle ne savait que dire. Après un long silence où elles se dévisagèrent en silence, Gretel parla :

« L’Ordre a besoin de toi.

- L’ «Ordre» ? Qu’est-ce ?

- La Viydagg.

- La Viydagg.a besoin de moi ?

- Oui, elle veut que tu m’accompagnes.

- Pour aller où ?

- Dans le Sud.

- Tu vas longtemps continuer à parler par énigme ?

- Aussi longtemps que nécessaire.

- Alors ta Viydagg et toi, vous pouvez vous démerder.

Anita ne réalisa pas tout de suite ce qu’il se passait : son ancienne élève lui lançait un sort. La température baissa immédiatement et sa vue se troubla soudain pour ne laisser place qu’à un voile noir. Elle fit un pas en arrière et trébucha.

« Ah ! Tu m’as aveuglé !

- Tu sauras désormais qu’on obéit à la Viydagg. Mais rassure-toi, elle ne te veut pas de mal. Ta vue va revenir rapidement.

En effet, le voile noir se déchira par endroit et sa vue redevint normale en quelques secondes.

« Ainsi tu n’es plus la Gretel que je connaissais…

- Peu importe. Sache qu’il s’agit d’aller traquer un adversaire que nous avons déjà rencontré toi et moi. Toi, ils t’ont cruellement blessé. Moi, ils m’ont sali.

Anita passa la main sur sa poitrine, elle sentit la cicatrice de la longue effilade qu’elle avait gagné en affrontant les horreurs qui incendièrent Beeckerhoven.

« La Viydagg nous autorise à nous venger, et à venger ceux qui sont morts par leur faute.

- Ainsi, ils sont de retour…

(Modification du message : 20-03-2004, 22:08 par Patatovitch.)

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