Pour moi Ran et Kagemusha sont les plus accessibles et les plus "forts" des films de Kurosawa sur le Japon féodal, mais y a aussi les 7 samourais ou Yojimbo qui sont très biens, mais peut-être un schouilla moins accessibles.
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Le samurai suit avant tout le code du Bushido, code moral extrêmement strict qui régie un statut honorable en toutes choses. A ceci s'ajoute les impératifs posés par le Clan du Samurai ainsi que toute sa hiérarchie remontant jusqu'au Shogun en passant par toute la pyramide féodo-vassalique des daimyô. Au final, avant de sortir son katana pour tout exploser, chaque samurai se bat intérieurement pour déterminer si sa prochaine action (ou non action) publique lui vaudra les honneurs ou la disgrâce. Et pour couronner le tout, on peut avoir conservé son honneur tout en ayant été rabaissé au rang de Rônin (cf Miyamoto Musashi et Ogami Itto)
Je veux pas faire une trop grosse digression historique, mais... attention à l'idéalisation facile, il y a un monde entre la théorie et ce que fut la réalité.
Sinon, le chevalier médiéval est un modèle de vertu: honneur, humilité, justice, respect de l'adversaire, défenseur des faibles... et tout le tintouin... et il faut pas lire beaucoup de bouquins pour se rendre compte qu'historiquement, la plupart des chevaliers étaient des soudards violents, brutaux, pillards à l'occasion, qui n'hésitaient pas une seconde à ravager des campagnes entières et à s'attaquer à des adversaires sans défense, ou au contraire de grands nobles bien plus intéressés par leurs intérêts politiques et économiques et se drapant dans l'idéal chevaleresque quand ça les arrangeait et s'asseyant dessus bien confortablement dans le cas inverse....
Pour le Samouraï honorable, stoïque, "zen", loyal à son clan et son daimyo jusque dans la mort, prêt à se suicider à sa demande, c'est aussi un idéal, une figure du samouraï idéal comme nous avons eu l'image du preux chevalier.
Dans les faits, c'était rarement le cas. Comme dans notre Histoire en Occident, les Samouraïs étaient une classe aristocratique lié à l'activité guerrière, peu à peu devenue une aristocratie bureaucratique durant l'ère Edo après la fin des guerres entre clans au XVIIème siècle.
Du coup la "réalité" du samouraï varie en fonction de l'époque. Le bushi de l'ère Kamakura et du premier Shoguna n'est pas le même que celui de l'ère Sengoku ou de celui de l'ère Edo. Les codes d'honneur ont évolué, ont été théorisés, couchés sur le papier et "institutionnalisés" que tardivement. Le Bushido, qui trouve certainement ses racines dans des coutumes anciennes, est une invention tardive du Japon féodal, peut-être même (c'est quelque chose qui est souvent revenu dans mes lectures sur le sujet), comme les romans de chevalerie et les Croisades chez nous, un moyen de canaliser ou tout du moins de tenter de contrôller les débordements violents qui vont de paire avec une caste guerrière en quête d'exploits martiaux comme celle des SAmouraïs.
Mais à l'époque de Sengoku, lors de laquelle le Japon est plongé dans une longue guerre civile entre clan, le statut de SAmouraï est flou: il va du ronin ou du bushi pauvre au puissant seigneur entouré de toute sa cour et de sa culture raffinée. Les uns comme les autres, comme les chevaliers en Europe, pouvaient très bien se comporter comme de véritables soudards, pillant, tuant, et se servant des idéaux de leur castes uniquement quand ça les arrangeait. Trahison, massacres et pillages sont, comme certaines périodes de notre Moyen Age, monnaie courante avant que le shogunat Tokugawa mette les samouraï au pas. En outre, à l'époque, l'état de conflit permanent fait que ces codes sociaux et moraux sont fluctuants.
On est souvent très loin du mec zen faisant preuve d'une abnégation totale et guerrier excellentissime qui médite sous les pétales de cerisiers.... D'ailleurs Kurosawa met souvent en scène des personnages peu honorables, souvent peu subtils, bourrins et qui ont souvent des comportements couards ou de véritables soudards.
Le cinéma aurait très bien pu s'emparer de ces aspects plus guerriers et moins disciplinés, et c'est plus présent, en tous cas chez Kurosawa, qu'on l'imagine souvent. Après, c'est aussi logique qu'il reprenne l'image d'épinal, plus poétique et marquante, mais faut pas trop prendre tout ça au pied de la lettre.
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<em style="color:#272a34;">Le Dernier Samurai</em>
est très bon (même s'il y a à redire) et c'est la perception holywoodienne du Japon féodal la plus sérieuse à ce jour.
Ouais..... J'ai pas d'autres exemples qui me viennent en tête (la série "Shogun"? Mais on peut pas vraiment dire qu'elle est hollywoodienne), mais je sais pas si on peut dire ça...
Les SAmouraï de l'ère Meiji montré comme de gentils animistes défenseurs de la tradition dans leur belle montagne rustique et champêtre, habillés avec des armures périmés de 3 ou 400 ans (c'est un peu comme si on faisait un film sur la guerre de 14 avec des Poilus attifés en armures Renaissance) qui refusent d'utiliser des flingues (alors que les armes à feu existent dans les armées japonaises depuis le XVIème siècle), mouais..... La révolte de Satsuma, c'était surtout une réaction aristocratique, certains samouraï ayant peur de perdre les privilèges de leur caste que leur garantissait le régime traditionaliste et "figé" de l'ère Tokugawa.
Mais ça reste un bon blockbuster avec une bonne ambiance et de bonnes idées de mise en scène (les Samouraï en armure complètes qui beuglent leurs cris de guerre au fond des bois avant de charger à travers le brouillard, on dira ce qu'on voudra, ça a de la gueule), on est d'accord. Ca aurait été encore mieux si ça s'était passé pendant l'ère de Sengoku (mais ça aurait difficile de caser Tom Cruise, sauf en missionnaire jésuite peut-être?).