Le (seul) truc à lire sur la campagne de France - 1940

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Bonjour / Guten Tag,

Bon, je me suis encore perdu dans les rayonnages d'une librairie today. Et je suis tombé sur un "vieille" ami.

Le bouquin a été publié en bon françois en 2003. Mais là je suis tombé sur la version de poche et en discutant avec le gars du rayon, cela avait l'air de marcher du tonnerre. Pour mon plus grand plaisir parce que je ne pense pas que "les gens" sont des veaux par nature.

Donc, pour pas que vous ne passiez pour des bœufs lors d'un dîner chic:

Le Mythe de la guerre-éclair, La campagne de l'Ouest de 1940 par Karl-Heinz Frieser, édition Belin alpha (12.50 €).

En tant que wargameur, je me sens plus ou moins obligé de lire de la littérature militaire. Et dans la catégorie Histoire, la sous-catégorie la plus pénible à lire est bien l'Histoire Militaire. Ce qui fait que c'est en plissant les yeux que j'aborde toute nouveauté dans ce genre.

Et il y a bien un thème qui n'a guère ni queue ni tête, c'est la France durant la seconde guerre mondiale.

Pourquoi?

"Nous" (les savants que l'on paye cher avec nos impôts) avons décidé de poser un mouchoir pudique sur cette période. Je ne parle même pas des gauchistes de bases qui fanfaronnent sur les exploits des cheminots de la cgt ou des récits d'histoires de gloriole écrit par des "journalistes" (qui valent ce qu'ils valent mais restent au niveau du journalisme et pas du travail d'historien).

Les "autres", ils s'en branlent.

Les "Anglo-saxons": le britannique a ravalé l'invasion de la France à la Belgique (faut dire que ça a été vite). Le Yankee, la France ou la Belgique c'est pareil, il sait pas où mettre ça sur la map.

Donc, la campagne de l'Ouest. Bliztkrieg tout ça, c'est de la petite guerre avant les choses sérieuses. Et faudrait réfléchir (et lire la doc en français) pour avoir un avis sérieux, bref ça fait mal à la tête, on peut les comprendre.

J'avoue que je force le trait. Les "profs" français ont fait des recherches mais surtout sociétales (parce que la guerre, pouah y a du sang & des salauds).

Et la meilleure doc sur Vichy vient d'un Yankee (qui lui aussi a été surpris du manque d’intérêt des chercheurs français): Robert O. Paxton.

Comme ça, si vous voulez lire un truc sérieux sur Vichy, il n'y a quasiment que ce gars, vous serez.

Vous me direz, j'ai la dent dur. C'est vrai, quand je me force à lire des milliers de pages sur un sujet et que tous les cons affublés d'un diplôme ratent l'éléphant dans le couloir. ça me rend sanguin. [img]<fileStore.core_Emoticons>/emoticons/default_skull.gif[/img]

Je précise, je ne suis ni historien ni militaire. Donc de base, je suis humble, je suis ouvert d'esprit.

Quand on aborde le pourquoi du comment d'une victoire éclaire allemande. On nous dit Blitzkrieg.

Okey.... Et c'est quoi cette merde?

"Ah bah, vous savez. Les nouvelles techniques, le couple Avion/Tank, tous ça..."

Mais encore?

"Alors, voilà, la Blitzkrieg selon l'état-major allemand, c'est:"

TOUS, OUI, TOUS, les historiens ont donné "leur recette" de la Blitzkrieg qui comme par hasard va dans le sens de leur thèse.

Dans un sens, c'est pas faux, vu qu'ils donnent eux même la définition de la chose. [img]<fileStore.core_Emoticons>/emoticons/default_tongue.png[/img]

Le côté ballot de la chose (que j'avais un poil reniflé, mais je suis qu'un civil innocent), c'est que Blitzkrieg est avant tout un terme de journaliste repris par les propagandes gouvernementales mais qui ne reposent que sur le sentiment de journalistes (donc sur pas grand-chose concrètement).

Même les militaires allemands de l'époque n'étaient pas au courant de la faire. Non, ni d'un point de vue stratégique, opérationnel ou tactique. La littérature allemande est muette sur le sujet....

Alors, faire un travail sur le sujet.... voilà, voilà. Donc, si vous ne comprenez guère pourquoi les allemands on roulait sur les Alliés, c'est normal. Les chiffres sont faux, le postulat est un fantasme de l'historien du moment. On n'avançait guère. Jusqu'à l'arrivé de l'enfant béni: le bon Karl.

Je le redis calmement, mais l'unique travail valable à l'heure actuelle au monde est ce bouquin. Le reste, vous ne comprenez pas trop parce que c'est trop fumeux dans l'argumentaire. Le seul qui m'a fait comprendre la campagne de France de 1940 c'est ce gars là.

Et en plus, ça ce lit facilement pour de l'histoire militaire.

si jamais, vous vous interessez/questionnez à ce sujet: plop ce bouquin, le reste... Non, je les ai presque tous fait, prenez celui-ci. Vous aurez la Bible entre les mains.

J'ai commencé "La bataille de France, jour après jour" de Dominique Lormier au Cherche Midi. Il a l'air vraiment très bien et casse l'idée de la promenade de santé allemande.

Alors lui, c'est entre l'historien et le journaliste. ^^

Personnellement, j'ai lu Comme des lions : Mai-juin 1940 : le sacrifice héroïque de l'armée française. Le problème est l'angle choisie, franco-français. Il met en valeur l'armée française, que je ne conteste pas.

L'armée allemande a eu du mal dans les combats urbains, pas facile pour les blindés, en particulier à Lille (un gros hub quand même). Après, l'état-major français a tenté la technique de l'hérisson en faisant des points forts sur les nœuds routiers du pays. Et l'allemand avec les blindés tout terrain a choisi des les éviter, so....

Le Karl a vraiment pris en compte les "deux bords" (alliés "divers" et allemand).

Lornier, par exemple, a du mal a explicité les choix de Gamelin. Si on considère que Gamelin est un con fini, c'est que l'on a du mal à se mettre à sa place.

De manière ironique, Gamelin et Staline ont eu un peu le même dilemme face à l'offensive allemande. Si on ne comprend pas "l'aveuglement" des deux face aux allemands, c'est que l'on a raté un épisode.

Et malheureusement, Lormier sur cette perspective est léger. Je ne dis pas qu'il est mauvais ou mensonger mais plutôt qu'il fait le compte des occasions ratées. ce qui est un peu ras les pâquerettes.

C'est pour cela que le bouquin de Herr Frieser est vraiment génial. Il rend vraiment limpide le parcours de la campagne des deux côtés. Alors qu'avec Lormier, on se dit "mais pourquoi les froggy ont perdus si vite".

C'est pour cela que je me suis fendu d'un billet sur ce bouquin qui est un must have à mes yeux.

(Modification du message : 05-11-2015, 01:44 par Rachlonzir.)

C'est entend que Lormier a à coeur de redorer le blason de l'armée française lors de cette campagne, et il faut le lire comme ça. Le fait que l'armée française se soit bien battue n'altère pas la rapidité de la défaite, tout simplement.

Je note en tout cas la référence du livre ;)


Bien battue tout est relatif quant même. Mon grand père m'a raconté avoir été lâché (sans le savoir) derrière la ligne allemande, sans fusil (véridique) avant de se faire cueillir gentiment et comme une fleur par l’armée allemande qui regroupait les prisonniers avant de leur indiquer le convois vers l’Allemagne le plus proche.

Donc Lormier peut bien tenter de redorer le blason, on c'est pris une grosse tôlée et pis c'est tout. Et je suis d'accord avec Rachlonzir pour dire qu'il nous reste encore aujourd'hui a comprendre pourquoi...


Citation :<div>on s'est pris une grosse tôlée et pis c'est tout. Et je suis d'accord avec Rachlonzir pour dire qu'il nous reste encore aujourd'hui a comprendre pourquoi...
</div>
On connait quand même une partie des raisons de la défaite... J'ai pas le temps de développer (et de revenir sur certains points du premier post..) mais la défaite française est en grande partie imputable à l'incurie du commandement français et au manque de volonté politique, notamment pour préserver la République.


Merci pour ce retour, j'ai lu "comme des lions" qui était intéressant mais manque d'une vision stratégique de la chose.

Lorsque l'on prend les chiffres brut, la campagne de France a tout de même coûté très cher à l'armée allemande et le nombre de morts du côté français n'et pas à prendre à la légère. Il est vrai qu'en temps que Français, on a toujours plus tendance à s'intéresser à la victoire d'Austerlitz qu'à la défaite de Waterloo, allez comprendre pourquoi?^^


Vas y c'est quoi les stats?

Moi j'avoue du cote WW2 je me suis plus intéressé au massacre de St Petersbourg et Stalingrad qu'au opération sur le sol français.


En gros, les pertes allemandes sont plus élevés (pourcentage, hein!) que pendant l'opération barbarossa, après 1943, les russes font mieux. La luftwaff perd aussi beaucoup de pilotes expérimentés qui vont manquer lors de la bataille d'Angleterre.

En gros, la campagne de France est une formidable victoire tactique mais qui n'est stratégiquement pas utilisé par l'Allemagne. Bien sûr, avec le recul, il est très facile d'avoir cette vision des choses, fin 1940, il était compliqué pour le monde entier d'imaginer que les allemands allaient perdre la guerre.


Citation :<div>
Vas y c'est quoi les stats?

Moi j'avoue du cote WW2 je me suis plus intéressé au massacre de St Petersbourg et Stalingrad qu'au opération sur le sol français.

</div>
Un peu plus de trois millions de soldats de chaque côté. La France aligne près de 2000 blindés dont les excellents B1 capables de tenir tête aux Panzers, d'autres datent un peu (le FT 17 par exemple) plus ceux des alliés, britanniques surtout, on dépasse 3000. Les Allemands alignent environ 2500 chars, la plupart "modernes" (l'Allemagne commençant sont réarmement en 1933 avec l'arrivée des nazis au pouvoir). La plupart des troupes sont encore des... fantassins ou hypomobiles (oui, à cheval...). Par contre, la Luftwaffe a la maîtrise des airs (5500 avions contre 3000). L'armée allemande bénéficie aussi d'une "expérience" acquises notamment en Espagne.

Au final, les "alliés" perdent environ 70 000 soldats, les deux tiers de leurs chars (capturés ou détruits). Les Allemands laissent sur place environ 1200 chars et autant d'avions, c'est pas rien.

Donc quand on regarde les chiffres bruts, la "défaite" n'est pas évidente. Steve a bien résumé l'essentiel au dessus "En gros, la campagne de France est une formidable victoire tactique mais qui n'est stratégiquement pas utilisé par l'Allemagne."

Pourquoi "victoire tactique" et "désastre français" ?

J'en reviens à ce que je disais précédemment. L'état-major français est dépassé. La plupart des chefs sont âgés (Gamelin, Pétain...) et n'ont pas complètement saisi la portée de l'utilisation des chars et de l'aviation. Ils n''arrivent pas à mettre sur pied une tactique défensive et s'y tenir. Notamment, les blindés sont disséminés le long de la ligne de front plutôt que de les concentrer pour stopper une percée ou couper la retraite ennemie comme le font au même moment... les Allemands. Ce qui donne cette impression de "guerre-éclair," frapper vite et fort. Ainsi, les Allemands "percent" le front et foncent à toute berzingue (anecdote célèbre, Rommel qui coupe sa radio pour ne pas recevoir l'ordre de temporiser de ces supérieurs, Guderian en tête) sur des objectifs aussi bien militaires que politiques. Prendre Paris, moralement, ça fait mal...

Bref, sans coordination ni commandement vigoureux, l'armée française est sur le reculoir. Mais pas battue. La défaite avant d'être militaire est politique. Les dirigeants - Weygand, Lebrun, Herriot entre autres) s'affolent (pourquoi ne pas transférer l'aviation et la marine en Algérie comme proposé par Reynaud ?), la République est accusée de tous les maux, on voit en Pétain le "Sauveur" (il a "gagné" Verdun, là aussi belle escroquerie...tu parles d'une victoire). Ceux qui gardent la tête froide (Mandel, Blum) sont trop rares. Clap de fin pour la IIIéme Rép., Voilà Vichy qui ne souhaite pas poursuivre l'effort de guerre.

La suite, on la connait et effectivement, lisez Robert Paxton.